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Murielle Szac (Préfacier, etc.)François Mathieu (Traducteur)
EAN : 9782362291661
112 pages
Editions Bruno Doucey (04/01/2018)
3.75/5   12 notes
Résumé :
Elle dit que « le tournesol est la fleur du Rom », qu’elle est une Tsigane qui aime « la pluie, le vent et l’éclair, quand les nuages masquent le ciel ». Elle dit qu’Auschwitz est son manteau et qu’elle ne connaît pas la peur car sa peur s’est arrêtée dans les camps. Elle dit que les notes de ses chansons en romani « sont toutes encore en désordre », mais que cela ne l’empêche pas de dire « Oui à la vie ». Elle, c’est Ceija Stojka, la première femme rom rescapée des... >Voir plus
Que lire après Auschwitz est mon manteau. Et autres chants tsiganesVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
C'est une découverte pour moi que cette poétesse et peintre confidentielle. Je note que, malheureusement, sur les camps de la mort comme sur autre chose, la voix des femmes (Charlotte Delbo, Ceija Stojka ...) est tout autant étouffée et plus inaudible que celle des hommes...Mais là, c'est un cas un peu particulier, car Cieja Stojka n'a commencé à s'exprimer qu'à l'âge de cinquante-cinq ans, soit quarante-cinq ans après les faits.
Les faits paraissent incroyables et miraculeux quand on a lu beaucoup de textes sur la Shoah : appartenant à une famille tsigane catholique, raflée en 1943, déportée à dix ans avec sa famille à Auschwitz, puis Ravensbrück et Bergen-Belsen, Ceija survit avec sa mère et des frères (pas tous, quand même,et pas le père, dont ils furent séparés.)
Ceija Stojka nous offre donc un des très rares textes sur le génocide des Tsiganes par les Nazis, car il n'était pas dans leur culture de "témoigner" par écrit. Ainsi Ceija, quasi analphabète, apprend à écrire l'allemand (car elle est autrichienne) et se lance d'abord dans un témoignage : Wir leben im Verborgenen - Errinerungen einer Rom-Zigeunerin (« Nous vivons dans la clandestinité. Souvenirs d'une rom-tzigane ») Ensuite, elle se tourne vers la poésie et la peinture.
Le recueil proposé par les éditions Bruno Doucey contient un ensemble de poèmes de Ceija, classés en trois parties : "je suis une Tsigane bon teint", "Auschwitz vit et respire en moi" et "Raconte-moi"
Le premier ensemble exprime le profond attachement de la poétesse à la terre d'Autriche :
Ich bin eine Wurzel
Aus Österreich
Eine Wurzel
Die sich auch nicht umsetzen lässt...
(Je suis une racine/D'Autriche/Une racine/Qui non plus se laisse pas déplacer...)
Les poèmes sont très beaux (et très bien traduits). Ils "jouent" sur l'enracinement et le nomadisme, la trahison de la terre-mère dans le destin des Tsiganes, la liberté , la nature, thèmes classiques en poésie lyrique, mais qui prennent ici une dimension singulière.
Le deuxième ensemble, éponyme, a pour thème Auschwitz. Il est très court. Ceija s'est plus exprimée par la peinture sur cette partie de son histoire. N'attendez pas non plus de détails précis, comme on peut les trouver, génialement mêlés à la poésie en prose, chez Charlotte Delbo. C'est le dessin qui a joué ce rôle pour Ceija. Là, vous n'aurez que des vertiges et des impressions profondes :
"Auschwitz ist mein mantel
du hast angst vor des finsternis ?
Ich sage dir, wo der weg menschenleer ist
brauchst du dich nicht zu fürchten"
(C'est l'auteure qui ne met pas les majuscules aux noms communs)
(Auschwitz est mon manteau/tu as peur de l'obscurité ? /je te le dis, là où le chemin est vide d'hommes/tu n'as pas besoin de t'effrayer)
