George Packer raconte près de 30 ans de l'histoire des Etats-Unis, de 1978 à 2012 alors que la démocratie américaine est en proie à un sentiment de crise. Des changements sismiques au cours d'une seule génération ont façonné un pays de gagnants et de perdants, permettant une liberté sans précédent qui déchire le contrat social, conduisant le système politique au bord de l'effondrement et mettant les citoyens à la dérive à la recherche de nouvelles voies de subsistance.
Pour dresser le portrait de cette Amérique contemporaine l'auteur a opté pour une manière assez originale et créé un livre hybride entre essai, enquête et roman.
Il entremêle les récits de vie de 3 américains lambda, les parcours de quelques célébrités, la radiographie de lieux emblématique et y rajoute un collage de paroles de chansons, de discours, d'articles de presse.
On suit Dean Price, fils d'un cultivateurs de tabac en Caroline du Nord ; Tammy Thomas, ouvrière d'usine dans l'Ohio ; Jeff Connaughton, un initié de Washington.
On croise
Raymond Carver, Jay-Z,
Oprah Winfrey,
Colin Powell.
On se balade dans le Piedmont, à Tampa, dans la Silicon Valley, à Washington, à Wall Street.
L'ensemble donne une oeuvre kaléidoscopique, quasi romanesque.
Tous ces fragments semblent n'avoir aucun rapport les uns avec les autres mais lentement, au fil des pages, au fil des histoires et des faits, on entrevoit les contours d'une superpuissance en train de se désagréger et on en comprend les raisons.
Tout un système s'est effondré. Les élites ne sont plus élites, les institutions ne fonctionnent plus, la classe moyenne est sous pression, laissée à l'abandon, obligée d'improviser.
Mondialisation, dérégulation du système bancaire, excès de Wall Street, opacité de la bourse, impunité des responsables, industrie de l'influence, bulle immobilière, succession des cycles d'expansion et de récession …. Une lente dégringolade inévitable où les puissants et leurs serviteurs politiques ont décimé la classe ouvrière.
C'est à la fois très dense (j'avoue que je me suis perdue dans certains passages sur la finance), très documenté et très addictif car les chapitres sont courts et ça se lit comme un roman. le livre date de 2013 (il a obtenu le National Book Award) et je me demande comment l'auteur aborderait l'ère Trump qui vient de se terminer. Ce qui est sûr, c'est qu'en terme de non-fiction, on tient là un must-read.
Traduit par
Etienne Dobenesque