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EAN : 9782226451989
416 pages
Albin Michel (28/04/2021)
3.61/5   67 notes
Résumé :
John Dominic Blaxton, éditeur de poésie prometteur, a perdu sa femme enceinte dans l’attentat nucléaire qui a rasé la ville de Pittsburgh. Reconverti en enquêteur pour les assurances, il parcourt inlassablement l’Archive, cette recréation virtuelle de la cité via tous les documents, enregistrements publics et privés qui n’ont pas été corrompus par l’explosion. Un jour, il découvre le corps d’une disparue, Hannah Massey, à moitié enfoui dans la boue d’un parc public.... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (24) Voir plus Ajouter une critique
3,61

sur 67 notes
Après Terminus, Demain et le jour d'après est le deuxième roman de Tom Sweterlitsch traduit en français, bien qu'écrit avant.
Pittsburgh a été rasée lors d'une explosion nucléaire terroriste, il y a dix ans, « cinq cent mille existences annihilées dans un éclair blanc aveuglant ». John Dominic Blaxton, éditeur de poésie et poète lui-même « Ç'avait toujours été ma véritable passion, publier les poèmes des autres – diriger une collection de poésie. » a perdu dans la catastrophe sa femme Theresa qui devait accoucher prochainement d'une petite fille. Lui-même était en déplacement ce jour-là. Il lui est impossible comme pour tous les survivants d'oublier ce jour fatidique. Il s'est reconverti en enquêteur pour la Cie d'assurances State Farm. Lorsque les familles demandent à être indemnisées pour les proches qu'elles ont perdus, le cabinet lui demande de vérifier que le décès a bien été causé par la bombe.
Pour mener ses enquêtes, il a recours à l'Archive, un super programme virtuel qui permet de suivre la vie des habitants de Pittsburgh jusqu'au terrible instant et de choisir de voir et de revoir tel endroit à tel moment quand on veut. En effet, en réaction à cet attentat, les États-Unis se sont enfoncés dans un réflexe sécuritaire et ont développé la cybernétique, à savoir les implants électroniques que l'homme peut utiliser pour augmenter ses capacités, la place très importante donnée aux réseaux, aux IA et au hacking et c'est ainsi que Dominic comme tout un chacun dans ce monde pas très lointain est équipé d'un neurospam, un implant dans le crâne, connecté au cerveau et à maints réseaux, qui lui augmente vision et capacités et le submerge quasiment en permanence d'infos et de pubs où la violence et le porno sont les maîtres, symboles de la décadence américaine. Et bien sûr, selon le modèle, les performances peuvent varier !
Tom Sweterlitsch inscrit son roman dans un contexte très noir où l'homme a été broyé, déshumanisé par l'émergence brutale d'une technologie à la vitesse d'évolution exponentielle.
Il dépeint une société imaginaire organisée de telle façon qu'il est impossible de lui échapper, dont les dirigeants peuvent déployer une autorité totale sur des citoyens qui ne peuvent plus exercer leur libre arbitre.
Dominic, dépressif, se drogue depuis ce terrible choc et ne peut oublier sa femme. Il va sans cesse dans l'Archive, cette mémoire collective, pour la retrouver et retrouver les moments heureux passés ensemble. Il y va également pour ses enquêtes et c'est là qu'il découvre un jour, le corps d'un cadavre de femme qui dépasse de la boue et il va bientôt se retrouver face à des difficultés successives qui devraient l'empêcher de continuer et des gens haut-placés vont se charger de le faire renoncer. Mais cet homme, cette sorte de anti-héros, un être à la marge qui agit quasi comme un funambule poursuit son chemin envers et contre tout et va notamment se battre contre ce pouvoir dépourvu de toute éthique.
C'est pour cela que Demain et le jour d'après se classe à la fois comme thriller et Cyberpunk, classement que j'ai pu définir, grâce à l'excellent Guide des genres et sous-genres de l'imaginaire d'Apophis.
C'est une enquête passionnante et de longue haleine menée de façon virtuelle dans un contexte dystopique, une société gangrenée où violence, atrocités, féminicides sont monnaie courante, que notre protagoniste Dominic tente de débrouiller.
C'est lui, qui par son côté un peu inadapté, poète, un peu fou, d'homme à la marge, qui n'a plus rien à perdre apporte une dimension humaine et cependant tragique à cet ouvrage dans lequel le deuil, l'absence, le ressenti et le poids de la culpabilité des survivants mais aussi les dangers que peuvent présenter les nouvelles technologies entre les mains de dirigeants peu scrupuleux sont particulièrement bien analysés.
J'ai cependant eu du mal à m'immiscer dans cette ambiance grotesque d'images et de sons que j'avais l'impression de recevoir directement sans connaître leur provenance, voulant comme Dominic, m'en débarrasser sans y parvenir.
Difficile tout de même de plonger dans ce monde effrayant et impitoyable pour les femmes surtout, dans lequel je ne voudrais à aucun prix vivre.
Je remercie Albin Michel Imaginaire pour m'avoir permis de découvrir ce genre littéraire.

