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EAN : 9782072776748
144 pages
Verticales (08/03/2018)
4.33/5   3 notes
Résumé :
«Mes yeux collés à la vitre, je n'y vois bientôt que la nuit, avant de me tourner vers les voyageurs dans la lumière du wagon. Je pense en les regardant aux pages dont j'avais cru faire un livre. J'avais cherché à mieux y voir ce que je pressentais dans quelques regards, dans une expression qui me retenait, ou un simple geste. À chaque fois ils me touchaient, je n'aurais su dire en quoi, c'était si fugitif, cela tenait au peu que me racontaient ces personnes parfois... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique

Un soir de pluie intense sur Paris, la librairie de Michèle Ignazi ressemble à un îlot. Xavier Person y présente son dernier livre, derrière le cirque d'hiver. Peu à peu, entrent des gens aux visages plus ou moins connus et nous formons la communauté de lecteurs, chère à Virginia Woolf. Sans doute que la pluie accroît notre besoin d'abri : une réelle sympathie se dessine sur les visages de ceux qui se blottissent là.
Yves Pagès, l'éditeur de chez Verticales, explique comment il a reçu le texte de Xavier Person et perçu sa construction : des récits comme des miettes rattrapées au hasard des vies et qui, savamment disposées, esquissent tout à la fois notre monde et le portrait d'un auteur.
Ecrire un portrait en creux à partir des creux des autres trahit l'art d'un homme qui observe. Les failles s'ouvrent devant celui qui ne dit rien mais écoute, doute et voit. L'écriture accueille ce rien, qui sinon resterait emmuré. L'auteur de derrière le cirque d'hiver a volé des instants, des paroles derrière les apparences. Volés à qui d'ailleurs ? Aux anonymes, aux minuscules et sans doute d'abord à lui-même. Il lui aura fallu beaucoup de silence pour révéler ce que les autres ne disent pas ou témoigner de ce qui se dit au-delà de lui. L'auteur avance vers son propre rien, ce vide humain si largement et douloureusement partagé, ce cirque en nous trop souvent en hiver.
Quand Xavier Person prend la parole, sa fragilité est palpable. Loin de nuire à l'écoute, elle aiguise la pensée et l'attention. Il ne simule pas. Il est ces fragments de solitude, d'abandon, de courage qui survivent dans l'ombre. La lumière de la librairie est presque de trop pour dévoiler les pages.
Le soir, je n'ai pu attendre. Je ne sais si l'insomnie a provoqué ma lecture ou si ce texte avait besoin de la nuit pour vivre. J'ai ouvert le livre et je ne l'ai plus lâché. Je ne suis pas spontanément attirée par les auteurs qui livrent une image de notre présent : il est périlleux de donner un sens, le nez dans le guidon du présent. Xavier Person n'est pas de ceux-là. Il ne cherche pas à faire fresque de l'aujourd'hui, ni sociale, ni politique et pourtant, tout y est, en creux. Il est mon contemporain, par ce qu'il voit, reçoit et ressent, dans cette modestie même de ne pas savoir ce qui se passe vraiment. Comme moi, il croise un homme en détresse dans le métro, sait qu'un autre dort dans un entrebâillement de porte, voit un blessé le soir de l'attentat du Bataclan. Comme moi, il vit dans un appartement qui a appartenu à quelqu'un avant lui et sera à un autre après lui. Il note, accueille, glisse ces détails dans l'écriture pour ne pas qu'ils disparaissent, pour que ces riens ne soient pas pour rien. Il ne cherche pas à fomenter une révolte, à éveiller les esprits mais juste à cette conscience du regard et de la place de l'écriture face à cela. Il ose jeter son corps et sa personne dans les mots, « se livrer plus franchement plutôt que se cacher derrières leurs histoires. » Je perçois l'effort de cette confidence : il eût été plus simple qu'un autre que lui se saisisse de ses propres bribes. Il aurait espéré ne pas en passer par là mais le mutisme ne protège pas. Il faut le fissurer par honnêteté pour que s'incarne celui qui reçoit, non par narcissisme mais pour être au même degré d'incertitude, dans la même quête que les autres. La fin est un appel, une danse. le corps emporte la tête. le mouvement devient transe, nécessité de bouger, d'entrer dans la ronde. L'auteur ne peut rester spectateur. Il appartient à la vie.
