AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Agnès Jarfas (Traducteur)
EAN : 9782940358366
300 pages
Héros-limite (12/05/2009)
4.14/5   18 notes
Résumé :
Après quoi je me dis: quelle créature mystérieuse que l'homme! Le jour, il lutte contre ce qui est, et la nuit il lutte contre ce qui n'est pas. Et lorsque le jour et la nuit passent, ce qui avait existé devient parfaitement identique à ce qui n'avait pas existé. Quelle curieuse créature ! Il a tant d'intelligence, qu'il est capable de fabriquer une arme en acier, comme il est capable d'inventer le diable du néant, mais il ne pourra jamais deviner ce qui arrivera de... >Voir plus
Que lire après Abel dans la forêt profondeVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Pendant que certaines éditions phagocytent à l'occasion le travail d'autres — plus petites ou discrètes, ré-éditant sans mentions préalables (ou furtivement) une édition originale, s'auto-catapultant référence de quelques pans ou provenances de la littérature mondiale — d'autres bâtissent patiemment un catalogue précieux et original, faisant de chaque objet-livre un petit événement, donnant vie à une langue étrangère pour la notre.
Alors que les premières assènent leur voyant logo et couvertures « déco » sur les murs d'une bibliothèque, les secondes se contentent d'y déployer leurs couleurs.

C'est de littérature hongroise qu'il est question aujourd'hui, sans que soit fait mention, pour une fois, de la grande Ibolya Virág, ni de la maison arborant un gros C, bien que vous ayez sans doute compris que cette dernière était nettement visée dans ce premier paragraphe ( passez le balai, elle en décollera par la fenêtre ).

L'éditeur Héros-Limite rappelle la tradition d'excellence et de constance de l'édition suisse romande, loin des chimères métropolitaines, bruits de cours et de couloirs, alors que leurs confrères lausannois de l'Age d'Homme sont en état de mort cérébrale — due à l'absorption en grande quantité de nourritures sucrées post-industrielles — et que le groupe Libella (Noir sur Blanc, Phébus, etc.) commence à grossir dangereusement (?).

C'est qu'on a affaire ici à un roman national, celui du peuple Sicule, ces Hongrois de Transylvanie que l'histoire a fait roumains. Ces descendants des cavaliers magyars, uniques locuteurs de langue finno-ougrienne d'Europe Centrale, et dont la nation a constitué la moitié d'un vaste empire, formant d'importantes communautés dans ses pays limitrophes.

L'histoire de ces peuples mériterait des heures de recherches, ce dont ce livre ne s'occupe pas vraiment.
Roman d'apprentissage, largement étudié par les jeunes magyarophones, suivant un garçon à l'aube de l'âge adulte, propulsé du jour au lendemain garde-forestier par son père, nous arrive ici dans une nouvelle traduction, alors que les autres avaient tout bonnement disparu.
La préface nous explique quelque peu son étrange histoire francophone pour un roman de cette importance : publié en 1932, une première version sort déjà en Suisse en 1944 ; l'Histoire ne s'embarrassant que rarement de la « littérature des vaincus », il aura fallu attendre 2009 pour pleinement découvrir ce singulier roman, ni conte ni fabliau, pétri d'un humour bien particulier.

Nettement plus palpitant que le besogneux « Walden ou la vie dans les bois » d'Henry David Thoreau, infiniment plus convaincant que l'affligeant « Dans la forêt » de Jean Hegland, ce roman dont la lecture apparait à première vue comme anodine, sans doute du fait de sa fluidité, s'avère au final assez marquant, et ce malgré son côté trop théâtral dans ses dialogues.

Premier volet d'une trilogie que l'éditeur a jugé se suffisant à lui-même, ne nous livrant qu'un second ouvrage de Tamási, recueil de nouvelles dont notre spécialiste-traductrice de la littérature roumaine Gabrielle Danoux ( Tandarica sur la plateforme ) nous a fourni le seul retour, mitigé malgré sa coutumière note maximale, où l'on retrouve ce qui pourrait aussi gêner dans ce roman-ci : une dichotomie hongrois / roumain à la limite du cliché, parfois la dépassant si l'on en fait une lecture plus acide.

C'est peut-être cette ambiguïté qui a tenu éloigné la bienveillante Cambourakis ( et son fameux gros C ), malgré sa volumineuse collection « irodalom » ( ou « littérature » en hongrois ).
C'est probablement passer à côté d'un texte dont les seconds, troisième et pourquoi pas quatrièmes degrés de lecture se contredisent et s'équilibrent, semant le doute et le trouble dans cette histoire qui a le bon goût de sortir du cadre, son tragique presque résigné résonnant fort étrangement avec sa galerie de personnages pittoresques, ou bien son humour de cruciverbiste.