On retrouve néanmoins les thèmes communs à ceux qui ont vécu cette expérience : impression d'être mort là-bas, ténèbres, bruits de bergers allemands, barbelés, déshumanisation, volonté de renaître mais sensation d'être ailleurs, de ne plus partager le même monde que les autres.
C'est d'ailleurs le thème du troisième ensemble, qui, quoique hanté par les camps, parle de la vie après.
Bien entendu, ce recueil bilingue est tout à fait extraordinaire. Comme tous les recueils de poèmes, il appelle des lectures et des relectures (car le texte poétique, à la différence autres textes, ne s'épuise pas.)
Les éditions Bruno Doucey offrent encore un travail remarquable, où il manque juste un petit rappel historique pour ceux qui s'étonnent qu'une enfant de dix ans ait survécu à Auschwitz sans être gazée à l'arrivée en1943 . J'ai lu sur internet que les Tsiganes avaient été internés à part dans un "camp familial" qui leur avait été réservé. Ils n'ont donc pas tous (certains, mais pas tous), été triés sur la rampe d'Auschwitz, à la différence des Juifs. Mengele se servait dans ce "camp familial" pour ses cobayes enfants...
Je remercie les éditions Bruno Doucey et Babelio pour ce magnifique recueil.
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C'est le deuxième livre des éditions Bruno DOUCEY que je reçois grâce à la masse critique Babelio et je m'en réjouis. C'est une belle découverte pour moi qui suis néophyte en matière de poésie.
J'étais assez perplexe en abordant ce livre. J'ai beaucoup lu sur les camps de concentration mais principalement des documentaires ou des témoignages. Comment aborder ce thème via la poésie?
D'abord, j'ai découvert que l'auteur, complètement autodidacte, avait longtemps tue son vécu dans les camps. Après de longues années de silence témoigner s'est imposé à elle, c'était devenu indispensable pour continuer à vivre. Alors cette femme, complètement analphabète, décide de relever un défi incroyable: apprendre à lire et écrire pour pouvoir mettre son témoignage sur papier. Au diable la grammaire et la ponctuation, ce sera pour plus tard, elle a assez attendu. Elle écrit avec impatience, ce qui compte c'est de sortir enfin ce qui la prend aux tripes et qui la hante. Elle écrit un livre, des poèmes et son besoin de s'exprimer l'amène vers la peinture, toujours en autodidacte et toujours pour témoigner. Comme si tout ce qu'elle avait tue trop longtemps devait s'exprimer sans plus attendre.
Mais je m'éloigne du sujet là... donc revenons en au recueil de poèmes. Difficile, du moins en ce qui me concerne, d'en lire un trop grand nombre à la fois. Ces poèmes d'une apparente simplicité sont lourds de sens, dense et ne se laissent pas apprivoiser facilement. Il faut les lire, les relire, les laisser décanter, les oublier, y revenir pour appréhender, dans son ensemble, le message qu'ils contiennent. Certains sont plus accessibles et j'avoue ne pas les avoir tous appréciés.
En savoir un peu plus sur l'auteur, notamment grâce à la préface du livre et à la note de l'éditeur, a son importance car le manque de ponctuation est surprenant. le parti pris de l'éditeur a été de laisser les textes tels qu'ils ont été écrits. D'ailleurs les pages de gauche reprennent les poèmes dans leur langue d'origine, les germanophones peuvent donc en profiter.
Sur le fond ces poèmes sont forts et sans filtre. Pas de descriptions insoutenables, loin de là, mais les mots bousculent, interpellent.
Je m'attendais à une lecture sur le seul thème des camps, ce ne fut pas le cas. On y parle des Roms, des communistes, des différences, de la société, de patriotisme, de guerre, des camps, de la vieillesse, de l'enfance, de la mort, bref une large palette.

