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EAN : 9782070363902
157 pages
Gallimard (25/05/1973)
3.68/5   138 notes
Résumé :
«Tout le monde est emballé par Les Fruits d'Or, à ce qu'il paraît... J'ai un peu lu le bouquin... Eh bien, je ne sais pas si vous êtes de mon avis... mais moi je trouve ça faible. Je crois que ça ne vaut absolument rien... Mais rien, hein? Zéro. Non? Vous n'êtes pas d'accord?»
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N°1859– Avril 2024.

Les fruits d'orNathalie Sarraute – Gallimard.
Prix international de littérature en 1964.

Il s'agit d'un roman intitulé « Les fruits d'or », comme celui que signe Nathalie Sarraute, un roman dans le roman, une mise en abyme. le véritable sujet est le roman lui-même dont parlent de nombreux intervenants. Il s'agit surtout de vilipender tous ces pseudo-intellectuels qui, souvent sans les avoir lus, se croient obligés de porter des jugements esthétiques variant de la dithyrambe à la critique au vitriol, de tenir des discours convenus avec force postures étudiées, sur des romans qui viennent de sortir, de faire état avec véhémence de leur avis souvent glané ailleurs ou qui se croient inspirés en baptisant « génial », « stupéfiant » ou « un chef-d'oeuvre », un livre auquel ils n'ont rien compris, ou qui encensent un roman au seul motif que l'auteur est connu. Cela tient davantage à leur volonté de briller en société en formulant des jugements définitifs que d'entretenir leur culture ou de goûter la beauté d'un texte et ils ne tarissent pas d'éloges sur le talent de cet auteur, font des plans sur la comète sur sa carrière, clament bien fort leur soutien en exagérant l'importance de l'oeuvre. Cela ne se limite pas aux best-sellers et notre auteure évoque un tableau de Courbet à qui cet aréopage réserve le même sort. Tout cela a un côté jubilatoire même si cet entre-soi prête beaucoup à l'ironie peut-être un peu facile.
Ce livre est pour moi l'occasion de renouer avec « Le nouveau roman » dont Nathalie Sarraute était un des auteurs emblématiques. Ce mouvement littéraire apparu dans les années 50 se caractérise par un récit assez neutre où il n'y a aucune trame, aucun rebondissement, ou les personnages sont flous, sans caractère particulier, qui éprouvent de la difficulté à se parler et à se comprendre. Il n'est même pas question ici de l'auteur du roman dont le nom, Brehier, est à peine mentionné. le texte est narratif et emprunte souvent à la fiction, les personnages qui ici s'expriment n'ont aucune personnalité et l'écriture est sans recherche littéraire. La fin, souvent inattendue prend la forme d'une chute. Ici on peut considérer que « Les fruits d'or » finit par s'imposer, à être apprécié, même contre certains de ses détracteurs quand d'autres l'ont carrément oublié, l'oubli étant le lot de la plupart des romans.
Le nouveau roman a donc voulu révolutionner l'écriture. Je me souviens qu'un de mes professeurs de français qui, sceptique et quelque peu ironique, disait du nouveau roman qu'il avait la caractéristique essentiel d'être nouveau ! Qu'en reste-t-il aujourd'hui, quand Marguerite Duras, une autre auteure emblématique de ce mouvement, a obtenu un franc succès non démenti à ce jour, mais je ne suis pas sûr qu'elle ait toujours illustré ce mouvement au cours de son oeuvre et deux auteurs couronnés par le Prix Nobel de littérature, Patrick Modiano et Annie Ernaux ont surtout parlé d'eux au point de tomber dans le solipsisme. le nouveau roman a donc été une tentative de révolutionner la littérature qui en avait déjà connu beaucoup, alors pourquoi pas ? Depuis le début de son existence, le roman a déjà subi nombre d'évolutions, de l'humaniste au baroque, au classicisme, au romantisme, au naturalisme, au réalisme, au symbolisme...quant à l'Oulipo, l'expérience qu'il mène sur le langage est originale et cela n'a pas échappé au jury Goncourt qui a décerné son prix en 2020 à « l'Anomalie » d'Hervé le Tellier, Alfred Jarry comme Georges Perec (cités par Sarraute à propos du mot « oneille ») ont eux aussi été tenté d''y imprimer leur marque et ils ne sont heureusement pas les seuls.. Qu'en reste-t-il ? Je ne suis pas expert mais Il est certain que si les romans actuels racontent une histoire avec souvent un étude de personnages, le mode d'expression des auteurs, à quelques brillantes exceptions près, a globalement changé pour adopter un forme plus spontanée, proche du langage parlé, loin en tout cas d'un recherche d'images poétiques ou de vocabulaire.
Il reste que ce livre est jubilatoire, (pas celui dont parle Sarraute qui n'est qu'à peine évoqué, mais le sien) et parler ainsi d'un livre sans en rien dire reste une performance. C'est en tout cas pour moi l'occasion d'en connaître davantage sur ce « Nouveau roman » tout juste effleuré dans ma lointaine scolarité. C'est aussi peut-être une sorte de leçon à tous ceux qui parlent des livres des autres !
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C'est à petit pas , la tête rentrée , et le doigt hésitant sur chaque touche de clavier que je vais bafouiller trois petits mots invisibles et par là même inattaquables sur cette oeuvre.

