Un bon moment à passer avec ce 18ème album d'aventures de "Ric" (vécues d'ailleurs en compagnie de Richie, son "father" aux cheveux blancs), enquête parue en 1974 aux légendaires éditions du Lombard.
Pour nous attirer dans les réalités les plus prosaïques, Bernard Blier a beau incarner (à sa manière) le Commissaire Berger, "un vieil ami" de l'également Commissaire Sigismond Bourdon ; de même l'affiche du Schpountz" de
Marcel PAGNOL (avec Fernandel,
Orane Demazis et
Fernand Charpin) a beau être placardée à l'entrée de la salle-des fêtes de la bourgade balnéaire d'Arestat — aux faux airs d'Etretat — durant "L'épisode de 1938" (troussé en 12 pages magistrales) : rien n'y fait...
Ce qui "marche" ici - et puissamment - est bien la dimension fantastique de l'intrigue (ou "d'apparence fantastique", comme dans le fameux roman de
Jules VERNE, "
Le château des Carpathes" (1892) où, hélas, tout finira par s'expliquer "scientifiquement" et platement dans les pages conclusives...
Car il y a du "Halloween" là-dedans, ou plutôt là-haut : un terrible épouvantail de paille armé d'une faux vous attend, teinté à l'encre de couleur écarlate, en haut d'une falaise vertigineuse dominant le "Gouffre aux noyés" : pas loin de l'Ankou relaté par
Anatole LE BRAZ ("
la légende de la mort chez les Bretons armoricains") mais aussi de "L'île aux trente cercueils" (1919) de
Maurice LEBLANC, terre de désolation druidique avec sa paroi coulissante qui vous fera glisser doucement dans le vide, du haut d'une blanche falaise mortelle de
Maurice LEBLANC, ou encore du terrible Michaël Myers (au masque blanc inexpressif) du film phénoménal de
John CARPENTER, "Halloween"/ "La nuit des masques" (1978)...
L'épouvantable épouvantail que nous avons déjà vu en page 8 tenter de faire basculer Richard (alors jeunôt en 1938, avec les traits et la coupe en brosse de son futur fils Ric, et en culottes de golf tintinesques) : nous le retrouverons en surplomb (superbe cadrage !) face à Ric en son impeccable gabardine de cuir beige clair dans le presque dénouement cauchemardesque sur fond d'océan déchaîné : rouge diabolique sur fond d'encres bleues délavées en un subtil nuancier...
C'est un peu l'esprit du ténébreux "Harvest Home" / "
La fête du maïs" (1973) du romancier américain
Thomas TRYON, avec ses chairs qui se consument à vif dans un brasier de la St-Jean...
Mais le plus beau est peut-être dans la superposition de l'image magnifique ouvrant cette aventure sur une demi-page avec la Chevrolet de "Richie" s'avançant dans la nuit pluvieuse de la planche 1 (initiant un fabuleux "Nocturne" normand que nous ne quitterons plus durant douze pages) et l'image ensoleillée et joyeuse de la Porsche de Ric ramenant Richard son père au pays du souvenir, occupant le même emplacement d'une demi-page à l'amorce de la planche 13... Comme les choses ont bien changé à Arestat, en seulement trente-cinq années... Sauf que le Passé est toujours là, prêt à vous happer et vous frapper comme la faux de l'Ankou des falaises lors d'une de vos promenades nocturnes solitaires...
Bref, il vous faudra découvrir les 44 planches de cette "Enquête dans le passé pour découvrir l'homme qui se cache sous son masque de paille et sous les initiales D.C.D. ...