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Soljenitsyne : Oeuvres complètes tome 5 sur 6
Seuil (01/01/1974)
4.03/5   20 notes
Résumé :
"Dans sa lutte inégale contre le pouvoir terrestre, usurpateur et mystificateur, l'homme désarmé n'a pas eu depuis des siècles, sous aucune latitude, de défenseur plus lucide, plus puissant et plus légitime qu'Alexandre Soljénitsyne…" "C'est probablement le livre de ce siècle. Il va écraser sous sa masse, sous son poids, spirituel et temporel, tout ce qui a été publié depuis la guerre…" Ces deux phrases résument les milliers de réactions qui ont salué de toutes p... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Aujourd'hui, 28 novembre 2018, c'est le centième anniversaire de la naissance de Alexandre Soljenitsyne, Александр Исаевич Солженицын.

Cet ouvrage est un pavé (1500 pages), l'auteur y témoignant pour un maximum de victimes du système concentrationnaire soviétique de 1918 à 1956.

Ce livre fut d'ailleurs un pavé dans la mare, lors de sa parution en 1974. Divers témoignages, ou romans, avaient déjà circulé avant cette date : dès 1925 'L'île de l'enfer' de Malsagov (un évadé du goulag), et dans les années 1960, une partie des 'Récits de la Kolyma' de Varlam Chalamov, le court roman 'Une journée d'Ivan Denissovitch' de Soljenitsyne…

Ici, Soljenitsyne montre que les expériences partagées par beaucoup de soviétiques (et prisonniers de guerre) ne résultaient pas d'erreurs isolées, mais de l'organisation de travaux forcés et de la terreur. Il évalue à 15 millions le nombre de personnes détenues simultanément au goulag au moment où il fut le plus peuplé.

L'oeuvre de Soljenitsyne contribua à une prise de conscience sur la nature du régime soviétique, dans le pays et à l'extérieur.

■ « Partie III : L'extermination par le travail »

Les premiers chapitres de cette troisième partie décrivent et analysent le système du Goulag. La responsabilité personnelle des fondateurs (Lénine, et surtout Staline) est soulignée, ainsi que celle de leurs nombreux "complices".
Ainsi, 36 auteurs soviétiques, dont Maxime Gorki, ont vanté la construction du Belomorkanal. Des milliers d'esclaves furent affectés à la construction de ce canal, et Soljenitsyne estime que 250 000 d'entre eux y périrent. Staline avait exigé ce canal dans les 20 mois, délai irréalisable compte tenu des moyens techniques disponibles et des contraintes matérielles (climat). Finalement, cette contrainte calendaire entraîna fraudes et malfaçons, notamment une profondeur insuffisante pour permettre l'utilisation du canal comme prévu.
D'autres "complices" n'eurent pas le choix pour tenter de sauver leur vie, et l'auteur lui-même s'inclut parmi eux (cf. son expérience de "mouchard" dans un camp, commentée ci-dessous). Dans les camps, les "planqués" - par distinction avec les "trimeurs" - y furent nourris et affectés aux travaux les moins harassants.
Selon Soljenitsyne, les "planqués" représentaient 1/6 de la population des camps, et il en fit lui-même partie pendant un temps. Il estime aussi que les 9/10 de ceux qui survécurent furent "planqués" pendant une bonne partie de leur peine.
• « Existe-t-il un poste de planqué qui n'ait rien à voir avec la complaisance à l'égard du supérieur et avec la participation au système général de contrainte ? »
• « Il est difficile, bien difficile, pour un planqué d'avoir une conscience que rien ne vient assombrir ».

La société des camps était très inégalitaire, et la hiérarchie sociale y dépendait du motif de condamnation et des compétences de chacun. Ainsi les condamnés via l'article 58 du Code pénal occupaient le bas de l'échelle, tandis que les condamnés de droit commun (v(i)oleurs, …) étaient considérés comme 'socialement-proches' autrement dit à même de se rallier au prolétariat.

Les autorités du camp laissaient souvent les condamnés de droit commun organiser la vie interne du camp : la loi du plus fort régnait, et les plus forts étaient dénués de scrupules…

Néanmoins, certaines compétences étaient valorisées par l'administration du camp, par nécessité (compétences manuelles ou médicales, ces dernières étant utiles aux membres de l'appareil : mieux valait être coiffeur, musicien ou médecin, que philosophe ou historien).

Certains 'planqués' surveillaient les travailleurs. La surveillance s'effectuait aussi dans les brigades de travail, entre les 'trimeurs' eux-mêmes, la ration alimentaire du groupe pouvant dépendre de sa production. Certains détenus affectés aux travaux généraux, ou craignant d'y être versés, s'automutilaient pour ne plus pouvoir y être opérationnels. L'astuce pouvait fonctionner si la thèse accidentelle était reconnue, mais de manière aléatoire, et en cas de découverte de la supercherie la sanction était lourde (cachot et/ou privations supplémentaires de nourriture).

