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EAN : 9782714312891
192 pages
José Corti (02/02/2023)
4/5   1 notes
Résumé :
On se souvient du baron de Münchhausen chevauchant un boulet de canon. Son aventure évoque l’une des plus célèbres expériences de pensée d’Albert Einstein, quand il s’imaginait chevaucher un photon. Sous l’égide des Wisigoths de Manganelli, nous voulons faire l’éloge de la littérature comme expérience de pensée : des hypothèses prises au sérieux, des démonstrations par l’absurde, des postulats suivis de leurs corollaires.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
« Epitre aux Wisigoths » (2023, Editions Corti, 190 p.) vient de sortir, c'est une très bonne nouvelle. Il est accompagné d'un autre ouvrage de Pierre Senges, qui n'a rien à voir « Un long silence interrompu par le cri d'un griffon » de Pierre Senges (2023, Verticales, 172 p.).
De toutes évidences, certains vont crier au scandale, croyant avoir affaire à des lettres écrites aux Daces, les actuels roumains, par opposition à celles écrites aux Sarmates, l'actuelle Ukraine, le tout dans un contexte de belligérance entre différents sous-groupes de Goths. Goths d'un côté, Romans de l'autre, ou les arcs pleins et brisés. On dirait des vers d'Albert Samain, qui, lui, comparait les vases. Et bien entendu, dans les vases, les peuples slaves. Alors qu'à l'origine, il ne s'agissait que de distinguer les goths sages, les Wisigoths, des goths brillants qu'étaient les Ostrogoths. C'est plus simple que pour les vierges sages et les vierges folles de la Bible, celles qui ornent les tympans des porches de la cathédrale de Strasbourg. Des tympans ou des tambours. Cela tombe bien, et introduit astucieusement la sortie du dernier ouvrage de Olga Tokarczuk « Jeu sur tambours et tambourins », traduit par Maryla Laurent (2023, Editions Noir sur Blanc, 352 p.), recueil de 22 nouvelles.
Retour donc aux Wisigoths, personne définie comme « ni cynique, ni béat, ni épatant frondeur, ni faux héros des rébellions de palais, ni éditorialiste voué à la réalité du réel et gardien des devoirs de la littérature- acerbe, en vérité : un jus de raisin mortifié, harcelé pour son bien, bordé d'écume, à un moment où personne ne saurait rien dire s'il donnera de la piquette ou un saint-émilion, ou un ersatz des deux ».
Et dès le début, le récit dérape, passant de la littérature générale aux grands écrits scientifiques. Pierre Senges passe des expériences du baron de Münchhausen chevauchant un boulet de canon, à celle de Albert Einstein, chevauchant, lui un photon. Il ne précise pas, malheureusement la taille des étriers. Et pendant ce temps, Paul Langevin et son jumeau font le tour de la terre. Ce qui est plus fort que Tycho Brahe qui envoie un boulet vers l'Est et un autre vers l'Ouest. Non point pour démontrer que la Terre était plate, de nombreux américains actuels se feraient crucifier et embraser pour le prouver. C'est, bien sûr, sans compter avec les démons, de Laplace ou de Maxwell. L'autre, pas celui du café. A propos de théories et de grands nombres, on est fortement impressionné de savoir que Flaubert, notre Gustave, n'était qu'un pale avatar du chimpanzé ou bonobo, de Jorge Luis Borges, qui avait enfin résolu le paradoxe d'écrire complètement le « Hamlet » du grand Bill en tapant aléatoirement sur un clavier. Résultat, ce fut « Madame Bovary ». Tant que l'on reste entre gens de bonne société…Mais par contre, comment interpréter cette phrase à propos du même Flaubert à George Sand : « J'ai maintenant un bocal de poissons rouges et ça m'amuse ». Pauvre Tatave « comme un comique qui cherche midi à 14 Heures. Faire de Midi et de 14 heures deux personnages ». Evidemment, un poison rouge qui sonne à midi, ou qui fait coucou comme en Forêt Noire, cela aurait eu plus de classe. Au moins, Emma en aurait été amusée, quittant les pentes dangereuses du poison.

Comme quoi, les déformations spatio-temporelles interagissent également avec l'écriture, ou inversement. Même si le baron de Münchhausen a pu bénéficier d'un trajet aller-retour, avec changement de boulet à mi-parcours. Il faut dire qu'en ces temps-là, les horaires étaient strictement respectés et les trajets ne souffraient pas d'interruptions pour accident de personne sur la voie. Pour ce qui concerne les photons, Einstein, dans ses mémoires, ne signale aucun problème de signalisation lumineuse, pendant ses chevauchées. Il convient de préciser que ces dernières furent effectuées de façon diurne, les laboratoires sur le Telegrafenberg de Potsdam, n'étant que peu éclairés la nuit. Par contre, les fioles remplies de rosée, ainsi que la pommade de moelle de boeuf sont des inventions tout à fait gratuites concoctées par et pour Cyrano de Bergerac. Erreurs d'ailleurs imputées en partie à une orthographe erronée, ayant confondue « rosée » et « rosé » ainsi que moelle de boeuf et gros sel des salines qui va avec. Les expériences récentes testées, en tenant compte de ces petites modifications, montrent que l'astronaute putatif s'élève effectivement vers le septième ciel.

