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336 pages
Actes Sud (06/09/2023)
3.42/5   79 notes
Résumé :
Dans le Sud de l’Inde au XIVe siècle, à la suite d’une bataille quelconque entre deux royaumes aujourd’hui oubliés, une fillette de neuf ans fait une rencontre divine qui va changer le cours de l’histoire. Après avoir assisté à la mort de sa mère, la petite Pampa Kampana, accablée de chagrin, devient le véhicule d’une déesse qui se met à parler par la bouche de l’orpheline. Lui accordant des pouvoirs qui dépassent l’entendement de Pampa Kampana, la déesse lui annonc... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (20) Voir plus Ajouter une critique
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S'inspirant du véritable Vijayanagar, dernier grand royaume hindou, qui, de sa fondation au XIVe siècle jusqu'à sa disparition quelque deux cent trente ans plus tard, s'efforça de résister à l'expansion musulmane dans tout le sud du sous-continent indien, Salman Rushdie feint de nous présenter la toute première traduction, par ses soins et « dans une langue simplifiée », d'un chef-d'oeuvre fictif, intitulé le Jayaparajaya – « Victoire et Défaite » en sanskrit –, récemment retrouvé dans une vieille jarre et qui, avec ses vingt-quatre mille vers, pourrait se comparer au Mahabharata et au Ramayana, les deux grands poèmes épiques de l'Inde, fondateurs de l'hindouisme.


Au XIVe siècle dans le sud de l'Inde donc, Pampa Kampana, une fillette de neuf ans, se retrouve seule survivante de son village, les hommes ayant été tués à la guerre et les femmes dans les bûchers allumés selon la tradition du sacrifice des veuves. Une déesse intervient alors et la dote de pouvoirs magiques : elle vivra deux siècles et demi, le temps pour elle de fonder et de gouverner, jusqu'à son effondrement, la ville de Bisnaga, capitale d'un empire où, pour une fois, les femmes seront les égales des hommes. Ainsi commence une épopée dont les périodes et les vicissitudes s'enchaîneront au gré d'une temporalité narrative choisissant de s'attarder ou d'accélérer à volonté.


Sous le règne de Pampa Kampana, la ville de Bisnaga, menant la guerre pour s'assurer la paix, devient l'invincible et prospère capitale d'un empire où les femmes sont libres de leur sexualité et exercent des tâches jusqu'ici dévolues aux hommes. Mais une Protestation prenant le forme d'une secte finit par se former et contester le pouvoir en place. Cette reine qui a fondé son royaume sur la force des mots, « chuchotés » à l'oreille de ses sujets, découvre, comme tout créateur, « y compris Dieu », qu'« une fois que vous avez créé vos personnages, vous êtes lié par leurs choix. Vous ne pouvez plus les refaire en fonction de vos désirs. Ils sont ce qu'ils sont et ils feront ce qu'ils voudront. Cela s'appelle le “libre arbitre”. » Au pouvoir de la magie succède donc celui de la religion, des intégrismes et des fanatismes. « Les idées qu'elle avait implantées n'avaient pas pris racine ou alors ces racines n'allaient pas assez profond et se laissaient facilement arracher. » A leur place, « avait [été] créé un nous qui n'était pas eux, un nous qui (...) soutenait en secret l'intrusion de la religion dans tous les recoins de la vie politique aussi bien que spirituelle. » « Leur sentiment religieux [étant] pesant, simplet et banal, les considérations mystiques les plus élevées leur échappaient complètement et la religion devint pour eux un simple outil destiné à maintenir l'ordre social. » Un ordre ne tenant bientôt plus qu'au rapport de forces entre factions et partisans, au rythme des conspirations, des coups d'état et des assassinats. Y-a-t-il seulement une issue à la folie des hommes ?


