Le roman qui inspira "Le guépard". Federico de Roberto est né à Naples en 1866 et mort en 1927. Critique littéraire et artistique, "Les Princes de Francalanza " est son plus grand roman.
Cette fresque haletante, rappelant l'univers de Goya, est un récit de la chute d'une grande famille sicilienne ,au cours des années 1850-1880.
Les personnages, des seigneurs roublards, des prêtres paillards, des comtesses hystériques, des demeurés congénitaux rivalisent d'ingéniosité pour concocter complots, bassesses, tromperies et manipulations des plus abjectes .
Un roman qui immortalise la période de décadence qu'a représenté l'unification italienne pour la noblesse du pays.
Un roman captivant, vivant qui offre un regard intéressant sur des faits historiques .
Un excellent moment de lecture .
Commenter  J’apprécie         181
Cette histoire préfigure le récit du Guépard, de Lampedusa. Elle raconte la dynastie et le déclin d'une famille d'aristocrates de Sicile, Les Uzeda de Francalanza. Dans cette famille, règne l'amour pour le sang noble, pour les mariages arrangés entre cousins (encore une fois on y est!) ce qui donne lieu à une dégénérescence omniprésente les trois quarts du roman, mais aussi le sentiment de n'être qu'entre eux comme si rien d'autre n'existait à part leur monde empreint de bigoterie et d'hypocrisie.
L'histoire commence au moment où la matriarche, Teresa Uzeda meurt, léguant toute sa fortune à son fils aîné Giacomo, laid et envahi par une grande frustration, mais aussi son troisième fils et son préféré Raimondo, mari adultère. Les autres membres de la famille ne valent pas mieux: parmi les femmes il y a Chiara, qui après s'être mariée avec un cousin, mettra au monde un enfant mort-né, malformé et faisant office de décoration dans un bocal, Lodovico qui deviendra père Benedetto (ce n'est pas le pire ni le plus important de la fratrie), soeur Maria Crocefissa, la première née de Teresa Uzeda et, une parfaite inconnue, puis Ferdinando et Lucrezia, qui épousera un avocat, Giulente, pour le plus grand déplaisir des autres membres (eh oui, le côté républicain n'a pas sa place chez les Uzeda)
De tous, seuls Consalvo et Teresina, les enfants de Giacomo, font office de héros à leur manière et de témoins d'une époque qui va disparaître pour laisser place peu à peu au royaume d'Italie, de l'Italie de Victor-Emmanuel avec son unification et sa politique issue des actions de Camillo Benso di Cavour, un des principaux acteurs de l'unification italienne.
C'est la rencontre de la féodalité face à la construction d'un nouveau pays et de son indépendance!
Commenter  J’apprécie         110
Les Uzeda de Francalanza, de noble et ancienne lignée, celle des vice-rois d'Espagne, règne en maitre sur la vile sicilienne de Catane et sa région, leur fief. La mort et le testament de la princesse Teresa vont bouleverser cette immémoriale ordonnance familiale et mettre en branle les lignes de force, les travers, les vices inerrants aux vieilles familles quelque peu consanguines. On a beau être aristocrate, ces seigneurs nous dévoilent une fameuse galerie de toqués et de fourbes, d'idiots et de fripouilles : un comte qui détruit deux familles, un duc qui s'enrichi aux frais de l'Etat et le prince qui dépouille ses propres parents. Cette saga familiale, coïncidant avec les bouleversements politiques d'un pays qui marche vers son émancipation et sa réunification, ponctuée par les nombreuses épidémies de choléra, dresse le tableau particulièrement acerbe d'une famille prétendant à la respectabilité mais dont les déchirements et les revirements incessants selon les intérêts individuels du jour ne sont rien moins que nobles.
Malheureusement l'édition Points coupable de trop nombreuses coquilles et même de contresens dans la traduction ne rend absolument pas justice à ce roman naturaliste particulièrement corrosif, et par là même fort réjouissant, déjà victime de l'incompréhensible oubli de la postérité, alors que pour d'aucuns il est, avec les Fiancés de Manzoni, le plus grand roman de la littérature italienne.
Commenter  J’apprécie         40
Au début de l'hiver, le retour du prince, en compagnie de son oncle le duc, de sa femme et de sa fille suscita un regain de curiosité. L'impatience était grande de voir de ses propres yeux cette jeune princesse dont on portait aux nues la beauté. Il fallut bien convenir, malgré toute la méfiance avec laquelle on accueillait les hyperboles anticipées, que la réalité dépassait toute imagination. La beauté blanche et blonde, délicate et vaporeuse de la jeune fille était sans précédent chez les vice-rois, car cette vieille race espagnole, en se mêlant à des éléments insulaires mi-grecs, mi-sarrasins, avait peu à peu perdu sa pureté et sa noblesse. Quelle différence existait-il, par exemple, entre un dom Blasco et n'importe quel frocard issu de travailleurs de la glèbe, ou entre donna Ferdinanda et une vieille fileuse quelconque ? Pourtant, à la génération précédente, le comte Raimondo faisait exception à la règle et voici que Teresa semblait venir directement d'une vieille cellule intacte du sang castillan le plus pur. Grande, les épaules étroites, une taille qu'elle prenait presque dans ses mains et dont la sveltesse accusait la courbe des hanches, Teresa avait une élégance naturelle, un port noble et charmant qui perçait même sous la gaucherie de la collégienne engoncée si longtemps dans un uniforme disgracieux.
"Plus ils sont riches, ces animaux-là, plus ils sont pingres."