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EAN : 9782070127917
128 pages
Gallimard (05/01/2010)
4/5   32 notes
Résumé :

L'Iguifou ("igifu" selon la graphie rwandaise), c'est le ventre insatiable, la faim, qui tenaille les déplacés tutsi de Nyamata en proie à la famine et conduit Colomba aux portes lumineuses de la mort...

Mais à Nyamata, il y a aussi la peur qui accompagne les enfants jusque sur les bancs de l'école et qui, bien loin du Rwanda, s'attache encore aux pas de l'exilée comme une ombre maléfique...

Kalisa, lui, conduit ses fantôm... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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La dédicace / citation de Michel Leiris, à la première page de l'Iguifou de Scolastique Mukasonga, peut nous donner une piste :
L'Afrique - qui fit – refit - et qui fera.

Avec lyrisme, et en plusieurs nouvelles du même sujet, l'auteure parle de ce cruel magicien dont les Tutsis ont été frappés au cours du génocide. Ce qui fit l'Afrique, malgré ses magnificences, et en particulier Nyamata, ou l'Iguifou ricane au fond des ventres. Avec sa famille, ce sont des déplacés à Nyamata, où rien ne pousse, dans de misérables cases.
“Mon père espérait obtenir un peu de riz à la mission, ce
qui n'arrivait pas souvent, ou gagner quelques pièces pour
acheter du sel en rédigeant la lettre ou le formulaire administratif d'un gendarme ou d'un notable illettré”
Le faim, c'est toujours plus que la faim, et pour Scolastique et sa petite soeur, cherchant dans le fonds d'une casserole en terre des débris de nourriture, eh bien, mieux vaut dormir si on peut, car l'iguifou déchire leurs ventres de toutes ses griffes.
L'iguifou, c'est la faim.
Ce que l'Afrique fit, et refit, ce sont les rêves, comme ceux qui assaillent la petite Colomba.
Un monde si beau !
Entre rêves d'un monde qui n'existe plus, puisque l'héroïne meurt de faim, les croyances et les interdits de manger tel ou tel mets, même si cela conduit à la mort, par exemple (honteux)boire du lait de chèvre au lieu du lait de vache.
Il n'y a plus de vaches, tuées par les militaires, plus de lait, plus de vie.
La peur s'installe, qui poursuit l'auteure jusque dans des boulevards européens. Va-t-il me tuer ? se demande-t-elle, comme elle devait se le demander devant un militaire, un milicien, un inconnu.
Car la mort est partout, en embuscade. En contraste, la « belle Hélène » dont la beauté a fait le malheur, deuxième bureau d'un homme pas clair, et je ne parle pas de la couleur de peau, puis d'autres, dont Mobutu Sese Seko, aux assauts duquel elle doit être livrée puisqu'aucune Zaïroise, aucune Burundaise, n'accepterait.
La mort des Tutsis, précédée par la mort des vaches, leur principale fortune, la faim la peur le génocide, et la visite à tous ces morts, leurs morts.
Dire tout de même que le régime rwandais est Tutsi depuis 1994.
L'Afrique, qui fera.
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****
Dans ce recueil de 5 nouvelles, Scholastique Mukasonga nous fait partager la dure vie et les terribles souvenirs des Tutsis au prémices du génocide.
Avec douceur et poésie, elle arrive à poser de jolis mots sur cette période sombre.
Il est toujours compliqué de parler de nouvelles, mais ce recueil là est à savourer... En souvenir... Et pour ne pas oublier...
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L'Iguifou, c'est la faim qui ronge le ventre des petites Tutsi exilées à un tel point qu'il leur rend si belles et lumineuses les portes de la mort. Alors on se souvient de la vache, du lait, sacré, que l'on buvait assis par terre le dos bien droit et les jambes allongées.

La peur par contre n'a pas de nom mais c'est leur ange gardien, toujours être prêt à se jeter dans les fossés épineux quand un camion de militaire s'amuse à lancer une grenade ou à tirer dans les jambes des écoliers.
Il y a aussi la triste histoire d'Helena, la plus jolie fille de la région, et ce deuil, si difficile à accomplir en exil avec juste devant soi la liste des membres de la famille victimes du génocide.