Le chapitre 7 décrit la "vie quotidiennes des indigènes" (les détenus), avec quelques références au personnage central du court roman de l'auteur intitulé 'Une journée d'Ivan Denissovitch' (personnage fictif inspiré de nombreuses victimes du Goulag).

Les femmes ne furent pas oubliées des autorités, et un chapitre leur est consacré. Des femmes furent affectées à des travaux moins éprouvants que la plupart des hommes, mais certaines le furent aussi aux travaux pénibles, dont l'abattage d'arbres.
Jusqu'à la fin de la seconde guerre mondiale, des camps étaient mixtes. La prostitution ou des relations avec un homme pouvait adoucir les conditions de vie de celles qui l'acceptaient, et ceci d'autant plus si l'homme concerné était bien placé (gardien, prisonnier de droit commun influent, 'planqué'…). Au contraire, celles qui voulaient garder leur dignité étaient souvent persécutées, surtout si elles avaient le malheur de plaire...
• « Dans l'Archipel, l'année 1946 vit le début, et l'année 1948 l'achèvement d'une grande entreprise : la séparation totale des hommes et des femmes (…). La séparation provoqua une brusque détérioration de leur situation générale dans le domaine du travail. Avant beaucoup de femmes travaillaient comme blanchisseuses, aides-soignantes, cuisinières, bouilleuses d'eau, magasinières, comptables dans des camps mixtes ; à présent elles devaient quitter tous ces postes, or les camps de femmes offraient beaucoup moins d'emplois de ce type. Et les femmes furent envoyées aux "généraux", constituées en brigades entièrement féminines où elles étaient particulièrement éprouvées. Echapper aux "généraux" fût-ce pour un temps, c'était sauver sa peau. Et les femmes se mirent à courir après la grossesse, à tenter d'exploiter n'importe quelle rencontre, n'importe quel attouchement. La grossesse n'était plus, comme auparavant, une menace de séparation d'avec l'époux, puisque la séparation était déjà descendue sur tous les couples par la grâce d'un décret de Sa Sagesse. »

Le sort des enfants nés au Goulag est également évoqué. Ils étaient pris en charge par l'institution : nourris, logés, blanchis, et soignés, dans des zones dédiées, mais tout cela de manière précaire (selon les moyens) et sans affection. La propagande pour le régime figurait très tôt au menu de leur éducation, et comme plat principal. Certains enfants du goulag étaient séparés de leur mère qui s'en désintéressait d'ailleurs complètement, d'autres bénéficiaient de la possibilité de brèves visites maternelles durant les premiers mois de leur existence.

Comme on peut le lire dans 'Le ciel de la Kolyma' (témoignage d'E. S. Guinzbourg) : « En vertu d'un décret de 1935, les enfants étaient responsables en matière criminelle à partir de l'âge de 12 ans ».

Un chapitre est consacré à ces 'mouflets' : pas les enfants nés au goulag mais ceux qui y furent emmenés.
• « Il existe deux manières de détenir les mouflets sur l'Archipel : en colonies d'enfants autonomes (surtout de jeunes mouflets qui n'ont pas encore quinze ans révolus) et (pour les plus âgés des mouflets) dans des camps mixtes, le plus souvent en compagnie d'invalides et de femmes. Les deux procédés obtiennent de façon égale le développement d'une méchanceté animale. Et aucun d'eux n'évite aux mouflets d'être élevés dans l'esprit des idéaux des bandits. »
• « Ainsi se préparent d'entêtés petits fascistes par l'action conjointe de la législation stalinienne, de l'éducation du goulag et du levain des bandits. On n'eut pu inventer meilleur moyen pour bestialiser un enfant ! On eut pu plus rapidement, plus densément faire entrer tous les vices du camp dans une poitrine étroite et insuffisamment raffermie ! »

Au chapitre 10, l'auteur dresse des portraits de condamnés politiques. La plupart furent condamnés pour des futilités sans lien avec un engagement politique, voire sans motif… Il y eut cependant quelques "article 53" engagés politiquement ou philosophiquement (religieusement) ; dont certains restèrent fidèles à leur engagement (en mars 1937, un groupe de trotskystes fit une grève collective de la faim et du travail : ils furent finalement dispersés dans des lieux où leur espérance de vie était très limitée…).
• « Quant à ceux qui sont coffrés, eh bien ce sont des kaers, des ennemis de la révolution. Les années passant, le mot "révolution" a perdu de son panache, d'accord, disons qu'il s'agit d'ennemis du peuple, ça sonne encore mieux. (Additionnons ensemble (…) tous les coffrés de cet article (58) (…) et nous voici amenés à admettre avec étonnement que, pour la première fois dans l'histoire, le peuple est devenu son propre ennemi ».

