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Jérôme Vérain (Auteur de la postface, du colophon, etc.)
EAN : 9782755501391
142 pages
1001 Nuits (01/10/2009)
3.38/5   26 notes
Résumé :
Lors de sa première représentation en province, en 1741, la tragédie de Voltaire (1694-1778) fut très applaudie de certains prélats, trop heureux que le prophète des " mahométans " y apparaisse comme un vieillard cynique et avide de pouvoir, qui pousse un jeune disciple au meurtre politique. Voltaire a4-il cherché à blasphémer contre l'Islam, comme des musulmans le croient aujourd'hui ? Les autorités ecclésiastiques ne se laissèrent pas duper longtemps : la pièce fu... >Voir plus
Que lire après Le fanatisme ou Mahomet le prophèteVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (14) Voir plus Ajouter une critique
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Cette pièce très controversée de Voltaire se passe à la Mecque. Après son exil à Médine, Mahomet revient pour prendre le pouvoir mais il doit d'abord défaire Zopire, le cheich de la ville. Pour parvenir à ses fins, Mahomet, à l'aide d'Omar son lieutenand, convainc le jeune et fougueux Séide de tuer Zopire en échange de la belle Palmire... Cette tragédie aurait pu être quelconque si elle ne mettait en scène un Mahomet cruel et avide. Si la pièce remporta du succès auprès des prelats à sa première représentation (le mauvais étant campé par Mahomet), les autorités écclésiastiques se rendirent rapidement compte que la pièce était avant tout une vive critique de l'église apolistique et romaine. Il n'en reste pas moins que la pièce provoque toujours des polémiques : ce qu'il faudrait retenir de ce texte, ce n'est pas le personnage de Mahomet mais bien la dangereuse fascination exercée par le discours religieux sur les jeunes...

Cette tragédie composée par Voltaire en 1736 a été representée pour la première fois à Lille en 1741. Ayant tout d'abord reçu un bon accueil du public, la pièce est cependant jugée inconvenable par certains spectateurs qui la trouvèrent dangeureuse : la vive critique de la religion qui y est faite n'est pas du goût de certains qui y voient provocation et blasphème. Pour défendre Voltaire, l'éditeur de l'époque, explique que l'intention du philosophe est justement de prévenir les hommes du fanatisme religieux. Pourtant, les poursuites engagées contre l'auteur, l'ont finalement décidé à retirer sa pièce. Pour rendre justice au philosophe, l'éditeur a décidé de reproduire une lettre que Voltaire aurait rédigée à l'attention du roi de Prusse (20 janvier 1742). En voici un extrait qui prouve le bienfondé des intentions du philosophe : « Votre Majesté sait quel esprit m‘animait en composant cet ouvrage. L'amour du genre humain et l'horreur du fanatisme, deux vertus qui sont faites pour être toujours auprès de votre trône, ont conduit ma plume. J'ai toujours pensé que la tragédie ne doit pas être un simple spectacle, qui touche le coeur sans le corriger. Qu'importent au genre humain les passions et les malheurs d'un héros de l'Antiquité, s'ils ne servent pas à nous instruire ? (...) Ceux qui diront que les temps de ces crimes sont passés, qu'on ne verra plus de Barcochebas, de Mahomet, de Jean de Leyde, etc., que les flammes des guerres de religion sont éteintes, font, ce me semble, trop d'honneur à la nature humaine. le même poison subsiste encore, quoique moins développé : cette peste, qui semble étouffée, reproduit de temps en temps des germes capables d'infecter la terre. » p.14 A la lecture de ce texte, n'y a pas de doute sur l'intention de Voltaire. Pourtant le sujet traité est si sensible, qu'une interprétation un peu rapide de la pièce peut facilement porter à confusion.

