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EAN : 9782070448081
96 pages
Gallimard (13/05/2015)
4.21/5   24 notes
Résumé :
"Il se pourrait, dans la suite des temps, que de misérables philosophes, sous le prétexte spécieux, mais punissable, d'éclairer les hommes et de les rendre meilleurs, viendraient nous enseigner des vertus dangereuses dont le peuple ne doit jamais avoir de connaissance. Et, de peur que la tentation diabolique ne leur prenne de s'instruire, nous défendons aux pères et aux mères d'enseigner à lire à leurs enfants. Et, pour prévenir toute contravention à cette ordonna... >Voir plus
Que lire après De l'horrible danger de la lecture et autres invitations à la toléranceVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
CE VICE IMPUNI, LA LECTURE...

Au jeu des citations consacrées à la lecture, Valéry Larbaud n'est bien entendu pas le seul, mais en quelques mots, il dit beaucoup de ce que la lecture peut être pour beaucoup d'entre ceux ayant toujours un livre entre les mains ou à portée d'icelles. Il n'en fut malheureusement pas toujours autant au cours des siècles précédents et celui des fameuses Lumières n'y échappa point.

Certes, l'imprimerie avait alors déjà quelques siècles derrière elle. Certes, elle avait vu le jour en accompagnant ce qui allait être d'un retentissement sans précédent : la traduction de la Bible dans une langue vernaculaire par un certain Martin Luther, devenant de facto un potentiel ennemi de l'ordre établi, de tous les ordres établis, qu'ils soient politiques ou religieux. Car ce que l'imprimerie instaurait alors, c'était la possibilité de diffuser la culture, la pensée, la philosophie, les textes récents ou antiques avec une promptitude, une efficacité, un coût jamais envisageables jusque-là.

Et si les pouvoirs en place comprirent aussi très vite que cette même imprimerie pouvait leur offrir des contre-feux à l'encontre de ceux qu'elle avait propagés, rien ne pouvait demeurer aussi efficace que d'en assujettir les droits, la mettre constamment sous contrôle des états, la réglementer, pour tout dire, la censurer, à la base, plutôt que de la voir fonctionner trop librement au grand dam de ce que les ordres établis ont toujours souhaité défendre : leur propre continuation par tous les moyens et avec le moins de risques possibles.

C'est contre cet état de fait que François Arouet, dit M. de Voltaire, prenant le flambeau d'une contestation philosophique et antireligieuse quasi permanente, se révolta et combattit tout au long de sa belle existence. Car lorsqu'il parle de l'horrible danger de la lecture, dans ce bref texte datant de 1765, ce n'est pas pour la seule et tranquille lecture de la dernière Gazette du Palais qu'il prend fait et cause, c'est pour toutes les lectures qui se puissent inventer, qu'elles éclairent les esprits de leur temps, qu'elles apportent les lumières des sciences et de la médecine contre les maladies et autres fléaux jadis rapidement susceptibles de faire le bonheur des religieux de tout acabit, trop heureux d'en pouvoir appeler à la "Sainte Providence", c'est encore pour permettre un certain relativisme comparatiste entre les croyances, ou leur amenuisement par le biais des écrits de fins et libres penseurs, devant amener invariablement à leur extinction (on eût aimé qu'il en fut ainsi, M. de Voltaire. Hélas...), c'est encore permettre que s'éclaircisse la situation véritable de servitude dans laquelle vivent les individus, les amenant immanquablement à réclamer plus de liberté. Bien entendu, les combats étaient plus âpres en ces temps d'autoritarisme royal, de despotisme pas toujours éclairé et d'intransigeance religieuse. Mais sommes nous pour autant assuré que ces combats soient tellement d'hier voire d'avant-hier, qu'il n'y a plus grand'chose à redire de nos libertés - de parole, de conscience, d'action -, aujourd'hui ?

Ainsi, en singeant les édits royaux sous la forme d'une ordonnance soi-disant émise par le Mouphti du Saint-Empire ottoman - il était souvent de mise d'en passer par le fascinant, lointain et étrange empire turc pour moquer ou critiquer nos propres turpitudes. Que l'on se souvienne seulement de l'oeuvre fameuse de Montesquieu, Les Lettres persanes -, c'est du Roi de France en personne dont Voltaire parle, et qu'il moque par la même occasion. Mais si la forme en a bien vieilli, malgré ce style rapide, exquis, percutant à nul autre pareil, ce que le divin Arouet nous rappelle une fois encore, demeure à jamais d'actualité.