« Bzz ! – Bzz ! – Bzz ! », c'est le titre du chapitre 11, et c'est le bruit que font les mouches. Ce mot désignait les mouchards des camps.
• « Il est difficile de s'habituer à se poser perpétuellement cette question : qui moucharde ici ? (…) L'habitude est difficile à acquérir, on répugne à prendre ce pli, - et pourtant pour être en sécurité, il faudrait s'y résoudre. »
• « Et le mouchardage se révèle comme la forme la plus violente de lutte entre les détenus : 'Aujourd'hui, à toi de crever, moi ce sera pour demain !' ».
• « C'est seulement quand j'ai eu acquis une longue expérience des camps et m'y sentis un vieux de la vieille, que jetant un regard en arrière je compris combien j'avais été petit, combien j'avais été méprisable au début de ma détention. »
L'auteur poursuit en décrivant la façon dont il fut recruté comme mouchard, signant un engagement à dénoncer sous un pseudonyme. En lisant ce passage, je me suis dit qu'en pareilles circonstances, moi aussi j'aurais choisi de devenir une 'mouche'…

"Changer de destin !" (chapitre 14), est possible en se soumettant au "procureur vert" (couleur de la forêt ou de l'herbe), c'est-à-dire s'évadant. Mais ce procureur-là n'était pas indulgent non plus… Peu d'informations sont disponibles sur des évadés du goulag. En effet, les rares personnes qui ont pris la poudre d'escampette sans se faire reprendre, ni mourir de faim et/ou de froid, ont dû rester discrètes.
La propension des prisonniers à s'évader était faible ; ils en étaient dissuadés par des obstacles et des risques considérables :
- un sentiment de résignation accentué par les traitements subis,
- l'insuffisance des rations alimentaires ne permettait pas aux détenus de se constituer des réserves pour le trajet (à moins d'emmener avec soi une provision de chair humaine en guise de réserve alimentaire, comme certains le firent),
- les menaces en cas de capture : nouvelle peine, sanctions, violences, exécution
- le climat et les obstacles physiques
- la dénonciation par des autochtones rétribués à cet effet par les autorités (les habitants d'Outre-Volga recevaient des harengs pour chaque dénonciation, d'où le surnom de 'harengs' donné aux évadés eux-mêmes)
Les évadés restés dans le pays y demeurèrent des fugitifs, obligés de se cacher. L'usurpation d'identité pouvait les y aider mais elle exigeait toujours discrétion et cohérence. Pour certains, seule une évasion vers l'Occident pouvait être considérée comme réussie.
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Mon avis sur certaines thèses de l'auteur :

Les chiffres de la population et du nombre de victimes du Goulag avancés par l'auteur sont difficiles à établir, donc discutables. Il est cependant certain que le pays était soumis à un régime de terreur généralisée, et qu'une part importante de la population fut soumise à l'esclavage sous de faux prétextes, pour tenter de pallier l'inefficacité de l'organisation de l'économie.

A plusieurs reprises, l'auteur compare le système politique soviétique au tsarisme qui l'avait précédé, semblant ainsi légitimer ce régime autocratique. L'autoritarisme des régimes politiques peut, c'est vrai, être hiérarchisé ; et c'est bien le régime soviétique qui succéda au tsarisme après la guerre civile. La manière dont Soljenitsyne procède à cette hiérarchisation me gêne cependant. En effet, selon moi une dictature ne saurait être défendue a posteriori au motif que celle qui l'a suivie était nettement pire.
Ce raisonnement me rappelle celui de Fédor Fédérovski entendu lors d'une conférence sur l'un de ses livres, dans lequel il défendait Vladimir Poutine en considérant que son pouvoir n'était pas totalitaire. De fait, pour se maintenir au pouvoir, il lui suffit encore de faire assassiner quelques journalistes et opposants politiques.

Soljenitsyne, alors connu et reconnu comme un écrivain majeur, avait d'ailleurs rencontré Poutine et les deux hommes avaient été photographiés à cette occasion (l'écrivain avait répondu à l'invitation de Poutine à venir le rencontrer en lui indiquant qu'il était disposé à le recevoir, façon élégante de mieux positionner la grandeur…).
Avec de telles façons de penser, nous aurions encore en France une monarchie s'appuyant sur une religion d'Etat.