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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En France, Tom Sweterlitsch avait beaucoup fait parler de lui avec son roman Terminus, pur récit de science-fiction temporelle d'une noirceur glaçante et d'une précision machiavélique.
Aujourd'hui, c'est en remontant le temps que les éditions Albin Michel Imaginaire poursuivent la traduction de l'américain avec Demain et le jour d'après, premier roman de Tom Sweterlitsch dans la langue de Shakespeare et qui annonce déjà nombre des qualités de Terminus.

Achetez, vendez, baisez
Quelque part, tout a déraillé.
Le lecteur pénètre dans Demain et le jour d'après à tâtons, à travers les yeux de John Dominic Blaxton, éditeur de poésie hantée par la mort de sa femme Theresa Marie.
Le 21 octobre d'un futur proche, la ville de Pittsburgh aux États-Unis a été rayée de la carte. Un terroriste musulman a fait sauter une bombe nucléaire en plein milieu de la ville. Les conséquences en ont été terribles.
Et d'une manière bien pire encore que les centaines de milliers de morts causées par l'explosion elle-même.
Car à partir de là, les États-Unis se sont enfoncés dans un réflexe sécuritaire extrême encore renforcé par un capitalisme galopant dopé à la technologie neuronale appelée neurospam.
Connecté à votre cerveau, le neurospam « augmente » votre vision et vos capacités. Augmentant de fait la capacité intrusive de toutes sortes de publicités, applications et autres racolages en ligne que l'on connaît à notre époque. Car même si Demain et le jour d'après ne tourne pas directement autour de cette problématique, c'est bien l'univers de matraquage publicitaire incessant qui frappe au premier abord dans le roman de Tom Sweterlitsch.
John Dominic est sans cesse assailli par toutes sortes de pubs pour des produits, des shows, des pornos, des émissions de télé-réalités de l'extrême, des promos, des taxis… le monde est devenu un véritable paradis du spam.
Pire encore, cette libéralisation directement injectée dans le cerveau des gens s'est accouplée avec une montée galopante de l'extrémisme avec des émissions de télé-réalité toujours plus écoeurantes de violences et de voyeurisme qui filment tantôt les concours de suicides tantôt des sex-tapes de victimes d'homicides.
Les deux mamelles de la décadence américaine sont là : le sexe et la violence.
Il semble presque déplacé, et sacrément ironique, qu'au milieu de cet océan d'ordures surnage le personnage de John Dominic et son amour de la poésie. Comme un contre-poids à l'abjection, Tom Sweterlitsch fait de son personnage principal un éditeur de poésie et un amateur d'art, un gars délicat et sensible jeté dans un monde qui ne fait que lui gicler immondice sur immondice dès qu'il s'aventure à l'extérieur ou qu'il se connecte à la toile.
Dans ce brouhaha incessant, notre héros en perdition travaille pour une firme d'assurances chargée d'enquêter sur les morts de Pittsburgh pour déterminer si oui ou non les indemnités sont légitimes.
C'est ici que John Dominic tombe sur un os.

