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EAN : 9798651603879
250 pages
Auto édition (05/12/2020)
4.29/5   128 notes
Résumé :
Restée seule au milieu du jardin, la petite fille s’est relevée. Il ne lui reste plus qu’un ou deux mètres de terrain à travailler. Elle se rappelle les paroles de son père : «les mauvaises herbes, il faut les déraciner. Une fois que tu as bien supprimé les racines, la plante ne repousse plus, elle est morte à jamais».

Elle ne se doute pas que dans son cœur commence à germer une graine de mauvaise herbe; elle ne sait pas à ce moment précis qu’elle au... >Voir plus
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Avec ce nouveau roman, Yves Montmartin nous prouve, haut la main, qu'il est un écrivain utile. En effet, selon Marguerite Yourcenar (Les yeux ouverts) : « Tout écrivain est utile ou nuisible, l'un des deux. Il est nuisible s'il écrit du fatras, s'il déforme ou falsifie (même inconsciemment) pour obtenir un effet ou un scandale ; s'il se conforme sans conviction à des opinions auxquelles il ne croit pas. Il est utile s'il ajoute à la lucidité du lecteur, le débarrasse de timidités ou de préjugés, lui fait voir et sentir ce que le lecteur n'aurait ni vu ni senti sans lui. »

Cette histoire tragique d'Amira Hachouri, permet à l'écrivain de nous faire sentir, en nous brusquant à bon escient, par une fin terrible, la cruauté de la violence faite au femme au nom de préceptes religieux et de croyances culturelles exprimés à plusieurs reprises par des voix aussi bien masculines que féminines : « Une femme doit rester à la maison pour élever ses enfants et s'occuper de son mari (p. 197) ».

Ce roman, se lit vite et avec plaisir renouvelé à chacun des 28 chapitres. Bien rythmé, il apparaît d'abord comme un périple dans l'Algérie contemporaine. En effet, la protagoniste, Amira (en arabe « princesse ») est née en 1994 (elle a 16 ans lors de la coupe du monde de football en Afrique du Sud, soit en 2010) et le récit est découpé en quatre parties désignées par les noms des saisons (Printemps, Été, Automne et Hiver). L'auteur insiste aussi bien en exergue, qu'à travers les remerciements à la fin du livre sur l'inspiration à partir de faits réels. C'est en cela qu'il s'avère être un écrivain « utile » : il procède d'une nécessaire prise de conscience.

Les émotions qu'il nous fait ressentir sont multiples. Je n'entends pas dévoiler l'histoire d'Amira (dont l'enfance a tout d'un conte de fées) et de sa famille, mais je précise néanmoins qu'on assiste à trois mariages d'époques différentes (dans le chapitre 4 qui évoque la nuit de noces des parents d'Amira, Salim et Hadjila, dans le chapitre 11, le mariage de Loubna, la meilleure amie d'Amira et enfin, dans le chapitre 20, qui fait référence au mariage d'Amira), un enterrement et une naissance.

Deux autres éléments ont retenu mon attention et ont suscité mon admiration. L'auteur a parfaitement intégré à son récit un attentat terroriste et un clin d'oeil à babelio.

Page 130 Amira lance : « – Et si nous allions fêter toutes les deux ton retour en dégustant une pâtisserie à la terrasse du Milk Bar. Si ce café est un des plus fréquentés de la ville, il est malheureusement célèbre aussi pour l'attentat perpétré par le FLN le dimanche 30 septembre 1956, le dernier jour des vacances scolaires. Deux engins explosifs avaient été déposés devant la terrasse où se pressaient de nombreuses familles. Il était 18 h 35 quand l'explosion avait retenti, il y avait du sang partout… ! ». Quelle concision dans l'évocation nécessaire de cet attentat ! En à peine une page tout est résumé pour marquer au fer rouge l'esprit du lecteur.

Le chapitre 19 s'intitule « Scriberio ». J'ai souri devant cette astuce littéraire : éloge à notre site adoré et à la force de la littérature qui nous « débarrasse de timidités ou de préjugés ».

