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EAN : 9782263182457
176 pages
Solar (02/03/2023)
4.38/5   25 notes
Résumé :
Cinq ans après la vague #metoo qui a relancé le débat féministe et remis la libération de la parole à l’ordre du jour, cinq ans après la bande dessinée choc de la dessinatrice Emma qui a popularisé le concept de charge mentale, les mères mettent-elles au monde des bébés dans un monde égalitaire ? Apparemment pas constatent avec stupeur les huit autrices de ce recueil confrontées à une réalité loin de l’image d’Epinal de la mère parfaite et sa vie sans nuages qu’elle... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Il n'est ici pas seulement question de mères mais aussi de la place des femmes dans la société. de la manière dont les rôles peuvent être genré, de la manière dont les femmes participent à l'entretien de ce "jeu de rôle" , comme cela leur a été inculqué, par la famille, par la collectivité. de la place qui ne doit pas être laissée au père mais a la part que le père doit lui-même prendre. de la parentalité qui peut prendre d'autres forme que mère et père. Il est question de la manière dont les auteures ont pu commencer à bousculer l'ordre établi en pensant leur maternité. L'entrée dans leur féminisme y est décrit parfois comme une prise de conscience brutale, d'autres fois plutôt comme un processus. Il est question de parcours de vie dans la maternité bien différents de ce qui avait été projeté.
Un livre qui se lit d'une traite, dans lequel je pense qu'on peut facilement "repiocher" par la suite. Un livre à offrir aux parents, aux futures parents et aux personnes qui les entourent.
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Cet essai présentant huit récits, à la fois témoignages, et retours d'expériences intimes est une réussite. Les récits sont aussi divers que les huit femmes qui les ont écrits mais ils ont tous quelque chose qui résonne en nous. Dans tous les cas, cela fait réfléchir, prendre conscience et même se remettre en question parfois. Autant bousculée par les mots de Gabrielle Richard qu'émue par le texte d'Anne-Sophie Brasme, je vous conseille vraiment la lecture de ce recueil atypique et nécessaire.
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Livre gagné dans le cadre de l'opération masse critique de Babelio. Un livre essentiel. Tout est dans le sous-titre : huit récits intimes de déclics féministes pour libérer la parole sur la maternité. Un livre qui déconstruit le mythe de la mère parfaite qui se sacrifie pour ses enfants en s'oubliant totalement. Ces femmes ont le courage de parler de ce qu'elles ont réellement vécu en ne passant pas sous silence les difficultés et notamment l'épuisement dont elles ont souffert et qu'elles ont refusé de prendre en compte jusqu'à sombrer pour certaines dans la dépression du post partum. Cette lecture est salutaire pour les futures mères, les jeunes mères mais aussi pour tout le monde pour que chacun comprenne qu'il a un rôle à jouer pour aider les mères (le père bien sûr qui devrait être impliqué au même titre que la mère, l'entourage qui peut proposer son aide). Une libération de la parole nécessaire sur un thème qui reste trop souvent tabou.
Lien : https://monpetitcarnetdelect..
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Un vrai coup de coeur pour ces 8 récits avec une mention particulière à Anne Sophie Brasme pour lettres à celle qui naît aussi.
A lire pour déculpabiliser et se dire enfin que nous ne sommes pas seules !
" en devenant mère, j'ai manqué de récits, de témoignages, d' écrits dans lesquels j' aurais pu me reconnaître, me sentir moins seule, imaginer finalement comment les autres vivaient cette révolution... ".
Merci à Babelio pour cette belle découverte.
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Être mère et avoir sa place dans la société au même titre qu'un homme. Récit de 8 femmes, féministes qui deviennent mère mais doit on nette que mère ? Cela fait du bien de se dire nous ne sommes pas seule à lire absolument ça dédramatise et ça permet de se sentir plus forte.