Refermant, le livre, j'ai attendu que le jour se lève. J'avais trouvé un témoin de mon temps. C'était rassurant dans notre monde qui ne sourit guère. J'ai regardé la photographie d'Olivier Astier de la couverture : les morceaux d'étoffe, pauvres et sans forme, entre vagues étoles et vestes d'homme qui accrochés avec soin, avaient une réelle présence. Xavier Person épingle des bouts d'insignifiance pour qu'ils évoquent une forme, un manteau que lui-même peut enfiler. Je l'imagine reprendre son chemin dans la ville. Passera-t-il devant le cirque cet été ? Je l'attendrais bien pour boire une limonade avec ou sans Kafka.
Lien : http://atelierdupassage.cana..
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critiques presse (1)
LaCroix
27 avril 2018
Xavier Person tente de saisir l’insaisissable, de capter ce qui, dans le présent et la mémoire, se dérobe.
Lire la critique sur le site : LaCroix
Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Ne se croyant vue de personne, elle tient une joue inclinée contre sa main ouverte. Ses paupières sont closes, sans crispation, son visage apaisé, plongé dans une quiétude un peu songeuse. Il aurait pu se faire que personne ne la voie dans le wagon du métro mais je la regarde, sans tenter d'imaginer à quoi songe cette jeune fille dont j'ignore tout. J'ai surpris cet instant où elle s'est retirée en elle-même. Peut-être est-ce cela qui me retient, le retrait à quoi un visage s'abandonne, qu'elle s'autorise malgré la foule, dans un léger écart. Elle s'en remet à son repli avec une certaine grâce, comme si cela allait de soi qu'elle ne soit pas vraiment là, qu'elle soit là sans y être.
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Il fait froid ce soir-là, la nuit qui tombe est assombrie par les épais nuages accumulés au-desus des toits. On dirait qu'il va pleuvoir, on s'attend à une pluie froide, à plus d'obscurité. De toute la journée je n'ai rien pu dire ou presque, prisonnier du mutisme où malgré moi je me tiens encore parfois, dans un malaise trop insistant pour que parler soit possible. Au carrefour de la rue Rambuteau et de la rue Saint-Denis, un jeune homme s'essaie à faire tourner un bon et fin bâton enflammé aux deux extrémités. Il va de plus en plus vite malgré sa maladresse. Son mouvement est fragile, qui peu à peu s'affirme. Ce feu pourrait donner sens à mon trouble, c'est à peine une intuition, je ne saurais en dire plus, mais cela ne brûle pas pour rien, ma tristesse pour un peu en serait éclairée. Que tourbillonne un mince flamboiement dans la nuit n'est pas insignifiante, le pressentiment m'en vient, sans pour autant rien pouvoir en dire à mon fils et à sa mère, le temps qu'il nous faut pour traverser le Mais, et arriver jusqu'à chez nous, derrière le Cirque d'hiver.
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Comment dire à son père ce qu’elle voulait tant lui confier ? C’est seulement sur la fin d’une promenade en forêt, il y a quelques années, à deux doigts d’y renoncer, que Marie osa lui faire un aveu. Une décision, espérait-elle, allait changer sa vie. Sans doute en raison de l’émotion qu’ils avaient ressentie l’un et l’autre, ils n’entendirent pas arriver la voiture qui soudain heurta son père avec une violence telle qu’il fut projeté en l’air, avant de retomber mort sur la chaussée. Sous le choc, plutôt que de se laisser prendre en charge par les secours, la jeune femme continua à marcher.
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Cela, pendant qu'elle me parle, fait écho à ce que Louisa vient de me raconter de la rencontre de son père avec la jeune femme qui allait devenir sa mère. Ayant par le plus troublant des hasards reconnu dans la rue celle dont, quelques années plus tôt, un ami lui avait montré la photographie en lui annonçant ses fiançailles avec elle, il l'avait abordée sous le prétexte de cette coïncidence. Son émotion était sincère, et il trouva les mots pour la convaincre de ne pas injurier la chance qui avait fait se croiser leurs chemins.
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