Une très, très belle découverte de ce début de semaine avec cet essai d'Azar Nafisi, auteure iranienne dont je fais la connaissance avec moult bonheur... en prenant également note d'un autre texte antérieur , "Lire Lolita à Téhéran", que je m'empresserai de lire après cette extraordinaire "République de l'imagination".
Un hommage exceptionnel aux livres, à la lecture, et à la force de réappropriation de chaque lecteur aux quatre coins du monde... Un partage universel sans équivalent !
L'auteur débute son essai par la très touchante histoire de son père bien-aimé, lui lisant, enfant, "Le Petit Prince", oeuvre universelle qui a accompagné, accompagne encore des millions de lecteurs... et continuera à illuminer les générations futures et à venir !
L'auteure relie à sa façon, engagements politique, humain et amour de la littérature...
Elle y parle avec talent de déracinement, de l'exil, et de la lecture des grands textes (principalement américains, en expliquant , en argumentant cette préférence...)
Grands textes qui rassemblent...Des outils uniques de construction individuelle, comme de résistance !
"Vivre sous le système en noir et blanc du régime islamique m'avait appris à développer des vues plus complexes, plus nuancées. Je me suis rapprochée de la fiction que j'aimais tant, où chacun avait le droit de se faire entendre, même les méchants. Les étudiants qui désapprouvaient mes idées
politiques- et qui, étant du côté du pouvoir, auraient pu me dénoncer (...)- venaient dans mon bureau parler de Bellow ou de Nabokov, d'Ibsen ou bien d'Austen. J'avais sans le vouloir trouvé une façon de communiquer avec des gens qui ne m'auraient autrement jamais adressé la parole. Cela a changé ma vie, et mon attitude envers la vie. (...)
J'en suis arrivée à considérer mon amour des livres et de la lecture comme intimement lié à mes responsabilités de citoyenne, de professeur et d'écrivain. "(p. 57)
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Iranienne ou américaine ? La romancière exilée opte pour une troisième citoyenneté, celle des amoureux de la fiction... et de la libre-pensée.
Lire la critique sur le site : Telerama
Cela me rappelle ce que disait Nabokov, les "lecteurs sont nés libres et devraient le rester". Nous avons appris à protester lorsque des écrivains sont emprisonnés, ou leurs livres censurés et interdits. Mais qu'en est-il des lecteurs ? Qui nous protégera ? Et qu'arrivera-t-il si un écrivain publie un livre et qu'il n'y a plus personne pour le lire ?
"Jusqu'au jour où j'ai eu peur de ne plus pouvoir le faire, je n'ai jamais aimé lire. On n'aime pas respirer." Ainsi parle Scout dans -Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur-, exprimant ce que ressentent des millions de gens. Nous devons lire de grands livres subversifs, les nôtres et ceux des autres. Ce droit ne peut être garanti que par une active participation de chacun d'entre nous, lecteurs citoyens. (p. 49)
A l'époque je n'avais pas la moindre idée de ce qui m'attirait dans l'histoire du -Petit Prince-, je ne savais pas qu'elle m'apprenait à acquérir ce qui est l'essentiel des grandes œuvres d'imagination : ce battement magique du cœur qui nous définit en tant qu'êtres humains, qui nous relie les uns aux autres, qui nous donne une raison de vivre, un moyen de survivre, ainsi que la capacité de comprendre non seulement la valeur du bonheur et de l'amour, mais leur étroite parenté avec la souffrance et la perte, la capacité de comprendre le prix qu'il nous faut payer lorsque nous osons faire le choix d'une vie et d'un amour authentiques. (p. 16)
Les histoires perdurent- elles nous accompagnent depuis la nuit des
temps- mais elles doivent être régénérées et de nouveau racontées à
chaque génération à travers le regard et les expériences de nouveaux
lecteurs qui partagent un espace commun sans frontières politiques
ni religieuses, ethniques ni genrées-Une République de l'imagination,
la plus démocratique de toutes. (p. 69)
Vivre sous le système en noir et blanc du régime islamique m'avait appris à développer des vues plus complexes, plus nuancées.Je me suis rapprochée de la fiction que j'aimais tant, où chacun avait le droit de se faire entendre, même les méchants. Les étudiants qui désapprouvaient mes idées politiques- et qui, étant du côté du pouvoir, auraient pu me dénoncer (...)- venaient dans mon bureau parler de Bellow ou de Nabokov, d'Ibsen ou bien d'Austen. J'avais sans le vouloir trouvé une façon de communiquer avec des gens qui ne m'auraient autrement jamais adressé la parole. Cela a changé ma vie, et mon attitude envers la vie. (...)
J'en suis arrivée à considérer mon amour des livres et de la lecture comme intimement lié à mes responsabilités de citoyenne, de professeur et d'écrivain. (p. 57)
La majorité des gens qui hantent les librairies, vont à des lectures et à des salons du livre, ou lisent simplement chez eux, ne sont pas des exilés traumatisés. Beaucoup n'ont jamais quitté
La ville ou l'état où ils sont nés, mais cela signifie t'il qu'ils ne rêvent pas, qu'ils n'ont pas de craintes, qu'ils ne ressentent ni douleur, ni angoisse, ni désir d'une vie pleine de sens ?