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critiques presse (1)
Bibliobs
21 mars 2023
Dépression post-partum, charge mentale, oubli de soi… Dans « Mères sans filtre », huit autrices partagent leur récit intime et âpre de la maternité.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
Enceinte, tu avais même l'impression d'avoir atteint une sorte d'acmé. "Tu rayonnes", "Tu es superbe", "Tu as l'air si épanouie". Jamais cela n'avait été aussi facile d'être une femme. Pour la première fois de ta vie, tu te sentais légitime. Plus que jamais reine en ton royaume. Plus de drague, plus de reproches, plus d'injonction à rester mince. Enfin à toi, le droit de bouffer, d'être de mauvais poil, de ne rien faire de tes journées. Peut-être n'as-tu désiré un enfant que pour cela : être enceinte, et qu'on te foute enfin la paix. Être enceinte, et avoir le droit d'être libre autant qu'un homme.
Mais te voilà ce matin, l'enfant sorti de ton ventre. Et cette intuition déjà que la paix est finie. Désormais, tu es mère. Et les griffes du patriarcat se jetteront sur toi de plus belle.
Pour l'instant, personne encore n'est venu te voir. Personne encore pour te dire comment tenir ton enfant, comment le nourrir ou l'éduquer comme il se doit. Mais même dans cette solitude, tu le sens, cet inquisiteur tapi au fond de toi. Cette voix où se mêlent toutes celles qui se sont plantées en toi depuis que tu as conscience d'être une fille : mères, amies, hommes, corps médical, médias. Cette voix qui t'a harcelée pour que tu sois plus belle, pour que tu sois plus sage, pour que tu ne te plaignes pas. A peine ta fille est-elle née que l'inquisiteur est là, de nouveau. A scruter chacun de tes gestes. A guetter le moindre faux pas. Cette phrase dans ta tête, alors que le bébé est dans tes bras, et qu'au lieu de l'amour c'est l'angoisse qui t'envahit : "Tu l'abîmes."
Cette phrase va te poursuivre des semaines, des mois, des années. Tes seins sans lait, les biberons donnés dans un aveu d'échec : Tu l'abîmes. Ton visage sans sourire au-dessus du tapis d'éveil, tes yeux éteints alors qu'ils devraient s'émerveiller : Tu l'abîmes. Ton impuissance à la calmer lorsque son corps se vrille et qu'elle hurle toute la nuit : Tu l'abîmes. Ta rage et tes poings qui se serrent pour ne pas la secouer. Tu l'abîmes. Le psychiatre qui t'annonce que tu fais une dépression du post-partum, que tu dois prendre des médicaments, que peut-être même tu devras aller à l'hôpital : Tu l'abîmes. Tes petits pots industriels alors que tes copines font des purées maison : Tu l'abîmes. La télé allumée parce que tu ne sais plus comment l'occuper : Tu l'abîmes. Tes "non", tes chantages, tes punitions, ta voix qui se lève, tes émotions comme des tempêtes, ton incapacité à rester calme et à accueillir les siennes : Tu l'abîmes. Tes ras-le-bol, tes regrets, ta patience en miettes : Tu l'abîmes.
Pour l'heure, ce petit bout de vie est encore lisse. Comme une promesse de douceur et de pureté. Mais il y aura des accrocs. Il y aura des défaites. Toutes ces fois où tu te diras que c'est foutu, que tu gâches sa vie, que tu ruines son potentiel. Qu'un jour elle te détestera et que, comme on te l'avait prédit, tu finiras toute seule. Toutes ces fois où tu penseras : "Je n'ai pas réussi."
Tu ne le sais pas encore, mais en donnant raison à l'inquisiteur, c'est toi-même que tu abîmeras.
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C'est la première chose qui te sauvera : oser dire la rage qui t'habite. Oser dire ce que les braves mères n'avouent jamais : la fatigue, la fureur, l'amour qui ne se lève pas.
De ces mots sortis de toi, tu rencontreras d'autres femmes qui te diront "moi aussi". Et leurs récits feront écho au tien. Et tu découvriras ce que tu n'avais jamais connu avant cela : la sororité. Jusqu'à présent, tu n'avais envisagé tes amitiés féminines que sous l'angle de la comparaison et de la compétition. Toi qui te croyais seule, minable, mauvaise mère, tu prendras conscience que non : ton histoire n'est pas celle d'un échec individuel. C'est l'histoire de toutes les femmes à qui on a fait croire à une perfection impossible. C'est l'histoire d'un système qui les invisibilise et qui les broie. Avec elles, autour du feu, enfin tu trouveras ta place. Tu reliras Beauvoir, tu reliras Woolf, puis d'autres voix encore, des femmes d'aujourd'hui. Et cette force que tu espérais trouver en donnant naissance, c'est finalement auprès d'elles que tu la sentiras battre.