Sous forme de brève anthologie, cette petite collection des éditions Gallimard intitulé Folio sagesses donne à lire, pour une somme des plus modiques, quelques grands moments de la pensée occidentale, antique ou asiatique. Ce petit opuscule reprenant quelques textes de Voltaire, essentiellement des "conversations", éparses dans son oeuvre, n'échappe pas à la loi du genre : bien que trop bref et un peu décousu, l'ouvrage nous donne à réfléchir, à nous poser un peu, par les thématiques retenues ici, c'est à dire la tolérance, la liberté de s'instruire, de connaitre, de penser, ainsi que par les morceaux choisis avec soin au sein d'une oeuvre d'une fluidité et d'une contemporanéité jamais remises en cause. Au final, de petits ouvrages à emporter partout avec soi, à offrir, à laisser négligemment sur une table de nuit amie car, ainsi que l'auteur de Candide ou du Dictionnaire Philosophique l'écrivit dans sa pièce L'Ingénu, “La lecture agrandit l'âme, et un ami éclairé la console.” !
A bon entendeur, salut !
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Textes fort disparates, trop disparates à mon goût, rassemblés dans ce bref opuscule sous un titre quelque peu racoleur. Le texte intitulé 'De l'horrible danger de la lecture' -et je me suis demandé s'il s'agissait là du titre donné par Voltaire ou par l'éditeur- apparaît en fin de volume.

Tous les morceaux choisis se veulent une ouverture à la tolérance, mais sans le rappel, nécessaire par les temps d'aujourd'hui, de rappeler que si Voltaire usait et abusait de personnages mahométans, c'était parce qu'ils leur faisaient dire ce qu'il ne pouvait placer dans la bouche ou l'esprit de catholiques ou religieux de son époque, vu la censure et les poursuites qu'il a dû souvent éviter.

Lisons Voltaire certes, mais plutôt dans les ouvrages d'origine, enfin, c'est ma conclusion en refermant cet ouvrage.
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Dans ce petit recueil de fables philosophiques et de dialogues parodiques, Voltaire s'attaque à l'intolérance sous toutes ses formes. le philosophe des Lumières pourfend ici avec humour la bêtise, la superstition, le fanatisme, le sexisme, le spécisme et la barbarie humaine.

L'ouvrage commence par un entretien entre un "sauvage" et un bachelier, le bon sens du premier venant contrer la science du second. Celui-ci démontre, avec une désarmante simplicité, qu'en matière de civilisation c'est l'intérêt public qui fait loi. le second texte est consacré à l'éducation des filles, l'auteur accusant les couvents de dispenser un apprentissage inutile à la vie en société.

"Le dialogue du chapon et de la poularde" doit être considéré comme un véritable manifeste en faveur du végétarisme, plein d'humour noir. Les deux volatiles font une critique virulente, mais juste, de la barbarie de notre espèce.

Dans l'avant dernier texte, qui prête son titre au recueil, Voltaire imagine un sultan qui considère la lecture comme un péril pour son peuple. "De l'horrible danger de la lecture" met ainsi en scène la soumission de l'État à l'Église et les périls qui en découlent, lorsque croyances et superstitions viennent bâillonner la liberté.

Enfin notre philosophe des lumières retranscrit une conversation imaginaire entre plusieurs générations de théologiens, Lucien, Érasme et Rabelais, chacun faisant état de l'emprise de la religion sur le pouvoir et sur leurs congénères. Voltaire, qui ne cesse de combattre l'obscurantisme, recourt ici à la force du rire pour sa démonstration philosophique. Ces petites fables à charges, qui nous engagent à la tolérance et au respect d'autrui, prennent même parfois des airs de prophétie.
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Où est le vrai danger ?