Flamboyante pseudo-légende subtilement teintée d'humour, le récit laisse d'autant mieux deviner sa portée métaphorique que l'on connaît les combats de l'auteur contre le sectarisme et l'obscurantisme. Ce dernier livre, tout juste achevé avant l'attaque islamiste au couteau qui, en 2022, après trente-trois ans d'une fatwa exigeant la mise à mort de l'écrivain, a bien failli lui coûter la vie, est une nouvelle croisade, pour la place des femmes, en Inde en particulier mais pas seulement, et aussi, plus que jamais, pour la création littéraire et la liberté d'expression. Dans une réalité irrémédiablement vouée au crime et à l'injustice, aux guerres et aux complots, à la torture et à l'oppression, ne reste, en ultime protestation et pour porter la vision d'un monde meilleur, que le seul poids des mots sur le papier. « Les mots sont les seuls vainqueurs », conclut Salman Rushdie. Lui-même en paye le prix fort avec les séquelles de l'attentat à son encontre. Les lire et les colporter sont le moins que l'on puisse faire.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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J'avais bien envie de lire un livre du célèbre écrivain qui, le 12 août 2022, a été poignardé à plusieurs reprises alors qu'il allait donner une conférence, et qu'il a perdu un oeil et l'usage de l'une de ses mains dans cet attentat.

J'ai donc emprunté « La Cité de la Victoire » à ma bibliothèque favorite.
C'est une fable. Elle pourrait se dérouler en Inde, comme elle pourrait se dérouler n'importe où et dans un espace intemporel.

L'héroïne de la fable, la petite Pampa Kampana, assiste au suicide de sa mère après une défaite de son peuple en guerre. Recluse comme un ermite auprès d'un homme profondément religieux, elle devient soudain la représentante d'une déesse qui lui confère des pouvoirs surnaturels, dont celui de pouvoir bâtir une ville complète ex nihilo : ce sera la ville de Bisnaga (ou « cité de la victoire » selon la traduction).

Commence alors 330 pages d'une épopée incroyable, où deux frères vont se disputer successivement la conduite de la ville, et Pampa Kampana sera leur reine successivement. Et vivra pendant deux siècles et demi mais sans jamais vieillir.

Caractéristique de cette ville : les femmes y sont les égales des hommes et les tâches sont également réparties entre chacun, la sexualité s'épanouissant sans tabou, y compris pour la Reine qui peut avoir des amants au grand dam de celui qui règne sur la ville en tant que Roi.
Il y est question aussi d'une secte qui va détourner les valeurs de bienveillance et de respect que la Reine avait imposé sur son territoire. Une fois les personnages créés, même un Dieu ne peut intervenir. Les sujets « sont ce qu'ils sont et ils feront ce qu'ils voudront. Cela s'appelle le “libre arbitre”.

On comprend vite que Salman Rushdie profite de ce récit pour faire passer ses messages préférés : l'esprit de tolérance devrait régner partout. Défense de la liberté d'expression, éloge de la liberté tout court, lutte contre l'obscurantisme sous toutes ses formes : la saga est on ne peut plus d'actualité – évidemment.

L'homme qui a affronté la Fatwa qu'il a suscitée avec les fameux » Versets sataniques » plaide pour un changement profond de civilisation, non seulement dans son ex pays l'Inde, mais partout sur la planète et le moins qu'on puisse dire c'est que c'est loin d'être gagné !

Alors même si c'est un peu longuet, on n'en voudra pas au grand écrivain américain de s'essayer à l'écriture d'une épopée antique, pleine d'aventure, d'amour et de mythes, puisque le point d'orgue auquel nous autres Babeliotes ne pouvant que souscrire : « Les mots sont les seuls vainqueurs. »

