A propos d'Une Tourmente de neige de
Léon Tolstoï, oeuvre de jeunesse
Le 24 janvier 1854 tolstoï, qui a vingt-cinq ans, est pris dans une tempête de neige alors qu'il revient du Caucase, sur le chemin de la maison, Iasnaïa Poliana. Il erre toute la nuit et risque d'être enseveli. Il se promet, s'il réchappe à cette tourmente, d'en tirer un récit. Sauvé, il note dans son journal : " Pour réussir dans la vie, il faut être brave, résolu et garder son sang-froid".
Deux ans se passent : tolstoï rejoint l'armée de Crimée ; il fait le siège de Sébastopol, au cours duquel il écrit
les Récits de Sébastopol ; ces Récits paraissent dans le Contemporain et ont un vif succès ; puis tolstoï part pour Pétersbourg.
En janvier 1856, deux ans après la nuit de la tempête, il commence à écrire Une Tourmente de neige. La nouvelle paraît en mars de la même année dans le Contemporain.
Info remontée par Bienstock et Biriukov
28 mars 2024
On a toujours quelque chose à dire sur une critique un peu ancienne.
Bon,
Tolstoi a écrit deux tempêtes de neige : une la présente écrite dans sa jeunesse et parachevée en 10 jours en février 1856 où il est question d'une chose vécue pendant l'hiver 1854-55 , le narrateur face aux éléments qui se déchaînent et qui lui font perdre son chemin dans la Russie profonde ; la deuxième qui est plus un conte :
Maître et serviteur écrit en 1895, soit 40 ans plus tard, et là c'est une tout autre histoire puisqu'il est question, alors que la neige s'épaissit jusqu'à ne plus voir la route, le maître sur une affaire pressente n'en fait qu'à sa tête et bien imprudemment s'engage dans forêts et champs enneigés par des chemins tortueux pour acheter un bois à un marchand, accompagné de son boy, sans compter sur un troisième personnage dont on ne parle pas, mais qui est pourtant bien présent,
le cheval. La sort de l'un va dépendre du sort de l'autre au cours de péripéties assourdissantes…
Mais revenons à la première tempête de neige. Je l'avais franchement oubliée en quatre ans. En lisant les lignes suivantes émanant probablement de
Michel Aucouturier que voici : « Ces nouvelles témoignent de l'art de
Tolstoi d'accorder moins d'importance aux événements et plus de caractère aux images poétiques , mettant l'accent sur les personnages et les relations entre seigneurs et paysans : dans
Lucerne.., dans les
Deux hussards ..,
Michel Aucouturier, directeur de collection chez Gallimard signe une longue préface à ces textes réunis où la poésie l'emporte. En 35 pages, c'est toute l'expertise du grand spécialiste de
Tolstoi en France qui apparaît : elle s'impose, à moi absolument !
Je ne sais pas à vrai dire pourquoi ce texte si beau, si « naturel » avait échappé à mon attention ces dernières années. Il devait être en sommeil, alors que je me suis porté sur les autres récemment comme les
Deux Hussards et
le Cheval par exemple.
Ce qui me remet en selle est aussi le sentiment par rapport à la neige que j'ai valorisée dans un certain nombre de peintures et qui remontent aussi aujourd'hui comme par hasard. Une d'elles pourrait très bien illustrer la Tempête de neige !..
Ce texte est un récit semi-autographique inspiré d'un épisode réellement vécu par l'auteur alors qu'il revenait du sud en direction d'Iasnaia Poliana.
« Vers sept heures du soir, après avoir bu le thé, je quittai le relais dont je ne me rappelle plus le nom, mais je me souviens que c'était quelque part sur le territoire de l'armée du Don, près de Novotcherkask. Il faisait déjà nuit lorsqu'enveloppé dans la pelisse et le tablier, je m'assis dans le traîneau à côté d'Aliochka …
« La petite clochette commençait à s'éteindre ; un petit courant d'air frais, à travers quelque ouverture de la manche, me glissait dans le dos, et je me souvins du conseil du maître de poste de ne pas partir dans la crainte d'errer toute la nuit et de geler en route.. »
Certes, mais se le rappeler alors que l'équipage semblait engagé dans sa course sans équivoque , n'était pas de nature à altérer cette crainte. En relisant ce passage, j'en vois un autre presque diabolique, ce jeune joueur de banjo dans Délivrance, dégénéré de son état assis sur un pontet qui voit passer les quatre aventuriers venant de la civilisation à bord d'une embarcation, qui semble visiblement leur échapper : c'était en fait le signal que les choses allaient se gâter pour eux. Cet air de banjo leur était offert, mais pour le pire.