Reposer en paix
L'os en question, c'est Hannah et son cadavre qui dépasse de la boue au sein de l'Archive.
Pour que les survivants (et les autres) puissent se souvenir de Pittsburgh, s'y balader, s'y retrouver, les autorités ont construit l'Archive, un super-programme virtuel à la Matrix qui émule la ville de Pittsburgh jusqu'à sa terrible fin. John Dominc entretient un rapport complexe avec l'Archive, puisqu'il y passe tout son temps, à la fois pour son métier de consultant-enquêteur mais aussi (et surtout) pour revivre encore et encore les instants de sa vie passée avec sa femme, Theresa Marie.
Hannah, elle, est une des nombreuses victimes de Pittsburgh…enfin presque.
Il semble en effet que sa mort n'ait que peu à voir avec l'explosion de la bombe et que la personne qui l'a affreusement mutilé et tué soit encore en liberté. Pour se détourner de son obsession pour la disparue, et aussi pour se racheter après quelques menus problèmes de drogues, John Dominic reçoit l'aide d'un nouveau thérapeute, Timothy, qui le conduit bientôt à Waverly, riche magnat des nouvelles technologies lui aussi à la recherche d'une autre victime de Pittsburgh : Albion. Demain et le jour d'après va donc nous entraîner dans une enquête qui a tout du thriller technologique mais avec une attache particulière sur un thème particulièrement sensible et difficile : le deuil.
Au-delà des découvertes et des retournements de situation, Tom Sweterlitsch se concentre sur son personnage principal et retrace son calvaire émotionnel.
C'est l'histoire d'un deuil impossible, non seulement parce que John Dominic ne parvient pas à laisser reposer en paix sa défunte femme mais parce que la technologie ne le lui permet pas. L'Archive, prouesse technologique et réalité derrière la réalité, devient un lieu de douleurs infinies, un lieu qui perpétue la souffrance alors qu'elle était censée permettre l'acceptation.
Dans son roman, Tom Sweterlitsch nous parle de ce que ressentent les survivants, du poids de la culpabilité d'être encore là, du remords de n'avoir pas pu effacer certains actes passés. C'est aussi l'occasion de se pencher sur l'influence de la technologie sur nos processus humains, de quelle façon cette technologie augmentique brouille nos perceptions et nos mécanismes de défense, de quelle façon l'équilibre bascule. La frontière entre reviviscence et addiction se floute, les limites entre les réalités s'estompent. Voilà bien un univers que n'aurait pas renié Philip K. Dick.

L'Amérique, en noir
Pour ce premier roman, Tom Sweterlitsch déploie déjà des trésors d'imagination pour ficeler une intrigue policière qui exploite toutes les capacités de son univers science-fictif. On retrouve déjà en germes nombre d'éléments qui feront le succès de Terminus : la technologie avancée qui brouille les cartes, le background noir et sans concession, la violence crue et graphique, le relent christique en décomposition…
Moins complexe que Terminus mais tout aussi passionnant, Demain et le jour d'après offre certainement davantage d'émotions à son lecteur et s'ancre dans le réel d'une façon largement différente.
En filigrane, c'est l'impunité des puissants qui est remis en cause, une impunité qui ne sera qu'à moitié levée dans un final où la Fashion Week permet toujours l'exécution de criminels par une présidente américaine devenue la parfaite synthèse des vices de son pays gangréné par la peur, la souffrance et la violence.
En un sens, Tom Sweterlitsch livre autant un récit sur l'individu et sa capacité à commettre les atrocités les plus terrifiantes qu'une étude sur l'influence de l'environnement sur la production même de ces individus ultra-violents.
Car les meurtres qui jalonnent Demain et le jour d'après ne détonnent pas particulièrement dans l'Amérique imaginée par Tom Sweterlitsch, une Amérique toujours bien hypocrite et qui s'étonne des monstruosités terrées en son sein quand elle lui offrent toutes les possibilités (et les raisons) de croître.

