"
Le poids des morts" est un roman qui m'a laissée dubitative. J'aime les romans, particulièrement les romans historiques et la longévité du franquisme m'a toujours interrogée. J'aime l'Espagne, le soleil et le caractère ombrageux et entiers des Ibériques. J'aime qu'une histoire me bouscule et me provoque des émotions. Curieusement, ici, j'ai souvent eu l'impression de nager à contre-courant, de réagir après coup. La désespérance de certains personnages n'a pas réussi à m'atteindre, non par un souci de protection inconscient de ma part, mais plutôt comme si je n'arrivais pas à m'intégrer à leur entourage.
Pourtant, les horreurs du régime totalitaire rythment le récit de façon insupportable. Quelques fois, les aller-retour incessants dans le temps entre passé et présent m'ont donné le vertige. Quelques lignes ont été nécessaires afin de retrouver mon équilibre et de poursuivre l'aventure malheureuse de Nahúm, Lucía, Octavio et l'horrible Ulysse. L'amour sans amour, l'amour confinant à la haine est aussi lourd qu'une pierre ouvrant sur le néant et sur l'annihilation de l'être humain.
Lorsqu'une lecture me provoque de la perplexité, je suis loin de me satisfaire du trop souvent cliché : "C'est nul !". Je trouve cette affirmation gratuite, non argumentée, stérile et insultante vis-à-vis de l'auteur, talentueux ou non. le goût n'est pas universel et la diversité de la littérature est propre à satisfaire les passions de chacun, or, personnellement, je connais les limites à ne pas franchir, les ayant maintes fois explorées, toujours sans plaisir et le plus souvent avec dégoût. Je cherche à comprendre ce qui m'a manqué, ou ce que j'ai manqué, sans toujours le déterminer.
Ayant lu "
La tristesse du Samouraï" qui, à l'encontre de la majorité, m'avait aussi laissée sur ma faim, j'ai retrouvé dans "
Le poids des morts", l'amorce de l'écriture, déjà bien affirmée, en devenir du futur best-seller. Il est incontestable que l'auteur, comme beaucoup de ses compatriotes, reste marqué par l'empreinte du franquisme dont il retranscrit dans ses intrigues la violence et l'âpreté. le statut de premier roman explique sans doute l'absence de souplesse entre les diverses époques évoquées, ballottant abruptement les personnages entre 1940 et 1975, avec comme seuls liens immuables, la lâcheté, la jalousie et la cruauté.
Pourtant, l'écriture est pleine, dense, portant les cicatrices des atrocités infligées par Franco à son peuple, celui qui osait se rebeller. J'ai souvent pensé à
Carlos Ruiz Zafón sans retrouver l'élégance de son style pour évoquer cette période sombre et essentielle de l'Histoire espagnole. le cynisme d'Ulysse omniprésent, la soumission de Lucía trop uniforme, la quasi-totalité des personnages englués dans une noirceur destructrice ont écrasé mon empathie par manque de perspective. Malheureusement, le dénouement n'a pas rattrapé l'absence d'une accroche et d'une profondeur que j'ai ressentie tout au long de ma lecture, bien que j'aie compris l'importance du sujet, crucial pour Víctor del Árbol, celui de ses racines et de son pays. Je crois que le style de cet auteur n'est pas pour moi. Dommage, car il exprime clairement beaucoup de faits méconnus et passés sous silence au-delà des frontières espagnoles.