Figures littéraires de la dépression

Cet essai éclairant, brillant est une mise en abîme de la dépression. Ici, pas de pansements, de considérations et de jugements. Ce kaléidoscope dépeint «  Figures littéraires de la dépression ».
Quatorze fragments, quatorze schémas où ce mal-être est dévoilé en pans littéraires. Que ce soit par les écrits tourmentés d'écrivains, eux-mêmes en proie aux turbulences d'une mélancolie implacable ou d'un renoncement aux beautés du monde et de leur propre vie.
L'idiosyncrasie de la dépression est dévoilée par Patricia de Pas avec érudition, à peine voilée par la vulgarisation.
Le tableau dépressif détient plusieurs cases. D'aucuns peuvent être confrontés à elle tant elle est variée et sournoise. Il s'agit dans cet essai d'une confrontation entre les écrits et les torpeurs d'écrivains eux-mêmes blessés dans leur chair par ce mal insistant.
«  Avant d'expliquer aux autres mon livre, j'attends que d'autres me l'expliquent » a écrit André Gide dans son préambule de « Paludes ».
« Je déteste ma pensée. Je m'use à me battre contre elle ».La peur d'agir de Tityre serait-elle celle de Gide ? 
L'essai déploie son arborescence, l'heure des incidences psychotiques sur des textes renommés.
La dépression de sevrage de William Styron,la dépression psychotique d'Albert camus, la glaciation du réel de Georges Perec, la psychasténique d'André Gide, la dépression essentielle de Fritz Zorn, la mélancolie précoce d'Honoré de Balzac,la mélancolie érotique de Jean Racine, la mélancolie d'amour de Goethe, le spleen de Charles Baudelaire, l'angoisse existentielle de Fernando Pessoa, la névrose de guerre de Clarice Lispector, le deuil, une dépression ordinaire d'Albert Cohen, le deuil pathologique de Villiers de L'Isle-Adam, la conscience lézardée de F.S Fitzgerald.
Ce texte de Patricia de Pas est relevé. Nous assistons à une conférence à ciel ouvert de haute voltige.
« Figures littéraires de la dépression » est un outil précieux pour tous les étudiants en littérature. Les lecteurs attentifs aux intériorités des oeuvres perpétuelles. Cet ouvrage est le corps et l'esprit des chefs d'oeuvres fragilisés par des êtres en quête d'exutoire, piégés par les figures de la dépression. Il trouvera et vite son auditoire dans les amphithéâtres universitaires et existentiels. C'est un futur incontournable et un livre de fonds. Publié par les majeures Éditions Serge Safran éditeur.

Sous le titre sobre du livre se cache une promenade dans un bois sombre des grands dépressifs de la littérature. Préférant exprès à la mélancolie une catégorie proprement psychiatrique de la dépression, l'auteure conjugue l'analyse littéraire avec la psychanalyse pour dépeindre la figure qu'offre chaque spécimen de son petit musée. Malgré la gravité du sujet, la déambulation est détendue. le noir absolu de Zorn n'a pas le temps de pétrifier le lecteur, la somnolence de Perec de l'assoupir, le guide l'entraîne à temps vers le prochain sujet, tirant peut-être quelque enseignement de la vieille leçon dantesque. Dans un agencement original, l'auteure organise les écrivains pour faire ressortir dans leurs oeuvres une image d'une dépression à chaque fois différente - tableau ou glace, selon la complexion du lecteur. On apprend ainsi à mieux apprécier la diversité que recouvre le mot devenu banal et qui, après cette lecture, récupère quelque chose de sa puissance glaçante : de cette manière, le livre est également une intervention, évidemment utile aujourd'hui, quand la dépression menace de plus en plus grand nombre d'entre nous.

Un travail original, une approche intéressante de la dépression et de la mélancolie. On apprend beaucoup, notamment grâce à la typologie entre les différentes formes de dépression/mélancolie (14 types). Passionnant et facile à lire ! Je recommande à tous publics intéressés par le sujet ou simplement par les auteurs dépressifs à qui l'on doit quelques chefs d'oeuvre...