Incontournable Janvier 2022
Ce petit roman de la fratrie "Court toujours" vient de me percuter de pleins fouet. La dernière fois, c'était son grand frère "Silent boy" qui m'avait remué, et je ne vous parle pas de sa soeur "Quelques secondes encore", assez poignante dans son genre, mais "Miette", malgré son petit nom mignon et sa parenthèse amusante qui laisse présager de l'humour, c'est du niveau Jab-Punch-Uppercut-Mise K.O. Là, tout de suite, j'aimerais juste pouvoir le répandre dans toutes les écoles et les bibliothèques par hiboux express.
On entre en scène avec celui qui monte justement dessus, un protagoniste sans nom, qui amorce son numéro pour le spectacle de fin d'année de son lycée avec un ton incertain, un peu cafouilleur, sur un sujet en apparence anodin, qui devrait en principe être drôle, si on se fit au "(Humour décalé)". D'abord, il parle de lui, de son physique ingrat, complètement à l'opposé du spectre du parfait mâle alpha si préconisé et adulé en société, même si ce canon esthétique suprême cultive en même temps certains des pires comportements machistes. On bifurque lentement, mais surement, vers le rôle des parents dans tout ce clivage de rôle de genre, qui débute dès la prime enfance et qui est véhiculé de part et d'autre par les deux genres. Et puis, sentant son public de plus en plus décontenancé, notre narrateur semble vouloir adoucir le ton. Mais non. Dans ses mots, sans censure, il nous dépeint une scène anodine, un simple voyage étudiant, qui va virer au drame. Il y aura deux victimes, Mila, une jeune femme, et lui, notre narrateur. Deux formes d'abus, mais toutes deux liées à tous les sujets évoqués depuis le début. Une véritable gifle. Pas juste pour les principaux auteurs de cette scène dégradante, mais aussi pour les spectateurs et peut-même nous, les lecteurs.
Véritable pyramide inversée qui part du général au spécifique, mais également pyramide à l'endroit, qui part du microsystème ( Individu) au macrosystème ( Société), on a donc un sablier dans sa forme. Et tout est lié, tout converge. Fresque cimentée par un humour noir et ironique, où le premier degré cache à peine un second degré, Monsieur Servant nous sert une oeuvre forte, marquante et tellement nécessaire.
Il m'aura fallut décanter quelques jours pour finaliser cette critique, mais si la charge émotionnelle est atténuée, les mots, eux n'ont rien rien perdu de leur puissance. Personne n'est épargné dans cette petite fiction d'à peine 50 pages. Nous avons tous un rôle à jouer dans ce genre d'enjeux social. Je note l'accusation faite aux parents, aux adultes, aux médias sociaux, au marketing, mais j'ai aussi sentie celle faites aux femmes, qui sont encore nombreuses à voir dans ces figures masculines toxiques un idéal de conjoint . Je pense à ces romances jeunesse et adulte si nombreuses à correspondre à ce genre de pattern: les Twilights, les After, les 305 jours, les Fifty Shades, nommez les, ils contribuent tous à normaliser et romantiser des stéréotypes masculins qui sont pourtant inacceptables en société, mais si adulés dans la Culture. Comment peux t-on tenir deux discours au sujet des hommes? Comment peux-on aimer voir les pires ordures hériter de la pâmoison amoureuse de nos filles, jeunes femmes et femmes? Comment ensuite revenir à la réalité et préconiser le contraire? Quelle hypocrisie. Et c'est la même chose dans les films, dans les séries et les réalité show. Tout comme le féminisme a été un cheval de bataille conjointement mené avec des hommes, la masculinité toxique devrait être un cheval de bataille conjointement mené avec des femmes.
Bon, pour revenir au roman, on pense dès au début avoir affaire à un jeune qui passe par l'humour pour rire de sa situation, mais c'est finalement une plaidoirie touchante pour une prise de conscience collective, doublé d'un courageux acte de dénonciation, livré avec des termes simples, des constats pertinents, des interrogations constructives et quelques blagues à deux sous pour illustrer l'absurdité de certains aspects de son discours.
J'ajoute ici un extrait d'une critique que j'ai trouvée très pertinente:
"Un véritable jeu de massacre argumenté et nuancé qui va bientôt prendre une tournure plus douloureuse, pleine d'émotion, avec l'évocation d'un épisode traumatique vécu par ce jeune homme et une jeune fille lors d'un séjour scolaire à la montagne.
Les adultes ,qui ne prennent pas ou ne veulent pas prendre la mesure de tels comportements , ne sont non plus épargnés mais c'est bien la société dans son ensemble qui est mise en cause.
Un roman qui nous entraîne dans un tourbillon d'émotions. Un énorme coup de coeur. Et zou, sur l'étagère des indispensables."