Pourquoi donc tant de retranchements me direz-vous ....moi si exaltée ,dithyrambique , positionnée , affirmative , résolue , prête à clamer haut et fort mes convictions comme parole d'Evangile et vérité absolue , ma vérité , la seule et unique : Lisez c'est le chef-d'oeuvre , l'incontournable , l'essentiel , ou fuyez, pipo , vide et plat , un pur produit dont on rira la saison prochaine .
J'en passe et des meilleurs .

Les fruits d'or alors ?
Une technique narrative habilement choisie , cette fameuse mise en abyme permettant de jouer par exemple sur le registre comique notamment dans le théâtre (Pirandello par exemple ) , permet aux lecteurs de s'appuyer sur un des rares éléments fixes , connus , tangibles pour aborder ce texte .
Et là il s'agit d'un roman Les fruits d'or , qui fait sensation dès sa sortie , dans le milieu des initiés , des spécialistes , cette petite confrérie d'élus , les écrivaillons du moment à la plume facile et le verbe haut , l'air naturellement inspiré , les grands commanditaires du grand verdict qui établit les classifications .
Alors oui , il y a de quoi glousser . Et je ne m'en suis pas privée sur ces 150 pages .Et de là , mon entrée en matière dans ce commentaire , furtive . J'entrevois l'oeil sarcastique de Nathalie Sarraute lisant ma prétention . Profile-bas donc j'avance , c'est plus commode .

