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EAN : 9782754841719
104 pages
Futuropolis (24/05/2023)
3.8/5   128 notes
Résumé :
À 20 ans, Martin Terrier était pauvre, esseulé, inculte et crétin. Mais pour changer tout cela, il avait un plan de vie beau comme une ligne droite. À 30 ans, Christian Terrier, tueur à gages, sa dernière mission accomplie, impeccablement ou presque, il décide de se retirer, de congédier sa régulière en cinq minutes, lui faisant cadeau de son chat Soudan, de récupérer son fric bien placé, et de rentrer au pays pour couler des jours tranquilles avec sa promise, en to... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (22) Voir plus Ajouter une critique
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En 1977, le dessinateur Jacques Tardi et le romancier Jean-Patrick Manchette amènent à parution une BD mythique: "Griffu". Tardi sait déjà à l'époque qu'il ne sera jamais aussi bon qu'épaulé par un scénariste. "Griffu", en duo d'auteurs, montre le chemin rêvé pour des projets qui resteront hélas à l'état d'ébauches. Manchette décéde en 1995. D'autres scénaristes viendront mais les résultats n'auront jamais le même éclat. Tardi reprend seul le flambeau en 2008 en adaptant avec succès "Le Petit bleu de la côte ouest". Confiant et motivé, il récidive en 2010 en s'attaquant au présent "La position du tireur couché" et en 2015 à "Ô Dingos, Ô Châteaux..!".

Tardi a compris la recette à appliquer, celle de l'hommage rendu: coller au plus près des romans de Manchette, rester fidèle à l'écrit dans les moindres détails et, ainsi, recréer la magie du tandem initial. Manchette pensait en théoricien ses néo-polars comme des mécaniques minutieusement agencées. les adaptations de Tardi devaient suivre en copiés collés graphiques sous peine de se perdre. Tardi y parvint, le cinéma s'y égara; à croire que l'écrivain est inadaptable en 25 images/seconde.

Le pitch de "La position du tireur couché" est simple: un tueur à gages rêve de retraite dorée. Ses plans échouent quand ses commanditaires ne le laisse pas partir et, plus improbable, quand son ex petite amie refuse de tenir sa promesse de jadis, celle de l'attendre pour une nouvelle vie en sa compagnie. Rien ne se passera comme prévu ... la suite appartient au récit

Le propos de Manchette est sombre. En conséquence, le dessin de Tardi l'est aussi. Absence de couleurs, omniprésence du noir et blanc. Pas de nuances: noir ténèbres et blanc éclatant. L'un ou l'autre, en dichotomie très tranchée. Contraste jusqu'au boutiste. Prépondérance de l'obscur, des ombres profondes. La plume griffe le blanc du papier, l'encre de Chine sur la ville se fait crépuscules entre chien et loup, nuits cauchemardesques zébrées des éclairs des armes à feu, aubes cinglantes d'un hiver sans fin. Les blancs sont ceux immaculés du papier d'origine, Tardi semble y préserver de rares zones de clarté pour qu'y subsistent des espoirs qui ne viendront pas.

Les scènes urbaines restituent des architectures précises et détaillées. le lecteur y entrevoit presque des panoramiques de cartes postales: Liverpool, Londres, Paris. le travail conséquent de documentaliste paie, le rendu est réaliste, on s'y croirait. S'y mêlent la pluie en hachures verticales serrées et le froid de l'hiver via les griffures des arbres dénudés déchirant le blanc du ciel, l'épaisseur des vêtements chauds ... etc
Le blanc tranche le noir de la nuit: sous les flashs brutaux des enseignes lumineuses qui semblent clignoter dans l'océan des vignettes figées, l'éclairage des rues souligne les détails des façades, les rayons de lune taillent des faciès au couteau, comme tendus dans l'attente des brutalités inévitables à venir.
Quand les paysages se font campagnards, le froid se montre aux nez qui gouttent, aux gants de peau sur les gachettes; l'humidité se voit sur le miroir luisant des routes mouillées, dans la boue des chemins collant aux bottes en caoutchouc, dans les cols relevés des impers ...

