Tout commence par une courte nouvelle de
Georges Perec :
le voyage d'hiver. Pour moi éblouissante : superficielle, oui, mais qui donne tant à penser. Désolé pour vous, je n'en dis rien, juste que sur un ton sérieux, elle invite à imaginer une révolution -au fond loufoque- de l'histoire littéraire du XIXe siècle.
L'Oulipo est fait de gens sérieux, épris de littérature et de langage, mais qui adorent plaisanter sur ces sujets, seuls ou en groupe, en se torturant les méninges. Ils vouent amour et admiration à Perec et à ses oeuvres créées sous lourdes contraintes volontaires.
Une dizaine d'années après
la disparition de Perec,
Jacques Roubaud imagine un prolongement du voyage d'hiver, qui cherche à lui donner un contexte, à l'inscrire dans l'histoire, comme si on pouvait rendre vraisemblable en l'habillant de chair et de passion cette friandise intellectuelle.
Et c'est parti.
Tous les membres de l'ouvroir de littérature potentielle vont rivaliser d'astuce et d'audace pour produire, pendant des années, autour de la nouvelle initiale des amplifications ou des analyses. Ces textes sont publiés par la bibliothèque oulipienne puis rassemblés dans ce volume.
Le sujet est prolongé dans le passé (développant souvent la notion oulipienne de plagiat par anticipation), dans le futur, dans la musique, le roman policier ou d'espionnage... C'est quelquefois bien tiré par les cheveux, mais le plus souvent brillant et divertissant.
Shakespeare et
Homère, les principaux auteurs de BD, Hitler et
J. Edgar Hoover, Bach et Mozart, les siècles et les continents sont balayés par la fureur créatrice et mystificatrice des auteurs. Et à part quelques polémiques internes -réelles ou feintes-, ça se lit le plus souvent comme un roman, intellectuellement excitant et bien amusant.
Finalement, en feignant de prendre au sérieux le fond d'une nouvelle de Perec, Roubaud, le Tellier, Caradec, Matthiews et les autres ont créé une admirable plaisanterie qui donne à sourire et à réfléchir.