Demain et le jour d'après n'a pas à rougir de son statut de premier roman. Portrait d'une Amérique perdue dans une spirale de libéralisme carnassier et d'ultra-violence, l'oeuvre de Tom Sweterlitsch cogne dur et sec. Derrière la noirceur de son récit, le roman n'oublie pourtant pas l'affect et l'homme égaré dans la folie et la mélancolie, offrant à cette histoire un côté aussi poétique que tragique.
Lien : https://justaword.fr/demain-..
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États unis, dans un futur pas très lointain : Dominic a perdu sa femme dans l'attentat aux allures de cataclysme qui a rasé la ville de Pittsburgh dix ans plus tôt, quand une bombe nucléaire a tué des centaines de milliers d'habitants de la ville. Il ne s'est jamais remis de cette perte. S'il enquête pour un cabinet privé dans l'Archive, pour le compte des assurances, il en profite aussi pour revivre des moments avec sa défunte épouse dans cette même Archive.

Car l'Archive récolte tous les enregistrements et les garde en mémoire : on peut non seulement y retracer la vie d'une personne, mais la rejoindre et rester de longs instants avec elle, dans ce passé reconstitué par les données. Idéal pour mener des investigations sur des crimes commis. de son côté, Dominic, incapable de faire son deuil, lutte contre son addiction à la drogue et retourne sans cesse dans l'Archive retrouver sa femme. La thématique du souvenir reviendra souvent dans le roman, et le lecteur ne peut que penser qu'il n'est pas sain pour une personne éplorée de « revivre » avec l'être disparu : ces voyages le maintiennent dans le passé et l'empêchent de reprendre le cours de sa vie, malgré l'aide de son psychiatre.

Dominic a découvert dans l'Archive le cadavre d'une jeune femme, tuée avant l'explosion de Pittsburgh, et enquête pour le compte de son employeur. C'est le point de départ d'une succession d'événements qui va transformer le récit en véritable thriller d'anticipation.

Autant vous le dire tout de suite : j'ai kiffé.

L'écriture est très immersive : on vit l'histoire en même temps que le protagoniste (avec une narration réussie au présent et à la première personne du singulier, en « je »), on plonge dans ses pensées et ses sentiments, notamment son attachement à sa femme Theresa ou sa peur quand la tension monte, et les descriptions réalistes font vivre un monde encore proche du nôtre, mais avec une Archive qui forme presque un univers parallèle où le passé ne disparaît pas. Potentiellement, les conséquences d'une Archive sont vertigineuses.

Quelques éléments dystopiques imprègnent le récit : un neurospam greffé dans les cerveaux, qui non seulement permet d'accéder aux Archives, mais aussi vous déverse une quantité effroyable de publicités dès que vous voyez ou pensez quoi que ce soit : une pollution publicitaire dont notre internet actuel nous donne un aperçu. S'y ajoutent des émissions racoleuses diffusant sur les neurospams des vidéos de cadavres ou de scènes de sexe volées, pas si éloignées de ce que nous proposent aujourd'hui les réseaux sociaux.

Comme tout bon thriller ou roman noir qui se respecte, on va croiser des criminels sans merci, des obsédés du sexe violents, des familles puissantes, mais le point fort reste l'univers décrit et ses conséquences sur la psyché humaine, avec une mainmise de la technologie intrusive et une Archive qui ne laisse pas le passé là où il devrait rester : dans nos souvenirs, et pas ailleurs.

À chaque fois, j'ai trouvé l'écriture presque cinématographique. Les droits ont été achetés pour un éventuel film, et j'espère qu'il sera à la hauteur de ce roman.

Un très bon moment de lecture, prenant et sombre, qui m'a donné envie de lire l'autre roman de l'auteur déjà publié en France : Terminus.