Une découverte supplémentaire dans cette très riche littérature de langue hongroise.
Commenter  J’apprécie          9618
Abel dans la forêt profonde d'Aron Tamasi (1897-1966) publié en 1932.
Premiers pas en littérature hongroise, le fruit du hasard.

[Avant-propos]
« Cap sur l'Est. Laissez derrière vous la vaste plaine pannonienne, franchissez la Tisza par un jour sans crue et remontez les méandres de la Mure. Coupez ensuite par la montagne où les lacs portent des noms d'ours et rejoignez d'autres flots turbulents, ceux de l'Olt qui auraient vu le diable même mourir gelé. C'est là, dans le comté forestier du Hargita, où l'on salue en hongrois, mais règle des dettes en lei roumains, qu'est née la légende d'Abel. »

Transylvanie, Carpates orientales, Abel jeune sicule (une des communautés rurales hongroises de Transylvanie) d'à peine seize ans, fils unique d'une famille paysanne démunie et laborieuse, accepte de devenir garde forestier dans la forêt profonde du Hargita pour le compte de riches propriétaires. En effet, ce 30 septembre 1920, Abel est délivré à contre coeur des chaînes familiales, mais obéit à son père qui l'a fait engager pour gérer, surveiller et vendre des stocks de bois.
Aussitôt dit aussitôt fait. Dès le lendemain ayant constitué un barda peu encombrant mais vivant (poules, chat, chèvre), il prend la route avec son père pour prendre ses fonctions, découvrir son nouveau cadre de vie qui peut-être deviendra davantage son terrain de jeu que son terrain de chasse, une école de la vie buissonnière: une maison branlante à l'orée de la forêt au dessus d'un alpage...

Dans cette nouvelle ère qui s'ouvre à lui, Abel, jeune adolescent sensible et malicieux, va de surprise en surprise. La première, entre autres, la présence d'un chien famélique dans son logis qu'il s'empresse de surnommer Puce et qui deviendra son fidèle compagnon durant les quatre mois qu'il passera dans le Hargita, de novembre à janvier. La forêt du Hargita deviendra leur royaume, un royaume où plane l'esprit du vieux roi des cerfs. A la Toussaint, « Les montagnes endeuillées s'enveloppèrent de capes, et quelques nuages les rejoignirent pour leur servir de barbe. le ciel au teint blafard larmoya, et on eût dit que les arbres portaient des bourgeons argentés, tant ils étaient chargés de gouttes de pluie. »
Puis une ère succède à l'autre faites de rencontres très formatrices, dûes à son statut de garde forestier, des chasseurs propriétaires de la forêt au moines venus achetés du bois, les gendarmes, les brigands, un défilé et un condensé d'une partie de la nature humaine se présente à lui.

Abel le sage, c'est un peu le fou divin des Carpates, ermite égaré mais assoiffé de connaissances, isolé mais sollicité lors de nombreuses rencontres, il cherche l'équilibre entre les nourritures terrestres et célestes.

Dans ce récit d'apprentissage à l'allure de fable ou de roman à farces, Abel grandit, et il quitte adulte la forêt. Avec ce séjour sylvestre et montagnard au coeur de la nature, Abel développe l'empathie et surtout goûte à la liberté. Aussi après les péripéties de son épisode dans les montagnes roumaines du Hargita il fait le choix d'aider ceux qui en ont besoin afin de poursuivre son cheminement intérieur.
Les biens les plus précieux de ce monde ne sont pas les biens matériels semble être la conclusion du récit de Aron Tamasi dans Abel dans la forêt profonde qui prend la forme d' un conte humaniste aux accents écologiques.

Une lecture agréable, prenante. le récit très vivant est entrecoupé de nombreux dialogues et des réflexions métaphysiques du héros. Beaucoup d'amusement car les protagonistes s' ingénient à se piéger avec des jeux de mots, des boutades verbales, ou association d'idées...
Le style très imagé ajoute une note de poésie à ce texte.

« Une histoire de Robinson avec la forêt pour océan et la malice pour boussole », comme le dit si bien Thierry Sartoretti, résume l'esprit des aventures de ce jeune hongrois dans les montagnes roumaines. Premier épisode d'une trilogie dont la suite n'a pas été traduite en français mais dont le premier volet est un des classiques de la la littérature hongroise.

