AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Anne Picard (Traducteur)
EAN : 9782721011640
Editions des Femmes (13/04/2023)
3.83/5   3 notes
Résumé :
Vingt-quatre nouvelles et deux brefs romans composent ce recueil, dont beaucoup de textes sont restés inédits jusqu'alors. Les nouvelles, écrites entre la fin des années 1930 et 1980 offrent un vaste échantillon des différentes tonalités narratives et thématiques de Silvina Ocampo. On y retrouve ses obsessions fécondes, toujours insondables, inquiétantes : le mystère des maisons et des jardins, les cruautés et les artifices de l'enfance, la prédestination d'un nom, ... >Voir plus
Que lire après Les répétitions et autres nouvelles inéditesVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Les Éditions des Femmes - Antoinette Fouque ont mis à l'honneur Silvana Ocampo l'écrivaine argentine avec la parution le 13 avril dernier de ce recueil de vingt-quatre nouvelles et de deux courtes fictions : ça a été l'occasion de découvrir ce pan de littérature du pays sud-américain en même temps que la plume d'une des auteures la plus importante de son pays. En lisant les quelques lignes de la biographie de Silvina Ocampo, j'ai eu comme l'impression d'y voir la figure de Virginia Woolf, un siècle plus tard, une femme avant-gardiste, indépendante, figure essentielle de la littérature et du féminisme argentin, l'auteure étant décédée en 1993. Artiste complète, elle a étudié l'art pictural à Paris avant de se consacrer à la littérature.

Deux parties composent ce recueil : la première qui regroupe 24 nouvelles dont la nouvelle éponyme, Les Répétitions, la seconde contient les deux romans courts. Enfin, une sorte de postface complète ce recueil, son rôle est de donner plus de précisions sur la réécriture des textes. De fait, il faut d'abord saluer le pointilleux et exigeant travail éditorial qui a rassemblé des textes épars et les a remis dans un ordre chronologique alors même, comme ils le précisent en introduction, aucun d'entre eux n'a été daté par l'autrice. Il faut un peu de hauteur pour lire les textes : adapter son champ de vision, de lecture, à celui de la poétesse, un peu comme des lunette 3D, pour contempler les mondes qu'elle bâtit, bien loin de la simplicité et de l'unicité d'une vision objective. Comme, dans La femme immobile, ce terrain qui épouse la silhouette d'une femme endormie puis la métamorphose, sous le prisme de l'imagination débordante et créative, de la narratrice, en une sirène. Une imagination qui embellit, colorie, sublime la platitude d'un quotidien, terne et sans intérêt, en des moments d'exaltation : l'imagination de l'artiste, autant littéraire que picturale, est à son apogée, les nuages noirs deviennent un "grand encrier d'encre noir", elle prend les paysages qu'elle redessine et transcende, y rajoute un peu d'intensité, leur donne vie. 

Dans chaque nouvelle, il y a cette petite touche picturale, distillées par le défilé de ces images, constituées par ces bribes de détails d"'un matin translucide et nacré", des métaphores souvent filées. Cette réalité alternative et complémentaire, attachée, comme son ombre, à cette réalité tangible, éthérée et intouchable, donne du relief à cette dernière, sombrement incarnée par les objets pragmatiques, froide et dure, retranchée dans les limites de leur surface tangible. Silvina Ocampo se joue de la réalité, de celle qu'un stéréoscope donne à voir, elle la tord, la déforme, selon un prisme de vision. Les deux courts romans s'articulent autour de ce thème de la vision tronquée, en particulier Jacinto Malvi, qui se centre autour d'un personnage non-voyant et médium : on ne trouvera pas plus ambivalent, et peut-être plus parlant du parti-pris de l'auteure. La véritable perception du monde ne dépend pas que de sa paire d'yeux, mais d'une capacité à le ressentir et à le discerner.

La place de la femme y est primordiale, protéiforme, elle prend une multitude de formes et de masques, sirène, araignée, fée. Et toujours, au centre de tout, cette question de l'identité, changeante, miroitante, au gré des nouvelles, où elle s'amuse à fabriquer des trompe-l'oeil, à l'image de la ville de sable, qui d'une métropole se change en ce qu'elle est, sous le prisme de l'écriture, une ville à taille d'enfants faite de pâtés de sable. C'est ce jeu avec les perspectives que j'ai préféré, je crois, qui se décline dans presque chacun des textes, cette division du moi, d'un visage refait qui fait d'un homme aux deux visages, d'un jeu d'amitié ou amoureux en trio. On pourrait, peut-être, même considérer certaines nouvelles comme des expériences d'un artistique : la voix d'un homme cause d'un dégoût et d'une torture, l'expérience de l'obscurité, celle de l'imagination qui donne vie à un monde fantasmagorique ou les oeuvres d'art prennent vie. On y sent toujours une force intangible, supérieure, invisible, incompréhensible qui vient contrarier la réalité pure, qui influe mystérieusement sur la nature des choses. C'est cette sorte de réalisme magique qui intervient de façon plus ou moins franche selon les textes.