Du paradis perdu de l'enfance algérienne aux violences intolérables qu'elle subit, Amira est un personnage qui me marquera profondément. Yves Montmartin a incontestablement « ajouté » à ma lucidité de lectrice.
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L‘épigraphe signée Jim Fergus, choisie par Yves Montmartin, pour son roman La mauvaise herbe est parfaitement adaptée à l'esprit de celui-ci : « Toutes les religions semblent être organisées au bénéfice du sexe masculin, avec pour conséquence que les femmes sont reléguées au second plan : elles accouchent, élèvent les enfants, s'occupent des corvées. Voilà pourquoi je me méfie des religions. »
Qui est cette mauvaise herbe, qui la traite ainsi et pourquoi ? Telles sont les questions soulevées par l'auteur dans ce roman divisé en quatre saisons qui seront comme des tranches de vie pour notre héroïne Amira, la mauvaise herbe.
Avant d'entrer dans ces quatre périodes, est offert au lecteur un tableau écrit saisissant, dans lequel un père apprend à son enfant à arracher méticuleusement les mauvaises herbes dans les rangées de légumes : « les mauvaises herbes, il faut les déraciner. Une fois que tu as bien supprimé les racines, la plante ne repousse plus, elle est morte à jamais ». Difficile de ne pas saisir la métaphore...
Tout s'annonce bien pour cette petite fille née en Algérie le premier jour du printemps, troisième enfant après deux garçons. Son père Salim est donc comblé et a choisi son prénom : Amira, qui signifie « princesse » en arabe, disant à ses amis « Maintenant que j'ai mes deux rois, je peux accueillir une princesse ». Sa mère Hadjila est une épouse silencieuse et dévouée. Tante Nour, elle, Amira du haut de ses cinq ans, dit qu'elle est leur soleil ! Elle est une Bayra (une périmée) terme employé pour celles qui sont encore célibataires à 35 ans. Elle a toujours refusé les prétendants proposés faisant de ses études sa priorité absolue. Elle est devenue infirmière. Raïssa, la grand-mère d'Amira a d'ailleurs mis en garde plusieurs fois son père de la mauvaise influence qu'elle pourrait introduire dans sa cervelle. Bientôt de nouveaux voisins vont s'installer et Loubna deviendra vite la meilleure amie d'Amira et elles feront leur première rentrée des classes ensemble.
Amira est une enfant pleine d'énergie, un peu casse-cou, éprise de liberté et déterminée à choisir elle-même son mari, le moment venu. Elle n'aura rapidement qu'un seul souhait devenir professeur de français. La suite montrera malheureusement qu'ils et elles sont nombreux à voir en elle la mauvaise herbe...
En racontant le destin tragique de cette enfant algérienne devenue une belle jeune femme pleine d'enthousiasme et d'espoir mais rejointe malgré elle par le poids des traditions culturelles et de la religion, Yves Montmartin, de manière très documentée réussit magistralement à nous faire prendre conscience de la difficulté à s'émanciper de ces chaînes.
En incluant dans le récit, la fête de l'Indépendance ou la fête de l'Aïd el Kebir, l'auteur nous plonge dans la vie même d'Alger sans oublier de nous faire revivre les manifestations de janvier 2011contre notamment la flambée des prix. Sont aussi évoqués lors d'une dégustation de pâtisseries à la terrasse du Milk Bar, l'attentat perpétré par le FLN le 30 septembre 1956 dans ce même café.
Quelques termes arabes glissés çà et là renforcent ce sentiment d'être au plus près d'Amira.
Il dépeint bien également la vie de l'exilé, celui qui doit vivre dans un pays étranger avec ce que cela implique de difficultés et de sentiment d'éloignement de son pays.
Impossible de rester indifférent à cette tragédie finale. Comment est-il possible que les femmes aient pu être reléguées à ces rôles d'enfantement, d'obéissance et de soumission ? Pourquoi, en ces temps dits éclairés, de tels sentiments et de tels préceptes peuvent-ils encore avoir valeur d'écoute ?
C'est un roman que j'ai lu d'une seule traite tant j'ai eu le désir de suivre cette gamine dont la photo magnifique de la couverture exprime au plus près la représentation que je m'en suis faite. Son amitié presque fusionnelle avec Loubna, sa correspondance avec Sofia par pseudo interposés via Scriberio, clin d'oeil à notre site préféré ainsi que son ultime amitié avec Giulia accompagnées par un amour inconditionnel pour la littérature éclairent brillamment ce roman mais ne réussissent cependant pas à faire oublier les violences intolérables et injustifiables commises au nom d'un dieu quel qu'il soit. Il serait temps de mettre fin à cet obscurantisme encore bien contemporain.
Mais soyons optimistes, car on réalise enfin que les mauvaises herbes du jardin possèdent en réalité bien des qualités et que le temps où on les éradiquait tout simplement est révolu !
Je remercie Yves Montmartin pour la découverte de ce roman poignant, ô combien émouvant et inoubliable que je conseille à chacun afin de prendre conscience de cette terrible réalité et également de ce que peut être l'exil.

Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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La mauvaise herbe - Yves Montmartin - Roman - auto-édition La chouette à lunette - lu en février 2021.

Dans son préambule, Yves Montmartin explique qu'une part de son roman est de la fiction, que certains faits et lieux sont réels et d'autres, le fruit de son imagination.

Si Yves Montmartin est très heureux de partager les 242 pages de son roman avec nous, j'ajoute que je suis ravie et lui suis reconnaissante de me l'avoir envoyé.

Il est dédié "à toutes les fillettes, à toutes les jeunes filles, à toutes les femmes victimes de violences verbales, psychologiques, physiques ou sexuelles"

Cette dédicace annonce déjà de quoi parle ce roman, un sujet qui me parle.

Il est découpé en quatre parties qui représentent les quatre saisons, en commençant par le printemps.

J'ai partagé au fil de ces quatre saisons la vie d'Amira, prénom qui signifie
princesse, d'abord petite fille joyeuse, délurée, pleine de vie, âgée de 5 ans
découvrant l'école, les livres, l'amitié inconditionnelle de Loubna sa petite voisine. Une enfance heureuse auprès de sa famille dans l'Algérie d'après l'indépendance. C'est le printemps, la saison de toutes les éclosions.

Amira grandit, devient une jeune fille bien déterminée à faire des études, elle veut devenir professeure de français. Son amie Loubna, elle voudrait bien faire les Beaux-Arts, mais se marie (elle n'a que 17 ans) amoureuse de Driss (qui veut dire celui qui a la connaissance), avant d'avoir entamé ce parcours, , croyant qu'elle pourrait le reprendre une fois à Lyon avec son mari. Mais les choses ne tournent pas comme elles devraient. Amira continue à étudier, avec acharnement pour obtenir son Bac et avoir accès à l'Université. C'est l'été de tous les possibles, mais aussi des événements terribles, le sentiment d'insécurité s'installe, des attentats terroristes ont lieu, des manifestations populaires, des émeutes.
C'est l'été du retour au pays pour les vacances des émigrés donnant lieu à de grands rassemblements familiaux.

Amira entre à la Faculté de Lettres et de Langues, entre ses cours et ses travaux, elle continue à correspondre avec Loubna si loin d'elle. Elles se racontent leur quotidien. Amira au fil du temps sent bien que Loubna n'est pas heureuse. Amira ne songe pas aux garçons, elle veut à tout prix réaliser son rêve d'être professeure et n'a pas de temps à perdre en fêtes et autres amusements d'étudiants, elle passe son temps libre à la bibliothèque.
Un jour, la nouvelle tombe, elle ne reverra plus jamais son amie Loubna.
Amira obtient son diplôme et va avoir son premier poste d'enseignante, elle est émue et stressée. Avec son premier salaire, elle s'offre un ordinateur indispensable pour son travail, elle est amenée à faire des recherches et tombe par hasard sur le site Scriberio, ressemblant comme deux gouttes d'eau à Babelio ! Et hop, elle s'inscrit et communique avec un pseudo ses lectures, échange avec Sofia (Catlechat), elles deviennent amies. Sofia est portugaise. Amira a 26 ans, un emploi, elle peut penser à son avenir. C'est l'automne, les jours qui raccourcissent, la saison de l'introspection.

