Les rhinolophes sont de mignonnes chauves-souris à nez de cochon. Ces messagères, apprivoisées par l'étrangère, iront délivrer ses lettres d'amour à la reine Othilie, une reine tellement aimée et désirée, bien qu'elle soit mariée au roi Raimundis 1er, que ses prétendants, pour souscrire à ses désirs, vont se pendre eux-mêmes au gan eden, le jardin des pendus.
Par mimétisme, le terme de rhinolophe s'étend aux 20 lettres d'amour absolu envoyées par l'étrangère à la reine depuis le pic, en face du château, où elle élève ses petites amies chauves-souris, car le gan eden n'est pas pour elle. Son amour est si fort qu'elle refuse de le faire mourir. Les lettres sont préfacées par des extraits de poèmes d'auteurs connus tels que
Renée Vivien, Paul Éluard,
Pablo Neruda… Elles ont des accents de vécu.
Malheureusement, le roi a surpris la reine lisant un rhinolophe. Il en prend ombrage, fait arrêter l'étrangère et décimer les messagères. Refusant toujours de rejoindre le gan eden, l'étrangère, que la reine ne veut pas faire assassiner, demeure désormais dans un cachot sous le château. Elle y note ses pensées. 10 pensées. Puis, ses pensées deviennent des fleurs-poèmes, des fleurs de cachot dont certaines sont doubles. 48 fleurs-poèmes : 5 vers, 4 fois 4 syllabes et une fois deux syllabes.
Ces poèmes sont magnifiques !
Mais il se trouve que les fleurs de cachot fleurissent tant et tant qu'elles dévorent l'oxygène de la cellule, asphyxiant l'étrangère, allant même jusqu'à s'insinuer dans les murs pour fleurir au dehors.
La reine n'en peut plus de ce désordre, elle décide d'exiler l'étrangère.
L'épilogue rend compte de la visite de Kationa, héroïne des Corps glorieux, autre roman de l'auteure, premier d'une trilogie, et une annexe raconte comment la reine Othilie s'est enfuie à l'annonce de ses noces et a été enlevée par une créature fabuleuse : Queen Kong.
Dans un article de la Montagne, quotidien local,
Céline Maltère reconnait que la matière de son livre lui vient d'une histoire d'amour vécue, à sens unique. Comme toujours dans ses romans, elle infuse dans son intrigue de nombreuses références littéraires et travestit la réalité de la façon parfois très noire qui fait son originalité.
Pour aller plus loin dans la sublimation de cet amour, elle a fait réaliser 10 coffrets contenant chacun, en plus du livre, quelques lettres à la reine Othilie, 4 éprouvettes renfermant des fleurs-poèmes – les mêmes que celles emportées par la reine Kationa qui n'est peut-être, dans cette histoire, qu'une passerelle rêvée entre la reine et son infortunée amoureuse – un calendrier othiliaire et une photo d'un des lieux de l'histoire. L'intérêt de ces coffrets réside dans le fait qu'ils se répartissent l'ensemble des lettres et des poèmes-fleurs : la chair de ce livre. Tout autant que publier ces lettres et poèmes, échos de nos propres chagrins d'amour, réaliser ces coffrets se révèle une idée géniale. En plus d'être des objets de collection, ces coffrets-rhinolophes redistribuent les cartes à dix personnes différentes – mais non indifférentes cette fois – qui reflètent par là-même l'image idéale mais éclatée de la reine Othilie. Je suis l'une d'entre elles. CB
Chronique parue dans Gandahar 27 en mars 2021