Lien : https://feygirl.home.blog/20..
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Tom Sweterlitsch a fait son apparition sur la scène française en 2019 avec « Terminus », roman qui a rencontré un important succès auprès du public. Deux ans plus tard, les éditions Albin Michel proposent aux lecteurs de poursuivre la découverte de la biographie de cet auteur avec la traduction de son premier roman, un thriller de science-fiction se déroulant dans un futur proche, aux États-Unis. L'ouvrage met en scène un enquêteur d'un genre un peu particulier puisque ses investigations se déroulent dans une recréation virtuelle de la ville de Pittsburgh. Totalement anéantie suite à un attentat à la bombe nucléaire ayant eu lieu dix ans plus tôt, la cité de l'est des États-Unis a depuis été reconstituée virtuellement dans l'Archive, une formidable base de données qui permet à qui le souhaite de déambuler à nouveau dans la ville et d'y retrouver tous les gens qui y ont vécu, jusqu'au drame. Un endroit étrange donc, bourré de fantômes, dans lequel Dominic Blaxton passe l'essentiel de son temps. Pour son travail, d'abord, puisqu'il est chargé par des compagnies d'assurance de s'assurer de la présence lors de la catastrophe de telle ou telle personne, ou au contraire de leur absence. Pour lui-même, aussi, parce que sa femme était au nombre des victimes et qu'il ne parvient toujours pas à vivre sans elle. Revivant inlassablement ses souvenirs avec son épouse et adoptant une hygiène de vie de plus en plus dangereuse, notre enquêteur va voir son quotidien chamboulé par sa découverte dans l'Archive du cadavre d'une jeune femme, manifestement assassinée avant l'explosion de la bombe. Curieux, notre héros commence à creuser un peu l'emploi du temps de la victime, ce qui n'est pas au goût de certaines personnes puissantes. N'ayant pas lu « Terminus », ce roman est ma première rencontre avec Tom Sweterlitsch, et celle-ci s'est révélée assez contrastée puisque j'ai eu beaucoup de mal avec la première moitié du récit tandis que la seconde m'a bien plus emballée.

Le début du roman est assez fastidieux. L'intrigue met du temps à s'installer et on se demande sans arrêt où veut en venir l'auteur puisque celui-ci multiplie les pistes et fausses-pistes sans qu'on parvienne à discerner laquelle sera le véritable fil rouge du récit. Cela donne une impression confuse un peu désagréable qui ne sera vraiment dissipée que passée la seconde moitié du roman, ce qui met la patience du lecteur à rude épreuve. le second gros point noir concerne l'univers en lui-même qui ressemble par bien des aspects à celui développé par Jean Barret dans « Bonheur TM ». L'auteur nous y dépeint y futur ultra connecté, dans lequel tout le monde possède un implant cérébral qui permet de superposer à la réalité des éléments virtuels plus ou moins convaincants en fonction de la qualité de l'appareil. Cela s'accompagne évidemment d'une plus grande intrusion de la publicité dans la vie des citoyens qui sont parasités en permanence par des spams, des slogans ou des pubs vantant tel programme, tel objet, tel site… Cette omniprésence du marketing qui interfère en permanence avec les pensées du personnage se révèle extrêmement agaçante et, quand bien même il s'agirait justement de la sensation que l'auteur chercherait à transmettre à ses lecteurs, il n'empêche que le sentiment d'oppression persistant est lassant. Lassitude d'ailleurs renforcée par la nature de ces interruptions intempestives qui sont, dans leur grande majorité, pornographiques. La vision des femmes telle que véhiculée dans le roman est d'ailleurs problématique dans la mesure où, durant la quasi totalité du récit, celles-ci sont cantonnées à deux rôles types ultra clichés : celui de la future mère belle et pure et celui de la salope. Épouse décédée du héros mise à part, absolument toutes les femmes qui défilent dans la première partie du roman sont dépeintes comme aguicheuses, déambulent en petite tenue ou tiennent des propos évocateurs. Là encore on comprend bien qu'il s'agit d'une volonté de l'auteur de dépeindre une société ultra-sexualisée, et non pas de simple voyeurisme. Seulement, là encore, le sentiment qui prédomine chez le lecteur est la lassitude, voire le dégoût devant le côté vraiment trash de certaines scènes.