J'ai été touchée par l'histoire de Ceija STOJKA et par sa plume, même si ma lecture fut parfois difficile car je suis pas rodée à la lecture de la poésie.

Merci à Babelio et aux éditions Bruno DOUCEY pour cette belle découverte.

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L'émotion de découvrir le texte bilingue,
De retrouver la langue allemande apprise durant mon adolescence,

Quelque peu mise aux oubliettes,
au profit de l'anglais, et modestement du grec.

Immédiatement je retrouve
les sonorités, les structures de phrases, du vocabulaire.

Les mots de Ceija Stojka sont simples - parfaits
pour des germanistes débutant.es ou rouillé.es,

Mais les idées sont percutantes, désarmantes, émouvantes.

Pouvoir la lire dans sa langue,
Rien qu'un peu,
La fait vivre, résonner sa voix, prendre corps.

Partie I "Je suis une tsigane bon teint"
Son peuple, ses valeurs,
son attachement à la Terre,
son rapport à la nature
Les discriminations

Partie II "Auschwitz vit et respire en moi"
Dix poèmes
pour dire
La peur, l'horreur, la mort
L'horreur, la mort, la peur,
La mort, l'horreur, la peur

Partie III "Raconte-moi"
La nostalgie,
la joie,
les rires,
les désillusions,
l'amour,
la musique,
la famille.

J'écouterai encore sa voix, sa vue, sa vie
Dans son art et ses autres écrits.
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•OUI À LA VIE…MAIS EN POÉSIE•

🦊 Vous connaissez l'arroseur arrosé ? En préambule j'aimerais vous parler de la déflagration lorsque nous découvrons une maison d'edition. En général, avec les rencontres @vleel_ j'essaie de vous faire découvrir de nouveaux univers. Cette fois c'est @hanyrhauz qui m'a fait entrer dans l'antre de Bruno Doucey il y a déjà quelques mois. Si Roberto Bolaño avait ouvert mon champ poétique, c'est cette maison qui vient tout bouleverser. Peut-être parce que derrière elle, se trouvent des personnes généreuses et passionnées. Peut-être parce que Bruno Doucey pourrait rendre poétique une simple tasse de café. Si le BDE organisait les soirées étudiantes, aujourd'hui le BDE (Bruno Doucey Editions) enchante mes moments de doute. La poésie devient mon refuge•••

🦊 Auschwitz est mon manteau. de prime abord ce lieu vous fera penser à l'extermination des juifs. Or, ils n'ont pas été les seuls à avoir été parqués et abattus. Ceija Stojka est la première femme tzigane à témoigner de ce que cette communauté a pu vivre, cette fois avec des poèmes étonnants. Tzigane ou rom ? Peu importe, appelez la comme vous le souhaitez. le parallèle entre la communauté juive et tsigane m'a interpellé. Cette consonne finale qui sonne le glas d'une existence. Ce M et ce F qui lorsqu'on les prononce deviennent durs, agressifs ou soupçonneux. JuiF. RoM. Ceija est analphabète jusqu'à ses cinquante-cinq ans comme si refouler les souvenirs était devenu une nécessité. Elle apprend ainsi l'allemand et son attachement à l'Autriche terre natale ressurgit dans cet ouvrage bilingue où chaque poème est déclamé dans les deux langues. Sa communauté étant en désaccord il fallait avaler les couleuvres de la douleur. Rescapée des camps, elle ouvre enfin sa voix. Auschwitz, Ravensbruck et Bergen-Belsen. Placée malgré elle dans une minorité. Placée ici par la majorité. Nous sommes pourtant tous une minorité à un moment donné de notre vie. Apprenant l'allemand sur le tard, la langue est simple et imagée, idéale à tout âge. Pourtant il faudra relire le recueil pour en déceler toutes les substances. Vous ne serez pas ensevelis sous les détails, Ceija effleure ce temps d'horreur pour tenter d'y ressentir des émotions plus subtiles. Les barbelés encerclent son esprit, la mort rôde sans qu'elle ne soit pesante. La nature petit à petit prend une place évidente dans ses mots, Ceija malgré son passé tente d'apporter une positivité et une distanciation du mal, qui surprend. L'écriture est déversée comme une urgence sous forme de fragments vitaux, il n'y a besoin de rien d'autre que l'essentiel. A la fois saisissants et mystérieux lorsqu'on découvre cette femme, nul doute que j'irai chercher ses autres textes. Amener de la poésie pour raconter une telle période n'est pas anodin, et permet de constater que cet art bouscoule même les codes de l'horreur. Ceija Stojka ayant appris seule la langue allemande, l'éditeur a choisi de respecter cela sans corriger les fautes allemandes du recueil•••
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une découverte étonnante que ce livre. Tout d'abord je lis rarement de la poésie. J'en ai beaucoup lu pendant mes études et y ai rarement trouvé ce que je cherchais.
Si je lis beaucoup sur la cette guerre qui a tant marqué mes grands-parents (bien qu'ils n'en parlaient jamais), c'est rarement de la poésie.
D'autant plus que l'absence de ponctuation me trouble toujours beaucoup. J'ai donc du lire et relire à plusieurs reprises cette oeuvre singulière d'une survivante des camps qui a du jour au lendemain, eu besoin d'écrire apres des décennies de silence. On sent que le besoin s'est fait irrépressible et que les mots sont jetés, qu'il faut qu'ils sortent impérativement. L'auteur y parle des camps mais pas que, sa vie et celle de sa communauté en général.
C'est un livre que je trouve un peu difficile d'accès, pour moi en tous cas. Les mots sont simples mais profonds et on ressent l'ombre de l'horreur dans la plupart des poèmes. Au début j'avais envie d'écrire de l'espoir aussi mais derrière j'ai enchainé avec Hippocrate aux enfers et du coup j'ai eu du mal à retrouver le sentiment des espoirs des survivants.