A propos de religion, soulignons que Soljenitsyne était croyant. Sa croyance n'imprègne pas totalement son essai mais y transparaît de temps à autre.
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Mon avis sur l'ouvrage lui-même :

Cet « essai d'investigation littéraire », comme le qualifie l'auteur, est un ouvrage difficilement classable : il mêle analyse historique et réflexion politique, considérations philosophiques et recensements prosaïques, autobiographie et témoignages rapportés, faits réels et éléments romanesques (références à Ivan Denissovitch).
Des pages passionnantes et édifiantes (chapitres 7, 8, 9, 12, 14 et 17 de la partie III) y alternent avec des passages ardus et monotones (on peut survoler ceux-ci, mais ils aident à situer le contexte et montrent le caractère systémique des internements). A cet égard, ces troisièmes et quatrièmes parties m'ont plus intéressé que les deux premières (tome 1).

Un ouvrage à découvrir, au moins pour ses passages les plus éclairants, non seulement pour son intérêt historique mais aussi en raison de ce qu'il dit de la nature humaine et donc de chacun d'entre nous…
Moi aussi j'aurais pu être un 'mouchard', faire passer ma survie avant celles des autres, renier des convictions ou valeurs auxquelles je crois être attaché...
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Dans ce deuxième volume de « L'Archipel du Goulag », Alexandre Soljénitsyne, par son témoignage et ceux de 227 prisonniers, nous présente l'immensité du Goulag, composé par sa foultitude de camps de concentration, de travaux forcés et de « rééducation ». Il décrit également le fonctionnement et les « relations » à l'intérieur des camps, entre les prisonniers et les bourreaux (ou Tchékistes, nom des bourreaux repris de la première Police Politique du régime Soviétique, instaurée en décembre 1917 par Lénine : la Tcheka !).
Il reprend la généalogie des camps de concentration depuis leurs origines situées, évidemment, dès le début de la période Léniniste. En effet, seuls nos « Camarades », en ce 21ème et début de 3ème millénaire sont encore capables de feindre et même de…, NIER, cette tragique réalité pourtant incontournable. D'ailleurs, de nombreuses citations concernant Lénine sont issues des 55 volumes de ses « Oeuvres ». Effectivement, c'est Lénine, lui-même, qui employait des termes à caractères Terroristes, Criminogènes et pour tout dire…, Totalitaires, dans ses discours et ses ordres, tels que : « camps de concentration », « Terreur massive », « pendre », « fusiller », « travaux coercitifs », « ennemis de classe », « ennemis du peuple », « contre-révolutionnaires », « otages », « parasites », « insectes nuisibles », « éléments socialement douteux », etc. (page 13) :
« Eôs aux doigts de rose, si souvent mentionnée par Homère et que les Latins appellent l'Aurore, a caressé de la main le premier petit matin de l'Archipel.
Lorsque nos compatriotes eurent appris par la BBC la découverte de M. Mikhaïlov, à savoir que l'existence des camps de concentration dans notre pays remontait à 1921, beaucoup d'entre nous (beaucoup d'Occidentaux aussi) furent sidérés : si tôt ! cela se peut-il ? dès 1921 ! est-il possible ?
Bien sûr que non ! Bien sûr que Mikhaïlov se trompe. En 1921, ils fonctionnaient déjà à plein régime, nos camps de concentration (ils étaient même en voie d'achèvement). Il serait bien plus juste de dire que l'Archipel est né au son des canons de l' »Aurore » (croiseur, il tira les premières salves de la révolution d'Octobre (25 octobre/7 novembre) sur le Palais d'Hiver qui abritait la Gouvernement Provisoire).
Comment eût-il pu en être autrement ? Réfléchissons.
Marx et Lénine n'ont-ils pas enseigné la nécessité de briser l'ancienne machine coercitive de la bourgeoisie pour la remplacer sur-le-champ en en créant une nouvelle ? Or la machine coercitive comprend : l'armée (nous ne sommes pas étonnés de voir se constituer l'Armée rouge au début de 1918) ; la police (la milice est rénovée avant même l'armée) ; les tribunaux (à partir du 24 novembre/7 décembre 1917) ; – et les prisons. Pourquoi donc, au moment où l'on instaurait la dictature du prolétariat, eût-on dû tarder à introduire une nouvelle espèce de prison ?
Autrement dit, et d'une façon plus générale, prendre du retard en matière de prison, ancien style ou nouveau style, était une chose rigoureusement impossible. Dès les premiers mois qui suivirent la révolution d'Octobre, Lénine exigeait : « les mesures les plus résolues et les plus draconiennes pour relever la discipline » (note n°1 : V.I. Lénine, Polnoïé sobranié sotchinénïi[Oeuvres complètes] en 55 volumes, 5e édition, Éditions d'État de littérature politique, Moscou, 1958-1965, t. 36, p. 217). Or des mesures draconiennes sont-elles possibles sans prison ?
Quelles nouveautés en la matière l'État prolétarien est-il susceptible d'apporter ? Ilitch [Lénine] explora de nouvelles voies. En décembre 1917, à titre d'hypothèse de travail, il proposa l'arsenal suivant de châtiments : « confiscation de tous les biens (…), détention en prison, expédition au front et travaux coercitifs pour tous les contrevenants à la présente loi (note n°2 : Lénine, Oeuvres complètes., t. 35, p. 176). Nous pouvons donc noter que l'idée directrice de l'Archipel, les travaux forcés, a été avancée dès le premier mois de l'après-Octobre. »
De surcroît, l'Idéologie de la « Dictature du Prolétariat » devrait plutôt être nommée, en réalité : « Dictature SUR le prolétariat » et tous types d'autres « ennemis du peuple », puisqu'en effet, les Bolcheviques (Communistes), dans leur mansuétude légendaire, firent marquer dans la Constitution, dès le 10 juillet 1918, que… (page 17) :
« (…) celui qui ne travaille pas ne mange pas. En conséquence, si les détenus n'étaient pas conviés à travailler, ils devaient, aux termes de la nouvelle constitution, être privés de leur ration de pain. »
