Dominique Resch est professeur de français et d'histoire – géographie dans les quartiers nord de Marseille. Mots de Têtes est une succession de tranches de vies, je devrai dire tranches de cours, entre ce prof et Abdel, Michaël, Nadir, Kevin et les autres : ses élèves.
Je referme ce livre en me disant : il faut cloner
Dominique Resch ! Il faut parler de ces nombreux profs comme lui qui aiment leurs élèves, qui, en gardant toujours la position d'enseignant, créent une complicité, un respect mutuel, ces profs qui vivent leur métiers comme un sacerdoce. Evidement parfois il doute, il a envie de baisser les bras, il serait bien plus tranquille dans un petit bureau mais très vite on comprend qu'enseigner est toute sa vie.
En pleine répétition d'une scène de Cyrano il improvise une leçon sur la fonction du groupe nominal sur la base ce cette charmante phrase : “M'sieur… sur la tête de ma mère, j'ai trop envie de pisser”. Lorsque L'OM perd il doit faire face à une classe anéanti mais lorsque l'OM gagne l'équipe devient un support de cours : champs lexicaux, figure de style, registre de langue.
“Le lundi matin, quand on a perdu le samedi soir, j'ai beau faire tout ce que je peux, je sais que c'est foutu d'avance. le moral de mes troupes est dans les chaussettes et on se trainera toute la journée. Quand on perd, je le vois à la démarche. A l'oeil triste et à l'air ecoeuré. Ils n'ont même pas besoin de parler.
En revanche, quand on gagne, tout es permis, le lundi matin.”
L'auteur nous parle des moyens mis en place pour lutter contre l'insécurité au sein de l'établissement : le recrutement d'ancien militaire (sic) ayant la carrure de l'emploi mais peu de notion de diplomatie… Un grand moment de rigolade face à deux mondes qui ne se comprennent pas.
“Je vois d'ici Abdel, toujours à la bourre le matin. Je le vois déjà, courant dans un champs de mines, les Viets au cul, la trouille au bide, le carnet de correspondance entre les dents, à ramper dans le couloir sous les balles réelles.
Le profil dont on a besoin, il est là. le type qu'on attendait, qu'on cherchait, qu'on esperait, il vient d'arriver.
Le Messie mais avec des couilles.
Le produit miracle, c'est lui. Ajax. Monsieur Propre dans notre crasse.
Il s'appelait Francis.
Il a tenu une semaine.”
Les élèves sont à la fois touchant lorsqu'ils prennent très à coeur l'inspection annuel de leur prof et font tout pour que cela se passe au mieux, fatiguant dans leurs tergiversations sans fin, amusant dans leurs avis tranchés sur le foot et le sacré-saint Olympique Marseillais, étonnant dans certaines analyses.
Bien évidement tout n'est pas rose et
Dominique Resch analyse parfaitement les faiblesses de notre système éducatif mais son humour, sa passion et sa vision de l'enseignement ouvre une fenêtre d'avenir à ces jeunes que les médias se plaisent à (souvent) nous décrire comme perdu voir irrécupérable.
Ce court roman, sous son premier aspect amusant et anecdotique, nous en dit beaucoup sur la jeunesse populaire d'aujourd'hui, l'intégration multiculturelle et la mixité sociale.