Manchette ne livre jamais les ressentis de ses personnages. le lecteur doit les déduire de leurs actes à l'épreuve des faits. Les psychologies travaillent en arrière-plan de ce qui n'est pas écrit.
Les visages, chez Tardi, sont tout en rondeurs simples, en facilités graphiques délibérées. Ils contrastent avec le soin minutieux apportés aux architectures. Les yeux, les nez et les bouches sont réduits à des caricatures symboliques, des points minuscules, des coups de plume brefs et imprécis, des virgules courtes d'encre noire semble t'il lâchées à la va-vite. Les faciès ne trahissent rien, tout est en froideurs calculées à l'image des propos impersonnels de Manchette. le lecteur doit décrypter les sentiments, le visionnage devient jeu et la magie opère: la haine, la colère, le stoïcisme, l'indifférence face à la mort se dessinent sous les visages de marbre.

Pour donner de la crédibilité à son récit Manchette détaille à outrance le background environnemental: véhicules, vêtements, armes de poing, bouteilles d'alcools prestigieux, magazines, publicités murales, quotidiens à l'étal ... Tardi n'est pas en reste, chaque vignette montrant un intérieur foisonne d'objets du quotidien, il y place souvent des clins d'oeil à l'oeuvre de Manchette, via une couverture de Nada par exemple sur une table de chevet.

Le monde de Manchette est d'une extrême violence, celui de Tardi l'est aussi. Manchette ne la suggère pas, Tardi non plus. Les corps explosent sous la pression des balles, éviscèrent, éclatent les crânes ... Les râles d'agonie éclairent d'onomatopées géantes les phylactères des mourants...

Le roman de Manchette est chef d'oeuvre, l'adaptation de Tardi suit dans la foulée. le dessinateur a offert un triple hommage posthume au romancier, un triptyque que Futuropolis a ressorti il y a peu en coffret luxueux. Allez-y, c'est du très bon.
Lien : https://laconvergenceparalle..
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Martin Terrier est un con. Tout au long de cette histoire, plusieurs personnages ne se gêneront d'ailleurs pas pour le lui signifier, au point qu'il ne tardera pas à en être convaincu. Jugez vous-même : âgé de vingt ans, il quitte son trou perdu en jurant à Alice, sa bien-aimée, de revenir la chercher dix ans plus tard. En retour, celle-ci, jeune et innocente (?) lui promet de l'attendre. Dix années de boulot de mercenaire et de tueur à gages plus tard, revoilou le Terrier, nez au vent et ne doutant de rien, plein d'espoir que son Alice va l'accueillir à bras ouverts et que son patron, Monsieur Cox, va laisser ainsi filer son porte-flingue préféré, à qui il destinait justement une mission de prime importance. Terrier tombe de haut : Alice est maquée avec un nouveau riche et porte sur le monde un regard pour le moins réaliste si pas désabusé, la soeur d'une de ses anciennes victimes veut lui faire la peau et Monsieur Cox lance des tueurs armés jusqu'aux dents à ses trousses. Son plan de carrière et la vie qu'il avait rêvée ont décidément du plomb dans l'aile.
Dans une récente interview à 'La Libre', Tardi avouait avoir voulu rester le plus fidèle possible au texte du roman de Manchette. Ce respect de l'oeuvre -qui dénote sans doute un respect tout aussi grand de son auteur- contribue à la réussite de cette adaptation. Au coeur de l'intrigue, la France des années '70, l'époque-phare des romans de Manchette, celle des Citroën DS, des Peugeot 504, des attentats politiques et celle, surtout, d'un Paris encore à taille humaine, tel que Tardi aime à le dessiner. Mais au coeur de cette 'Position du tireur couché', il y a également la violence, omniprésente, et que Tardi présente avec le même réalisme qui prévalait dans ses récits de la Première Guerre mondiale. Treize morts non-accidentelles et non-naturelles, sans compter celles d'un chat et d'un corbeau, toutes présentées dans leur laideur la plus crue. Un crâne éclate sous les balles, un torse est transpercé à coups de fourche et un homme explose sur une mine. Les plus endurcis des tueurs sont perclus de trouille et le sang coule à flots. Cette violence, comme innée chez la plupart des personnages ici présents -et dont aucun n'arrive à susciter la moindre empathie de la part du lecteur, Terrier le premier- s'installe en tous cas comme partie prenante de leur psychologie et de leur manière de fonctionner. Elle semble être pour eux la seule manière d'arriver à leur objectif pourave : le fric. Car oui, si le cadre de l'époque pouvait encore faire illusion quant à une certaine douceur de vivre, Manchette devait sentir que l'ambiance générale commençait à tourner à l'aigre, que les motivations commençaient à puer le dollar et que la cote de la vie humaine tendait à accuser une sérieuse baisse sur les marchés. Et comment mieux refléter tout ça qu'avec une intrigue polardeuse à souhait, dans laquelle chaque personnage n'a d'importance qu'en fonction du fric qu'il peut rapporter aux autres? Ceux qui ne valent rien prennent du plomb, les autres peuvent espérer quelque répit. Pour Terrier, il sera de courte durée.
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La question que l'on peut raisonnablement se poser, quand on aime Manchette et Tardi, c'est "mais pourquoi une telle adaptation"...? Manchette lui-même, la lettre est reprise en intro, signale que ce roman est une sorte d'exercice de style. Linéaire. Très monothématique. Sans trop d'ambition ou de surprise, aux dires de Manchette.

