Une fantastique découverte !
Les plus de 500 pages m'effrayaient un peu mais, pourtant, que cette lecture est vite passée.
Une enquête policière et une renaissance entre l'humain et l'animal, les deux étroitement liés.
Un policier paralysé suite à une attaque, une jeune fille assassinée dans une chambre fermée à clé de l'intérieur, une équipe d'enquêteurs qui se complète tout en se tirant sans les pattes, un secret bien gardé et au milieu, un capucin qui peut tout résoudre.
Adam est devenu dépendant d'un petit singe, son animal d'assistance. Ce policier, jeune marié, futur père, doit subir chaque jour corps devenu poids mort. Un programme de réadaptation lui propose la compagnie d'un capucin pour l'assister au quotidien.
L'épouse d'Adam, elle-même policière, est chargée avec son équipe de résoudre le meurtre d'une jeune héritière. Une équipe où tout le monde ne joue pas franc jeu et cherche à tirer la couverture à lui.
Alors comment, de par son comportement, ses violences et sa nature, un capucin permettra de résoudre un meurtre et de donner vie et envie à un policier talentueux englué dans son corps, son passé et ses douloureux souvenirs ?
C'est deux lignes parallèles du livre m'ont tenue en haleine tout du long et j'ai refermé ce livre à regret.
Je suis conquise par cette écriture élégante et légère, ce style intelligent et cette histoire si bien menée.
Ce livre est pour moi une fabuleuse réussite !
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Un vrai coup de coeur : en librairie à cause de cette couverture à dominante rouge (ma couleur préférée) et cette triplette de singes dans ces postures devenues universelles – je ne dis rien, je n'entends rien, je ne vois rien ; ces fameux trois singes de la sagesse ! Oh, je ne l'ai pas acheté à la première occasion, au contraire : je l'ai pris et repris bien plus d'une fois, avant de chaque fois le redéposer, jusqu'à me décider un jour brutalement à le prendre… en format Kindle !
Et c'est tout autant un coup de coeur à la lecture !
Alors, disons-le d'emblée : on a là un 4e de couverture accrocheur, mais qui ne représente qu'une infime partie de l'intrigue. Adam, jeune flic surdoué au NYPD, s'apprête à déménager avec Angelina, sa compagne et supérieure hiérarchique. Victime d'un supposé mais inexplicable règlement de compte, le voici tétraplégique. Une association lui propose l'aide de Clara, jeune singe capucin, dans le cadre d'une expérience portant sur la capacité à ces presque-humains à devenir assistants de vie, lors de sa lente convalescence, ponctuée de succès inespérés mais désespérément lents. Parallèlement à ça, Angelina est accaparée par un meurtre terrible et inexplicable (lui aussi) dans un pavillon de luxe. Et de là, partent toute une série de questions : les deux affaires seraient-elles liées ? Que s'est-il réellement passé, dans chacun de ces deux crimes ? Que va devenir Adam ? Que va devenir le couple Adam-Angelina ? Et quel rôle va jouer la très présente Clara dans tout cela ?
C'est ce que je disais : le 4e de couverture présente une infime partie de l'histoire entre Adam et Clara, sans doute la plus sordide… mais qui ne dure guère plus de quelques pages ! Pour le reste, l'auteur mène le lecteur là où il le veut comme il le veut. Il sème des indices à plus d'un endroit, certains sont même tellement « gros » qu'on se demande comment on a pu passer à côté, et pourtant... Par moments, ce sont même des révélations entières qui surgissent, et alors le questionnement continue mais un peu différent : vont-ils s'en sortir malgré tout ?
Ainsi, l'auteur nous entraîne dans une double intrigue très rythmée, très visuelle aussi, peut-être grâce à l'usage constant de l'indicatif présent dans des chapitres assez courts, et cette technique bien connue qui consiste à montrer les choses plutôt qu'à les décrire. Mais au-delà de la pure technique, souvent synonyme de réussite par elle-même, il y a aussi tout l'art du conteur ; c'est une écriture efficace, précise, mais aussi parfois presque poétique, chantante, d'un niveau correct et parfois plus soutenu, sans jamais perdre le lecteur. Ce dernier passe beaucoup, beaucoup de temps aux côtés d'Adam ; on vit à son rythme, on a mal pour lui, on voudrait récupérer avec lui, on adore Angelina et sa volonté farouche de l'aimer malgré tout, tout en s'en trouvant quelque peu agacé, etc.
Certes, le couple composé de deux flics, l'homme subalterne avec la femme de pouvoir, n'est pas une nouveauté (on a notamment la série policière télévisée « Tandem », mais je pense que c'est loin d'être le seul exemple !), mais est traité ici avec un focus évident sur Adam. En effet, si le narrateur omniscient se penche régulièrement sur l'un ou l'autre des personnages, sans vrai « tour de rôle » toutefois, tout en subtilité, c'est indéniablement Adam le personnage principal, et c'est à lui que le lecteur s'attache d'emblée, grâce à son histoire qui est contée dès le prologue, puis ce terrible crime dont il est victime, ses doutes, ses progrès, sa relation à Clara, sa formidable intelligence, son sens aigu de la justice qui le pousse parfois hors des clous (ou en tout cas à la limite). Tous les autres personnages paraissent un peu comme de satellites qui gravitent autour de lui, même les plus importants, qui sont Angelina qu'on admire bien un peu, l'ami Maxime qui sert la part presque philosophique que ce livre aborde quelques fois à travers des messages d'espoir et d'aller vers l'avant, et Clara bien sûr. Quant aux autres personnages, notamment les différents policiers de l'équipe d'Angelina, qui ont des tâches pourtant bien précises dans la résolution de ces deux enquêtes, non seulement je me suis bien moins attachée à eux, mais en plus j'ai eu du mal à les distinguer les uns des autres. Ce n'est qu'au fil des pages qu'on comprend mieux qui est qui, et quel rôle il/elle joue exactement.
