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EAN : 9782070723737
208 pages
Gallimard (17/10/1991)
4.5/5   2 notes
Résumé :
"Dans ces pages qui parlent de l'Italie - dans celles sur Venise surtout, mélancoliques ou lancinantes -, Sartre, mieux que dans un journal intime, exprime son rapport à la beauté, au temps, à la mort et, finalement, la saveur de son existence ; on y perçoit en filigrane les sources subjectives de sa recherche philosophique. Jamais, sauf peut-être dans La nausée, il ne s'est servi plus subtilement du pouvoir envoûtant des mots, qui permet le don. "J'ai voulu quelque... >Voir plus
Que lire après La reine Albemarle ou le dernier touriste : FragmentsVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Qui est-elle cette reine Albemarle qui, ici et là, pointe son nez dans le récit ? Est-elle la patronne des touristes ? le saurons-nous jamais ? Perdue probablement dans les interstices de ce texte en fragments.

L'ouvrage commence par une visite à Naples et Capri : déjà Sartre analyse l'effet du mouvement du train sur son regard, sur les tableaux que lui offrent le paysage : la table est mise : Les fragments qui composent ce livre inachevé se présentent avant tout comme une analyse sous forme d'introspection lucide de l'expérience vécue en tant que touriste, avec sa culture historique et artistique, son oeil politique aiguisé et sa sensibilité propre. L'homme Sartre visite et remplit son regard de tout sont art réflexif.

Vient ensuite la visite de Rome où se superposent les différentes périodes : antique, baroque et moderne… le rôle que le touriste fait jouer à la ville, les conflits sociaux, comment les arts du spectacle réinterprètent l'antique, comment ruines et même ossuaires sont réinterprétés pour le touriste, le badaud du XXe siècle…

Sartre dans ce livre nous partage surtout une vision très personnelle de la ville de Venise, non pas personnifiée comme elle peut l'être chez certains romantiques mais vécue dans ses évidences et ses contradictions : ruelles courtes et barrées, omniprésence de l'eau vibrante, molle mais corrosive sur laquelle repose la ville.

Que serait Venise sans ses artistes ? Alors Sartre nous offre une superbe analyse des peintures du Tintoret, toutes conçues comme espace, lumière et mouvement plus que comme représentation divine ou humaine; un espace où s'exprime l'angoisse d'un monde qui s'effondre (nouvelle cosmogonie, bouleversement de l'humanisme par la contreréforme) C'est bien évidemment le baroque qui frappe à la porte chez le Tintoret.

Venise donne aussi à ce recueil de fragments inachevés sa forme labyrinthique: digressions, voies sans issues, retours en arrière, reprises ou tantôt envasement. Ce plan absolument involontaire donne à l'ouvrage une forme définitivement moderne ou plutôt post-moderne que ne désavoueraient pas les tenants du nouveau-roman. le fragment étant probablement le dernier état d'une écriture en décomposition, ici certainement due à l'effet abrasif de la lagune sur les majestueux palais vénitiens.

Sartre ne finira jamais La reine Albemarle et en cela il sera bien le dernier touriste à écrire sur l'Italie… après lui, à mon avis, on aura affaire à ces guides du motard ou de toutes les couleurs, plus à de la vraie littérature de voyage.

Car rendre la vérité et la paradoxale splendeur de Venise avec des mots, sans une seule photo, voilà bien ce que notre philosophe existentialiste parvient à faire tout en ne pardonnant à la cité des doges aucun de ses péchés.

Mais qui donc était la reine Albemarle ?
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
L'eau à Venise, c'est la Notion Négative. Ce désordre épars, cette agitation perpétuelle et anonyme s'ébat autour d'affirmations péremptoires. Cette éternité qui a la bougeotte et qui attire en elle-même tous les contours pour les nier, c'est le Devenir, c'est le Temps. Les palais plongent dans l'eau comme les vérités éternelles qui fuient vers la mort. A Venise on peut voir le Temps, on peut le chevaucher comme je fais à présent. Voyez-le lécher ces façades, trembler, se retirer, revenir lécher les mêmes blessures, ronger les mêmes pierres. Le soleil romain maquille très sournoisement les vieux plâtres, on ne sait pas que chaque rayon est un pinceau. Mais à Venise on voit l'insinuation lente, on voit les ventouses du temps, ses succions, ses suçons à la brique, aux marches verdies, aux poteaux de bois. Dans l'eau, Venise vieillit à vue d'œil, elle se noie. Si je relève la tête, je retrouve ces petits êtres contenus dans leurs avares limites, crispés, qui semblent jouer l'éternité. Des comédies.
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...pourquoi faut-il que mon ami L. ait choisi d'habiter au XVIIe siècle ? Je reviens sur mes pas, vers un escalier monumental, à droite de l'entrée. Je savais qu'il était là, cet escalier. Sous cette clarté charbonneuse, les choses ne s'imposent pas d'un coup; on ne les voit pas d'abord, et puis, quand on les remarque, on s'aperçoit, comme dans les rêves, qu'on les avait déjà vues. Lustrées comme des bénitiers, hautes comme des socles, les larges marches antiques se perdent dans la pénombre. Pourquoi pas ? Sous une ampoule qui pend au bout d'un fil, je commence l'ascension, je m'enfonce dans les entrailles de pierre du siècle classique.
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L'eau de Venise donne à la ville entière une très légère couleur de cauchemar : car c'est dans les cauchemars que les outils nous trahissent, que le revolver braqué contre le fou meurtrier ne part pas, c'est dans les cauchemars que nous fuyons talonnés par un ennemi mortel et que tout d'un coup la chaussée ramollit quand nous voulons la traverser.
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Pour être vrai, on marche encore. En Europe, du moins. Mais cette activité, en général hygiénique et parfois clandestine, est bien déconsidérée. C'est qu'on lui a ôté sa vertu en lui retirant le droit de tracer les routes. Aujourd'hui on marche dans les ornières des chars, entre des rails d'acier, sur de la vitesse refroidie; dans un univers sillonné de projectiles, on réalise de petits déplacements éphémères et inutiles. On traçait les routes; on les emprunte. A qui ? Ah voilà le drame: touristes, dans vos cités natales, vous n'êtes plus chez vous...
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La mort, l'oubli, l'irrémédiable, les peines d'amour perdues, les occasions manquées, voilà les aliments quotidiens du touriste. Le tourisme est une fleur du Mal.
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