Une fille, abandonnée par sa mère alors qu'elle n'est encore qu'une petite enfant et une vieille dame, qui a fuit son rôle de mère afin de s'investir corps et âme dans la Waffen-SS. Alors que la première a dû apprendre à vivre en se passant de l'amour d'une mère et a dû faire face à la guerre et sa dure réalité, la seconde participait à son atrocité sans ciller et sans scrupules, sans souffrir d'aucune sorte ni des privations ni des meurtrissures de l'âme…
Ce court témoignage qui se dévore littéralement, retranscrit l'ultime réunion d'
Helga Schneider et de sa mère, atteinte d'Alzheimer, mais dont les souvenirs pour « l'ancien temps », sont encore vifs et… troublants.
On ressent toute la dualité de la situation qu'Helga a dû traverser, d'un côté l'espoir de retrouver une mère, un amour inconditionnel dont elle a cruellement manqué, de découvrir une vieille femme pathétique et fragile ; de l'autre la conviction de se trouver face à un monstre avec lequel on ne veut avoir aucun lien, une vielle femme antipathique et acariâtre, manipulatrice et cruelle.
Ce témoignage ne nous apprend concrètement rien de nouveau sur les pratiques des camps de concentration et d'extermination bien qu'il valide et certifie certains actes et nous conte certaines atroces anecdotes. le plus important étant ce « voyage » psychologique, que faire de cette mère, que ressentir pour elle ? Ecouter sa morale ou se laisser aller aux élans de son coeur ? Peut-on haïr sa mère envers et contre sa nature ? Et bien qu'Helga ne fût qu'une enfant à cette époque, peut-elle entièrement juger et condamner sa mère quand elle-même a eu des gestes mauvais et répréhensibles envers ce peuple Juif ?
Depuis fort longtemps, je suis attirée par les récits, qu'ils soient (auto)biographiques ou romancés ayant pour thème la Seconde guerre mondiale et les répercussions sur le peuple juif, mais depuis quelque temps, j'oriente mes lectures vers les ouvrages contant les ressentis de l'autre « côté ». Que pensaient les allemands de tout cela ? Comment ? Pourquoi ? Comment devient-on nazis et pourquoi accepte-t-on toutes ces cruautés, y participe-t-on ou fermons-nous les yeux ? le cerveau humain est si complexe, insaisissable et cette période de l'Histoire a réussi à faire ressortir le côté obscur de tout un peuple que l'on donnait pour civilisé, se déculpabilisant par soucis d'obéissance, de fidélité, de confiance envers son Führer… Tout comme la mère d'Helga qui, après tout, n'arrive pas à voir où est le problème ? Elle croyait en cette politique et oeuvrait pour son accomplissement, quoi qu'il en eu coûté...
Bref, une lecture poignante, bouleversante et ô combien instructive.
Challenge ABC 2019-2020