Comment écrire un livre de voyage (1840, Frederick Marryatt) n'a pas grand-chose à voir avec le Petit éloge de l'outre-mer (2018, François Garde) que je viens de commenter, sinon le statut de haut fonctionnaire de leurs auteurs respectifs : Marryatt a été chargé, en 1821, de faire parvenir en Angleterre, toutes voiles dehors, la dépêche officialisant la mort de Napoléon !
Point de voyage lointain dans ce tout petit livre ? Si ! celui que doit raconter au mieux, pour un ouvrage de commande, le malheureux Ansard, qui ne s'est jamais aventuré au-delà des côtes anglaises. Qu'à cela ne tienne. Son ange gardien et ami, Barnstaple, va lui souffler avec autorité la recette ad hoc : une pincée de remarques sur le(s) paysage(s), la description d'un village, incluant son église et sa population, le tout ponctué par trois anecdotes ; une louche de curiosités naturelles et de réflexions sur les femmes, puis « méditations, aventure » et enfin « au lit ».
Ansard se pique au jeu ; toujours cornaqué par son ami qui le sauve dans les moments d'essoufflement, il rédige un parfait récit, s'appuyant sur de multiples plagiats, et n'omettant ni la maladie du voyageur (guérie par trois douzaines de bouteilles de champagne) ni la disparition tragique de son caniche, prénommé Mouton.
Marti94 a raison : ce texte peut faire penser à l'excellent Comment parler des livres que l'on n'a pas lus ? de Pierre Bayard ; mais chez ce dernier, ni trucage, ni plagiat : juste du bon sens, de l'humour et un (gros) zeste de culture.
Quant à Ansard, il conclut : « En somme, je n'ai d'autre choix que l'éloquence et par conséquent ne peux qu'exercer ma profession tant bien que mal, en étant aussi prolixe, commun peut-être, menteur certainement, que le plus florissant de mes confrères ». Les choses ont-elles tellement changé ?
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Un sympa petit livre.
Sous forme d'une petite pièce de théâtre, l'auteur critique la mode, au XIXe siècle, des récits de voyage. Il semblerait que certains livres de commandes se soient faits depuis le canapé de leur auteur… sans en bouger.
On découvre donc un homme qui est mandaté par un éditeur pour écrire un récit de voyage. Sans vraie idée, il demande de l'aide à un ami qui lui donne la méthode à suivre pour écrire un ouvrage palpitant sans sortir de son bureau : lire tous les autres livres sur le lieu du soi-disant voyage, inventer des péripéties pour attendrir/émouvoir le lecteur ou lectrice.
Ce petit livre se lit tout seul. J'avoue que j'ai beaucoup aimé la critique qui découle de cette pièce.
Difficile de dire beaucoup plus sur ce tout petit ouvrage. Il permet de passer un bon moment. Par ailleurs, il m'a donné envie d'en savoir plus sur cette fameuse mode des récits de voyage au XIXe.
À découvrir.
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Sachez qu'à l'aide d'une carte et d'un répertoire géographique, je rédigerais une livre de voyage bien plus amusant que la plupart de ceux qui sont aujourd'hui imposés aux lecteurs.
BARNSTAPLE.- A propos, avez-vous déjà fait entrer Madame de Staël dans votre récit ?
ANSARD.- Non. Comment diable pourrais-je m’y prendre ?
BARNSTAPLE.- Comme le font tous les voyageurs : sans ménagement aucun. Mais peu importe la manière, il faut impérativement que Madame de Staël trouve place dans votre ouvrage.
ANSARD.- Ecrivez, c’est bien facile à dire ! Peindre des choses que je n’ai jamais vues, des détails qui n’ont jamais eu lieu, des paysages dont je n’ai pas la moindre idée, le tout assis dans mon vieux fauteuil ! Ecrivez, c’est bien facile à dire, mais dites-moi donc comment faire !
Le plus difficile est de se lancer. Si seulement je tenais mon premier chapitre... Dans quelle tonalité, dans quel style vais-je écrire ? Ce premier chapitre donnerait le LA et annoncerait les variations à venir.
Les anglais sont enchantés quand on souligne leur prédisposition à recevoir.