Ce livre parle de la prise en charge des soldats français traumatisés psychologiquement pendant la Première Guerre mondiale. C'est un livre très émouvant et très poignant.
Parce que c'étaient des soldats sans blessures physiques, sans blessures apparentes, ils étaient incompris et soupçonnés d'être des simulateurs. Parce que c'était la guerre et qu'il fallait renvoyer le plus rapidement possible les hommes sur le front, on les torturait en pensant les guérir ou pour les obliger à arrêter leur cinéma.
Le raisonnement par l'absurde. Ne t'inquiètes pas, la guerre t'a traumatisé ? Un bon traitement à l'électricité, et hop, on te renvoie au front. Rien de tel qu'une bonne torture morale et physique pour retaper un homme. Si la guerre ne vous avait pas complètement détruit psychologiquement, les médecins censés vous soigner vous achevaient psychologiquement.
C'est certain qu'il se pose la question des soldats qui tiennent comme ils peuvent au front, qui sont épuisés et qui auraient bien besoin d'être relevés. Je comprends très bien qu'en temps de guerre on ne puisse pas faire trop d'états d'âme et qu'on ne puisse pas sortir des tranchées en réclamant une pause le pouce en l'air. La guerre est une chose horrible et compliquée, mais quoi qu'il en soit la terreur n'a jamais guéri de la terreur.
Ce livre est choquant, hallucinant même, mais malheureusement ce n'est qu'un témoignage de plus sur toutes les atrocités qui ont lieu depuis que les guerres existent. Comme il est écrit dans le livre « En rapportant qu'un Athénien fut subitement frappé de cécité en pleine bataille de Marathon,
Hérodote est le premier à se faire l'écho d'une névrose traumatique du combattant. » Je n'ose même pas imaginer comment ces « lâches », comment ces « demi-portions » devaient être traités et considérés. Car comme il est écrit dans ce livre, encore en 14-18, un homme, un vrai, ne pouvait pas être hystérique, l'hystérie était réservée au femme. Un homme viril, un vrai, un poilu, ne peut pas être une « femmelette ».
Parfois je me dis, mais pourquoi tu lis des choses pareilles ? Mais c'est plus fort que moi, j'ai besoin de savoir, et quelque part c'est leur rendre hommage que de s'intéresser à ce qu'ils ont subi.
Avec tout ce qui se passe dans le monde, j'estime être un privilégié sur cette terre. Je suis persuadé qu'en 14-18 j'aurais été un soldat de la honte et je n'ai pas honte de le dire. Je prie pour que jamais cela ne m'arrive.
Qui peut supporter une horreur pareille. ? Qui peut endurer ça ? Dans le livre il est écrit « Ces quatre ans d'horreur, l'écrivain
Maurice Genevoix les a résumés par cette formule : « Ce que nous avons fait, c'est plus que l'on pouvait demander à des hommes et nous l'avons fait. » »
Alors honte de quoi ? Que peut-on leur reprocher ? D'être humains ? On leur a fait vivre des choses qu'un homme ne peut pas humainement et psychologiquement supporter.
Puisque ces pauvres soldats passent pour des simulateurs, vous aurez même droit à un passage du « Malade imaginaire » de
Molière. Passage qui, en passant, apporte une petite bouffée d'oxygène très appréciable dans ce livre.
Pour finir, je dirais que le titre de ce livre peut être interprété de deux manières différentes. C'est la réflexion que l'on se fait tout le long de cette lecture. On les appelait
les soldats de la honte. Mais qui devait avoir honte ? Les soldats ou leurs bourreaux ? Les soldats ou bien ceux qui, restés bien au chaud à l'arrière, les faisaient culpabiliser et les torturaient physiquement et psychologiquement ?
Oui, le titre de ce livre peut être interprété de deux manières différentes.
Les soldats de la honte parce qu'ils ne sont pas capables de défendre le pays ? Parce que ce sont des lâches ? Des fragiles ? Des moitiés d'hommes ? Parce qu'ils ne peuvent pas supporter l'insupportable ? Ou bien alors
les soldats de la honte du système dont ils sont victimes. de quelle honte parle-t-on au juste ? Qui porte réellement cette honte ? Et en fin de compte, qui sont les hommes de la honte ? Et c'est bien cette deuxième interprétation que je retiendrai.