Petite facétie de ma part , histoire de ....vous amuser et surtout de trouver ma plume . (pas facile après cette lecture ) .
Certes le thème se prête à l'ironie facile .
Mais avec l'oeil sous-terrain de Nathalie Sarraute , ça devient non seulement jubilatoire , mais aussi et surtout un excellent support pour décortiquer les petits liens unissant les uns aux autres , en deçà de la conscience , dans un flux de conscience/inconscient , ces soubresauts de l'être agissant comme une sorte de tectonique des plaques et qui font apparaitre un paysage sociétal , des vibrations , des "ô temps suspends ton vol" et de voir l'invisible.
C'est par l'abolition de toutes formes de psychologie , d'idées , de présupposés , de constructions mentales que Sarraute , dans une forme novatrice rattrapée très rapidement par ce grand courant littéraire que sera le nouveau roman , parvient à écrire sur ces mouvements , ces fameux Tropismes ( il faut que je le lise ) dont elle s'empare pour en faire la base , l'essence , le matériau de son art .
Et donc qu'en ressort-il pour le lecteur lambda ?
Une expérience . Une sensation de déjà perçu dans une autre forme d'adhésion au réel . Une envie de recommencer surtout .
Comme de bien entendu il serait impossible de lire sans établir même (et surtout ) à son insu des parallèles , et parce que ça rassure , ça confirme , ça solidifie l'ancrage de ses perceptions , j'ai perçu une similitude avec Virginia Woolf . Mais plus encore avec ce que j'ai lu de Proust (Aussi étrange que cela puisse paraitre ,l'écriture minimale jusqu'à la page blanche, déconstruite , effacée rejoint l'écriture Proustienne dans cette capacité de transcendance dans l'apparente trivialité du réel ) .
Alors oui c'est délicieusement corrosif dans cette attaque au vitriol de notre prétention , et je n'ai pas boudé mon plaisir .
Mais , surtout , surtout ( et je ne saurais que trop insister ) j'ai palpité dans ces prémisses de la découverte d'une auteure qui n'a pas fini de me réjouir , de me surprendre , de me propulser dans l'inconnu pour peut-être mieux me rencontrer , étale , surface plane , sans limite , et dans l'unité .
J'avais lu son "autobiographie" ,( "autofiction" ?) , il y a bien 20 ans et déjà ce "je ne sais quoi " m'avait ébranlée ...L'aventure continue donc .
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Avec Les Fruits d'or, je fais une incursion dans le mouvement littéraire du Nouveau roman. Nathalie Sarraute est d'origine russe. Elle est née en 1900. C'est une lectrice de Virginia Woolf. En 1964, elle reçoit le prix international de littérature pour ce titre.
Je me réjouie d'avoir découvert ce mouvement littéraire de cette façon même si le premier tiers du roman m'a dépouillée de mes repères. le thème de la littérature et de sa réception, m'intéresse, donc, je me suis laissée porter par la forme, le style et le rythme. Il y a un roman dans le roman. En effet, Bréhier est l'auteur de Les Fruits d'or. Nathalie Sarraute ridiculise la "haute société littéraire", leur tutelle sur ce qui est beau, sur les règles castratrices de la "bonne" littérature, une littérature pétrifiée. Elle évoque la difficulté pour les voix discordantes de se faire entendre mais surtout écouter. "La littérature est une oeuvre d'art."
C'est assez jubilatoire.
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Ce roman emblématique du Nouveau Roman est un remarquable bijou littéraire qui me fait penser à l'équivalent d'un tableau cubiste dans le domaine de l'écriture. En restant en dehors de toute histoire se déroulant au cours d'un temps bien identifié, Nathalie Sarraute traite un sujet assez clairement délimité mais elle le traite sous tous les angles possibles.

Le sujet est le jugement esthétique. Si on suit les habitudes académiques, il devrait faire objet d'un essai mais pas vraiment d'un ‘roman'. Ce qui est impressionnant, c'est que ce sujet est traité de manière littéraire, sans la distanciation typique d'un essai. Ici le lecteur se retrouve au coeur de la mêlée des relations interpersonnelles , comme s'il y était si je puis dire. Et il se prend en pleine figure les sentiments d'humiliation, de vexation, d'orgueil, de jalousie, de vanité, de doute, bref toute la palette des sentiments humains susceptibles de se déclencher quand on est face à une oeuvre littéraire et confronté au jugement concurrent d'autrui face à cette même oeuvre littéraire.

Le livre met en lumière tous les mécanismes et phénomènes à l'oeuvre dans le jugement esthétique. Et ce qui est intéressant, c'est que ces choses qui paraissent finalement assez évidentes comme le processus de légitimation, de mode, la domination des experts et leur confiscation de la parole face aux néophytes sommés de se soumettre, les coteries, les connivences, la glose un peu creuse des critiques, le bien-fondé des critères de jugement, et bien tout ceci est rendu de manière très vivante sous forme de dialogues ou de monologues intérieurs.

