JEAN-FRANCOIS PAUL DE GONDI,
CARDINAL DE RETZ (1613-1679)
Partie 1 : 1613-1648 (pages 55-132) :
Gondi se rêve soldat (le Noir), se retrouve ecclésiastique (le Rouge), aime passionnément les femmes ("j'étais dans les premiers feux du plaisir qui, dans la jeunesse, se prennent aisément pour les premiers feux de l'amour"), complote s'alliant à Monsieur, frère du roi
Louis XIII ("Il pensait tout, ne voulait rien ; et, quand par hasard, il voulait quelque chose, il fallait le pousser en même temps, ou plutôt le jeter, pour le lui faire exécuter") puis au Comte de Soisson, de la lignée des Bourbons, prince de Condé ("M. le comte avait toute la hardiesse du coeur que l'on appelle communément vaillance, au plus haut point qu'un homme la puisse avoir, et il n'avait pas, même dans le degré le plus commun, la hardiesse de l'esprit, qui est ce qu'on nomme résolution. La première est ordinaire et même vulgaire ; la seconde est même plus rare que l'on ne se le peut imaginer"), se fait taxer de lâche par le duc de Bouillon auquel il répond vertement (". de Bouillon s'en mit en colère, et me dit même d'un ton de raillerie : « Vous avez le sang bien froid pour un homme de votre âge ! » À quoi je lui répondis ces propres mots : « Tous les serviteurs de M. le comte vous sont si obligés, monsieur, qu'ils doivent tout souffrir de vous ; mais il n'y a que cette considération qui m'empêche de penser, à l'heure qu'il est, que vous pourrez bien n'être pas toujours entre vos bastions. » M. de Bouillon revint à lui ; il me fit toutes les honnêtetés imaginables, et telles qu'elles furent les commencemens de notre amitié.").
Dès le début, un plaisir gourmand donnant à un gourmet le goût sublime de raretés stylistiques sublimement apprêtées...
Gondi court, prêche, ment, prend parti, conquiert, se réjouit (la mort de Richelieu fût comme un énorme soulagement dans le Royaume chez les Nobles, les Bourgeois et les Cléricaux), se fait nommer coadjuteur, aspire à faire sa place, rencontre la Régente, Anne d'Autriche, et son cardinal-confident, Mazarin qu'il finit a détester...
1648...le Fisc Royal exige...L'Affrontement s'annonce inattendu..
A suivre...!
Le rideau se lève sur le théâtre du Monde ("Il me semble que je n'ai été jusqu'ici que dans le parterre, ou tout au plus dans l'orchestre, à jouer et à badiner avec les violons ; je vas monter sur le théâtre, où vous verrez des scènes, non pas dignes de vous, mais un peu moins indignes de votre attention").
Retz apparaît en Machiavel. La Fronde commence, ultime combat des Robins, des Bourgeois et des Grands contre l'absolutisme royal. Il faudra 1789, le Tiers-Etat pour faire chuter le Monarque, les Grands sans pour autant abolir le règne de l'Hydre, l'Etat absolutiste, son administration tentaculaire, son goût effréné pour la confiscation par le Fisc, ses débordements anti-démocratiques, ses débauches impériales son appétence pour le maintien des accessions aux charges au sein de la Caste ( "L'Ancien Régime et la Révolution" de Tocqueville explique très bien cette permanence du Régalien retrouvé constamment sous les formes les plus ondoyantes de l'exercice du Pouvoir en France).
N.B. : Les portraits comparés de Richelieu et de Mazarin, à la façon des
Vies parallèles de
Plutarque, éblouissent par leur verve, leurs couleurs, le ciselage voulu-pages 124-127 :
RICHELIEU
"Le cardinal de Richelieu avait de la naissance. Sa jeunesse jeta des étincelles de son mérite : il se distingua en Sorbonne ; on remarqua de fort bonne heure qu'il avait de la force et de la vivacité dans l'esprit. Il prenait d'ordinaire très bien son parti. Il était homme de parole, où un grand intérêt ne l'obligeait pas au contraire ; et en ce cas, il n'oubliait rien pour sauver les apparences de la bonne foi.".....
MAZARIN
Le cardinal Mazarin était d'un caractère tout contraire. Sa naissance était basse et son enfance honteuse. Au sortir du Colisée, il apprit à piper, ce qui lui attira des coups de bâtons d'un orfèvre de Rome appelé Moreto. Il fut capitaine d'infanterie en Valteline ; et Bagni, qui était son général, m'a dit qu'il ne passa dans sa guerre, qui ne fut que de trois mois, que pour un escroc. Il eut la nonciature extraordinaire en France, par la faveur du cardinal Antoine, qui ne s'acquérait pas, en ce temps-là, par de bons moyens. Il plut à Chavigny par ses contes libertins d'Italie, et par Chavigny à Richelieu, qui le fit cardinal, par le même esprit, à ce que l'on a cru, qui obligea Auguste à laisser à Tibère la succession de l'Empire. La pourpre ne l'empêcha pas de demeurer valet sous Richelieu. La Reine l'ayant choisi faute d'autre, ce qui est vrai quoi qu'on en dise, il parut d'abord l'original de Trivelino Principe. La fortune l'ayant ébloui et tous les autres, il s'érigea et l'on l'érigea en Richelieu ; mais il n'en eut que l'impudence de l'imitation. Il se fit de la honte de tout ce que l'autre s'était fait de l'honneur. Il se moqua de la religion. Il promit tout, parce qu'il ne voulut rien tenir. Il ne fut ni doux ni cruel, parce qu'il ne se ressouvenait ni des bienfaits ni des injures. Il s'aimait trop, ce qui est le naturel des âmes lâches ; il se craignait trop peu, ce qui est le caractère de ceux qui n'ont pas de soin de leur réputation. Il prévoyait assez bien le mal, parce qu'il avait souvent peur ; mais il n'y remédiait pas à proportion, parce qu'il n'avait pas tant de prudence que de peur. Il avait de l'esprit, de l'insinuation, de l'enjouement, des manières ; mais le vilain coeur paraissait toujours au travers, et au point que ces qualités eurent, dans l'adversité, tout l'air du ridicule, et ne perdirent pas, dans la plus grande prospérité, celui de fourberie. Il porta le filoutage dans le ministère, ce qui n'est jamais arrivé qu'à lui ; et ce filoutage faisait que le ministère, même heureux et absolu, ne lui seyait pas bien, et que le mépris s'y glissa, qui est la maladie la plus dangereuse d'un État, et dont la contagion se répand le plus aisément et le plus promptement du chef dans les membres).