Ce principe consistant à nourrir les prisonniers en fonction de leur productivité (de toute façon dans tous les cas, la ration de nourriture dans les camps était totalement insuffisante pour nourrir correctement n'importe quel être humain) devait tragiquement devenir l'un des principes fondamentaux du mode de fonctionnement des camps de concentration et de travaux forcés de l'ère Soviétique, au moins jusque dans la décennie de 1950. D'où, entre autres causes, les 2 MILLIONS de morts au Goulag ! (pages 18, 19, 20, 21 et 24) :
« Lors du VIIIe Congrès du RKP(b) (Rossiïskaïa kommounistitcheskaïa partia (bolchévikov) [Parti communiste (bolchévique) de Russie] ; nom du PCUS en 1918-1923) (mars 1919), les fondements de la « politique du travail coercitif » furent inclus dans le nouveau programme du parti. Quant à la complète mise en forme organisationnelle d'un réseau de camps sur toute l'étendue du territoire de la Russie soviétique, elle coïncida rigoureusement avec les premiers samedis communistes (12 avril-17 mai 1919) : les arrêtés du Vtsik concernant les camps de travail forcé datent des 15 avril et 17 mai 1919 (note n°11 : Sobranié ouzakonéniï u rasporiajéniï Rabotchévo i krestianskovo pravitelstva, Izdavaïemoïe Narodnym Komissariatom ioustitsii [Recueil des dispositions législatives et des directives du Gouvernement ouvrier et paysan, édité par le Commissariat du Peuple à la Justice]. 24 avril 1919, n°12, p. 124 : Sur les camps de travail coercitif ; 3 juin 1919, n°20, p. 235 : Sur l'organisation des camps de travail coercitif). Ils prévoyaient la création (par les soins des tchékas locales) de camps de travail coercitif dans chaque chef-lieu de gouvernement (selon ce qui était le plus commode : dans l'enceinte de la ville, dans un monastère ou bien dans une propriété des environs) ainsi que dans certains districts (pour l'instant, pas dans tous). Chaque camp ne devait pas contenir moins de trois cents personnes (afin que le labeur des détenus remboursât les frais de garde et d'administration) ; tous étaient du ressort des Services punitifs des différents gouvernements.
Mais ces camps de travail forcé n'ont encore pas été les tout premiers camps de la RSFSR (Rossiïskaïa Sovetskaïa Fédérativnaïa Respoublika [République socialiste fédérative soviétique de Russie]). le lecteur a déjà rencontré à plusieurs reprises, en lisant les sentences des tribunaux (1re partie, chap. 8), les mots « camp de concentration ». Peut-être a-t-il cru que nous commettions un lapsus ? que nous utilisions, par inadvertance, une terminologie postérieure ? Il n'en est rien.
En août 1918, quelques jours avant l'attentat perpétré contre lui par Fanny Kaplan, Vladimir Ilitch [Lénine], dans un télégramme adressé à Ievguénia Bosch (note n°12 : Cette femme, aujourd'hui oubliée, s'était vu confier à l'époque (en ce qui concerne la Tchéka et le Tséka) le destin de tout le gouvernement de Penza) et au Comité exécutif du gouvernement de Penza (aux prises avec une révolte paysanne qu'il n'arrivait pas à mater), écrivait ce qui suit : « Enfermer les douteux (pas les « coupables », les douteux – A.S.) dans un camp de concentration hors de la ville » (note n°13 : Lénine, Oeuvres complètes, t. 50, p. 143-144). En outre : « …faire régner une terreur massive et sans merci… » (notez que le décret qui l'instituait n'avait pas encore été pris).
Et le 5 septembre 1918, une dizaine de jours après ce télégramme, fut publié le Décret du SNK (Sovet narodnykh kommissarov [Conseil des Commissaires du Peuple]) sur la Terreur rouge, signé Pétrovski, Kourski et BontchBrouïévitch. Outre les instructions concernant les exécutions massives par fusillade, il y était notamment prescrit de : « protéger la république des Soviets contre ses ennemis de classe en isolant ces derniers dans des camps de concentration (note n°14 : Recueil des dispositions législatives… 1918, section 1, n° 65, article 710 : de la Terreur rouge).
Voilà donc où – dans une lettre de Lénine, puis dans un décret du Sovnarkom [Soviet des Commissaires du Peuple (Gouvernement)] – il a été trouvé, pour être immédiatement saisi au vol et adopté, ce terme de « camp de concentration », l'un des termes majeurs du XXe siècle, promis à un si vaste avenir international ! Et voilà QUAND : en août et septembre 1918. le mot lui-même s'était déjà employé pendant la Première Guerre mondiale, mais s'agissant de prisonniers de guerre, d'étrangers indésirables. Ici, pour la première fois, il est appliqué aux citoyens du pays lui-même. le transfert de sens est compréhensible : un camp de concentration pour prisonniers de guerre n'est pas une prison, mais un lieu où il est nécessaire de les regrouper préventivement. On proposait maintenant que les citoyens douteux soient eux aussi l'objet de regroupements préventifs extrajudiciaires. L'esprit énergique de Lénine, s'étant présenté en pensée des non-condamnés entourés de barbelés, venait de trouver au passage le mot dont on avait besoin : kontsentratsionnyïé, « de concentration » !
Le chef des Tribunaux militaires révolutionnaires l'écrit, du reste, en toutes lettres : « L'internement dans des camps de concentration s'apparente à l'isolement des prisonniers de guerre » (note n°15 : K. Kh. Danichevski, Revolioutsionnyïé Voïennyïé Tribounaly [Les Tribunaux militaires révolutionnaires], édité par le Tribunal militaire révolutionnaire de la République, Moscou, 1920, p. 40 (Mention : secret). Voilà qui est franc : loi du plus fort et opérations militaires, mais contre son propre peuple.
Et si les camps de travail coercitif du NKIou (Narodny komissariat ioustitsii [Commissariat du Peuple à la Justice]) entraient dans la classe des « lieux communs de détention », les camps de concentration, eux, n'avaient rien d'un « lieu commun », ils étaient organisés, sous la compétence directe de la Tchéka, à l'intention des éléments particulièrement hostiles et des otages. Certes, par la suite, on put également échouer dans les camps après être passé devant le tribunal, mais il va de soi que ce qui vous marquait pour le flot, ce n'était pas la condamnation, mais le critère d'hostilité (note n°16: Recueil Des prisons…, p. 27-28). Toute tentative d'évasion du camp de concentration multipliait (sans jugement là non plus) votre temps de peine par dix ! (Bien dans le ton de l'époque, n'est-ce pas : « Dix pour un ! », « Cent pour un ! »). En conséquence, si quelqu'un, déjà titulaire de cinq ans, s'évadait puis était repris, sa peine était automatiquement prolongée jusqu'en 1968. Pour la seconde tentative d'évasion était prévu (et, bien entendu, régulièrement appliqué) le poteau.