Driss est veuf depuis quelques années et désire se remarier, il fait sa demande aux parents d'Amira, le père d'Amira lui dit que si cela ne lui convient pas, elle peut refuser. Mais Amira accepte contre toute attente, elle a envie d'un enfant, elle se projette. Driss lui promet que dès que l'homologation de son diplôme sera en ordre elle pourra reprendre son métier d'enseignante, elle le croit et le mariage a lieu. Amira et Driss partent pour Lyon. Un petit garçon naît de leur union. Une toile d'araignée se tisse petit à petit autour d'Amira, sa belle-famille n'est pas aimable, mais Amira n'en a cure, elle a son petit garçon Walid qui veut dire le fils, mais Amira aurait voulu que ce soit Mourad, qui signifie Désiré. Mais Driss en allant le déclarer a décidé que ce serait Walid. L'araignée attend sa proie, elle va mordre, très fort. C'est l'hiver, la saison grise, la saison du désespoir, la saison de la peur et la saison de la fin.

Yves Montmartin, tout au long de ce récit, s'attache à nous parler des coutumes musulmanes, des rituels, des fêtes, des événements qui ont eu lieu en Algérie au travers de la vie de tous les jours dans des familles algériennes, Il nous fait découvrir un monde que nous connaissons si peu, si mal, avec ses bons et ses mauvais côtés, ses joies, ses idéaux mais aussi cette main-mise des hommes sur les femmes, de leur pouvoir et de leur "supériorité" , de leur violence quand elles se révoltent
Un roman qui nous rappelle qu'on ne peut pas accepter cette violence envers les femmes, quelles qu'en soient les raisons.

Chaque mot arabe est traduit en bas de page.

Une belle découverte avec ce roman d'Yves Montmartin, il en a écrit d'autres :
Le livre qui vole (2018)
Les escargots ne bavent pas tous de la même façon (2019)
Sept jours au Mazet-St-Voy (2020)
Les petites histoires du jardin (2019-2020)
Quatorze albums illustrés destinés à l'apprentissage de la lecture et aux enfants dyslexiques.

Bonnes lectures, prenez soin de vous.




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En quatre saisons, du printemps à l'hiver, j'ai plongé dans la vie d'Amira, une jeune Algérienne, pour une histoire inspirée de faits réels, romancée avec talent par Yves Montmartin. Artisan-écrivain, comme il le revendique, il a déjà publié quatre romans, plus quatorze albums pour les enfants.
Avec La mauvaise herbe, il m'a emmené dans une famille modeste d'Alger où la petite Amira adore aider Salim, son père, à arracher les mauvaises herbes du jardin aménagé à l'arrière de leur petite maison. Cette mauvaise herbe à laquelle se compare Amira, narratrice de la presque totalité du roman, est le thème, le symbole de ces filles, de ces femmes qui revendiquent avec courage leur autonomie, leur indépendance.
Pour bien comprendre cela, l'auteur détaille, explique traditions et coutumes de la société algérienne et j'ai été impressionné par la quantité de découvertes apportées au fil du texte. Yves Montmartin n'a rien négligé, donnant même le sens de plusieurs prénoms arabes que nous connaissons, comme Driss, Walid, Mourad et surtout Amira, bien sûr, qui signifie princesse.
Alors, j'ai suivi les pas de cette fille et découvert avec plaisir la vie quotidienne de son quartier et son fameux supermarché « Caïn-Cabas ». La tante Nour est aussi un personnage important car elle a refusé de respecter la tradition, de se marier pour devenir femme au foyer. C'est pourquoi, elle est désignée du terme méprisant de « Bayra », périmée, à trente-cinq ans. Elle ne porte jamais de foulard contrairement à Hadjila, la mère d'Amira, originaire des montagnes de Kabylie.
Surtout, il y a Loubna, la fille des voisins, qui devient la meilleure amie d'Amira. Elles sont inséparables mais rien n'est éternel dans ce bas-monde, hélas ! Lorsqu'arrive l'été, les « almuhajirin » (les émigrés) reviennent au pays. Tout au long de ce roman bien documenté, l'auteur permet de comprendre les liens et en même temps les différences entre les Algériens restés au pays et ceux qui se sont installés plus au nord de la Méditerranée. Des cas simples, des anecdotes très parlantes permettent de mettre en évidence points communs, différences et ruptures.
Enfin, l'auteur n'oublie pas les révoltes contre la flambée des prix, les manifestations des étudiants réclamant plus de liberté, les attentats aveugles des islamistes qui rappellent les heures les plus sombres de l'histoire du pays.
Malgré tout, il reste le poids énorme des traditions, la référence inévitable à la religion, au Coran et surtout le patriarcat. Les moments de joie et de bonheur ne manquent pas mais les saisons passent et l'automne apporte les premiers drames, même si Amira réussit à réaliser son rêve : devenir professeure de français au Lycée El-Drouassi, le premier lycée de jeunes filles qui fut ouvert à Alger.
Si j'ai moyennement apprécié les échanges numériques et épistolaires avec Sofia, basée au Portugal, j'ai trouvé très réaliste la description de ces quartiers de grands ensembles bâtis dans la banlieue lyonnaise afin de loger un maximum de monde.
Impossible d'en dire plus pour ne pas nuire aux lecteurs à venir mais cet hiver qui arrive n'annonce rien de bon. Je tire un grand coup de chapeau à Yves Montmartin pour sa séquence du train de 7 h 30, quand un narrateur prend subitement le relais d'Amira. C'est une réussite littéraire !
J'ajoute un dernier mot pour remercier l'auteur pour sa si juste dédicace.

Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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La mauvaise herbe, roman d'Yves Montmartin, est dédié à toutes les fillettes, à toutes les jeunes filles, à toutes les femmes victimes de violences verbales, psychologiques, physiques ou sexuelles.

La mauvaise herbe, qui sera déracinée, n'est autre qu'Amira, la narratrice. Elle illumine ce récit tragique grâce à son énergie, ses rêves, ses ambitions. Elle est cette petite fille algérienne de la couverture du livre. Cette petite fille deviendra une jeune femme qui réalisera ses projets professionnels : devenir professeure de français, de littérature française. Elle se révéléra une enseignante douée et passionnée par son métier:

« Plus les semaines défilent, plus je suis confortée dans mon choix d'enseigner. Il se passe plein de belles choses dans une classe, c'est un lieu de vie. Nous partageons des moments heureux, tristes, mélancoliques, parfois tragiques. Avec mes élèves, nous nous sommes apprivoisées peu à peu. Elles m'ont testée au début, alors j'ai imposé une certaine discipline, mais je ne souhaitais pas que mes cours soient uniquement descendants, ils devaient être un échange permanent. Il leur a fallu plusieurs semaines pour comprendre que nous pouvions nous enrichir mutuellement. Je ne suis pas celle qui a le savoir absolu, je me sens plus comme une guide, mes méthodes ont pu les surprendre au début, mais maintenant je sais que cette année sera passionnante. »

Amira est courageuse, déterminée à être et rester libre, indépendante, malgré les diverses pressions qu'elle subit. Sa détermination et son courage suffiront-ils ?

La mauvaise herbe offre une peinture réaliste de l'Algérie contemporaine, entre soif de liberté et carcan des traditions ; entre fierté de vivre dans un beau pays, dont l'indépendance a été conquise de haute lutte, et nécessité d'émigrer pour des raisons économiques, d'aller travailler en France, vivre dans des immeubles et connaître le déracinement.

Yves Montmartin m'a fait découvrir les us et coutumes de l'Algérie, la place et la pratique de l'Islam qui organise la vie sous ses différents aspects : naissance, mariage, décès.

De beaux portraits de femmes émaillent ce récit : Amira, bien sûr, mais aussi Loubna, sa meilleure amie ; Hadjila, sa maman ; Nour, sa tante, qui s'est débrouillée pour ne pas avoir à se marier et ne pas être sous la tutelle de son mari, de sa belle-famille, quitte à provoquer le mécontentement de ses parents et renoncer à avoir des enfants. Il y a aussi Hassiba, la maman de Loubna.

Les hommes ne sont pas vus à travers un regard manichéen mais nuancé et subtil car Amira déplore aussi bien l'attitude des hommes que des femmes : elle aimerait qu'un jour les futures mères se réjouissent d'avoir une fille comme premier-né, au lieu d'espérer, comme leur mari, que ce soit un garçon. le papa d'Amira est heureux d'avoir une princesse parce qu'elle est venue après ses deux fils.