Puisse-t-il seulement transformer la réalité d'aujourd'hui dans le monde de tolérance qu'il porte en lui et qu'il a inscrit dans sa chair, en dépit de tout ce qu'il a pu vivre par tous ceux qui ne veulent pas de ce monde-là …
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Mode d'emploi pour créer de toutes pièces une ville :
1. Trouver un terrain plat entre les montagnes.
2. Se munir d'un sac.
3. Se procurer des graines magiques.
4. Parcourir le terrain en semant les graines. Au bout de quelques jours si tout va bien, votre ville s'élève, avec ses palais, ses temples et ses maisons, et les habitants se baladent dans ses rues. Un peu hagards, les habitants : il est temps de passer à l'étape suivante.
5. S'asseoir sur le sol dans la position du lotus, et chuchoter. Chuchoter sans interruption pendant des jours, le temps nécessaire pour que la population de votre ville acquiert une mémoire, des souvenirs et un comportement humain. Vous pouvez alors vous lever, vous sustenter et prendre un peu de repos.
Si vous avez bien suivi toutes les étapes, la ville de Bisnaga rayonnera et deviendra la capitale d'un empire, avec sa culture et ses artistes, avec ses guerres de conquête et ses luttes de succession.
Vous aimerez des hommes venus d'au-delà des mers, vous serez fière de vos filles, et atterrée par vos fils.
Vous serez parfois vénérée à l'égal d'une déesse, parfois chassée de la ville avec votre progéniture.
Et parfois chassée par votre progéniture elle-même.
Vous vivrez 247 ans.
Vers la fin, le temps vous semblera long.
En revanche la lectrice, elle, aurait aimé prolonger sans fin ce conte merveilleux, cette fable historique par laquelle le grand Salman Rushdie met en lumière les dérives du pouvoir et de la religion dans notre monde contemporain.

Traduction parfaite de Gérard Meudal.
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« "Du sang et du feu, dit la déesse, naîtront la vie et le pouvoir. À cet endroit précis s'élèvera une grande cité, la merveille du monde, et son empire durera plus de deux siècles. Et toi - la déesse s'adressa directement à Pampa Kampana, faisant vivre à la petite fille une expérience unique, celle d'entendre de sa propre bouche les mots qui lui étaient adressés par une inconnue surnaturelle -, tu te battras pour t'assurer que plus aucune femme ne sera brûlée de cette façon et pour que les hommes se mettent à considérer les femmes autrement, et tu vivras juste assez longtemps pour assister à la fois à ton succès et à ton échec, pour assister à tout et en relater l'histoire même si, lorsque tu auras achevé ton récit, tu mourras immédiatement et plus personne ne se souviendra de toi pendant quatre cent cinquante ans." »

La cité de la victoire, Salman Rushdie @actessud #rentreelitteraire2023

Fabuleux 🌟 au sens propre comme au sens figuré! Ce récit est tout à la fois une fable aux accents épiques et un texte merveilleux!

Sous les apparences d'une épopée contant une civilisation aujourd'hui disparue, l'auteur met en scène l'apparition, la vie et la chute d'une cité fictive qui se serait établie du côté de l'Inde…

En presque 250 ans d'existence, elle nous offre un résumé de tout ce que sont les civilisations qui ont peuplé et peupleront la Terre… vie et trépas, splendeur et décadence, lumière et ténèbres!

« "Rien ne dure et pourtant tout a un sens. Nous nous élevons, nous tombons, nous nous élevons de nouveau, nous retombons. Nous persévérons. J'ai connu moi aussi le succès et l'échec. La mort est proche à présent. En elle se rejoignent humblement le triomphe et l'échec. Nous apprenons moins de la victoire que de la défaite." »

Car c'est bien l'humain que Salman Rushdie met en scène dans ce conte empreint de réalisme et de magie… l'humain dans ce qu'il a de grand comme de vil, de beau comme de sombre!