En Ukraine, les camps de concentration furent créés avec un certain retard, seulement en 1920.
Les racines des camps étaient implantées profond, mais nous en avons perdu l'emplacement et jusqu'à la trace. Sur la plupart des premiers camps de concentration, plus personne ne nous fera de récits. Seuls les derniers témoignages de ceux qui ne sont pas encore morts parmi les premiers internés permettent de saisir quelque chose et de le sauver.
À l'époque, les autorités qui installaient les camps avaient une certaine prédilection pour les ex-monastères : murs solides formant enceinte, bâtiments de bonne qualité, et l'ensemble vide d'occupants (les moines, n'est-ce pas, ne sont pas des hommes : dehors, tout ça !). C'est ainsi qu'à Moscou, il y eut des camps de concentration dans les monastères Saint-Andronic, Neuf-du-Saint-Sauveur, Saint-Jean. Le Journal rouge de Pétrograd du 6 septembre 1918 nous apprend que le premier camp « sera installé à Nijni-Novgorod, dans un couvent de femmes vide d'occupantes (…). Les premiers temps, il est prévu d'expédier dans le camp de Nijni-Novgorod cinq mille personnes » (souligné par moi – A.S.).
À Riazan, le camp fut également établi dans un ci-devant monastère (le monastère de Kazan). Voici ce qu'on en raconte. Il y avait là des marchands, des prêtres, des « prisonniers de guerre » (nom que l'on donnait aux officiers capturés qui ne servaient pas dans l'Armée rouge). Mais aussi des clients indéfinissables (le tolstoïen I. Ie… v, dont nous connaissons déjà le procès, y avait précisément échoué). Dépendant du camp, des ateliers : tisserands, tailleurs, cordonniers, ainsi que (cette dénomination existait déjà en 1921) des « travaux généraux », à savoir des chantiers de remise à neuf et de construction en ville. Les détenus sortaient sous escorte, mais les artisans isolés, selon la nature de leur travail, étaient laissés sans gardiens et les habitants leur donnaient, dans les maisons, de petits suppléments de nourriture. La population de Riazan manifestait beaucoup de compassion aux privés (« privés de liberté », et non pas « détenus », telle était la dénomination officielle) ; lorsque leur colonne passait, on leur faisait l'aumône (des biscuits, de la betterave cuite, des pommes de terre) : l'escorte ne les empêchait pas de l'accepter et les privés de liberté partageaient entre eux de façon égale tout ce qu'ils avaient reçu. (À chaque pas, voilà des habitudes qui ne sont pas les nôtres, une idéologie qui n'est pas la nôtre). Les « privés » particulièrement chanceux se casaient dans quelque institution en rapport avec leur spécialité (le… v, aux Chemins de fer) ; dans ce cas, ils recevaient un laissez-passer pour circuler en ville (mais en revenant au camp passer la nuit).
Voici quelle était la nourriture (en 1921) : une demi-livre de pain (plus une autre demi-livre pour ceux qui remplissaient la norme), matin et soir de l'eau bouillante, au milieu de la journée une louche de soupe-lavure (renfermant quelques dizaines de grains et des épluchures de pommes de terre).
Ornements de la vie du camp : d'une part, les mouchardages des provocateurs (et les arrestations y relatives) ; de l'autre, un cercle d'activités chorales et dramatiques. Des concerts étaient donnés à l'intention des Riazanois dans la salle de l'ex-assemblée de la noblesse, l'orphéon des « privés » jouait au jardin public. de plus en plus, les privés liaient connaissance avec les habitants de la ville et se rapprochaient d'eux, cela finissait par devenir intolérable : alors on se mit à expédier les « prisonniers de guerre » dans les Camps du Nord à destination spéciale.
Il y avait une leçon à tirer de ces camps de concentration, avec leur manque de fermeté et de sévérité : ils se trouvaient en plein coeur de la vie civile. D'où la nécessité des camps spéciaux du Nord. (Les établissements du premier type furent liquidés à partir de 1922).
Toute cette aurore des camps mérite qu'on se plonge plus intensément dans ses chatoiements.
Après la fin de la guerre civile, les deux armées du travail constituées par Trotsky durent être dissoutes en raison des murmures des soldats maintenus sous les drapeaux, ce qui ne fit que renforcer le rôle des camps de travail forcé dans la structure de la RSFSR (Rossiïskaïa Sovetskaïa Fédérativnaïa Respoublika [République socialiste fédérative soviétique de Russie]). Vers la fin de 1920, la RSFSR comptait 84 camps sis dans 43 gouvernements (note n°17 : Tsentralny gossoudarstvenny arkhiv Oktiabrskoï revolioutsii (TsGAOR) [Archives centrales d'État de la Révolution d'Octobre], fonds 393, inv. 13, dossier 1c, f. 111). À en croire une statistique officielle (encore que tenue secrète), ils contenaient à l'époque 25 336 personnes, sans compter 24 400 « prisonniers de la guerre civile » (note n°18 : Ibid., f. 112). Les deux chiffres, en particulier le dernier, semblent sous-estimés. Toutefois, si l'on considère qu'ils n'englobent pas les détenus relevant de la Tchéka, où, du fait des opérations de désengorgement des prisons, coulages de péniches et autres formes d'extermination massive, le décompte ne cessait d'être repris à zéro, il se peut qu'ils soient exacts. L'avenir devait compenser.
(…) Voyons donc la suite. Au 1er octobre 1923, au début des années sans nuage de la Nep (assez loin encore du culte de la personnalité), nous avons les chiffres suivants : 355 camps, 68 297 privés de liberté, 207 maisons de correction, 48 163 ; 105 maisons de détention et prisons, 16 765 ; 35 colonies agricoles, 2 328, plus 1 041 mineurs et malades (note n°22 : Archives centrales d'État de la Révolution d'Octobre, fonds 393, inv. 39, dossier 48, ff. 13, 14).