[ cathulu, Babelio, 27 oct 2021]
Bref, c'est à lire.
Pour un lectorat du second cycle secondaire, 15 ans+.
Pour les bibliothécaires et les profs: ce roman comporte une scène particulièrement pénible d'humiliation sexuelle, ainsi que des termes parfois crus. Cette absence de censure s'inscrit néanmoins dans un contexte de dénonciation et de conscientisation.
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Quand un élève de Terminale gaulé comme une allumette, qui aime les livres de surcroit , le genre à être toujours choisi en dernier lors de la formation des équipes en sport, prend la parole pour un seul en scène censé être humoristique lors d'un spectacle de fin d'année, nul ne s'attend à ce qui va se passer.
A savoir une dénonciation non seulement de la culture genrée, de l'application de stéréotypes dès l'enfance , et ce quelque soit le milieu social, mais aussi des humiliations quotidiennes pour un garçon qui ne correspond pas aux critères de la virilité, sans pour autant qu'il soit homosexuel.
Un véritable jeu de massacre argumenté et nuancé qui va bientôt prendre une tournure plus douloureuse, pleine d'émotion, avec l'évocation d'un épisode traumatique vécu par ce jeune homme et une jeune fille lors d'un séjour scolaire à la montagne.
Les adultes ,qui ne prennent pas ou ne veulent pas prendre la mesure de tels comportements , ne sont non plus épargnés mais c'est bien la société dans son ensemble qui est mise en cause.
Un roman qui nous entraîne dans un tourbillon d'émotions. Un énorme coup de coeur. Et zou, sur l'étagère des indispensables.
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C'est l'histoire d'un jeune étudiant qui se donne en spectacle. Devant tous ses camarades et les gens de son établissement, ce jeune garçon aux bras comme des bretzels va monter sur scène pour enfin dire la vérité sur une histoire traumatisante que lui on fait vivre ses camarades de classe. Il va donc faire une sorte de sketch, prendre son micro et commencer par faire de petites blagues où personne ne rigole. Cependant, au fur et à mesure il va modifier son texte intentionnellement pour montrer le vrai visage de certaines personnes présentes dans la salle qui ont fait beaucoup de mal à lui et à une des filles de la classe.
Ce roman est très intéressant. Au début, il va peut-être être un peu lassant et ennuyeux mais au fur et à mesure de l'histoire le texte devient un peu plus touchant et poignant.
Le personnage principal ne se met pas du tout en avant et se néglige physiquement ; « Mais...qu'est-ce qu'il fait avec ce débardeur ridicule ?! Ce débardeur qui laisse voir ses bras épais comme...comme des bretzels ! »(en parlant de lui). Il va aussi se comparer régulièrement aux garçons de sa classe en disant qu'il n'est pas un vrai homme ; « […] je me suis longtemps demandé si j'étais un garçon, enfin je sais que je suis un garçon hein[…] mais pourtant regardez-moi, on ne peut pas dire que je suis très viril. En tout cas, pas comme les mecs dans les PUBS de voitures ou comme les garçons de la classe… eux c'est le top niveau ! ». Il se rabaisse comme pour donner l'impression qu'il ne mérite pas d'être là.
Tout au long de son spectacle il essaie de faire rire les gens mais ses blagues vont plutôt être gênantes et vont déranger les gens. Elles sont très « DÉCALÉES » ; « puis ensuite les filles, parce qu'on a toujours besoin de chair à canon... « canon » « filles », vous avez compris la blague??[...] ». Il n'arrive pas à les faire rire et de là, plus on avance dans le livre plus l'histoire devient triste.
Ce roman est vraiment bien écrit, c'est ce que l'on appelle un monologue ; un ‘seul en scène'. Il est là, seul, devant tous ces gens et tente quand même de leur parler ; « - je vous adore les gars !- » sans avoir aucune réponse par la suite. Il essaie par là de s'intégrer dans le public mais aucun spectateur ne semble se soucier de lui ou n'ont pas l'air de vraiment comprendre où il veut en venir.
Les personnages ne sont pas forcément décrits, nous n'avons pas vraiment d'informations sur eux. Mais nous savons au moins ceci : Ce jeune garçon au bras comme des bretzels est montré comme quelqu'un de peu confiant qui ne se sent pas à sa place dans la société et souvent méprisé par les autres. Ses camarades de classe (Wahid, Marius…) sont plutôt montrés comme des brutes et de « vrais Hommes ».
Puis, le personnage principal va mettre une nouvelle personne dans son histoire : la fille du bus. La fille du bus est décrite comme étant très belle et gentille. C'est elle et le personnage principal qui seront victimes des autres élèves et qui vont vivre le traumatisme raconté. Certains professeurs apparaissent dans le livre mais sans grande importance mis à part le fait qu'aucun d'eux n'ait voulu aider ces jeunes en détresse.