Que dire alors de l'écrivain polonais Sigismund Krzyzanowski (1887-1950) cité dans l' « Encyclopédie du Silence», et plusieurs fois cité dans « Epître aux wisigoths ». le premier ouvrage fournit une clé à l'énigme, si l'on veut bien considérer Pierre Senges comme désavantagé au Scrabble par rapport à l'écrivain polonais. Hypothèse confirmée pas les écrits de Georges Perec, notamment dans ses définitions de mots croisés à propos des voyelles et consonnes. Un second ouvrage de l'écrivain polonais, écrit en 1927 « le Retour de Münchhausen » fait la place belle au « jeu complexe des phantasmes contre les faits, qui se joue sur un échiquier ». le livre a même été traduit par Anne Coldefy-Faucard et publié (2002, Verdier, 170 p.), avec une postface et un colophon par Hélène Châtelain et Vadim Perelmuter. Sombre histoire, mais fort réjouissante qui montre le retour du Baron en 1921, aussitôt après l'écrasement de la révolte de Cronstadt par les bolcheviks. Les puissances occidentales cherchent alors celui qui pourrait explorer ce pays invraisemblable pour en trouver la source de ses extravagances. le Baron part donc en train. Un train quelque peu spécial car la locomotive a un foyer « non pas alimenté en bois ou en charbon mais en monceaux de livres ». Ce que la Baron dit ensuite de la Russie laisse le monde entier ébahi. On veut même le décorer, mais il disparait.
Münchhausen a définitivement regagné les pages de son livre, vaincu par la fiction du réalisme soviétique. Il ne restera de lui que son syndrome : « une atteinte psychiatrique, caractérisée par des simulations de symptômes et/ou d'une maladie inexistante ». Un peu comme un malade atteint par Alzheimer et qui occulterait son état. Ne se soigne pas avec des boulets de canons, voire des canons seuls, même dissous dans des alcools forts.
Moralité : « Une huître n'a pas le temps de se faire une opinion sur l'odeur du citron, qu'elle est déjà gobée ». On n'en saura donc pas plus sur l'huitre, ni sur son charisme, alors que Pierre Senges a longuement analysé celui de la baleine, spécialement la blanche. Il l'a fait jouer au théâtre, avec les Ziegfeld Folies, entre autres. Pendant que Achab, son poursuivant devenait liftier, garçon d'hôtel, confesseur, comédien et souffleur. Ce qui parait normal pour un ex- baleinier. Par contre, on retrouve l'huitre à la rubrique éponyme de l' « Encyclopédie de Silence », pour une référence à Lewis Carroll qui suggère des « huitres silencieuses », et donc en toute logique des « huitres non silencieuses : soit bavardes, musicales ou bruyantes ». On les savait atteintes de flatulences. « Underwater shellfish farts produce 10 percent of greenhouse gases released in the Baltic Sea » (les fruits de mer produisent 10 % des gaz à effet de serre dans la Mer Baltique) d'après une étude de Stefano Bonaglia, soit la production équivalente à 20 000 bovidés (Scientific reports, 7, 13145. https://doi.org/10.1038/s41598-017-13263-w). Après le chant des baleines, les pets des huitres. On peut imaginer des variations en termes de fréquence sonore, voire même de gamme musicale.
De Krzyzanowski, que c'est un vrai plaisir de retrouver là, on pourra également lire « le Marque Page » des mêmes traducteurs (1992, Verdier, 159 p.) premier recueil de 6 nouvelles dans lesquelles l'absurde fait soudainement irruption. « Des foules de gens ont justement des relations métastables, quelque part entre la fonte de la glace et le point d'ébullition ; il est d'ailleurs curieux que la métastabilité ait le coefficient de viscosité le plus élevé ». On retiendra surtout le titre d'une de ses conférences « le brouillon, analyse de la rature ». Son éditeur, Vadim Perelmuter note à son égard : « À aucune époque, en aucune circonstance, une telle exigence ne trouverait à vivre en accord avec son temps. Mais dans le siècle qui lui échut, il se révéla presque idéalement inassimilable ». Il ne pouvait que plaire à Pierre Senges.
On retiendra aussi de lui cette grenouille qui sur votre table de nuit vous interpelle : « S'il vous plaît, monsieur, la mort, c'est loin d'ici ? ». Evidemment il faut convertir les verstes dans le système métrique, ce qui permet de gagner un peu de temps.

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Avec Rainer J. Hanshe, Mary Shaw, Kari Hukkila, Carole Viers-Andronico, Pierre Senges, Martin Rueff & Claude Mouchard
À l'occasion du dixième anniversaire de la maison d'édition new-yorkaise Contra Mundum Press, la revue Po&sie accueille Rainer Hanshe, directeur de Contra Mundum, Mary Shaw, Kari Hukkila, Carole Viers-Andronico & Pierre Senges. Rainer Hanshe et son équipe publient la revue Hyperion : on the Future of Aesthetics et, avec une imagination et une précision éditoriales exceptionnelles, des volumes écrits en anglais ou traduits en anglais (souvent en édition bilingue) de diverses langues, dont le français.
Parmi les auteurs publiés : Ghérasim Luca, Miklos Szentkuthy, Fernando Pessoa, L. A. Blanqui, Robert Kelly, Pier Paolo Pasolini, Federico Fellini, Robert Musil, Lorand Gaspar, Jean-Jacques Rousseau, Ahmad Shamlu, Jean-Luc Godard, Otto Dix, Pierre Senges, Charles Baudelaire, Joseph Kessel, Adonis et Pierre Joris, Le Marquis de Sade, Paul Celan, Marguerite Duras, Hans Henny Jahnn.
Sera en particulier abordée – par lectures et interrogations – l'oeuvre extraordinaire (et multilingue) de l'italien (poète, artiste visuel, critique, traducteur, « bibliste ») Emilio Villa (1914 – 2003).
À lire – La revue Hyperion : on the Future of Aesthetics, Contra Mundum Press. La revue Po&sie, éditions Belin.
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