L'humain! L'auteur le décortique en quelque sorte et, par le biais de cette fiction, il transmet des messages tels que le respect de la Terre, l'harmonie entre hommes et femmes, le danger du fanatisme…

« … son règne serait donc une période d'oppression et de puritanisme, et les femmes de Bisnaga à l'esprit libre allaient grandement souffrir. Elle ferma les yeux, envisagea le futur et découvrit qu'après Numéro Deux les choses allaient encore empirer. La dynastie allait sombrer dans des disputes, une intolérance religieuse grandissante et même le fanatisme. »

Miroir de notre Histoire, de nos civilisations, Bisnaga est aussi, sous certains rapports, une projection d'un idéal, d'une sérénité imaginée ou retrouvée…

« Dans l'empire de Bisnaga, dit-elle dans son adresse au conseil les femmes ne sont pas traitées comme des sujets de seconde zone. Nous ne sommes ni voilées ni cachées. Beaucoup de nos femmes sont des personnes de haute éducation et de grande culture. Songez à la merveilleuse poétesse, Tallapalka T. Songez à l'exceptionnelle poétesse Ramabhadramba. Des femmes participent aux actions de l'État. Considérez notre amie bien. aimée, la noble dame Akkadevi, qui administre une province sur notre frontière sud et a même mené notre armée à la bataille pendant plus d'un siège contre un fort ennemi. […] »

Peu importe l'avis que l'on peut avoir de cet auteur, si l'on met de côté les préjugés, les cabales, la haine, et que l'on s'attache uniquement au texte, ce récit est instructif et vivifiant!

Les réflexions sont profondes mais mises en lumière subtilement, dans une prose envoûtante et magnifique 🌟

« Moi-même, je ne suis plus rien. Seule subsiste la cité des mots.
Les mots sont les seuls vainqueurs. »

Je pense que toute la pensée de l'auteur est contenue dans ces quelques mots!

Après l'obscurité se lève la lumière des mots, la sagesse de la parole, la clarté d'une langue déliée…

Laissons briller la lumière d'un esprit littéraire, libre et instruit ✨
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Salman Rushdie est connu pour son style mêlant mythe, fantaisie et la vie réelle, ce roman n'échappe pas à la règle. Sous un aspect de conte, où une déesse prend possession du corps d'une enfant, où une femme créé une ville avec un sac de graines, où elle chuchote aux habitants leurs propres histoires de son cru, ou encore elle se transforme en oiseau... 

L'histoire de Vijayanagar est bien réel, l'auteur s'inspire en effet du dernier grand royaume hindou de l'Inde, créé en 1336 par deux frères Sangama, et le récit portera sur l'histoire de ce royaume et du règnes de ces rois se succédant sur quatre dynasties, jusqu'à la disparition du royaume en 1565.

C'est sur ce fond historique que Salman Rushdie ajoute sa fantaisie : Pampa Kampana ! Une enfant de neuf ans qui sera habitée par une déesse durant 247 ans. C'est par son existence que l'auteur retracera l'histoire et prendra des libertés. C'est aussi à travers Pampa Kampana qu'il portera sa sagesse et sa vision des religions.

Salman Rushdie dénonce, en quelque sorte, le narcissisme élitiste, le racisme, l'intolérance, l'instinct de l'homme... Mais il est question aussi du droit des femmes, il a beaucoup d'importance dans ce récit à travers Pampa Kampana, les femmes y sont représentées fortes pour la plupart. Quand au peuple, je dirai qu'il est représenté comme un troupeau, il n'a, et peut-être n'est-ce que mon impression, qu'une place relative.

Comme on peut s'y attendre de la part de Salman Rushdie, il est beaucoup question de religions, de fanatisme, de conversion...

Cela fait longtemps que je voulais lire Salman Rushdie. Je me demandais bien ce que pouvait écrire un homme qui pouvait lui valoir à ce point une fatwa, que peut-il donc écrire qui fasse si peur. à un fanatique religieux. Je n'ai pas lu les "Versets sataniques" pour le moment, mais rien que dans ce roman, les idées de l'auteur transparaissent et sa subtilité est piquante, pertinente...

"Ainsi étaient les hommes, se disait Pampa Kampana. Un homme philosophait à propos de la paix mais dans sa façon de traiter la pauvre jeune fille sans défense qui dormait dans sa grotte, il n'agissait pas conformément à sa philosophie."

