Elephant Crunch est ma première incursion dans l'univers littéraire d'un certain
Mark Haskell Smith qui ne commet pas ici son premier méfait.
Miro Basinas est un jeune homme botaniste passionné par son métier et qui a des rêves de gentleman farmer. Loin d'être un simple horticulteur besogneux et attentionné à sa vocation, il est un véritable artiste qui cultive son jardin dans son domaine de prédilection. Bienvenue au pays de la beuh, de la weed, notre jardinier loin d'être en herbe en cultive et expérimente chaque jour de nouvelles variétés, mais cette culture de la marijuana est destinée aux dispensaires et autres centres de compassion pour un usage légal, ce qui est autorisé en Californie. Cependant, cela n'empêche pas l'usage illégal de sévir et de faire des ravages dans tout le pays et de susciter convoitises et rivalités de gangs en tous genres sévissant dans le milieu de Los Angeles et de ses parages...
Notre artiste Miro vient de concocter une variété inouïe aux émanations de mangues fraîches, baptisée
Elephant Crunch, allez savoir pourquoi. Oui je sais vous vous demandiez d'où venait l'origine de ce titre saugrenu : je pensais bêtement qu'il s'agissait d'une variété bas de gamme d'une sous-marque d'ersatz de chocolat qu'on trouve en grandes surfaces, mais non, c'est de la vraie ! de la fraîche ! de la beuh de qualité ! Et qui lui vaut de remporter la prestigieuse Cannabis Cup d'Amsterdam, une véritable consécration qui va incontestablement lui ouvrir les portes de la gloire.
Lors de ce séjour triomphal à Amsterdam, - cerise sur le gâteau, l'amour est même venu s'en mêler en la personne d'une belle portugaise qui est entrée dans le coeur de Miro.
Miro rentre à Los Angeles, heureux, comme Ulysse, qui a fait un beau voyage, ou comme cestuy-là qui conquit la toison, et puis est retourné, plein d'usage et raison, vivre entre ses parents le reste de son âge !
En vérité, les choses ne se passent pas tout à fait comme cela... Dès le lendemain, notre gentleman farmer se fait trouer la panse, il manque à un cheveu près de passer de vie à trépas. Ses plants et ses graines qui valent désormais des millions de dollars disparaissent, envolés ! Et voilà toute une horde de personnages, tout ce que l'univers compte de plus défoncé, qui s'engouffre dans le sillage qu'ouvre ce roman à l'ouverture totalement déjantée : des dealers, des gangsters, des méchants, des hommes d'affaires plus que douteux, des flics énervés, des mormons, mais oui Dieu est même de la partie ! Tous n'ont d'yeux que pour Miro, son jardin, ses plants, ses graines...
Oui c'est un roman totalement déjanté avec des personnages hauts en couleur. On y trouve par exemple une célèbre chanteuse cougar qui rend sexuel tout ce qu'elle touche et qui est prête à contredire l'un des épîtres
De Saint-Paul derrière lequel s'abrite sa dernière victime ce jeune mormon encore puceau qu'elle s'apprête à croquer : « il y a des parties intimes du corps qui sont impures ». Qu'à cela ne tienne ! Rendons-les pures ! Mais si Dieu s'invite dans le roman par intermittence, le mot « god » ne fait pas forcément appel aux voies impénétrables du Seigneur même dans la position improbable du missionnaire que pratique chevaleresquement une femme pompier totalement débridée... Oh! My God !
Tandis qu'un flic au bord de la crise de nerfs promet à sa femme qu'un jour il rangera les armes pour se mettre au yoga et au riz brun, les méchants ont cette sale manie de devenir très méchants quand on les agace, même si certains disposent d'une finesse digne de celle des Pieds Nickelés, oui je sais je vous révèle ainsi par cette référence littéraire de haut vol que je ne suis pas né du dernier crachin breton... C'est peut-être pour cela qu'ils sont si dangereux et ont cette obsession pour les armes à feu...
Miro décide de s'allier à ce partenaire improbable qu'est Daniel jeune mormon fan de bondage, du moins quand son autre partenaire le laisse un peu respirer, pour partir tous deux en croisade à la recherche de son bien le plus précieux usurpé.
Sexe, drogue et rock 'n' roll ! Ce serait un peu réducteur de qualifier ainsi ce roman aux scènes très cinématographiques, façon Quentin Tarentino. J'ai suivi dans les effluves de fleurs de mangue des personnages épris d'idéal, de naïveté et de tendresse, à commencer par ce jeune artiste à la main verte et pas si miraud que ça, avec en toile de fond une histoire d'amour à effeuiller les coeurs d'artichauts...
Et comment ne pas voir dans ce final enlevé dont je ne relèverai rien du moindre détail une manière inouïe et inspirante d'endiguer la haine qui dévore le monde et d'apporter la paix entre les peuples qui se déchirent... ?
Un grand merci à Babelio et aux Éditions Gallmeister qui m'ont permis cette lecture survoltée dans le cadre d'une masse critique.