Pour contextualiser la présente édition de cette pièce, j'ai trouvé opportun de reproduire un extrait de la postface de Jérôme Verain qui, conscient de son caractère polémique, nous explique les dispositions de cette nouvelle « version » du Fanatisme ou Mahomet le Prophète : « La publication ou la représentation du Mahomet de Voltaire, en France ou en Europe, expose de nos jours à deux procès d'intention ; celui de la provocation gratuite, et celui d'une arme fournie aux détracteurs de l'Islam. D'un côté, en effet, on peut comprendre qu'un musulman ressente la seule lecture du titre comme une insulte. S'il supporte de lire le texte, l'outrance de la charge - et le simple fait, d'ailleurs, que le Prophète soit représenté en chair et en os - le blessera davantage encore. A l'inverse, les islamophobes de tout poil se réjouiront de voir Mahomet assimilé à un vieillard cynique et calculateur, lubrique et avide de pouvoir. Pour éviter de faire trop de peine aux uns et trop plaisir aux autres, le plus simple, évidemment, serait de s'abstenir. La faiblesse littéraire de la pièce, au style grandiloquent, aux personnages manichéens (les bons Mecquois contre les méchants mulsumans), et dont l'intrigue plus que chargée s'apparente moins à la tragédie qu'au mélodrame, fournirait d'ailleurs une excuse toute trouvée à l'autocensure. Mais l'excuse, justement, serait trop commode : renoncer à publier en France à l'aube du 3e millénaire, une oeuvre de Voltaire, c'est évidemment un scandale en en acceptant un autre. Car garder la pièce sous le boisseau, sous prétexte que « la diffamation des religions » serait « incompatible avec le droit à la liberté d'expression », reviendrait non seulement à ménager les croyants sincères et pacifiques mais à céder, du même coup, aux amateurs de fatwas et d'autodafés qui sont loin d'avoir désarmés. p.118

Et Jérôme Verain d'argumenter encore : « Si l'on accepte de ne pas s'enfermer dans la logique stérile du blasphème, on verra que le véritable sujet de la pièce est précisement l'étrange séduction du discours religieux, la fascination qu'il exerce, en particulier, sur les jeunes âmes. Comme l'indique l'ordre des mots dans le titre original, le sujet est le fanatisme en général, et non la perversité d'un « prophète » de théâtre, peint plus mauvais que nature pour les besoins de la démonstration : le conditionnement mental, problème social, plus que la malhonnêteté, accident individuel. » p.127 extrait de la postface Fureur et séduction de Jérôme Verain.

A la lumière de ces arguments, je ne saurais que trop me ranger à l'avis de Jérôme Verain. Car lire aujourd'hui ce texte du 18e siècle nous rappelle tristement que les préconisations d'il y a presque trois siècles sont malheureusement toujours valables aujourd'hui... le problème principal dénoncé étant bien celui du fanatisme religieux et pas autre chose...
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Avec cette tragédie de 1736, j'ai découvert que François-Marie Arouet, dit Voltaire (1694-1778) ne fut pas seulement auteur de contes, d'essais philosophiques, ou d'articles de l'Encyclopédie.

Il dénonce ici les fanatismes religieux, qui conduisent à tuer son prochain au nom de Dieu. Bien que cette pièce n'évoque directement que des crimes commis au nom de Mahomet, ce dernier n'est qu'un prétexte ou un exemple parmi d'autres, et le propos de Voltaire est plus large, ainsi qu'il l'explique dans une lettre datée de 1742 adressée au Roi de Prusse :
« Je sais que Mahomet n'a pas tramé précisément l'espèce de trahison qui fait le sujet de cette tragédie. (….) Mahomet n'est ici autre chose que Tartuffe les armes à la main. »

Voltaire réussit sa démonstration. Il use aussi de la satire, sur un registre tragique et en alexandrins. Je préfère nettement ses écrits ironiques, même si Voltaire voit juste et que son propos n'a pas pris une ride.
La preuve avec ces quelques extraits choisis :

• Zopire (schérif de la Mecque, à propos de Mahomet dans la scène 1 de l'Acte 1er) :
« La paix avec ce traître ! Ah, peuples sans courage,
N'en attendez jamais qu'un horrible esclavage :
Allez, portez en pompe et servez à genoux
L'idole dont le poids va vous écraser tous ! »

• Zopire (à Mahomet, dans la scène 5 de l'Acte second) :
« Voilà donc tes desseins ! C'est donc toi dont l'audace
De la terre à ton gré prétends changer la face !
Tu veux, en apportant le carnage et l'effroi,
Commander aux humains de penser comme toi :
Tu ravages le monde, et tu prétends l'instruire ? »

• Mahomet à propos de lui-même en s'adressant à Omar son fidèle lieutenant (derniers vers) :
« Et toi, de tant de honte étouffe la mémoire ;
Cache au moins ma faiblesse, et sauve encore ma gloire.
Je dois régir en Dieu l'univers prévenu :
Mon empire est détruit si l'homme est reconnu. »

Il était plus simple, à l'époque de Voltaire, d'illustrer son propos avec l'islam, qu'avec la religion catholique.
Il n'y eut cependant que trois représentations de la pièce à l'époque.
Cette pièce aurait ensuite été interdite par un arrêt du Parlement de Paris (Wikipédia).
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Une pièce à charge, un coup de bâton, un coup de massue bien appuyé, une décharge de tromblon à bout touchant.