"- Ce qui veut dire, commenta Ka-ah-eh-va, que Bisnaga sera désormais dirigée par un fanatique religieux conseillé par un autre extrémiste."

"Pouvait-on imaginer que le monde serait meilleur sans rois ? Pourtant le monde animal se choisissait des chefs de clan, des chefs de meute, des chiens dominants. Alors la question la plus pertinente était peut-être de savoir comment choisir de tels chefs. La manière des animaux, par le combat, n'était pas la meilleure. Existait-il un moyen, était-ce seulement possible, de laisser le peuple choisir ?"

Il y a notamment une allusion à des singes hostiles qui m'a fait sourire, est-ce moi qui y est trouver un double sens ? Peut-être... 


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critiques presse (3)
Bibliobs
22 septembre 2023
Inspiré d’éléments historiques avérés et présenté comme un manuscrit retrouvé que l’auteur truffe de ses commentaires, le [...] livre de l’écrivain est le roman d’avant la gravité, d’avant la perte de l’œil et le retour à la peur.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Culturebox
11 septembre 2023
Amour, palais, intrigues, batailles… Les contes métaphoriques qu’il nous raconte ne peuvent que faire écho à un éternel recommencement, au cœur d’une jungle fantasmée. Un monde imaginaire qui parle aussi de notre monde réel, comme le font toujours les romans, prétextant la fiction.
Lire la critique sur le site : Culturebox
LaLibreBelgique
08 septembre 2023
Un an après l’agression subie, Salman Rushdie publie "La Cité de la victoire", une grande et réjouissante saga historico-féministe.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Citations et extraits (38) Voir plus Ajouter une citation
incipit : Au dernier jour de sa vie, alors âgée de deux cent quarante - sept ans, la poétesse aveugle, faiseuse de miracles et prophétesse Pampa Kampana acheva son immense poème narratif consacré à Bisnaga et l’enterra dans une jarre en argile scellée à la cire au cœur des ruines de l’Enceinte Royale, en guise de message adressé à l’avenir.
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Au dernier jour de sa vie, alors âgée de deux cent quarante-sept ans, la poétesse aveugle, faiseuse de miracles et prophétesse Pampa Kampana acheva son immense poème narratif consacré à Bisnaga et l’enterra dans une jarre en argile scellée à la cire au cœur des ruines de l’Enceinte Royale, en guise de message adressé à l’avenir. Quatre siècles et demi plus tard, nous avons découvert cette jarre et lu pour la première fois l’immortel chef-d’œuvre intitulé le Jayaparajaya, ce qui signifie “Victoire et Défaite”, rédigé en sanskrit, aussi long que le Ramayana, composé de vingt-quatre mille vers, et nous avons appris les secrets de l’empire qu’elle avait cachés à l’histoire pendant plus de cent soixante mille jours. Nous ne connaissions que les ruines qui subsistaient et notre souvenir de son histoire était lui aussi en ruine, à cause du passage du temps, des imperfections de la mémoire et des falsifications de ceux qui vinrent après. À la lecture du livre de Pampa Kampana, le passé fut retrouvé, l’empire de Bisnaga fut ressuscité tel qu’il avait existé avec ses guerrières, ses montagnes d’or, son esprit généreux et ses époques de mesquinerie, ses faiblesses et ses forces. Nous entendîmes pour la première fois le récit complet de ce royaume qui commença et finit par un incendie et une décapitation. Voici cette histoire, racontée cette fois dans une langue simplifiée par l’auteur de ces lignes qui n’est ni un savant ni un poète mais un simple raconteur d’histoires et qui offre cette version pour le pur divertissement et l’éventuelle édification des lecteurs d’aujourd’hui, vieux et jeunes, très instruits ou pas tant que cela, ceux en quête de sagesse et ceux que la folie amuse, les gens du Nord et les gens du Sud, les fidèles de diverses religions et les athées, les larges et les étroits d’esprit, hommes, femmes et représentants de tous les genres au-delà et entre les deux, rejetons de l’aristocratie et roturiers, bonnes gens et fripouilles, charlatans et étrangers, humbles sages et fous égocentriques.