Et Tardi se lance dedans, en suivant à la lettre le storyboard de Manchette. Fatalement, dirais-je. La machine de Manchette est réglée au millimètre, à la nanoseconde près. Prendre des libertés, c'est risquer de se vautrer. Mais ne pas en prendre, cela pourrait être tout aussi peu emballant. Malgré la science de Tardi.

Alors, Tardi va biaiser. Il va se concentrer sur les expressions. Sur les visages. Je l'ai rarement vu plus focalisé sur des expressions faciales. Et sur les décors aussi.

Car on ne peut pas vraiment s'attacher aux personnages. Ils sont tous détestables, sans empathie. Entre un tueur à gages sans états d'âme et une bourgeoise qui se la joue radasse, on est servis. Et le lecteur ne peut pas se départir de l'idée que cela va mal se terminer... Tout est effectivement possible avec Manchette et Tardi. Même le happy (ou presque) end.
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Lorsque Martin Terrier, aussi connu sous le pseudonyme de Christian, signifie son départ à son patron, on est loin de penser qu'un bal sanglant vient de commencer et dont peu de personnes ressortiront indemnes. C'est qu'il faudrait encore préciser que Martin alias Christian est un tueur à gages redoutable et expert que, naturellement, son employeur ne veut pas voir s'éloigner. Martin, cependant, commet une erreur : il revient à ses premières amours, et notamment à Alice, un amour de jeunesse qu'il a juré de retrouvé dix ans après l'avoir quittée. Dix ans à bourlinguer, mercenaire en Afrique et homme de main du Milieu, avant de revenir et de vouloir enfin, vivre tranquillement.

Récit violent qui collectionne les morts, La position du tireur couché est une adaptation dessinée du roman de Jean-Patrick Manchette. le noir et blanc de Tardi se mêle ici à la perfection au noir de Manchette. Comme à son habitude, Tardi sait croquer, capturer les ambiances, celle des grandes villes et notamment de Paris, celle des villes de province et des campagnes inquiétantes où l'on attend, désespérément, le top départ de missions dangereuses. le récit, enlevé, rythmé, bavard aussi, manque peut-être d'un peu de chaleur ; Manchette le disait lui-même : il avait l'ambition d'un roman froid et technique. Nul doute que Tardi a respecté la volonté de l'auteur initial. Mais la maîtrise du récit et du dessin - qui prend une place importante dans la narration même - est remarquable en tout point, et l'on ne saurait lire La position du tireur couché sans penser aux films noirs français des années 1960 et 1970, aux oeuvres de Jean-Pierre Melville, de Georges Lautner ou d'Alain Corneau. Un polar choc, oui, mais pas une claque, la faute à une prose qui manque parfois de punch.
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C'est l'hiver et il fait nuit !


