L'abbé Grégoire s'en mêle est un polar historique.
J'aime lire des polars : celui-ci est un whodunnit bien mené, avec plusieurs intrigues parallèles qui fournissent toutes une explication cohérente à plusieurs meurtres, et dont une seulement fournira l'explication la plus satisfaisante. Qu'on se doute ou pas du fin mot de l'histoire retenu par l'auteure, on navigue en tout cas agréablement entre les différentes histoires possibles, on découvre petit à petit quelles sont les différentes options : ce livre est vraiment impeccablement construit et très bien écrit.
En revanche, je suis moins lectrice de romans historiques et suis donc mal placée pour en parler. Mais ce livre a reçu le prix Historia 2019 et paraît extrêmement bien documenté sur l'époque qu'il décrit, celle des années qui précèdent la révolution française : une partie des personnages a existé (ils sont listés au début), le contexte politique est celui de l'époque (pour autant que je puisse en juger ; de nombreuses notes précisent les choses, de vraies lettres sont citées...), l'intrigue est donc habilement insérée dans une trame historique convaincante. Mais pour ma part, j'aime que la dimension historique d'un livre ne soit pas juste un décor, mais soit là explicitement pour éclairer notre présent - même si c'est un peu le cas, par défaut, de tout livre historique, d'accord : mieux on connaît notre histoire, et mieux on comprend notre présent.
Je me suis quand même interrogée sur un point, que je peux illustrer d'un exemple. le mystère est bâti autour d'un meurtre par empoisonnement commis dans une diligence, donc en huis-clos. Il y a huit voyageurs, donc sept suspects : whodunnit ? Ces sept personnes sont un « homme d'affaires » (dont on apprend qu'il est marchand d'esclaves, je ne divulgue rien car il est tout de suite décrit ainsi), deux « marchands », leurs deux « femmes », un « abbé », et un « Juif ». Deux « femmes de » ? N'est-ce pas étrange de donner à ces deux personnages une identité uniquement subordonnée à leurs maris qui ont, eux, une identité conférée par leur métier ? Et que dire « du juif » ? N'est-il pas encore plus étrange de définir cet homme par sa religion, mais pas par son métier, à l'instar des autres ? Ah, nous sommes au 18èmesiècle : ceci explique cela. A cette époque, peut-être bien qu'on était « femme de », et qu'on était « le Juif Hourwitz » (qui a du reste existé). Mais comme l'époque historique est uniquement le décor dans lequel évoluent les personnages, cela crée un léger malaise dès qu'on est tenté de lire avec la grille du 21ème siècle (et résister à cette tentation n'est pas évident).
Car malgré tout, on peut voir aussi un côté métaphorique dans le livre. On est à la veille de la révolution française, les Juifs constituent une population minoritaire qui vit dans des ghettos : il n'est pas interdit d'y voir un schéma qui se reproduit à toutes les époques et dont la nôtre ne se prive pas, mutatis mutandis. Mais cela reste à la libre appréciation de l'oeil du lecteur : L'abbé Grégoire s'en mêle n'est en rien un livre militant, mais plutôt un livre de divertissement intelligent qui, je suppose, ressuscite un monde à la fois proche et lointain. Avis aux amateurs, d'autant plus que le personnage de « l'artiste vétérinaire » est un personnage récurrent, enquêteur dans tous les polars de l'auteure !
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Ma chère Éléonore,
Me voici exilé. Oui, exilé ! Je ne suis pas à Hannonville pour un séjour de loisir.
Une intrigue abominable a bouleversé mes espérances et malheureusement, je le crains, prépare la culbute générale ! Je suis renvoyé du ministère des Finances. La nouvelle est d’autant plus rude que le roi m’avait renouvelé deux heures auparavant l’assurance de le soutenir et de me faire triompher de mes ennemis ! Il avait même affirmé deux jours plus tôt : « Je veux qu’on sache que je suis content de mon contrôleur général ! » Et figurez-vous que la veille encore, un concours immense de courtisans s’était assemblé dans l’Oeil-de-boeuf, tous rangés en haie, et ils m’applaudissaient respectueusement ! La Fayette m’avait salué avec beaucoup d’empressement et m’avait fait sa cour, avant de faire un discours devant l’Assemblée des notables d’une rare virulence à mon égard.
- Ce remaniement et la chute de Breteuil seraient donc la source de ce flot d'amertume, de cette haine contre vous répandue dans tout le pays ?
Il ne faut regarder que les paroles de réconfort et d'amour de vos amis, de vos fidèles, dis-je, et chasser de votre esprit tout ce qui contribue à votre malheur. C'est donner trop de pouvoir à vos ennemis que de s'y attacher.
- Monsieur, nous sommes à Metz ! Nous passons le pont des Morts !
Du fait qu'ils ne s'étaient vus que quelques fois, la rareté entretenait la flamme de Chapier.
L'écrivaine Anne Villemin-Sicherman et l'historien Vincent Milliot posent leur regard sur la collection personnelle du principal artisan de l'abolition de la peine de mort, qui figure parmi l'une des plus emblématiques de l'histoire des crimes et des peines en France.
Anne Villemin-Sicherman est médecin et écrivaine. Passionnée par le XVIIIe siècle, elle a créé une série de thrillers historiques Les enquêtes d'Augustin Duroch, qui plongent ses lecteurs au coeur de la vie quotidienne sous l'Ancien Régime.
Vincent Milliot est professeur d'histoire moderne à l'université Paris 8 et chercheur à l'IDHES (Institutions et dynamiques historiques de l'économie et de la société).
Rencontre organisée à l'occasion de l'exposition « Une passion pour la justice. Dans la bibliothèque de Robert Badinter », du 14 septembre au 12 décembre 2021, BnF | Bibliothèque de l'Arsenal :
https://www.bnf.fr/fr/agenda/une-passion-pour-la-justice-dans-la-bibliotheque-de-robert-badinter
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