Et bien entendu, comme le laisse supposer le synopsis mais de façon tronquée, le personnage de Clara a un rôle bien particulier à jouer, au 1er degré très certainement, dans cette relation homme handicapé – singe assistant, très inhabituelle et dès lors tout à fait originale. L'auteur souligne bien que, si tout le monde trouve désormais « normal » que les aveugles puissent avoir un chien-guide, ça n'a pas toujours été le cas, c'était même une grande nouveauté plutôt mal perçue au début ; et désormais les singes pour un tétraplégique… Mais on passe aussi assez vite à un 2nd degré, à tout ce qu'Adam va entreprendre pour mieux comprendre son assistante de vie, et appliquer à ces enquêtes auxquelles il reprend part peu à peu, toutes ses découvertes éthologiques, sur cette part primale de la bête qu'il y a en chaque être humain … Non seulement il présente des scènes, toujours très visuelles, de comportement animalier d'une façon claire et très abordable, mais en plus, un peu insidieusement, il pousse le lecteur à se demander comment il est / agit dans sa propre avis : que devenons-nous si la bête [en nous] s'éveille ?...
C'est par moments glaçant ou très triste, c'est parfois intellectuel mais tout à fait abordable, mais c'est surtout remarquable, un vrai polar jubilatoire où chaque mot a sa place, où le lecteur enquête aux côtés de son policier préféré et se réjouit avec lui de ses succès, époustouflé de cette façon qu'il a de n'en faire qu'à sa tête pour arriver à une résolution finale sur les chapeaux de roue, façon scène de cinéma à grand spectacle. Brillant !
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Il y a aussi les mots terribles qu’à prononcés Angelina : « toi que je ne reconnais plus ». Il pense au jeu qui rassure les amoureux. M’aimerais-tu encore si j’étais… moche ? Pauvre ? Estropié ? Malade ? La réponse est toujours « oui ». Mais quand le jeu finit, quand le réel mène la danse, tout change. On a beau se convaincre que la compassion n’a pas de limite, faire semblant de croire que l’adversité n’aura jamais de prise sur les sentiments, on s’aperçoit, submergé ar la honte, que non, je ne t’aime pas de la meme manière si tu es laid ou impuissant. Comme on veut demeurer noble plus longtemps, on n’admet pas qu’on a échoué à vivre un amour que rien n’ébranle. Qu’on n’a pas pu être à la hauteur.
Son esprit devient baleine bleue : ses fanons filtrent les informations et rejettent les adjuvants qui les dissolvent. Il garde en lui la matière, densifiée à l’extrême, du pur savoir. Il se rappelle le temps où, âgé de douze ans, il se cachait entre les rayonnages de la bibliothèque d’Elm Park, pour y acquérir, en lisant sans les comprendre les textes d’Albert Einstein, la certitude que ses chagrins d’orphelin n’étaient rien face à l’immensité de l’univers.
Depuis qu’on a tenté de le tuer, Leaf n’a senti que deux fois sur sa peau la piqûre du vent et de l’air vif : quand il a été transféré de Madison Avenue à Rochester, et quand il en est revenu. Il n’a plus, entre-temps, respiré l’odeur de salami et de sauerkraut qui s’évade des delicatessen, ni celle des tronçons de baguette empalés sur leur pique chauffante, des saucisses à hot dog grillées, de la moutarde, des bagels au gros sel sur les planchas des vendeurs de rue. Son odorat regrette le parfum du bitume chaud, de l’air saturé d’eau qui jaillit en colonnes de vapeur blanche des conduites brisées. Il n’a plus entendu qu’étouffés par la distance le bruit de carcasses des taxis qui affrontent sans ralentir les nids-de-poule et les fissures des avenues, la modulation acide des sirènes des pompiers, le choc des diables et des charriots de livraison quand leur squelette métallique percute l’arête des trottoirs. Ces sons, ces odeurs, cette poisse habillaient jadis son corps sans qu’il en eût conscience. Ce costume faisait de lui un New-Yorkais.
Nous sommes des animaux avant tout. C'est pour cela que nos optons pour la violence, que nous violons, que nous tuons. Nous transgressons l'ordre social parce que nous ne parvenons pas à transgresser celui que la nature nous impose. Nous subissons comme tout le règne animal ces injonctions : séduire à tout prix, se battre pour survivre, défendre son territoire, assurer la perpétuation de l'espèce. Elles viennent des replis plus les plus profonds de notre cerveau reptilien.
Le Dakota a le statut de National Landmark. Les occupants ne peuvent modifier les éléments de décoration à leur guise, sauf s’ils obtiennent l’autorisation du comité des copropriétaires et de son architecte. La plupart des serrures sont d’origine. Elles datent de 1884, comme le bâtiment. Aucun serrurier ne maîtrise plus leur mécanisme. La concierge garde des clés d’époque, à titre conservatoire. Les habitants utilisent des copies faites dans les années 1950. Quand Orzel a réaménagé les deux appartements, il a conservé le décor ancien. En revanche, il a refait tous les systèmes électriques. Pour chaque brique déplacée, il a dû demander une permission. On conserve au sous-sol, dans des réserves, les moindres éléments de décoration que les propriétaires ont été autorisés à remplacer.
"Si la bête s'éveille" de Frédéric Lepage