Tu réapprendras la colère. Celle qu'on t'interdisait d'exprimer, sous prétexte qu'elle te rendait laide, qu'elle te rendait méchante. De nouveau, tu la sentiras, bruissant au creux de toi. Tu n'en auras plus honte. Tu la dompteras. Tu la chériras. C'est grâce à elle que tu oseras te lever. Dire "non" aux inquisiteurs qui guettent le moindre de tes faux pas. [...] Plus jamais tu ne confondras la colère avec la violence qui humilie. Plus jamais tu ne laisseras quelqu'un enfreindre ton territoire.
Et cela, tu l'apprendras à tes filles.
Tu renonceras à la perfection, à la maison toujours propre et bien rangée, aux repas toujours maison, bio et équilibrés. Tu accepteras le désordre, les paniers à linge qui débordent, les goûters trop sucrés, la poussière qui s'accumule sur les étagères, les vêtements un peu froissés. Tu diras à Julien : "Maintenant nous sommes à armes égales." Et tu le laisseras prendre sa part.
Tu pardonneras à ton corps affaissé par les maternités, les nuits sans sommeil et le manque de volonté. Après des années de désamour, tu oseras poser sur lui des yeux indulgents. L'estimer comme un indéfectible compagnon de route. Parfois même, tu t'autoriseras à le trouver beau. Et cela, tu l'apprendras à tes filles.
Tu t'accorderas un temps et un lieu rien qu'à toi, et ce sera non négociable. Dans l'urgence des semaines, tu te tresseras un cocon, pour écrire, lire, penser. Parfois même pour ne rien faire. Simplement reprendre ton souffle. Tu ne craindras plus de passer pour une égoïste, car tu le sauras : il est des égoïsmes qui sauvent.
Tu apprendras à te conquérir, comme un royaume perdu il y a longtemps.
Et à ton tour, tu l'apprendras à tes filles.
Tu refuseras l'histoire qu'on te raconte depuis toute petite : celle des mères courage qu'on porte aux nues. Celle des mères dont on n'accorde de la valeur que parce qu'elles ont été des saintes et qu'elles se sont sacrifiées. Tu prendras conscience des travers de ce récit : c'est qu'il nous prive du droit d'être fragiles et d'être soutenues. C'est qu'il nous ligue les unes contre les autres, d'un côté celles qui triomphent, de l'autre celles qui échouent, au lieu d'unir nos forces et de nous légitimer. Tu décideras que plus jamais tu ne te sacrifieras. Car tu comprendras que le revers du sacrifice, c'est l'aigreur. L'attente d'un impossible dû. Et de cette dette, tu libèreras tes filles. Jamais tu ne voudras qu'elles s'empêchent d'être faibles, par loyauté envers la lignée qui les précède.
Alors un jour, tu invoqueras l'esprit de tes aïeules, avec leurs mouchoirs roulés en boule, leurs tabliers et leurs savates, et tu leur diras : "Je salue votre force. Mais c'est décidé : je ne serai pas des vôtres." Et pour toujours, tu briseras la chaîne.
Tu renonceras à être une mère réussie et à avoir des enfants réussis. Tu apprendras la beauté des ratures, de l'inachevé, de l'ambigu. Et que même du chaos le plus total, l'amour peut se lever.
Tu connaîtras la joie, celle qui vrille le ventre et qui emporte. Tu verras tes filles semer autour d'elles des éclats de rire et des bonheurs grands comme des soleils. Dans les brèches de ton cœur pousseront des herbes folles.