Toutes ces raisons ont failli venir à bout de ma motivation qui aura malgré tout été récompensée par la deuxième moitié qui se révèle plus intéressante et mieux rythmée. La lecture se fait plus fluide, l'aspect brouillon disparaît maintenant que l'on a bien cerné où voulait en venir l'auteur et les personnages se complexifient un peu plus. le roman prend alors des allures de véritable page-turner, les différents éléments de l'intrigue présentés au début du récit trouvant enfin tout leur sens. J'ai également été soulagée de l'apparition d'un personnage féminin plus travaillé échappant enfin aux deux figures types évoquées plus haut. Les intrusions publicitaires se font quant à elle plus rares, l'intrigue prenant enfin le dessus sur la simple exposition des spécificités de cet univers futuriste. le personnage principal m'a, en revanche, laissée totalement froide tout au long de l'histoire : impossible d'éprouver la moindre empathie pour cet homme tourmenté incapable de renoncer au fantôme de son épouse au sort de laquelle je n'ai pas non plus réussi à compatir (alors qu'il y a pourtant de quoi !). Peut-être cette indifférence est-elle due à la vision clairement idéalisée de cette femme que le personnage ressasse sans cesse, ce qui a pour conséquence de la faire paraître totalement artificielle… Les passages au cours desquels celui-ci se souvient des moments les plus marquants de sa vie avec elle parviennent pourtant parfois à émouvoir, notamment lorsque le sujet tourne autour de leur difficulté à concevoir un enfant. le second protagoniste, qui arrive trop tardivement, est quant à lui bien plus convaincant et attachant, ce qui participe grandement à rendre la seconde partie passionnante. La conclusion est toutefois décevante et un peu dérangeante car particulièrement sordide, ce qui vient renforcer la sensation de malaise évoquée dans la première moitié.

Tom Sweterlitsch signe avec « Demain et le jour d'après » un thriller futuriste intéressant mais qui m'a laissée un sentiment très mitigé. Car pour atteindre la deuxième moitié du roman et ainsi prendre véritablement plaisir à la lecture, il faut passer par une première moitié confuse et pesante qui permet, certes, de planter le décor, mais court aussi le risque de perdre le lecteur. le rôle dévolu aux femmes dans le roman est également problématique : quand bien même celui-ci s'explique par la nature même du futur dépeint par l'auteur, cette accumulation de corps féminins systématiquement sexualisés ou martyrisés a incontestablement participé à rendre la lecture très pénible.
Lien : https://lebibliocosme.fr/202..
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Premier roman de Tom Sweterlitsch, auteur du très remarqué Terminus, Demain et le jour d'après nous plonge en pleine enquête numérique : dans une ville détruite par un attentat terroriste particulièrement violent, reconstituée de façon virtuelle comme un vaste mausolée, avec ses habitants errant, fantômes numériques, Dominic va tenter de démêler le faux du vrai, de trouver les coupables de disparitions ou de meurtres non résolus.

