Dans la première partie de ce petit livre sont présentés des extraits des carnets des îles de Segalen. Ces textes éclairent d'un nouveau jour son apprentissage de la rencontre avec l'Autre : la Nature sublime (impitoyable un cyclone qui vient de dévaster Tuamotou) de ces contrées isolées, la Culture étrange et paradoxale des natifs. Motifs de l'exotisme tel qu'il le conçoit peu à peu, le ressent, et dont il tentera de tracer les contours dans son
essai sur l'Exotisme : une rencontre entre le moi du poète et la diversité des peuples et des lieux...
On remarque un changement de point de vue pour l'auteur qui ne voit d'abord que des indices de déchéance, d'extinction de ces populations et de ces cultures. Au fur et à mesure des rencontres, le regard semble s'affiner et il s'intéresse aux complexités de la pensée de "l'indigène marquisien".
Suite à la mort de Gauguin, il se rend aux îles Marquises et acquiert ce qu'il peut de ses oeuvres. Ici sont consignées des extraits des cahiers de Gauguin qu'il parcourt et qui lui feront forte impression... Ainsi, les réflexions de Gauguin sur son travail de peintre sont elles complétées par des observations sur la vie des populations de ces îles et sur leur langue.
La spiritualité à l'oeuvre dans ces cultures, marquées par la croyance en l'esprit des Morts et le culte qui leur est rendu, imprègne les notes de Segalen.
La seconde partie de ce petit livre reprend un article que Segalen a publié dans le journal de la Marine à propos d'un cyclone survenu à Tuamotou. Il y témoigne des ravages causés par celui-ci dans ces îles ignorées du monde, et nous renseigne sur la vie des habitants et des marins qui fréquentent ces eaux. Là encore, l'attention est portée aux paradoxes : paradoxes visuels entre les lignes horizontales des nuages ou de la mer et les crêtes qui s'y détachent ; paradoxes moraux entre la misère et la douleur qui frappent les populations et la richesse et le calme des atolls...
Ces contrastes nourrissent sa vision poétique : "Car ces "atolls" sont paradoxaux. On définit généralement une île : portion de terre entourée d'eau de tous côtés ; ici, le contraire est authentique : eau centrale, le lagon, et de la terre alentour."