Année après année, tu les verras grandir, s'affirmer, tomber, hurler, se relever. Et brique après brique, construire le royaume qui sera le leur. Sans crainte, tu les laisseras te quitter parfois, pour mieux se l'approprier. Tu comprendras que, malgré l'amour et les épreuves, elles ne te doivent rien. Qu'elles sont libres et qu'un jour viendra où, loin d'elles peut-être, comme on te l'avait prédit, tu finiras toute seule.
Mais plus jamais tu n'en auras peur. Car tu auras appris à te suffire à toi-même.
Alors voilà. Je te regarde ce matin, dans la chambre rose de la maternité, avec ton bébé dans les bras. Je pense à tout ce qui t'attend, et que tu ne soupçonnes pas encore. Tu es au début d'une longue histoire. Tu as peur déjà de l'altérer, qu'elle ne soit pas aussi belle que ce que l'on exige. J'aimerais te dire : méfie-toi des histoires trop belles. Des histoires de mères heureuses et de devoir accompli. L'histoire qui t'attend sera parfois noueuse, bosselée, éraflée des grands coups de lame que tu jetteras dedans. Mais ce sera la tienne. Et elle fera de toi celle que je suis aujourd'hui.
A toi que j'étais ce matin-là, voilà tout ce que j'aurais aimé qu'on me dise. Si je pouvais, je m'assiérais près de toi. Je t'offrirais mes mots comme un onguent. Sur ton cœur brouillé, longtemps, je passerais mes paumes. Je te veillerais comme la sœur que tu n'as pas eue. Je t'envelopperais comme toi-même tu enveloppes ta petite fille. Car tu ne le sais pas encore. Mais ce matin, toi aussi, tu viens de naître.
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J'ai souvent entendu l'argument "Ça y est, elles l'ont, la parole." Comme si, parce que nous commencions à parler, le problème était résolu. Ce discours est malhonnête. Tout d'abord, même lorsque la parole est prise, nous sommes confrontées à des crispations, à de la violence symbolique et des critiques. Aussi, il est encore terriblement complexe de parler dans un système qui nous enjoint de nous taire. La parole n'est pas miraculeusement libérée. C'est le principe d'une injonction : imposer certaines normes, comportements, à un groupe de personnes, et tout ce qui en sort sera sanctionné socialement. Tant est si bien que le respect de cette norme sur un temps long va venir naturaliser les comportements collectifs. En se conformant à la résilience et aux sacrifices attendus de nous, nous finissons collectivement par croire que ces qualités sont "naturelles", "biologiques". Nous finissons par naturaliser le social. Nous serions par nature résilientes, par nature capables de tout endurer. Non. Si nous sommes silencieuses, ce n'est pas par choix, par instinct, mais par conformisme. Nous nous conformons, parce que parler, c'est transgresser et qu'il est coûteux de transgresser.
C'est coûteux mais je crois que ça en vaut la peine. Posons-nous la question : à qui profite le crime ? Lorsque nous portons ces silences, demandons-nous qui cela arrange. Nous ? Sûrement pas, la souffrance se paie, peu importe à quel point nous sommes résilientes ou capables de serrer les dents. Qui cela arrange-t-il ? Nos enfants ? Non plus. Quoi de plus délétère qu'une mère cocotte-minute, malheureuse, peu épanouie, non alignée sur ses émotions. Nos souffrances profitent à l'ordre établi et à alimenter les mythologies créées pour nous aliéner.
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Un des autres aspects délétères de ce processus de silenciation, c'est qu'il place de fait les mères en concurrence les unes avec les autres. Je me souviens d'avoir haï de toutes mes forces restantes celles que je percevais comme des mères modèles. Alors qu'elles n'étaient sans doute absolument pas modèles pour la grande majorité. Alors que je devais ressembler à une de ces mères modèles pour d'autres. Alors que chacune vivait ses propres silences et mises en scène. Je me suis mise à les détester, autant qu'à les envier parce que je pensais qu'elles possédaient quelque chose dont j'étais dépourvue. Le logiciel adéquat, celui qui leur permettait d'être tout sourire du lever au coucher, auprès de leurs enfants. Elles réveillaient chez moi un sentiment d'échec diffus. Échec que je pensais individuel alors qu'il résultait d'un abandon collectif. Et, probablement de la même façon que moi, elles participaient à la mascarade en ne craquant pas, en maintenant le silence et le masque. Chacune partie prenante de ce mensonge collectif. C'est contre ce cercle vicieux que nous devons lutter, c'est contre le propre du silence qui est sa contagiosité. Nous nous passons le relais du silence. Il nous est d'abord imposé depuis le haut, par tous les rappels et conformations sociales, et, lorsque nous l'avons assimilé, nous nous l'appliquons à nous-mêmes, ainsi qu'à celles autour de nous. Nous devenons les gardiennes d'un système qui nous oppresse.