La mauvaise herbe est un récit qui interpelle. Il est parfois très difficile de lutter contre le poids des traditions, de la coutume, des pressions psychologiques qui s'exercent sur un individu courageux mais isolé dans sa volonté de changement et soumis à des dilemmes cornéliens : refuser de se marier, c'est aussi refuser d'avoir un jour un enfant. Au fil de ma lecture, je me suis rendu compte que les mères, les belles-mères et les soeurs sont parfois autant que les maris, les pères et les frères responsables de la reproduction d'un système qui les a asservies et continue de les asservir.

La fin tragique de ce roman au sujet contemporain et très bien documenté m'a beaucoup touchée et est de nature à éveiller les consciences sur les violences faites aux femmes. Un roman engagé, nécessaire et fort émouvant. Qu'il soit écrit par un homme est très important car ce n'est pas que le combat des femmes ou du féminisme mais de tout un chacun contre la violence et l'oppression, la manipulation psychologique.
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Citations et extraits (109) Voir plus Ajouter une citation
Comme d’habitude, les femmes ne prenaient pas part à la conversation, comme si nous étions des citoyennes de seconde zone. Une femme devait se consacrer à l’éducation de ses enfants et à ses tâches ménagères. Même tante Nour à mon grand étonnement restait discrète.
J’enviais Louise Michel, une institutrice, figure majeure de la Commune de Paris qui n’hésita pas à arborer le drapeau noir lors des manifestations. J'avais récupéré sa biographie par hasard sur un rayon poussiéreux de la bibliothèque.
J’avais envie de hurler, de dire à tous mon besoin de liberté, de pouvoir aller et venir sans me sentir en permanence surveillée. Je voulais exprimer mon avis sur ce pays que j’aimais tant, mais qui laissait sa jeunesse complètement à l’abandon, ravagée par le chômage et le désœuvrement.
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Hadjila avait réussi à convaincre Salim de l’importance pour moi de pouvoir lire, puisque je voulais devenir professeure de français. Malgré les réflexions de Raïssa sur les dangers de la lecture pour une jeune fille, papa accepta de financer les trois cartes d’abonnement à la bibliothèque. Je savais que Salim aimait sa princesse et qu’il éprouverait une certaine fierté lorsque je serais professeure.
Si je ne m’intéressais plus du tout aux nombres premiers, je n’abandonnais pas pour autant l’espoir de voir mon nom remplacer la rue Ouarahni. Dès que j’aurais absorbé toute la subtilité du français, je m’attèlerais à l’écriture d’un premier roman et je deviendrais à onze ans le plus jeune Prix Goncourt!
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Tout le monde dit que j’ai un mauvais caractère, que je suis une rebelle, mes parents, mes frères, mes camarades d’école, mes professeurs. Je m’en fiche, je préfère avoir la tête dure que de ne pas avoir de personnalité. Pour moi c’est une évidence, la vie bouillonne en moi, j’ai envie de prendre toute ma place, de m’affirmer. Je souhaite rire, chanter, courir, respirer. Je deviens une femme et je ne veux pas être soumise, ni à un père ni à un mari.
(p. 86)
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Restée toute seule au milieu du jardin, la petite fille s’est relevée. Il ne lui reste plus qu’un ou deux mètres de terrain à travailler.

Elle se rappelle les paroles de son père : « les mauvaises herbes, il faut les déraciner. Une fois que tu as bien supprimé les racines, la plante ne repousse plus, elle est morte à jamais ».
Elle ne se doute pas que dans son cœur commence à germer une graine de mauvaise herbe…
Elle ne sait pas à ce moment précis qu’elle aussi, un jour, elle sera déracinée.
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Malgré son surpoids, Tante Nour s’habille avec élégance. Elle
choisit des vêtements amples aux couleurs harmonieuses. Ses
jambes qui ont tendance à enfler lorsqu’il fait chaud
l’handicapent pour marcher. Mais il suffit dans un mariage ou
dans une fête que retentissent dans la salle les premières notes
d’un chaâbi (1) et la voilà qui se transforme en une plume légère
qui virevolte avec une grâce insoupçonnée. Les hommes la
regardent avec ravissement et envie. Fouad qui a étudié cette
incroyable transformation livre son analyse :
— Tanta Nour, c’est comme Céline Dion qui s’exprime avec un
fort accent québécois, mais quand elle chante en français plus
aucune trace d’accent dans sa voix.
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Vidéo de Yves Montmartin
La Mauvaise herbe d'Yves Montmartin
Les indés se livrent
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