P.S. : Vous pouvez consulter ce commentaire, dans son intégralité, sur mon blog :
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Second tome d'environ 500 pages, trop longues à mon goût. Les 100 premières sont un résumé du 1er tome puis se succèdent la vie de moult rescapés : leur arrestation, leur détention, leur sortie. Finalement, leur trajectoire est assez analogue, leurs témoignages se suivent et se ressemblent.

Quelques passages intéressants cependant dans cet océan de redondances: la détention des femmes, tout aussi pénibles que celles des hommes mais ayant pour certaines la possibilité d'occuper des postes moins difficiles, leur joliesse aidant ; leur relation avec les hommes et les couples qu'elles pouvaient former avec eux alors mêmes qu'elles étaient mariées et mères, tout comme leur amant qui avaient aussi leur propre foyer à l'extérieur. Certaines tombaient enceintes et enfantaient, ce qui leur laisser un peu de répit dans les travaux forcés.
Les relations homosexuelles se développaient aussi beaucoup, conséquence de la proximité entre personnes du même sexe et du fait que les hommes et les femmes se croisaient peu mais ces rapports étaient plutôt saphiques. Les relations entre hommes étaient plus limitées, la nature exigeant une certaine force qui les avait abandonnés.
Le chapitre sur les planqués laisse à réfléchir, difficile de jeter la pierre à ceux qui cherchaient désespérément à vivre et étaient prêts à tout, même à dénoncer pour une ration de hareng séché au sel supplémentaire ou un peu plus d'espace en cellule.