Dans le silence que l'on nous impose, on nous met à mort. C'est une condamnation que de ne nous donner droit qu'à une émotion en relation avec la maternité, c'est nier nos vies, nos expériences et leur complexité. On nous veut poupées, sans vie, des publicités ambulantes. En réalité, comme femmes, nous sommes abonnées au silence et à la façade. Les deux types d'injonctions principales pesant sur nous sont celles, d'une part, liées à notre apparence et, d'autre part, à notre statut de mère. Mais que ce soit pour notre apparence ou pour la maternité, nous devons en quelque sorte être désincarnées. Apparence figée, jeunesse éternelle, absence de marques visibles de nos expériences corporelles ou émotionnelles, des mannequins de cire au sourire accroché pour toujours. Il est démentiel de devoir se conformer à des scénarios et des cadres aussi restreints et tout cela sans jamais être considérées comme vivantes, mouvantes, complexes, êtres animés d'émotions ambivalentes, êtres dont les corps, les esprits, les pensées, les émotions, les contours sont complexes, multiples, riches Ces corsets corporels et psychiques sont insupportables et dévastateurs. Je suis pourtant tellement plus qu'une projection, qu'une idée de la maternité, je suis le réel, je suis l'irrégularité, l'aspérité. Pourtant, encore aujourd'hui, malgré ce qui semble être une prise de parole de plus en plus importante, la maternité reste un lieu qui éteint la lumière sur ce qui n'est pas lisse, ce qui ne correspond pas au fantasme imposé, qui ne met qu'un seul type de discours en avant et relègue le reste dans les coulisses, les abysses. Elle vous laisse aphone sur les questions qui fâchent, qui irritent, qui font mal.
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Ce placenta défectueux a changé le rapport que j'entretiens avec mon corps. "Madame, votre bébé est tout petit." Oui, merci, c'est qu'on n'est pas très grands dans la famille. "Oui, mais... là, il est vraiment petit. Le placenta ne le nourrit pas assez." Je n'ai pas entendu "le placenta", j'ai entendu "vous ne nourrissez pas assez votre bébé" ; j'ai entendu "ah ouais ! il est même pas encore né et tu te loupes déjà, eh bah ! qu'est-ce que ce sera après" ; j'ai entendu : "son problème cardiaque, c'est à cause de toi" - " à cause de toi" a résonné longtemps. "Le placenta ne le nourrit pas assez, je sais que c'est contre-intuitif, mais il sera mieux à l'extérieur de votre ventre." Mon cœur se fissure. Pourquoi mon corps à moi s'est emmêlé les pinceaux ? Je sais que je n'y suis pour rien. J'en ai conscience, mais au fond de mon âme, tout au fond, je me sens quand même si coupable. Cette fameuse culpabilité qui rime avec maternité, elle a démarré là, dans les nervures obstruées de ce placenta, dans ce cordon ombilical trop petit qui empêchait mon petit chat de se retourner tête vers le bas. J'ai beau être féministe depuis bien longtemps - même avant MeToo, c'est vous dire -, j'ai beau lutter pour que les femmes se sentent moins coupables, soient plus libres de ressentir ce qu'elles souhaitent, j'ai beau vouloir tordre le cou aux injonctions à la maternité parfaite, épanouie, heureuse, sur le moment je n'ai appliqué aucun de ces engagements féministes et je suis tombée dans un trou noir, avec ce sentiment si triste, celui d'avoir failli.
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Vidéo de Gabrielle Richard
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