Le talent de Silvina Ocampo a été reconnu très tardivement, dès les années 1980, car elle a longtemps été esquivée par son amitié avec Borges et le talent de ce dernier. Auteure très taciturne, elle s'est peu exprimée à l'oral, laissant l'honneur à ses écrits de s'exprimer. L'influence féministe est indéniable, elle met en avant les femmes et leurs ressentis, s'éloignant de l'image féminine et simpliste et proprette, elle s'entache à dévoiler les coins sombres de la femme. Si ces dernières années, son oeuvre a fait l'objet de récentes traductions en anglais, on peut remercier encore les Éditions de la Femme pour ces traductions vers le français qui encouragent la découverte de cette autrice, dont le talent a pris un peu ombrage de celui de son entourage proche, sa soeur Victoria Ocampo, son époux Adolfo Bioy Casares, son ami Jorge Luis Borges.
Lien : https://tempsdelectureblog.w..
Commenter  J’apprécie          10

Citations et extraits (2) Ajouter une citation
DIALOGUES AVEC UN MOUCHOIR

Combien de fois ai-je été avec toi sans te toucher, sans quasiment te voir. Alimentée par le seul éclat de ton image, torturée par l'incertitude d'une éventuelle rencontre. Je t'aimais sur les photographies, sur les enregistrements de ta voix, dedans mon imagination. Là nous nous embrassions naturellement, sans vêtements, sans variations de mouvements ou de membres, comme l'eau entre dans la terre dans un accord parfait. Ensuite, je t'ai vu, je t'ai touché, je t'ai embrassé et j'ai été sans toi. Dans un miroir, comme Pao Yu, je m'absorbais dans la contemplation de ton image, privée de toi, punie par toi. Il ne me reste que ton mouchoir. Tu t'es transformé en mouchoir.

Était-ce durant l'été, quand fleurissent les catalpas dans certaines rues de Buenos Aires et que l'on entend mourir et renaître le chant des cigales, telles des crécelles sur ces places ou les Suzanne aux yeux noirs, entêtées par leur parfum, laissent tomber leurs corolles ? ou bien était-ce au printemps, quand s'épanouissent les fleurs d'oranger et que s'embrasent les fleurs rouges des ceibos et les fleurs violettes de ces arbres célestes qui mènent à la roseraie de Palermo, quand on trouve partout les papiers argentés des glaces, des petites cuillères en carton, des préservatifs, des ballons crevés et des fiacres que l'on voit en photo à la une des magazines avec des étudiants assis sur le toit agitant des petits drapeaux ? Le temps de la réalité se mélange tellement dans mon esprit avec le temps imaginaire que mon expérience pourrait avoir eu lieu à n'importe quelle époque. Les femmes se mélangent tellement dans tes expériences que tu ne dois pas non plus te souvenir de détails précis se référant à une saison, à la floraison des arbres, à la fraîcheur ou à la chaleur de l'air le jour ou nous nous sommes vus. Pour moi non plus le froid et la chaleur n'existaient pas à ce moment-là.
Commenter  J’apprécie          00
Quelqu'un m'a demandé une nouvelle. Il y a des fois où une nouvelle sort naturellement de ma machine. Une machine mystérieuse qui parfois se détraque, dont les lettres quittent leur place. Parfois un o s'élève comme un ballon au-dessus des autres lettres. Parfois un a reste obstinément au même endroit, inamovible. D'autres fois, les phrases se posent facilement sur le papier, elles correspondent à une idée ou à une sensation précise, comme si elles avaient vécu dans mon esprit, comme si elles y étaient nées et y avaient grandi. Elles s'imprégnèrent de l'air que je respire, des dialogues que j'ai eus.
Commenter  J’apprécie          00

Video de Silvina Ocampo (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Silvina Ocampo
Un père et son fils traversent l'Argentine par la route, comme en fuite. Où vont-ils ? À qui cherchent-ils à échapper ? le petit garçon s'appelle Gaspar. Sa mère a disparu dans des circonstances étranges. Comme son père, Gaspar a hérité d'un terrible don : il est destiné à devenir médium pour le compte d'une mystérieuse société secrète qui entre en contact avec les Ténèbres pour percer les mystères de la vie éternelle.
Alternant les points de vue, les lieux et les époques, leur périple nous conduit de la dictature militaire argentine des années 1980 au Londres psychédélique des années 1970, d'une évocation du sida à David Bowie, de monstres effrayants en sacrifices humains. Authentique épopée à travers le temps et le monde, où l'Histoire et le fantastique se conjuguent dans une même poésie de l'horreur et du gothique, "Notre part de nuit" est un grand livre, d'une puissance, d'un souffle et d'une originalité renversants. Mariana Enriquez repousse les limites du roman et impose sa voix magistrale, quelque part entre Silvina Ocampo, Cormac McCarthy et Stephen King.
Pour lire les premières pages : https://bit.ly/3fzyoiW
Nous suivre : Instagram : https://bit.ly/2CJJdhB Facebook : https://bit.ly/2Wprx1O Twitter : https://bit.ly/3h1yr5p
+ Lire la suite
autres livres classés : argentineVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (8) Voir plus



Quiz Voir plus

Karine Giebel ou Barbara Abel

Je sais pas ?

Karine Giebel
Barbara Abel

10 questions
66 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur ce livre

{* *}