Bref, violence du propos a minima anticlérical. Mais ici nous ne sommes pas chez Charlie-Hebdo: la langue est du XVIIIème, l'acide ronronne en alexandrins, l'insulte est cossue.

Dire que le pape Benoît XIV, pour cet ouvrage, a félicité et béni son bien cher fils Voltaire (lequel maniait fort bien une certaine hypocrisie). Mahomet étant nommément visé le successeur de saint Pierre n'a rien vu venir. le seau de sauce piquante était posé au dessus de la porte. Impossible de ravoir la soutane blanche.
Ceci dit, Mahomet ce n'est pas à un seau de sauce piquante qu'il a droit: pour lui ce sera plutôt les chaussures en béton et la fosse aux requins.
À moins que la pièce soit un hommage à Mahomet, vu comme l'absolu méchant de James Bond. Dissimulé sous un épais voile d'hypocrisie, il a tous les vices et ne recule devant aucun forfait Mais lui à la fin il gagne.

En conclusion voici une franche attaque contre la fourberie cléricale, doublée d'une défense de la philosophie rationnelle. Rien de très nuancé dans cela, mais beaucoup de gourmandise.
Jusqu'au ira le monstre? Quelle horrible, cynique et finalement crapoteuse machination. On tremble pour les innocents.
Alors, ce n'est pas la plus grande des tragédies, mais oui, gourmandise.
Une pièce sans doute difficile à jouer aujourd'hui : la lumière est crue.
Mais quoi qu'il en soit, le document historique vaut le détour (surtout en édition ancienne).
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Voltaire le dit dans sa préface, il n'écrit pas une pièce historique, ce n'est pas un véritable personnage qu'il présente. Non, il présente un type, celui du "Tartuffe en armes", prêt à utiliser la religion pour arriver à ses fins et satisfaire ses ambitions. Mahomet n'est donc pas un croyant, il créé un message religieux auquel il n'accorde pas foi afin de se faire obéir et de dominer les masses et conquérir des villes par la guerre. Il est donc particulièrement intelligent, mais aussi calculateur et manipulateur, particulièrement auprès de la jeunesse - et, dans notre époque troublée depuis le 7 janvier 2015, cela fait froid dans le dos : il semble finalement facile de retourner un jeune esprit, de l'influencer à tel point qu'il soit prêt au meurtre malgré toutes ses valeurs, son éducation, ses sentiments humanistes. Séide apparaît donc comme une victime, il obéit à ce qu'il pense être un ordre divin, ayant été trompé par celui à qui il accorde toute sa confiance. Et jusqu'au bout, il hésite, malgré la crainte de commettre un blasphème. D'ailleurs, s'il accomplit son attentat dirait-on aujourd'hui, c'est pour obéir à sa véritable déesse, son amour.
Même si Voltaire ne le dit pas, j'ai aussi trouvé que son portrait était, outre celui d'un Tartuffe, celui d'un Machiavel. En effet, Mahomet manipule les autres par par ambition - le désir physique pour sa pupille n'est pas au coeur de ses actes, et serait presque de trop dans une perspective d'unité d'action : ce qu'il veut, c'est le pouvoir. Et pour cela, il est donc prêt à toutes les transgressions : meurtre, inceste, parricide. Il agit donc en politique, qui réfléchit aux conséquences de ses actions, qui pense même à sa popularité pour utiliser un autre terme anachronique.
Si les spectateurs du XVIII ème siècle devaient apprécier l'histoire d'amour que je trouve aujourd'hui larmoyante, pour une lectrice du XXI ème siècle, c'est le portrait d'un manipulateur qui transforme les autres en terroristes qui fascine.
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La pièce se déroule à La Mecque : Mahomet, expulsé quelques années auparavant, s'approche de la ville et demande au souverain de lui faire bon accueil. Ce dernier refuse catégoriquement de composer avec lui, le considérant comme un lâche, un traître et un personnage cruel. Pour parvenir à ses fins, Mahomet demande alors à un de ses partisans d'aller assassiner le roi, en faisant passer cet ordre pour un message divin.

