Stefan Zweig aime se perdre dans la biographie, celle de 1910 de son ami Émile Verhaeren sera sa toute première, un hommage formidable à cet écrivain Flamand précurseur d'une poésie nouvelle, flamboyant le progrès, déstructurant les vers avec force et émotion. Stefan Zweig continuera cet art de la biographie avec sa ferveur, sa verve émotionnelle dans d'autres ouvrages; Romain Rolland : sa vie, son œuvre 1921, Joseph Fouché 1930, Marie-Antoinette 1933, Érasme 1935, Marie Stuart 1936, Magellan 1938, Balzac 1950....en autres.
Suite à la masse critique de Babelio. j'ai découvert ce poète Belge, déjà rencontré dans des écrits de Stefan Zweig. Cet ami Flamant sera un pilier pour notre auteur Autrichien, un homme calme et apaisant, j'ai toute voulu lire cette biographie du cœur. Émile Verhaeren : sa vie, son œuvre pour être charmer par l'écriture toujours aussi belle de Stefan Zweig et me perdre un peu dans le bouillonnement d'émotion dégagé par ce livre.
Stefan Zweig cisèle l’œuvre de Émile Verhaeren avec une précision chirurgicale pour en dégager le nectar, la substance réelle, l'âme de Émile Verhaeren vient caresser ses pages pour venir nous murmurer sa mélopée intime, elle nous enveloppe d'émotion pour nous faire descendre le temps, accédant au frémissement de ce passé qui s'ouvre à nous tel des voyageurs temporels. Cette vision éphémère de cette Europe du XXe siècle à travers l’œuvre d'Émile Verhaeren sera celle d'un amoureux de la vie comme celle de l'Amérique avec Walt Whitman dans son recueil de poèmes Feuilles d'herbe. Stefan Zweig comparera ces deux hommes pour leur humanité dans leurs écrits, l'un le cri de l'Amérique enfin puissante et l'autre proclamera le triomphe de la race belge, de la race européenne.
De ses œuvres de jeunesse, glorifiant sa Flandre avec Les Flamandes, 1883 puis Les moines 1886 cet anamnèse religieux, écho d'un passé lointain puis sa crise engendrant sa trilogie les Soirs, les Débâcles, les Flambeaux et avec son autre trilogie les Campagnes hallucinées, Les Villages illusoires et les Villes tentaculaires chantent cette vie nouvelle du progrès du changement social sera la gloire poétique de cette mutation puis la suite de son œuvre sera une recherche de l'absolu et de la profondeur du monde qui l'entoure comme une promesse généreuse.
Stefan Zweig sensibilise de sa prose l'art sublime de son ami Emile Verhaeren avec une emphase et une justesse généreuse, faisant référence souvent à Nietzsche découvrant le surhomme. cette petit pépite dévoile une part de notre passé celui d'une Europe en mouvement, d'un monde en ébullition, Émile Verhaeren devient l'acteur de cette métamorphose, flambeau de sa Belgique natale, visionnaire enthousiasme devenant le poète nécessaire et le poète de la nécessité, le Carillonneur de la Flandre.
Son art s’adresse à la foule comme un cri, un appel, Stefan Zweig parle de coup de fouet, en sonnant le style comme une disposition typographique génétique propre à Émile Verhaeren, ces poèmes tels des symphonies pour orchestre, coule cette musique s’élevant au-delà de l’esthétique dans un lyrisme différent, ses proses indomptables, sauvages où caressent des arabesques intrépides. Il apporte dans la langue française cette tonalité Belge, héritage flamand, une virilité âpre et gutturale masculine s’approchant inconsciemment de l’art allemand.
Émile Verhaeren est un ambassadeur de son pays, de son Europe, un ami fidèle, un homme d’une nature simple gardien de sa campagne, créateur en symbiose avec son époque Émile Verhaeren semble jouir d’une unité cosmique, s’extasiant du spectacle de l’univers.
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Ce livre est plus un livre de réflexion, d'exégèse, d'analyse de l'oeuvre de Verhaeren qu'un véritable biographie. On retrouve le style magnifique de Zweig, mélange d'éruditions et de simplicité dans les phrases. Zweig est admiratif de l'oeuvre du poète, parfois trop sans doute car on est proche de l'hagiographie. Mais de larges extraits de l'oeuvre de Verhaeren nous sont proposés et on découvre la magnifique poésie d'un auteur du XXème siècle, à l'origine du concept des « villes tentaculaires ». Sa poésie est limpide, lumineuse, engagée, et Zweig nous en rend compte avec un engouement communicatif.
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.....A lire ses poèmes, le sang circule dans les artères, plus rapide, plus rouge, plus frais, notre monde nous paraît avoir plus d'emportement, plus d'âme et de beauté. En nous le sentiment de la vie, comme une flamme qu'allumeraient ses vers pleins de fièvres, se répand plus riche, plus mâle et plus jeune.
A notre existence d'aujourd'hui, troublée et indécise, rien n'est plus nécessaire que de sentir en nous se rajeunir la vie. Aimons donc, par-dessus la littérature, les ouvrages de Verhaeren, et parlons de ce poète avec ce même enthousiasme pour la vie qu'il a été le premier à nous enseigner.
C'était en juin, dans le jardin,
C'était notre heure et notre jour ;
Et nos yeux regardaient, avec un tel amour,
Les choses,
Qu'il nous semblait que doucement s'ouvraient
Et nous voyaient et nous aimaient
Les roses.
... Extrait (E. Verhaeren)
...Ainsi Verhaeren, visionnaire enthousiaste, est le grand poète d'aujourd'hui, parce qu'il est le poète nécessaire et le poète de la nécessité. Il ne se contente pas de décrire la réalité moderne : il y applaudit. Il ne l'envisage pas sous un étroit positivisme : il célèbre la beauté qui s'en dégage. De notre époque il accepte tout, jusqu'aux résistances qu'il rencontra : il y vit l'occasion heureuse d'accroître en lui l'instinct combatif de la vie. Son œuvre poétique est comme un orgue où se serait comprimé tout l'air que nous respirons. Lorsqu'il appuie sur les touches blanches et noires, lorsqu'il traduit des sentiments de douceur ou de force, c'est cet air qui fait vibrer tous ses poèmes.
Le souci du réalisme excessif amena le jeune Verhaeren, dans la description qu'il faisait de son pays, à en écouter soigneusement tout l'élément sentimental et romantique, pour n'exprimer poétiquement que l'aspect brutal, naturel, primitif. Car la haine du doux, du mièvre, de l'arrondi, du paisible, est dans le sang de Verhaeren. Sa nature fut toujours de flamme. Toujours, aux brutales provocations, il aima riposter par des coups véhéments.
Et c'est pourquoi l'heure est venue de parler d'Emile Verhaeren, le plus grands de nos lyriques d'Europe et peut-être le seul des hommes de nos jours qui ait eu la conscience claire de ce que le présent enfermait de poésie, qui ait su en dégager la forme artistique, qui, avec une émotion et une habileté technique incomparables, ait pour ainsi dire sculpté le poème de notre temps.
Stefan Zweig, auteur à succès, se voulait citoyen d'un monde qu'unifiait une communauté de culture et de civilisation. Il n'a pas survécu à l'effondrement de ce «monde d'hier» qu'incarnait la Vienne impériale de sa jeunesse.
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