J'ai apprécié ce livre, lu très rapidement, mais pour ainsi dire, je l'ai trouvé moins dense que je m'y attendais.
Le démarrage ne manque pas de piquant - face au Président de la République en exercice, qui se présente pour un second mandat, lors du grand débat de l'entre-deux-tours, sa rivale, une femme qui voue les immigrés aux gémonies, se retrouve aphone car les mots étrangers de notre langue décident subitement de faire grève. L'allusion est transparente.
Les mots, dont la nature est assez indéfinissable, car ils sont à la fois désincarnés, "plats" comme des affiches, des êtres de papier, et personnalisés selon leur origine ; on trouvera Madame Indigo, la chef, une belle Méditerranéenne de caractère, ou encore le Gaulois, l'Italien, etc... Les mots se regroupent pour rendre visite aux Sages du Conseil Constitutionnel (dire que c'est écrit avant la loi anti-immigration !) et proposer une remédiation aux mensonges répandus sur les ondes.
Les mots immigrés sont utiles à la société, et ils vont le prouver, en entreprenant des émissions de télévision pour raconter l'histoire de la langue française. le prétexte est joli, mais honnêtement, j'ai trouvé la mise en situation un peu légère, voire "niaise". N'oublions pas toutefois qu'il s'agit d'un conte, même si le propos est sérieux.
Lors de cette émission du soir qui rassemble de plus en plus de téléspectateurs, défilent les personnages symbolisant l'apport de chaque "vague" d'immigration de mots dans notre langue, depuis la Préhistoire. Pour être juste, il peut s'agir d'invasions ou d'impérialisme, ou encore d'échanges équitables générés par le commerce ou les explorations, autant que d'une immigration au sens où nous l'entendons aujourd'hui. On y apprend bien évidemment de manière divertissante l'histoire de notre langue, et l'origine de certains mots.
Bernard Cerquiglini étant un linguiste renommé, les exemples abondent et l'on y fait beaucoup d'étymologie. Sans compter qu'
Erik Orsenna sait toujours y faire pour raconter de manière ludique.
J'ai apprécié le contenu de cette fable prônant la tolérance et la compréhension, avec une dimension militante envers la francophonie, et la préservation d'une richesse de la langue, pour qu'elle reste bien vivante. Mais je n'y ai pas tant appris, sinon quelques exemples en détail. Pour moi, il s'agit davantage d'un ouvrage destiné à des néophytes, j'irais plutôt piocher dans les ouvrages d'
Alain Rey. Cette réserve ne concerne que moi, sinon il s'agit d'un bon ouvrage de découverte, adapté à de jeunes lecteurs qui auraient un goût particulier pour la langue.