Quel effet la lecture peut-elle avoir sur des citoyens ? La question est ressassée et filtrée à travers les diverses représentations que peuvent en avoir ceux qui s'en méfient. Nous avons déjà tremblé à la lecture du roman « 2084 » de Boualem Sansal et du régime mis en place par des fous de Dieu en Abistan.
Trois siècles plus tôt, Voltaire choisit la voie de l'ironie en intitulant joliment son texte : « de l'horrible danger de la lecture ». Il y rapporte la parole d'un sinistre muphti nommé « Joussouf-Chéribi du Saint-Empire ottoman » qui s'autoproclame « Lumière des lumières, élu entre les élus ». Cet inquiétant personnage s'alarme du « pernicieux usage de l'imprimerie » et déclare la guerre à cette « infernale invention » pour les raisons suivantes :
D'abord, la lecture tend « à dissiper l'ignorance, qui est la gardienne et la sauvegarde des États bien policés ».
Ensuite, les livres venus d'Occident pourraient influencer les agriculteurs du pays ottoman et les aider à mieux cultiver la terre et le fameux « jardin ».
Troisièmement, les livres d'histoire « dégagés du merveilleux qui entretient la nation dans une heureuse stupidité » auraient pour fâcheux effet de « recommander l'équité et l'amour de la patrie, ce qui est visiblement contraire aux droits de notre place ».
Quatrièmement, « de misérables philosophes, sous le prétexte spécieux, mais punissable, d'éclairer les hommes et de les rendre meilleurs, viendraient enseigner des vertus dangereuses dont le peuple ne doit jamais avoir de connaissance ».
Cinquièmement, ces mêmes individus philosophes pourraient encourager l'essor de la raison et, ce faisant, détourner la foi et ainsi « diminuer le nombre des pèlerins ».
Sixièmement, la lecture « des auteurs occidentaux qui ont traité des maladies contagieuses, et de la manière de les prévenir », pourrait bien protéger les fragiles humains des dangers des maladies contagieuses, « ce qui serait un attentat énorme contre les ordres de la Providence ».
Fort de cet incontestable raisonnement, notre sage mufti conclut ainsi son appel au peuple : « A ces causes et autres, pour l'édification des fidèles et pour le bien de leurs âmes, nous leur défendons de jamais lire aucun livre, sous peine de damnation éternelle. » Et pour donner davantage de poids à son décret, il encourage les honnêtes citoyens à dénoncer les contrevenants et les menace d'un châtiment à la mesure de « l'horrible danger de la lecture ».

Lien : http://ericbertrand-auteur.n..
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Je termine "de l'horrible danger de la lecture"
Voltaire, ah, Voltaire.
Qu'en la matière la pensée de l'homme nous manque. Assurément.
Et si bien dit, simplement, caractère toujours aussi et tant vivant.
À lire, relire, faire lire... encore et toujours.
Voltaire, ah, Voltaire
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critiques presse (1)
NonFiction
16 juin 2015
Où l’on retrouve la vigueur polémique de Voltaire concernant des thèmes qui nous concernent encore.
Lire la critique sur le site : NonFiction
Citations et extraits (3) Ajouter une citation
[...], il a semblé bon à Mahomet et à nous de condamner, proscrire, anathématiser ladite infernale invention de l'imprimerie pour les causes ci-dessous énoncées :

1. Cette facilité de communiquer ses pensées tend évidemment à dissiper l'ignorance, qui est la gardienne et la sauvegarde des Etats bien policés.
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"Il se pourrait, dans la nuit des temps, que de misérables philosophes, sous le prétexte spécieux, mais punissable, d'éclairer les hommes et de les rendre meilleurs, viendraient nous enseigner des vertus dangereuses dont le peuple ne doit jamais avoir de connaissance. Et, de peur que la tentation diabolique ne leur prenne de s'instruire, nous défendons aux pères et aux mères d'enseigner à lire à leurs enfants. Et, pour prévenir toute contravention à cette ordonnance, nous leur défendons de penser, sous les mêmes peines."
4ème de couverture, Edition folio sagesse 2015
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Extrait de L'éducation des filles

Ma mère m'a toujours regardée comme un être pensant dont il fallait cultiver l'âme, et non comme une poupée qu'on ajuste, qu'on montre, et qu'on renferme le moment d'après.
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