Une lecture fruit du hasard, au final peut être pas puisque Aron Tamasi est comparé à Ramuz et Giono alors? Alors à votre tour de vous hasarder avec Abel dans la forêt profonde.
Commenter  J’apprécie          655
Aron Tamasi, l'auteur de ce récit, est Issu d'une famille de paysans pauvres de Transylvanie, terre qui, au gré de l'histoire passa d'un État à un autre ; à cette date dans l'empire Austro-Hongrois. Il nait parmi une minorité hongroise, les Sicules, qui, après la première guerre mondiale devint roumaine.
Il part vivre aux Etats-Unis quelques années puis revient en Transylvanie et s'établit à Kolozsvár (Cluj en Roumanie), où il publie des nouvelles.
En 1944 il s'installe à Budapest où il poursuivra son oeuvre.
Durant la période stalinienne, malgré une mise au ban des cercles officiels (abandon du réalisme critique) il continue d'écrire et avant son décès en 1966, il reçoit de nombreux prix du pouvoir communiste hongrois (Prix Kossuth, notamment)
Ce récit, (partie d'une trilogie) à base d'éléments autobiographiques et qui se déroule en Transylvanie, fait partie de la culture Hongroise.

Conduit par son père jusqu'à une petite cabane au bord de la forêt, Abel doit voler de ses propres ailes, devenir adulte en quelques mois.
Son chemin le mène à travers des expériences et des aventures humoristiques et tragiques : Chiens, brigands, gendarmes, gibier, propriétaires, moines : autant de personnages dont Abel doit s'accommoder, pour le meilleur et pour le pire.
Roman d'apprentissage donc : c'est ainsi qu'il se forge le caractère, dans la solitude coupée de rencontres brutales, étranges, cocasses.
Il est aussi la fresque d'un monde rural qui n'existe plus. le paysage, impressionnant et terrifiant protège, autant qu'il menace,
Ce qui caractérise surtout ce récit c'est son style à la fois simple et foisonnant, s'inspirant des contes populaires.
Les dialogues, pleins d'humour, s'articulent autour des traits d'esprit et des jeux de mots, le sens de la répartie. Comme si le poids des situations ne pouvait s'évacuer que par une parole qui met tout à distance.
Ce type d'esprit n'est pas spécifique au peuple Sicule, on le rencontrait encore dans les années cinquante, en Bretagne rurale et en langue bretonne. Difficilement traduisible et incompréhensible aujourd'hui.
Malheur à qui ne voulait pas rentrer dans le jeu : étranger ou « snob », à tout le moins !
Roman d'apprentissage, certes, où malgré tout, le « louvoiement » et la ruse parait la meilleure solution.
Rusé et joyeux, Abel ne deviendra-t-il pas un homme politique ?
La seule leçon bien certaine est que l'homme est plus cruel que la nature.

On comprend, dès lors que ce texte fasse partie d'une certaine culture Hongroise, soit enseigné à l'école et adapté par son cinéma, célèbre en Hongrie où certains ne manquent pas de rappeler que la Transylvanie est une ancienne terre hongroise.
Commenter  J’apprécie          90
Livre acheté à Bron sur les conseils du même libraire qui m'avait conseillé "le destin miraculeux de Edgar Mint". Alors je lui pardonne ce conseil raté. Il me l'avait vendu comme un livre pour adolescent / écologique.

Abel est une histoire pour enfant. Il s'agit d'un livre Hongrois dont la préface est dithyrambique en parlant d'un chef d'oeuvre sauvé de l'oubli. Je ne partage pas l'enthousiasme de la traductrice.

Un jeune garçon issu d'une famille très pauvre quitte son foyer pour gagner sa vie. Il se retrouve au milieu de la foret en plein hiver. Sorte de garde forestier, il va être confronté à la vilenie des puissants, des gredins, des religieux. Cela sera l'occasion de faire des bons mots et de se forger une certaine philosophie de la vie.

C'est bien écrit, ce personnage est parfois amusant. C'est Rabelaisien. Certaines descriptions sont pleine de vie mais cela m'a paru très long. Je ne vois pas comment ce livre pourrait parler à des enfants de notre temps.
C'est trop éloigné de leur vie quotidienne et cela n'a rien de prenant comme Alice au pays des merveilles. Il me faudra faire des recherches sur internet sur ce qu'ont pensé les autres lecteurs.