On assiste alors au combat intérieur de cet homme, poussé d'un côté par la ferveur de sa foi, et de l'autre par son coeur qui ne voit dans le souverain qu'un homme bon et vertueux. Même si c'est Mahomet qui est ici mis en scène, on se rend facilement compte que ce sont tous les fanatismes qui sont dénoncés dans cette pièce par Voltaire.
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
PALMIRE
Tremblons d' examiner. Mahomet voit nos coeurs,
il entend nos soupirs, il observe mes pleurs.
Chacun redoute en lui la divinité même,
c' est tout ce que je sais ; le doute est un blasphème :
et le dieu qu' il annonce avec tant de hauteur,
Séide, est le vrai dieu, puisqu' il le rend vainqueur.

SÉIDE
Il l' est, puisque Palmire et le croit et l' adore.
Mais mon esprit confus ne conçoit point encore
comment ce dieu si bon, ce père des humains,
pour un meurtre effroyable a réservé mes mains.
Je ne le sais que trop que mon doute est un crime,
qu' un prêtre sans remords égorge sa victime,
que par la voix du ciel Zopire est condamné,
qu' à soutenir ma loi j' étais prédestiné.
Mahomet s' expliquait, il a fallu me taire ;
et, tout fier de servir la céleste colère,
sur l' ennemi de dieu je portais le trépas :
un autre dieu, peut-être, a retenu mon bras.
Du moins, lorsque j' ai vu ce malheureux Zopire,
de ma religion j' ai senti moins l' empire.
Vainement mon devoir au meurtre m' appelait ;
à mon coeur éperdu l' humanité parlait.
Mais avec quel courroux, avec quelle tendresse,
Mahomet de mes sens accuse la faiblesse !
Avec quelle grandeur, et quelle autorité,
sa voix vient d' endurcir ma sensibilité !
Que la religion est terrible et puissante !
J' ai senti la fureur en mon coeur renaissante ;
Palmire, je suis faible, et du meurtre effrayé ;
de ces saintes fureurs je passe à la pitié ;
de sentiments confus une foule m' assiége :
je crains d' être barbare, ou d' être sacrilége.
Je ne me sens point fait pour être un assassin.
Mais quoi ! Dieu me l' ordonne, et j' ai promis ma main ;
j' en verse encor des pleurs de douleur et de rage.
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Mahomet.

Téméraire, on devient sacrilège alors qu'on délibère. Loin de moi les mortels assez audacieux pour juger par eux-mêmes, et pour voir par leurs yeux ! Quiconque ose penser n'est pas né pour me croire. Obéir en silence est votre seule gloire. Savez-vous qui je suis ? Savez-vous en quels lieux ma voir vous a chargé des volontés des cieux ? Si malgré ses erreurs et son idolâtrie, des peuples d'orient la Mecque est la patrie ; si ce temple du monde est promis à ma loi ; si dieu m'en a créé le pontife et le roi ; si la Mecque est sacrée, en savez-vous la cause? Ibrahim y naquit, et sa cendre y repose : Ibrahim, dont le bras, docile à l'éternel, traîna son fils unique aux marches de l'autel, étouffant pour son dieu les cris de la nature.
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Zopire (à Mahomet, dans la scène 5 de l’Acte second) :
« Voilà donc tes desseins ! C’est donc toi dont l’audace
De la terre à ton gré prétends changer la face !
Tu veux, en apportant le carnage et l’effroi,
Commander aux humains de penser comme toi :
Tu ravages le monde, et tu prétends l’instruire ?
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Mahomet à propos de lui-même en s’adressant à Omar son fidèle lieutenant (derniers vers) :
« Et toi, de tant de honte étouffe la mémoire ;
Cache au moins ma faiblesse, et sauve encore ma gloire.
Je dois régir en Dieu l’univers prévenu :
Mon empire est détruit si l’homme est reconnu. »
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Et toi, de tant de honte étouffe la mémoire ;
cache au moins ma faiblesse, et sauve encor ma gloire :
je dois régir en dieu l' univers prévenu ;
mon empire est détruit si l' homme est reconnu.
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