L'écriture de Scholastique Mukasonga est très belle et reste légère et sereine malgré la gravité du sujet.
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« L'Iguifou », c'est la faim. Celle qui vous tenaille, vous fait mal au ventre, celle qui vous réveille avant le lever du jour. C'est celle qui rend vos yeux plus grands lorsque vous guettez la rondeur pleine de promesses du balluchon de votre mère. Ce méchant Iguifou, c'est celui qui vous emmène aux portes de la mort et c'est celui qu'a connu l'auteur, Scolastique Mukasonga, alors qu'elle était exilée dans la région insalubre du Bugesera, au Rwanda. Parce qu'elle était Tutsi.
Dans ce recueil de nouvelles, l'auteur nous fait partager ses souvenirs rwandais. Que ce soit à travers les personnages de Colomba, Kalisa ou Asumpta, l'auteur dévoile son ancienne vie, celle d'avant le génocide. Un temps où déjà les signes avant-coureur annonçaient le pire…
« La gloire de la vache » nous rappelle que les Tutsis étaient au tout début des éleveurs pour qui les vaches revêtaient une extrême importance. Source de prospérité, la vache apportait chance et nourriture à celui qui en possédait une. Retirer ces bêtes aux Tutsis, c'était leur ôter de quoi survivre mais aussi de quoi rester dignes.
« La peur », c'est celle qui n'a jamais quitté les Tutsis lorsque les persécutions ont commencé. On la guette et, au premier signe - un nuage de poussière au loin, des buissons qui bruissent – on s'enfuit et on se cache.
« le malheur d'être belle », c'est l'histoire d'Héléna. Jeune femme très belle… mais tutsi. Son avantage physique va décider de son destin. de maîtresse adorée, elle devient prostituée, répudiée et contrainte à l'exil.
Enfin « le deuil » est la seule nouvelle qui aborde directement le génocide et le thème des survivants. Comment continuer à vivre alors que tous nos proches ont été tués ? Comment « faire son deuil », leur dire au revoir, alors qu'il n'y a pas de corps à pleurer, alors que l'on est exilé dans un autre pays ?
Dans ce livre, Scholastique Mukasonga, tout en sobriété et poésie, nous conte son malheur et celui des siens.
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L'inguifu. Ce n'est assurément pas un livre facile à digérer, ce n'est pas un ouvrage que l'on avale goulument sans que le palais n'en sente le goût. Ce livre s'avale comme un sirop pour la toux, ou une aspirine effervescente. On anticipe le goût amer, on serre les maxillaires, on se renfrogne à l'odeur qui se rapproche des narines car on sent que ça ne va pas être bon.

Au fond de nous, nous savons qu'il faut se méfier de ce 4ème de couverture qui annonce "Rwanda", "faim" et qui nous penser "génocide". Nous entamons sur cette lecture à reculons, nous butons sur les premiers mots remplis de Kinyarwanda et de nom Hutus et Tutsi imprononçables.

Nous nous disons, "punaise, je me disais bien que ce livre serait abominablement chiant à lire", mais nous insistons, nous continuons à avancer dans la lecture peut-être parce que la voix de cette enfant qui invective sa faim personnifiée nous a déjà hypnotisée.

Peut-être parce que, petit à petit, les mots nous pénètrent, font tomber nos à priori et nous révèlent cette âme jeune qui ne se plaint pas de l'horrible manque de nourriture qui l'amène au bord du tombeau. Pas de complainte, pas d'injures au sort, pas de mots larmoyants. Rien que le dialogue d'une enfant avec la faim qui est devenue sa compagne. Une ombre permanente dont elle essai de protéger sa jeune soeur sous le regard impuissant de parents que l'on devine au bord du désespoir.

Cette "entrée" n'est que le départ d'un voyage qui nous emmène au coeur du Rwanda. Non pas au coeur de la guerre, mais autour, tout autour, avec, toujours, le génocide que l'on devine en toile de fond.

Dans ces vécus qui nous montrent le quasi-culte des Tutsi pour l'élevage de la vache, science transmise de génération en génération et qui fait la marque de ce peuple,
ces destins qui incombent à celles qui naissent avec la beauté faite vie et qui n'ont d'issues que la misère et la mort, sous le règne de régimes fous et d'un monde aux valeurs corrompues,
Cette peur qui laissent ses relents fétides dans les vies de ceux qui ont vécu l'indicible, qui vivent un présent de frayeurs permanentes. L'horreur anticipée dans l'âme d'une enfant que l'on voudrait entourée que de rires et de désir futiles.

