Lu dans le cadre du prochain club-lecture organisé par la médiathèque de ma ville et dont le thème sera cette fois-ci, non pas un auteur ou une littérature spécifique à un pays mais un éditeur, et donc ici P.O.L, je me suis laissée plus que prendre au jeu. En effet, j'ai vraiment beaucoup apprécié cette lecture dans laquelle plusieurs thèmes sont abordés, aussi divers les uns que les autres et plus ou moins graves je dirais.
Adèle est une jeune femme qui vit recluse dans les plateaux de la Haute-Ardèche, isolée du monde et pourtant tellement proche de tout. En effet, Adèle n'est pas une femme comme les autres puisqu'en venant au monde, Adèle n'était tout simplement pas une femme mais ça, très peu de personnes le savent, à part Alex, son petit frère qui ne lui a jamais pardonné de l'ignominie qu'elle / il a fait en acceptant de s'accepter tel(le) qu'il se sentait depuis longtemps à l'intérieur de lui, à savoir, une intelligence de femme prisonnière dans un corps d'homme.
Depuis, Adèle a fait son chemin (et vous verrez que c'est à prendre autant au sens propre qu'au sens figuré) car même si elle se sent enfin elle-même depuis cette transformation, elle se régale dans son métier avec ses adorables gamins qu'elle conduit à travers les routes sinueuses pour aller à l'école chaque jour. Nielle, Sylvain, Nadège, les deux M (Marie et Marine), Sébastien et j'en passe...tout ce petit monde est ce qu'elle a de plus précieux dans sa vie. Certains sont encore à l'âge d'aller à l'école tandis que d'autres vont au collège ou lycée mais Adèle a l'impression que, eux au moins, ils ne la jugeront jamais...
Une histoire sur la vie lorsque l'on se sent isolé du monde, autant de par la situation géographique qui se veut difficile d'accès, presque inaccessible...mais aussi par le fait que l'on se sait différent(e) et que l'on se sait pas si les gens qui nous sont proches finiront enfin un jour à nous accepter et nous aimer tels que nous sommes...
Une écriture fluide et légère, qui rend la lecture de cet ouvrage très rapide, même si le lecteur se sent un peu déstabilisé au départ, ne sachant pas trop dans quoi il va s'engager. Un roman sur des ados, sur l'identité, sur la différence des sexes, sur la vie des fermiers et de leur progéniture ? Oui, un roman sur tout cela à la fois, bref, un roman sur la vie quoi ! A découvrir !
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"J'ai retrouvé le goût d'eux juste ce matin, comme chaque année, en me levant très longtemps à l'avance pour aller chercher la navette au garage, et me préparer tranquille, à conduire lentement dans ma nuit, avant d'aller les prendre, un par un ou presque, au tout début de leur premier jour d'école".
Dans un plateau d'Ardèche isolé et en altitude, Adèle est conductrice d'une navette scolaire. Dans un entrelacs de petites routes qui frôlent le vide ou traversent la campagne, elle rejoint les hameaux pour prendre à son bord quelques enfants et adolescents. du plateau aux écoles et inversement deux fois par jour et par tous les temps. Adèle aime ces enfants qui le matin sentent la ferme et le sommeil, peu bavards souvent encore plongés dans leurs nuits. Elle les connaît par coeur : l'histoire des familles, les amitiés, les amours de ces adolescents dont le corps change l'espace d'un été. Elle devine leurs humeurs quand ils montent dans sa navette. Eux la respecte, ils savent que la route n'est pas exempte de tout danger. Les paysage délivrent beauté et puissance à chaque trajet.
Très vite, on est troublé car Adèle la narratrice emploie le masculin/ féminin pour parler d'elle.
la suite sur :
http://fibromaman.blogspot.fr/2014/01/emmanuelle-pagano-les-adolescents.html
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"[...] je me disais que rire autant et ensemble dans la mémoire de ce que les gens appellent le malheur, ce devait être ça le talent de la fratrie, le talent d'être frère et sœur."
Mon bouleau comme le reste est bleu, sali d’hématomes, sans feuilles en hiver il prend le marine des épicéas, sans âge il prend la forme de l’eau, des larmes, se redresse un peu, puis avec les feuilles glabres, douces, il se fait border de mousses outremer, mais le lac ne déborde que sur lui-même, et mon bouleau se lave au même endroit à l’eau, à l’air du lac, et moi je suis assise en dessous »…
Du brouillard, dans l’humus jusqu’au corps des arbres, inscrit dans les écorces, et quand s’étalent les brumes de l’air, nos pupilles sont énormes..
« La rumeur traversera le plateau lentement. Avec le redoux, les brumes descendront en avalanches fumantes sur les parois des gorges et on aura juste l’impression d’être dans un mauvais film…
Mon frère a grandi plus vite que moi, et quand j'avais neuf ou dix ans, il est devenu plus fort et plus grand (il en avait tout juste huit). Il aimait se bagarrer, moi pas, et je prenais conscience de ma différence en me regardant comme inversée dans ses jeux de plus en plus brutaux. Je me comprenais fille lentement, en creux du corps et des coups de mon petit grand frère - Davy Crocket c'était lui, et moi tout le reste : les arbres, les castors, la solitude, la tourbière léchée par la rivière.
"Je sais que le temps passera sur les racontars, les blessures. Les ragots deviendront ce qu'ils auraient cru cracher, une certaine vérité, la mienne."
"La mémoire, il faut la laver et la remplir tous les jours."
Emmanuelle Salasc - Ni de lait ni de laine - éditions P.O.L
Où Emmanuelle Salasc - qui s'est appelée Emmanuelle Pagano - tente de dire de quoi et comment est composé son recueil de nouvelles "Ni de lait ni de laine" et où il est notamment question de l'écriture de textes courts, du je et du nous, du il et du elle, de familles dysfonctionnelles et d'autobiographie, d'identification aux personnages et de non fiction, de la parution en "formatpoche de '"Nouons nous", -et où Emmanuelle Salasc lit la nouvelle "A trottinette"-, à l'occasion de la parution aux éditions P.O.L de "Ni de lait ni de laine", à Paris le 17 avril 2024
"La famille, tout le monde en a une, même ceux qui n'en ont pas, même ceux qui en ont plusieurs.
La famille, c'est l'endroit au monde où on est le plus aimé, le plus haï, le plus protégé, le plus violenté, le plus soutenu, le plus abandonné, le plus nié, le plus encouragé, le plus cajolé, le plus admiré, le plus dénigré, le plus compris, le plus incompris. La famille est un superlatif. On y est seul, on y est nombreux."
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