La banlieue. En quelques années et en quelques romans , elle est devenue une source d'inspiration, une terre d'exploration pour le roman noir français.
«
Les anges s'habillent en caillera » de
Rachid Santaki offre la particularité d'avoir été écrit par un enfant de la cité. Un fils de ces banlieues tant décriées, où les stéréotypes les concernant sont tellement ancrées dans l'imaginaire collectif qu'il est difficile de croire qu'un jeune qui y grandit puisse s'y construire un avenir autre que celui qui plonge ses racines dans le trafic et la violence, et finit par se faner à l'ombre de barreaux métalliques.
Pourtant
Rachid Santaki, a bien suivi un autre chemin. Et le sien est un parcours militant, une lutte pour que l'écriture et la lecture s'épanouissent dans la banlieue, que la musique et le sport y apportent des possibles aux jeunes sans repères . Son combat c'est celui de l'expression, du dire, du faire, pour que les jeunes de ces quartiers puissent conjuguer le verbe exister . Un combat permanent.
La cité il l'a vit de l'intérieur. Qui mieux que lui pouvait en parler avec des mots qui cognent comme des coups de poing à travers un livre qui n'est ni un plaidoyer pour les banlieues, ni un pamphlet contre la misère de ces quartiers, mais juste un roman qui s'inspire de la vie d'un de ces jeunes qui tournent mal , et qui a peut être pour mérite de montrer que derrière le voyou ou le flic ripoux se cache d'abord un homme tombé dans le vide.
On le surnomme « le Marseillais », il est jeune, et jouit une belle notoriété dans son quartier. Ilyes fait partie de ces jeunes de cité qui veulent tout , tout de suite. Se faire de l'argent, le plus vite possible, pour asseoir sa réputation et se forger une place dans la cité. Mais Ilyes, lui, veut être au plus haut dans l'échelle. Et pour çà , il en a le talent et l'intelligence. Sa spécialité, le vol de cartes bleues et le craquage des codes, pour convertir à coup sûr son forfait en milliers d'euros.
A Mais au moment où nous faisons connaissance avec lui, Ilyes sort de prison. Tombé à cause d'une balance. Alors il a les nerfs et rumine sa vengeance. Et quand avec l'aide d'un caïd de la cité et de ses complices serbes il met la main sur celui qui a causé sa chute, la dette se paiera dans le sang. Mais au moment où Ilyes tue celui qui l'a trahi, les flics surgissent de nulle part.
Stop. Flash back. On rembobine l'histoire de sa vie,on revient sur son parcours,on l'accompagne sur le chemin de son destin. Un destin désiré, revendiqué et décidé. Parce que le crime paie, et plutôt grassement. Parce que tout est facile. Il suffit d'évaluer les risques et le cas échéant de savoir courir vite. Ilyes fait son apprentissage à l'ombre des plus aguerris que lui, mais trouve sa propre voie, son style. Ilyes devient « le Marseillais » et gagne en renom et en estime parmi les siens. C' est devenu un as. Il compte dans la cité.
Mais ce que « le Marseillais » a oublié, c'est que la vie est loin d'être manichéenne. Que l'argent ne fascine pas que les voyous, que pour un magot dont cherche à mettre la main dessus, tous les coups sont permis et peuvent venir de n'importe où.
Rachid Santanki dresse une galerie de personnages hors du commun. Loin des stéréotypes, il nous plonge dans les relations incestueuses entre flics et voyous, où derrière la façade se cache une réalité différente, faites de coups bas, de compromissions,de racket ,de lutte de territoire et de marchés. Il nous fait vivre de l'intérieur une cité ou une cellule de prison et découvre au lecteur une chose insensée, que derrière la crapule se cache d'abord un être humain.
Parmi eux Stéphane, un flic violent, compromis , et usé. Un homme orphelin de l'amour maternel qui s'est construit avec un vide dans le coeur. Et quand il rencontre l'amour, il tombe à genou.
SANTAKI«
Les anges s'habillent en caillera » est un roman sombre, violent, une histoire qui mêle argent, boxe, flics ripoux, balances,et le tout rythmé au son du Hip hop.
L'auteur est un militant je l'ai dit. Lors de la sortie de son livre il a sillonné les cités pour en faire la promotion, en sillonnant le 93 à bord de sa camionnette à la rencontre des habitants. Car ce roman, c'est le leur.
Indéniablement l'un des meilleurs romans sur la banlieue!