En 1977 parait ‘Griffu', la première intromission de l'anar Tardi dans l'univers déjanté de l'agoraphobe et grand fumeur, mais surtout ancien militant d'extrême gauche JP Manchette (1942-1995) ; et ce n'est pas une adaptation, mais bien un scénario original que celui-ci a livré au rebelle Tardi, qui, longtemps après, reviendra aux déclinaisons policières de Manchette, en 2005 avec ‘Le petit bleu de la côte ouest', en 2010 avec ‘La position du tireur couché' et en 2011 avec ‘O dinguos, ô châteaux' .


Le roman ‘La position du tireur couché' date de 1981 et avait déjà été adapté au cinéma dès 82 par Robin Davis sous le titre du ‘Choc' avec Alain Delon (qui a trois Manchettes à son actif) dans le rôle du tueur (‘Samourai' oblige évidemment).


En 96 pages en N&B, le libertaire Tardi adapte le gaucho Manchette et nous raconte l'histoire d'un tueur qui a décidé de décrocher et que ses employeurs (des intermédiaires agissant pour le compte d'une mystérieuse ‘organisation') refusent de lâcher (un grand classique du genre, en fait même un genre à lui tout seul au sein de la littérature comme du cinéma ‘policiers'). Fermement enclin à décrocher, il quitte Paris pour sa ville natale où l'attend peut-être encore sa petite amie d'antan qu'il avait quittée en lui promettant de revenir ‘fortune faite' dans dix ans…


Bénéficiant d'une ambiance générale magnifiquement lugubre, cette troisième adaptation en date de JPM par JT est un vrai roman noir aussi dense que l'asphalte sur laquelle roule vers son triste destin ce tueur pas du tout fou, mais qui est plus proche de la marionnette que du héros qui tire les ficelles : en prenant une certaine décision, il a mis le feu aux poudres et plus rien ne peut arrêter la machinerie sanglante qui s'est mise en marche. Déceptions et désillusions pavent le chemin de ce solitaire brisé jusqu'à l'issue sinon fatale, du moins tragique de ce récit sombre et fort qui mérite d'être lu par une froide nuit d'hiver !
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
C'était l'hiver et il faisait nuit.
Arrivant directement de l'Arctique, un vent glacé s'engouffrait dans la mer d'Irlande, balayait Liverpool, et filait à travers la plaine de Cheshire où les chats couchaient frileusement les oreilles en l'entendant ronfler dans la cheminée.
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- Si tu bois un truc qui a déjà un goût de vomi au départ, quand tu le dégueules, tu n'es pas dépaysé. (pl. 42)
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Je t'aurais bien visé en pleine tête, mais je suis pas assez bon tireur.
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Terrier passa à l'arrière du véhicule. Il commença par examiner le double fond du fourgon dont la hauteur était limitée. Il n'essaya pas de s'y allonger.
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Nos cruzaremos con Dan Barry (más que con Alex Raymond), Harold Foster, Frank Robbins, los ilustradores de Mad, Richard Corben, la pandilla de El Juves, Tardi, Peyo, Kasumi Yasuda, Vittorio Giardino, Ambros, Francisco Ibáñez, Albert Uderzo, Jack Kirby, Moebius, Bruce Tim, Jaime Hernández, Hayao Miyazaki, además de películas, series, novelas y videojuegos...
Los tres artistas pertenecen a generaciones diferentes, pero, por supuesto, tienen distintas fuentes de inspiración, lo que da lugar a una interesante confrontación. La conversación, iniciada durante las mesas redondas de SoBD 2023, está dirigida por Manuel Barrero.
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