Absolument bouleversée par la lecture de cette lettre d'une maman à sa fille morte sous les coups de son compagnon, en juillet 2003.
Pour moi, cela ne change pas grand chose que les protagonistes de l'histoire soient des personnes connues :
Nadine Trintignant (la mère),
Marie Trintignant (la fille),
Bertrand Cantat (le compagnon meurtrier) car, célèbres ou pas, ce court témoignage de 167 pages, qui se lit à toute vitesse, est signifiant de ce que peut être une femme sous emprise, aveuglée par l'amour et persuadée de pouvoir changer son homme et de ce que peut être son bourreau au quotidien, un homme jaloux et possessif qui ne supporte pas que sa femme puisse être ce qu'elle est.
A la différence près que, parce que l'auteure se trouve être
Nadine Trintignant, ce témoignage a le mérite d'avoir été mis en exergue, d'avoir été relayé, tant par la maison d'édition, la presse que par les réseaux sociaux. Et, sans doute, a permis d'éclairer cette problématique sociétale insuffisamment prise en compte par les pouvoirs publics.
Bien sûr, le point de vue de la narratrice est forcément orienté "à charge", mais on sait aujourd'hui que l'intéressé n'a vraiment pas d'excuses à son comportement. Rien ne justifie ses coups et la mort de
Marie Trintignant, et encore moins, la non-assistance à personne en danger, assistance qui, si elle avait été faite en temps et en heure, aurait peut-être sauvé Marie.
Par des va-et-vient successifs entre le passé et le présent, entre ce qui s'est passé à Vilnus dans l'intimité d'une chambre d'hôtel et ses conséquences et l'analyse qu'en fait l'auteure quelques semaines plus tard, les lecteurs sont amenés à entrer dans l'intimité d'une famille, d'une relation mère/fille particulièrement forte.
Il y est question de culpabilité : celle de
Nadine Trintignant qui se reproche de ne pas avoir vu que sa fille allait mal, de ne pas avoir compris les messages qu'elle lui faisait passer, de ne pas avoir interprété les signes évidents de mal-être, de ne pas avoir osé lui poser des questions.
C'est souvent hélas le cas de nombreuses autres familles qui n'ont pas su, pas vu, pas questionné leur proche enfermée dans le non-dit, la honte, et la crainte des représailles.
Il y est question surtout d'amour : celui de
Nadine Trintignant qui sème tout au long de son récit des événements, des pensées personnelles, des souvenirs familiaux, des petits mots doux de Marie, des anecdotes de temps de travail sur les scénarii, de tournages, autant de bribes de sa vie personnelle et de celle de sa fille (enfant, adolescente, femme et mère de quatre garçons), tels des confettis joyeux et émouvants qui permettent de la rendre vivante et tellement rayonnante aux yeux de sa mère, et à nos yeux aussi...
Bertrand Cantat a été condamné le 29 mars 2004 par le tribunal de Vilnus à huit ans de réclusion criminelle, peine qu'il exécutera en partie dans une prison française (privilège de la célébrité). Il sera mis en liberté conditionnelle en 2007 et retrouvera sa totale liberté en 2010.
Drame ordinaire de la jalousie et de la violence conjugale - un de plus dirais-je - dont, on le voit ici, la justice ne prend pas vraiment la pleine mesure puisque le meurtrier est libéré au bout de trois ans ! On s'interroge donc, au-delà de la situation spécifique de
Marie Trintignant : que vaut la vie d'une femme ?