Je finis cette critique par une simple phrase : ce livre montre le vrai visage de la souffrance.
Ce visage qui les a tant angoissé et qu'ils n'oublieront jamais, même dans leurs plus lointains souvenirs, ils ressentiront toujours cette peur qui fut présente à ce moment de leur vie qui fait vraiment mal à lire.
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PAF ! Une claque en pleine gueule. Quel texte !
C'est la fête de fin d'année au lycée et un ado s'apprête à monter sur scène pour proposer un numéro de stand-up. D'emblée il s'excuse. de ne pas être l'archétype du beau gosse, de ne pas cocher les cases de la virilité qui fait de vous un homme. « Avec son mètre cinquante, ses lunettes, et sa tête d'allumette. » Sans parler de ses bras « comme des bretzels ». le genre de garçon discret auquel personne ne fait attention. le genre de garçon que l'on choisit toujours en dernier pour faire son équipe en cours de sport. le genre de garçon qui déçoit son père quand celui-ci comprend qu'il ne pourra jamais en faire un mec, un vrai.
Ce monologue est un cri de rage, une expression de colère et la volonté de ne plus accepter les normes d'une masculinité toxique que la société et même ses parents ont cherché à lui imposer dès le plus jeune âge.
Un roman coup de poing sur le harcèlement ( pas que scolaire ). Un texte qui accroche, bouscule et dont on ressort mal à l'aise.
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Le discours sur scène de cet ado captive dès les premières lignes et son récit se dévore. Il narre avec brio comment, étape par étape, le harcèlement naît et grandit envers ses victimes. Les mots pour décrire les sentiments de souffrance et d'impuissance sont parfaitement bien choisis et les questions soulevées résonnent par l'absence de réponses.
Lire la critique sur le site : Ricochet
Ce jour-là, on a pris des livres avec des images pour Toto et je lui ai lu des histoires. Il adorait ça et moi aussi. Des histoires de loup en slip, de princesses moches, de chenilles qui bouffent tout, génial ! Alors je suis revenu à la bibliothèque, encore et encore. Et j'ai commencé à prendre des livres pour moi. Des BD, des romans, des essais. Je me suis mis à lire, à lire, à lire ! Un livre...c'est...c'est un peu comme des lunettes magiques qui te font voir le monde autrement. Chaque livre, c'est des lunettes différentes. C'est peut-être à ce moment-là que je me suis mis à réfléchir de cette façon. A voir au-delà des cases. C'est peut-être à cause des livres, que je suis devenu "comme ça". Que je suis devenu "sensible".
Mais je m'éparpille, on en était à Toto ! Donc voilà, Toto adorait les bouquins. Comme c'était des histoires pour gamins, mes parents, ils faisaient pas trop attention. Mais un jour, j'ai fait une erreur ! Une terrible erreur !
J'ai pris un livre rose.
Rooooose ! Non mais vous vous rendez compte ?!
Rose comme... ?
Rose comme... ?
Oui, voilà, vous avez compris. Rose comme les filles !
Depuis toujours on répète aux garçons : "Le monde est à toi, il t'appartient." et ça justifie tout. Les guerres, les viols, les mains au cul et les humiliations.
Non mais, sérieusement, qui a décidé, un jour, que les dix centimètres entre nos jambes nous donnaient droit au pouvoir ? Au respect ? A l'amour ? Que les plus forts d'entre nous pourraient écraser les autres ?
Un livre... c'est... c'est un peu comme des lunettes magiques qui te font voir le monde autrement.
Chaque livre, c'est des lunettes différentes.
C'est peut-être à ce moment-là que je me suis mis à réfléchir de cette façon.
A voir au-delà des cases.C'est peut-être à cause des livres que je suis devenu "comme ça".
Que je suis devenu "sensible".
Bonjour, euh... Bonsoir tout le monde...
Vous l'avez lu sur le programme, mon numéro s'appelle "Miettes".
Mais... si vous vous attentez à un truc sur les croissants, le pain, la boulangerie, euh... c'est raté. Ah ah. C'est pas ça, c'est pas ça du tout.
Le problème, c'est que les filles, la plupart du temps, elles ne sont pas endormies, et que nous, les garçons, on sait pas vraiment comment être charmants.
Cette semaine, la librairie Point Virgule vous propose une sélection de romans destinés à la jeunesse.
- Monstres, Stéphane Servant & Nicolas Zouliamis, éditions Thierry Magnier, 15,80€
- Bonaventure et compagnie, Alex Cousseau & Charles Dutertre, éditions du Rouergue, 13€
- La maison des mots perdus, Kochka, Flammarion jeunesse, 13€