Ici on en pense beaucoup de bien comme quoi... Il faut se faire son propre avis.

http://jeanlau.canalblog.com/archives/2009/06/20/14152016.html

La 1ere phrase : "En cette mémorable année 1920, autrement dit un an après que les Roumains nous eurent pris en main, nous les Sicules, ma vie prit également un formidable tournant."
Commenter  J’apprécie          10
Un jeune homme, fils de paysan part devenir garde forestier pour le compte d'une banque. Il se retrouve seul ou presque (avec quelques animaux) et confronté à la nécessité de survivre dans la nature, à gérer son stock de bois à vendre, à se prémunir des convoitise des uns et des autres. Il se titre de toutes les difficultés grâce à sa bonne humeur, à un humour caustique, mordant sans forcement être méchant, une grand présence d'esprit dans toutes les situations.

Sous une forme de récit populaire, presque de conte, l'auteur nous donne sa vision du quotidien d'un pauvre jeune Hongrois en Transylvanie devenue roumaine suite au traité de Trianon. Une culture particulière, en train de disparaître.

Le style spécifique de l'auteur, fait de ce livre quelque chose de profondément original. Drôle et tragique à la fois, il conte d'une façon vivante et truculente, une vie que l'on pourrait décrire d'une façon triste et tragique. Peu d'événements heureux arrivent à notre pauvre Abel, qui ne perd pas pour autant sa truculence. L'humour comme arme contre le malheur.

Rien d'étonnant que ce livre ait suscité l'intérêt de Ramuz qui révisa le texte français de la première traduction de ce roman en français paru dans les années 40 en Suisse.
Commenter  J’apprécie          20

Citations et extraits (2) Ajouter une citation
"Je peux très bien y aller, dis-je.
- Toi, oui, si tu n'avais pas peur d'y habiter seul, répliqua mon père avec malice.
C'était justement de mon courage que j'étais le plus fier ; le héros en moi se cabra donc immédiatement.
- Je connais beaucoup de choses, sauf la peur, répondis-je catégoriquement. Je suis capable de traverser n'importe quelle forêt et même d'y habiter courageusement, même tout seul !
Mon père n'attendait que cela, car à l'instant même, il s'abattit sur moi comme sur un oiseau.
- Bien parlé ! Demain nous nous y rendrons et tu pourras y habiter.
- Où irons-nous demain ?
- Nous ? Sur le Hargita, dans une petite maison. Hier, des messieurs de la banque sont venus chasser dans la forêt domaniale, et je t'ai fait engager chez eux comme garde forestier, dans la forêt de la banque, celle qui est sur le Hargita. Tu recevras même un salaire, à condition que tu n'aies vraiment pas peur d'habiter là-haut, tout seul.
Sur le coup, je ne pus rien répondre, je rentrai seulement la tête entre les épaules et je battis des paupières comme une grenouille."
……………............
"Les montagnes en deuil étaient enveloppées dans un manteau, et chaque nuage s'y accrochait comme une barbe : le ciel brillait d'un visage couleur cendre, et les gouttes de pluie brillaient en grande abondance sur les arbres, comme si des bourgeons d'argent s'étaient déployés."
……………………..........
" Nous avons eu une belle journée claire, mais cela aurait pu être de la pluie et de la boue d'automne, car nous avons eu la chance de naître."
………………...............
Il se débarrassa de sa sacoche et il la posa sur la table. Il s’y assit, mais il faillit tomber de la chaise branlante, dont les pieds et le dossier étaient d’un noisetier effilé et le siège de sarments.
"Cette chaise, au moins, connaît la musique, notai-je.
"Pourquoi?" demande le directeur.
"Parce qu'elle s'agenouille dès qu’elle voit un grand seigneur.»
"Cette table n'est pas meilleure", ajouta-t-il.
"Elle peut attendre longtemps nos compliments, renchéris-je.
Il me promit que, dès le lendemain, il m’enverrait une meilleure table et une meilleure chaise.
Commenter  J’apprécie          30
Mais que vaut une idée, si intéressante soit-elle, s'il n'y a personne à qui la dire ?
Commenter  J’apprécie          30

autres livres classés : littérature hongroiseVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus

Autres livres de Áron Tamási (1) Voir plus

Lecteurs (47) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (5 - essais )

Roland Barthes : "Fragments d'un discours **** "

amoureux
positiviste
philosophique

20 questions
849 lecteurs ont répondu
Thèmes : essai , essai de société , essai philosophique , essai documentCréer un quiz sur ce livre

{* *}