Alors j'ai relu encore une fois (oui je persiste) et oui il y a de l'espoir malgré les horreurs et les morts, les disparus qui hantent certainement ces lieux mais aussi nos mémoires.

Ce livre m'a permis de prendre conscience une fois de plus de l'importance de ne jamais désespérer, de ne pas couper les liens avec les choses simples comme regarder les nuages et la nature en général.

Ce ne sera pas un coup de coeur mais une découverte , une belle découverte.
Lien : http://noryane.canalblog.com..
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Auschwitz ist mein mantel
du hast angst vor der finsternis ?
ich sage dir, wo der weg menschenleer ist,
brauchst du dich nicht zu fürchten

Ich habe keine angst.
meine angst ist in Auschwitz geblieben
und in den lagen

Auschwitz ist mein mantel
Bergen-Belsen ist mein kleid
und Ravensbrück mein unterhem.
Wovor soll ich mich fürchten ?

(Auschwitz est mon manteau
tu as peur de l'obscurité ?
Je te le dis, là où le chemin est vide d'homme
tu n'as pas besoin de t'effrayer

Je n'ai pas peur
ma peur est restée à Auschwitz
et dans les camps

Auschwitz est mon manteau
Bergen-Belsen est ma robe
Et Ravensbrück mon maillot de corps
De quoi faut-il que j'ai peur ? )
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Auschwitz est mon manteau
tu as peur de l'obscurité?
je te dis que là où le chemin est dépeuplé,
tu n'as pas besoin de t'effrayer

je n'ai pas peur.
ma peur s'est arrêtée à Auschwitz
et dans les camps.

Auschwitz est mon manteau,
Bergen Belsen ma robe
et Ravensbrück mon tricot de peau.
de quoi faut-il que j'aie peur?
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Le tournesol est la fleur du Rom.
Elle le nourrit, elle est la vie.
Et les femmes se parent de lui.
Il a la couleur du soleil.
Enfants, au printemps nous avons mangé ses feuilles
Jaunes délicates et à l’automne ses pépins.
Il était important pour le Rom.
Plus important que la rose,
Parce que la rose nous fait pleurer.
Le tournesol, lui, nous fait rire.
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Les notes de mes chansons en romani
sont toutes encore en désordre
la plus haute est perchée tout en haut
et la plus petite tombe d'un côté ou de l'autre.
Mes notes n'ont encore rien pour se tenir
elles se chamaillent aussi,
et ce, bien que je le leur aie dit.
Ayez donc un peu de patience, vous êtes
des notes en romani.
Et croyez-vous
que vous allez bien supporter les feux de la rampe
car enfin vous n'avez jamais encore connu la lumière ?
Vous étiez profondément enfouies dans le noir,
mais après les noires ténèbres
la lumière aussi à vos yeux paraîtra.
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Le ruisseau
  
  
  
  
Le ruisseau
était notre baignoire
la rue notre pays natal
notre pain
les hommes qui nous le donnaient
Notre souffrance personne ne la voyait
Nos morts gisent dans la terre
le pays où ils sont nés
La nature est notre première mère
Le vent est le frère du Rom
la pluie la sœur de la Romni
Et tout le reste va avec


/ Traduction de l’allemand (Autriche) François Mathieu
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Videos de Ceija Stojka (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Ceija Stojka
Pour ce dernier épisode du Printemps des enfants, Murielle Szac lit des poèmes de Ceija Stojka, traduits par François Mathieu et accompagnés par des gravures d'Olivia Paroldi dans le recueil "Le tournesol est la fleur du Rom" !
/ le tournesol est la fleur du Rom, Ceija Stojka & Olivia Paroldi, Éditions Bruno Doucey, coll. Poés'histoires, 2020.
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