C'est après une grave chute d'un toit sur lequel il faisait le pitre, puis quatre mois d'hôpital, que Sylvain Tesson s'est lancé Sur les chemins noirs. Dans son lit de souffrance, il s'était promis : « Si je m'en sors, je traverse la France à pied. » de plus, il a fait cela en souvenir de sa mère, décédée en 2014.
« Des motifs pour battre la campagne, j'aurais pu en aligner des dizaines. Me seriner par exemple que j'avais passé vingt ans à courir le monde entre Oulan-Bator et Valparaiso et qu'il était absurde de connaître Samarcande alors qu'il y avait l'Indre-et-Loire. » S'inspirant d'un récent rapport sur l'hyper-ruralité, il a essayé de sortir des sentiers battus au sens littéral du terme pour découvrir le pays en solitaire la plupart du temps.
Ainsi, il est parti de Tende, à la frontière italienne, passé par la vallée de la Roya, le Mercantour, la vallée de la Tinée, celle du Var, le pays du Verdon, le plateau de Valensole, le pays de Giono, les flancs du Ventoux, le Comtat Venaissin, la vallée du Rhône, le Bas-Vivarais, les Cévennes vivaraises, le Mont Lozère, le Gévaudan, l'Aubrac, les monts du Cantal, le pays d'Ussel, le plateau de Millevaches, la Haute Marche, le pays de Boischaut-sud, la champagne de Châteauroux, la Loire, la Gâtine tourangelle, la Champagne mancelle, le pays de Laval, le bocage mayennais, l'est du Cotentin pour terminer sur les falaises de la Hague, au bord de la carte, à la fin du territoire.
On savoure les anecdotes, les descriptions précises des paysages traversées par ce marcheur qui retrouve peu à peu ses moyens sans se ménager. Surtout, Sylvain Tesson nous livre sa vision d'un pays transformé par l'homme, défiguré par ce fameux aménagement du territoire : « l'âge du flux » Loin d'être passéiste, il permet de prendre conscience de tout ce que nous modifions, abimons, sur cette terre où nous ne sommes que de passage.
L'auteur livre aussi quelques réflexions bien senties comme dans cette église du Mercantour : « Sur les murs étaient accrochés les ex-voto des alpinistes sauvés d'une chute. C'était la corde qui les avait retenus mais il leur était agréable de croire aux secours du Ciel. »
S'appuyant sur les cartes IGN, « des merveilles », il cherche des sentiers, ses chemins noirs, observe végétation et animaux et déplore tous ces villages déserts ou abandonnés. le périurbain le démoralise et cette agriculture perfusée de subventions lui semble une impasse alors que seulement 5 % de la surface cultivée du pays est en bio.
Quelques compagnons viennent cheminer un moment avec lui. Trop souvent, il se heurte à des panneaux d'interdiction. Voyant des Espagnols vendanger près du Rhône, il les nomme « Les Brigades du rouge. » Il fait des rencontres insolites et constate la première gelée blanche le 19 octobre, près de Tours.
Parvenu au bout de son périple, Sylvain Tesson conclut : « Alors, on rentre chez soi débarrassé de l'insecte qui vous mordait le coeur, lavé de toute peine, remis debout. » Il avait cherché ses chemins noirs, les avait trouvés : « de quoi se plaindre ? »
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