(INCIPIT)
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Moi, Pampa Kampana, suis l’auteure de ce livre,
J’ai vu, dans ma vie, l’ascension et la chute d’un empire.
Qui pense encore à eux aujourd’hui, ces rois et ces reines ?
Ils n’existent à présent que dans les mots.
De leur vivant, ils furent vainqueurs ou vaincus, parfois les deux. Ils ne sont plus ni l’un ni l’autre.
Les seuls vainqueurs, ce sont les mots.
Leurs actions, leurs pensées, leurs sentiments n’existent plus.
Seuls subsistent les mots qui les évoquent.
On gardera d’eux le souvenir que j’ai choisi de garder
On se souviendra de leurs actes de la façon dont je les ai racontés
Leurs intentions resteront celles que je leur ai prêtées.
Moi-même, je ne suis plus rien.
Seule subsiste la cité des mots.
Les mots sont les seuls vainqueurs.
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Il n'était pas du tout certain que les gens allaient choisir le raffinement contre la barbarie. La ligne du parti concernant les adeptes des autres religions - nous sommes les bons et ils sont les méchants - avait une sorte de limpidité contagieuse. Tout comme l'idée que manifester des désaccords revenait à être un mauvais patriote. Si on leur offrait le choix entre penser par eux-mêmes ou suivre aveuglément les chefs, bien des gens choisiraient l'aveuglement contre la lucidité surtout quand l'empire était prospère, qu'ils avaient de quoi manger sur la table et de l'argent dans les poches. Tout le monde ne souhaitait pas réfléchir, préférant manger et dépenser. Tout le monde ne voulait pas aimer ses voisins. Certains préféraient la haine. Il y aurait des résistances.
(page 165)
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Tout nouvel endroit où des gens ont décidé de vivre demande du temps avant d’être perçu comme réel, dit-elle, cela peut prendre une génération ou davantage. Les premiers occupants arrivent chargés d’images du monde dans leurs bagages, avec des choses venues d’ailleurs plein la tête, mais le nouvel endroit leur paraît étrange, ils ont du mal à croire en lui, même s’ils n’ont nulle part ailleurs où aller et ne peuvent être personne d’autre. Ils se débrouillent de leur mieux avec leur héritage et puis ils commencent à l’oublier. Ils en racontent une partie à la génération suivante, ils oublient le reste et les enfants en oublient encore davantage et modifient leur état d’esprit, mais ils sont nés ici, c’est là toute la différence, ils sont de cet endroit, ils sont cet endroit et cet endroit est eux, et leurs racines en se développant apportent à ce lieu la nourriture dont il a besoin, alors il fleurit, bourgeonne, il se met à vivre et lorsque les premiers occupants disparaissent, ils peuvent partir heureux car ils savent qu’ils ont initié quelque chose qui va perdurer.
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Vidéo de Salman Rushdie
« Il était essentiel que j'écrive ce livre : une manière d'accueillir ce qui est arrivé, et de répondre à la violence par l'art. »
Pour la première fois, Salman Rushdie s'exprime sans concession sur l'attaque au couteau dont il a été victime le 12 août 2022 aux États-Unis, plus de trente ans après la fatwa prononcée contre lui. le romancier lève le voile sur la longue et douloureuse traversée pour se reconstruire après un acte d'une telle violence ; jusqu'au miracle d'une seconde chance.
Pour accompagner la parution de ce livre inédit, Salman Rushdie a accordé à La Nouvelle Revue Française un entretien exclusif. Nous vous invitons à le découvrir dans son intégralité en librairie ou en version numérique sur notre site.
Découvrez l'entretien https://www.lanrf.fr/products/il-etait-une-fois-entretien
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