Un enquêteur « épave »
John Dominic Blaxton est le prototype du personnage complètement déglingué, qui va aller de mal en pis tout au long de l'enquête. Alcool et drogue, menaces, tabassages, enlèvement, toute la panoplie. le héros typique, ballotté d'une souffrance à une autre, pas toujours conscient de ce qui lui arrive. Ça, on l'a déjà vu et lu des centaines de fois. Alors, certes, celui-ci n'est pas détective, mais tout comme, puisqu'il enquête pour une compagnie privée, chargée de faire la lumière sur la disparition de femmes et d'hommes lors de la catastrophe qui a rasé la ville de Pittsburgh (une bombe nucléaire dans une valise) pour le compte des assurances (qui préfèrent payer le moins possible). Certes également, il est un ancien poète et éditeur de poésie, donc venant d'un autre milieu que les détectives des classiques policiers. Mais il leur ressemble beaucoup par sa déchéance et sa décrépitude : son épouse est mort lors de l'attentat et il ne s'en est pas remis. Il passe tout son temps dans l'Archive, la récréation virtuelle de la ville, à observer Thérésa, sa femme. Il vit avec son fantôme en quasi permanence. Et pour mieux y croire, il se drogue tant qu'il peut. Une épave humaine, donc.

Un monde autrement plus original
Ce qui fait la particularité et l'intérêt de ce roman de Tom Sweterlitsch, c'est le monde qu'il a inventé. On commence par cette idée de ville détruite par un attentat terroriste et totalement reconstituée de façon numérique (car le site est toujours en cours de nettoyage et hautement radioactif). En accédant à l'Archive, on peut se promener dans Pittsburgh avant la catastrophe. Grâce aux multiples caméras qui émaillent la ville et aux implants vidéos, des milliards de scènes ont été enregistrées et modélisées. Ainsi, avec le code de votre domicile, vous pouvez retourner dans votre appartement, revivre des moments vécus avec une personne décédée. C'est ce que Dominic passe son temps à faire, retournant avec sa défunte épouse encore et encore, enfermé dans un passé pixelisé.

La connexion est essentielle
Et pour s'immerger totalement dans ce passé reconstitué, il utilise une autre invention de Tom Sweterlitsch, aussi fascinante que terrifiante : le neurospam. C'est un réseau de fils connecté directement à votre cerveau qui vous permet de vous connecter directement aux réseaux sans passer par un smartphone ou autre medium. Bien sûr, cette invention est fascinante, car vous êtes pleinement immergés dans ce que vous visualisez. On peut donc vivre parfaitement une scène. Mais la façon dont l'auteur nous la dépeint fait plutôt peur : imaginez tous les spams qui pourrissent votre navigateur et insérez-les dans votre cerveau. le regard, sans cesse pollué par des publicités, des appels flattant vos instincts les plus bas, cernant vos réactions pour mieux vous proposer l'objet de vos fantasmes. Cela doit être rapidement infernal. Ou bien on s'habitue ? En tout cas, c'est un monde violent, qui agresse en permanence ses habitants avec des injonctions fortes : « ACHETEZ AMÉRICAIN !!! BAISEZ AMÉRICAIN !!! VENDEZ AMÉRICAIN !!! ». Cela rappelle un peu la trilogie de Jean Baret (deux tomes parus : BonheurTM et VieTM, aux éditions du Bélial') et sa publicité omniprésente, tout comme le sexe mercantile. Et, dans une autre mesure, Vigilance, de Robert Jackson Bennett (l'auteur des Maitres enlumineurs), toujours au Bélial', pour la présence abrutissante des médias et le peu de prix qu'ils attachent à la vie, simple variable d'ajustement dans l'obtention d'un programme plus efficace, plus rémunérateur.

Et l'enquête dans tout ça ?
Et oui, Demain et le jour d'après est, après tout, un polar. Futuriste pour le décor, certes, mais classique dans con contenu. Un tueur cinglé, une famille puissante, un gros soupçon de religion bien cramée et vous avez l'essentiel. Je ne dis pas que l'intrigue est creuse, loin de là. le narrateur va mettre du temps à dérouler le fil des meurtres et, en tant que lecteur, je ne me suis pas ennuyé du tout. Je dis juste que ce n'est pas le principal intérêt de ce roman, qui m'a davantage intéressé pour son univers, sa construction, sa densité.

Lire Demain et le jour d'après a donc été pour moi un bon moment, distrayant, violent souvent, mais stimulant, car suffisamment riche et étoffé pour que je sois totalement immergé dans l'histoire. Et cela, sans neurospam !

