Hugues Sibille est un "homme d'affaire", spécialiste de l'économie solidaire... Un petit descriptif de l'auteur nous indique qu'il écrivait, jusqu' ici, de sérieux livres d'économie...
Dans cette biographie romancée, il met tout son art de l'écriture pour nous passionner pour un des plus grands musiciens français, Maurice Ravel.
Ce roman, divisé en chapitres courts, suit l'artiste de génie, depuis sa jeunesse à Pigalle jusqu'à son "Belvédère", sa bicoque en tranche de camembert, de Monfort-l'Amaury en banlieue parisienne. C'est son paquebot avec vu sur la mer de la forêt de Rambouillet, son refuge...
Il décrit ses relations parfois tendues avec les critiques musicaux qui ne le comprennent pas, celles, désespérées avec les institutions musicales (recalé 5 fois du prix de Rome, les freins, ou l'incompréhension du Conservatoire), ses liens avec
Gabriel Fauré son professeur de composition, avec
Claude Debussy qui l'envoûte de ses Gymnopédies et autres Gnosiennnes, son admiration pour Chabrier, et ses reflexions sur la musique. Avec une certaine chronologie, on suit son évolution, sa progression, et la conception de ses oeuvres (l'opéra bouffe "l'heure espagnole", ses "histoire naturelles" qui adaptent les écrits de
Jules Renard, son Menuet Antique, Gaspard de la nuit, les Miroirs, la Mère l'Oye, les deux concertos, son boléro...).
Et puis, la guerre 14-18 transformera définitivement ce Dreyfusard en Pacifiste sombre, hanté par l'idée de la mort et les dégueulasseries de cette immonde boucherie qu'il a vécue sur le front...
On rencontre cet homme, discret, attaché à sa mère et son père, fidèle en amitiés.
Son voyage aux Etats Unis le consacrera comme star mondiale, sa rencontre avec Gershwin, le jazz et le blues vont affirmer la voie d'une musique nouvelle, vivante, improvisée, en "working progress", en construction, qu'il comprend, lui, le fils d'ingénieur.
Et puis, c'est sa conception difficile du Boléro, et sa transe évolutive, qu'on reprend partout !
L'argent des droits d'auteur coulera à flot mais il n'en profitera pas longtemps car il meurt en 1937. D'autres requins ou vulgaires hyènes assoiffées de fric que décrit l'auteur, se chargeront de capter l'héritage...
Ce très bon roman, passionnant, nous révèle donc ce qu'était le mystérieux dandy Maurice Ravel, taiseux, besogneux, perfectionniste et passionné de musique ! Et même si
Hugues Sibille se défend d'en avoir fait une biographie, on vit tellement ce personnage qu'elle en mériterait le nom !
Je remercie Babelio et sa Masse critique, ainsi que les Éditions du Jasmin, pour cette merveilleuse découverte !