De secrètes injustices

Car l'oubli travaille. Les hommes meurent, les noms s'effacent, les injustices s'estompent - même et surtout les plus monstrueuses. Et chaque fois que cela se produit, c'est aussi un peu de sens qui meurt.
Jusqu'au sens des mots. Ainsi Passendale. Aujourd’hui, ce nom n'évoque plus le jalon final d'une offensive dérisoire, l'océan de boue sanglante où se noyaient pêle-mêle vivants et morts. Non, Passendale, dans l'esprit des gens, ce n'est même plus un village...
C'est une marque de fromage.
Alors, contre l'oubli, je me sens bien seul.

Ce pays n'a pas d'histoire, monsieur Dussert. Juste quelques folklores, une multitude de petits mythes spécialisés qui ne se recouvrent pas. Il vit dans une manière de présent perpétuel. Dès lors, comment s'étonner qu'il n'ait pas de mémoire non plus ?

C'est comme cette guerre. Quand tu es rentré au pays pendant ta dernière perme, tu as eu l’impression qu'on n'en parlait plus. On alors pas de la même. Celle dont on parle à Piccadilly, dans les colonnes des journaux, on n'arrête pas de la gagner.

Les petits pays, voyez-vous, ont ceci de bien qu'ils n'engendrent jamais de conneries qu'à leur mesure. A ce point de vue, la grandeur a son revers.

Le cœur retient tout mais n'apprend rien.