Nonobstant les longueurs, je n'ai pas abandonné cette lecture, je me suis accrochée, espérant glaner de nouvelles informations et n'ai pas été déçue. Soljenitsyne nous raconte comment se forment les archipels, les camps à proximité d'un village qui finit par devenir une sorte de préfecture, abri des travailleurs libres, les Pékins, et de leur famille.
Il nous explique qu'ils sont une véritable charge pour l'état et afin de les rentabiliser, les détenus doivent y être emprisonnés au moins 3 ans, c'est pour cela que la peine minimale attribuée et toujours d'au moins 5 ans, ce afin d'être certain que les frais soient couverts. Cela permet aussi de donner du travail aux fonctionnaires, de nourrir la population libre et de faire tourner l'économie. Et plus il y a de zeks, moins l'état paiera des salaires ; en effet, un ingénieur sera forcément moins payé en étant détenu plutôt que travailleur libre. L'état, de par le traitement infligé aux captifs, réduit leur productivité et ces camps ne peuvent générer que perte puisque le travail accompli est de mauvaise qualité, les hommes affamés sont dans l'incapacité de réaliser des ouvrages de bonne qualité qui doivent être repris si non reconstruits.

Cette lecture met en exergue la capacité de l'homme à mettre en place des stratagèmes inhumains et à infliger des horreurs à ses congénères qu'on n'oserait pas faire à des animaux dans le seul but d'améliorer son propre sort ou d'asseoir son pouvoir. Cela a toujours existé et existe encore, sous d'autres formes.
Essai intéressant mais empreint de nombreuses longueurs, cela me fait craindre d'ouvrir le 3ème tome de près de 500 pages, plus j'avance et plus j'ai l'impression que redondances d'exemples à n'en plus finir prennent le pas sur les informations.
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J'ai lu tout le tome 1 de la trilogie, relativement facilement car il y plein d'épisodes intéressants pour essayer de comprendre la nature humaine, par contre j'ai ouvert et essayé le deuxième tome, celui-là donc, et là je n'ai pas pu continuer... Trop de listes de morts, et c'est tout. Pas de possibilités de comprendre comment la fatalité n'a pas pu trouver de solutions, pas de possibilités de réfléchir sur une histoire lorsqu'elle n'est racontée qu'avec une liste de morts...
Il faut trop ne pas être dépressif pour supporter cette lecture, et donc je rouvrirai ce livre plus tard, peut-être que mon interprétation est en partie fausse et que je trouverai matière à garder espoir tout de même.
Mais pas maintenant, c'est sûr... Comment ne pas regretter d'avoir connu la vie (et pourtant que la montagne est belle, comme le dirait Jean Ferrat) devant tant de listes de morts sacrifiés? Puisque nul n'étant indispensable nul ne peut se sentir totalement à l'abri... à moins de se protéger les uns les autres, on ne sait comment? Une petite entraide qui sauve?
En conclusion, je ne sais quand je pourrai lire ce livre.
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
J'ai découvert que la ligne de partage entre le bien et le mal ne sépare ni les Etats, ni les classes, ni les partis, mais qu'elle traverse le coeur de chaque homme et de toute l'humanité .
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Histoire de la conception, du parcours...jusqu'en France en 1968 du livre . Nombreux témoignages de personnalités en France et aussi en URSS.
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