Scholastique MUKASONGA est une auteure d'origine rwandaise qui a, dans sa façon de conter la vie un pragmatisme dans l'écriture et un rendu de l'intenable qui est magnifique.
Dans un style, parfois, quasi journalistique, très descriptive, elle nous apprend à connaitre le Rwanda, l'histoire de ces peuples autrement que par les spéculaires pétarades des canons dont sont friands les apôtres des dieux "Médias". Et si les premières bouchées peuvent sembler difficiles à ingurgiter, ce livre se déguste néanmoins avec le bonheur et la gravité de celui qui sait qu'il sortira de ce festin un peu plus humain qu'il ne l'était.

Lien : http://www.loumeto.com/spip...
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
À peine si m’envahit alors la mémoire confuse d’une
paix bienheureuse. Peut-être m’appelait-elle, mais je ne sais
vers qui, vers quoi, elle m’appelait. N’était-elle que le
masque fallacieux du néant ? Mais pourquoi la mort serait-elle si belle ? Et je pense à ceux qui sont tombés sous les
machettes : y avait-il pour eux une lumière au bout de leurs
souffrances ? Alors le souvenir de la lumière se fait brûlure
vive.
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les gamins, qui s’offrent à porter les paniers pour quelques
pièces, lapident la malheureuse de tomates et de papayes
trop mûres tandis que la suppliciée étouffe en silence sa
souffrance et sa honte. La nuit, les descentes dans les night-clubs ont surtout pour objectif les homosexuels : les Noirs
vont en prison, les Blancs reçoivent dès le lendemain leur
avis d’expulsion.
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... mais c’était bien plus beau encore et cela n’éblouissait pas, non, non,
ces lumières ne brûlaient pas, elles étaient fraîches, apaisantes, et j’allais vers ces lumières, rien ne pouvait m’empêcher d’aller vers elles, j’étais si légère, une onde de bonheur me portait vers la lumière, le tourbillon était interminable mais, au bout, la lumière m’attendait, j’étais sûre
qu’elle n’attendait que moi, qu’elle n’était là que pour moi,
j’étais si heureuse, et les couleurs ! ah, tant de couleurs, il
faudrait les couleurs de toutes les fleurs de la terre et des
mots que je ne connais pas pour les décrire. Je me voyais
m’en aller au milieu de la spirale éclatante et quelque chose
se détachait de moi, comme une ombre immense qui se
libérait de mon corps, un double de plus en plus lumineux
qui avait la force d’avancer vers cette autre lumière de
s’élancer vers…
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Puisque, comme moi, parce que tu étais tutsi, tu as été
déplacée à Nyamata, tu as connu toi aussi cet ennemi
implacable qui gîtait au plus profond de nous-mêmes, ce
maître impitoyable auquel nous devions payer un tribut que,
dans notre pauvreté, nous étions incapables d’acquitter, ce
bourreau inlassable qui tenaillait sans répit nos ventres et
brouillait notre vue, tu l’as reconnu, c’est l’Iguifou, la Faim,
que nous avions reçu à notre naissance comme un mauvais
ange gardien…
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Elle se rappelait l’histoire que lui racontaient en riant au lycée de Kigali ses camarades hutu : « Un jour, un enfant demanderait à sa mère : “Dis-moi, maman, qui étaient ces Tutsi dont j’ai entendu parler ?
À quoi pouvaient-ils bien ressembler ? — Ce n’était rien,
mon fils, répondrait la mère, ce n’était qu’une légende.
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Videos de Scholastique Mukasonga (12) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Scholastique Mukasonga
Ce dimanche 7 avril 2024 marque les 30 ans du dernier génocide du XXe siècle, celui des Tutsi au Rwanda. le pays a-t-il achevé sa reconstruction après l'horreur ? Comment se passe la cohabitation entre les victimes et leurs bourreaux, en grande partie sortis de prison depuis quelques années ?
Pour en parler et analyser la situation, Guillaume Erner reçoit : Hélène Dumas, historienne, chargée de recherches au CNRS au Centre d'études sociologiques et politiques Raymond Aron. Scholastique Mukasonga, écrivaine rwandaise. Dominique Célis, écrivaine belgo-rwandaise.
Visuel de la vignette : Alexis Huguet / AFP
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