Merci aux éditions Albin Michel Imaginaire pour ce SP numérique.
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
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critiques presse (1)
LeParisienPresse
25 juin 2021
Deuxième livre publié en France d’un nouvel auteur américain, Tom Sweterlitsch, cet ouvrage décrit une enquête menée dans un futur proche où une ville américaine a été détruite par la bombe atomique d’un terroriste.
Lire la critique sur le site : LeParisienPresse
Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
Le grand moment de la journée arrive vers dix heures, quand Brianna, une des infirmières, pousse le chariot du petit déjeuner à notre étage, « Bonjour », braille-t-elle dans chaque chambre, et son caquètement gras résonne dans les couloirs pendant toute la durée de sa ronde. Il lui manque les incisives inférieures, et la prothèse qui les remplace pendouille hors de sa bouche quand elle demande : « Crêpes ou omelette, chou ? J’ai appris très tôt que les crêpes sont le seul choix possible, les omelettes étant caoutchouteuses et d’un jaune banane tellement vif qu’on sent presque le goût du E102.
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Au bout de quelques minutes, les flashs ne s’intéressent plus à Joanna Kriz que si elle est mutilée ou en train de baiser, ils l’ont réduite aux éléments sur lesquels le public va cliquer, aimer. J’actionne la sonnette et quitte le bus. Les flux sont saturés de Joanna Kriz. Hélant un taxi, je m’affale sur la banquette arrière : je veux seulement rentrer chez moi. Quelques minutes plus tard, les parents de la jeune morte signent un contrat avec Superstar du crime – éplorés mais prêts à saisir l’occasion de partager la beauté de leur fille avec le monde entier et de toucher des royalties. Le hashtag Kriz explose dans les flashs, des commentaires sur le physique de la victime – visage trop chevalin mais beaux nibards –, des notes attribuées à sa baisabilité d’après les photos prises sur la scène du crime. J’atteins mon appartement, hors de portée du wifi public. Tout y est silence et, pour le briser, je ne puis guère que pleurer.
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La fin est arrivée très vite, cela au moins est vérifiable, et nul n’a souffert en dehors de ceux qui sont restés en vie. Cinq cent mille existences annihilées dans un éclair blanc aveuglant. Les ombres étirées, évoquant des traits de fusain, et la ville pareille à des cendres neigeuses qui, dans un souffle de vent, se dispersaient.
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Il peut s'écouler des heures sans que je pense à elle puis elle envahit soudain irrésistiblement mes pensées, d'abord à travers le souvenir de ce que j'ai vu, mais il grandit rapidement et se change en besoin compulsif de la revoir encore et encore, un besoin plus fort que le manque de toutes les drogues dont j'ai usé : je charge et recharge ces traces d'Albion, je la contemple, je mémorise tout ce qui la concerne, le moindre détail - parfaite, tellement parfaite. Je la contemple jusqu'à ce que mon esprit pareil à un vieux chiffon, mes yeux si las qu'ils me semblent encore ouverts alors même qu'ils sont clos. Le reste de la vie d'Albion est une fosse que je remplis par les bords, come si je déterminais la forme d'un objet en étudiant l'ombre qu'il projette. Obsédé par ma recherche - ma vie est devenue Albion.
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C'est à ça que ressemble ma dépression, Simka - je crois que je n'arrive pas bien à l'expliquer. Quand elle me tombe dessus, j'ai l'impression de traverser une neige radioactive et il me semble que, même si je cours très vite ou si je tente de me couvrir, la neige continuera de tomber jusqu'à ce que je sois enfoui dessous...
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Video de Tom Sweterlitsch (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Tom Sweterlitsch
Prêts pour un thriller de science-fiction qui se joue du temps? Partez en 1997 aux côtés de Shannon Moss et affrontez le Terminus... ??Un roman de Tom Sweterlitsch, dès aujourd'hui en librairie : https://www.albin-michel.fr/ouvrages/terminus-9782226439932
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