Au final, j'ai lu ce roman comme un plaidoyer pour l'exercice de sa sensibilité personnelle dans le jugement artistique, aux dépens des critères académiques.
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La mise en abyme est une figure de style chère aux écrivains. de l'illusion comique de Corneille en passant à Si par une nuit d'hiver un voyageur de Calvino, le procédé est souvent apprécié et des oeuvres originales sortent de la plume de grands écrivains. C'est ainsi que les Fruits d'or remporte le prix international de littérature en 1964 en poussant le concept jusqu'à ses limites.

Les Fruits d'or est un livre critiquable, critiqué et critiqueur. Mais de quoi parle-t-il s'il s'agit d'un roman de mise en abyme ? Eh bien, Les Fruits d'or parle des Fruits d'or. Comment l'expliquer autrement ? le texte est un rhapsode des critiques faites aux Fruits d'or. Les critiques s'enchaînent et l'oeuvre critiquée se construit au fur et à mesure sous nos yeux. On a parfois l'impression d'un palimpseste où le texte original serait contenu en puissance entre les lignes, mais ce n'est pas le cas. Il n'y a qu'un seul texte dans ce livre : celui dont tout le monde parle, celui que tout le monde critique, Les Fruits d'or.

Sarraute a relevé un défi oulipien dans cet écrit. L'auteur nous invite à relativiser sur les critiques littéraires de l'opinion commune. le style si particulier ne plaira probablement pas à tout le monde. En effet, en l'absence de trame narrative, difficile de se plonger dans un « roman » qui nous pousse à avoir un recul constant. Chaque ligne semble nous rappeler en creux : n'oubliez-pas que vous être en train de lire ; n'oubliez-pas que votre ressenti est relatif. le seul petit reproche possible est alors sa longueur : car une fois le principe compris, on tourne quelque peu en rond. Si certains trouveront le livre génial, d'autres y verront le degré zéro de l'écriture.Les Fruits d'or divise comme tous les livres au fond. Toutefois il est à la hauteur de ses ambitions. Un lecteur averti y trouvera son plaisir.
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Et c’est ainsi que les livres dont chacun s’ingéniait à combler le vide … Les gens les plus sensibles, les plus intelligent y déversaient – et avec quelle générosité – tous leurs trésors … On trouvait à leur minceur une grâce exquise … On trouvait dans leur obscurité dieu sait quelle épaisseur … et puis ils se sont comme vidés … c’était trop lourd à porter … ils sont revenus à leur état premier, ils se sont retrouvés réduits à eux-mêmes … creux … confus … grêles … convenus … de pauvres choses … Celui qui encore aujourd’hui les admire, fait un peu niais, balourd … De ces livres là, il y en a tout le temps, il y en a toujours eu … Mais pour ne pas prendre que les plus récents … tous ceux-là tenez, par exemple …
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Vous-même l’avez dit, vous l’avez affirmé: sans les mots, il n’y a rien. Les mots, c’est la sensation même qui surgit, qui se met en mouvement.
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Ah sacré bouquin… On peut, l’examiner, le découper dans tous les sens, en horizontale, en verticale, en transversale, en diagonale, on peut le prendre par tous les bouts, poser sur lui n’importe quelle grille… Dans chaque passage, chaque phrase, chaque membre de phrase, dans chaque mot, dans chaque syllabe, si l’on sait voir, quelles richesses inexplorées, quelles résonances, quelles perspectives immenses, infinies, ne trouve-t-on pas ?
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"Si vous saviez quel plaisir vous me faites en disant cela...Tout le monde est toujours ébloui par toutes ces phrases creuses, ces grands discours... C'est si "savant" e pour dire quoi, je vous le demande... C'est vrament rare de trouver quelqu'un..."
-Oh moi, vous savez, je n'y connais rien... Qui suis-je, moi, pour juger?"
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Tous vos sentiments d'autorité, les opinions de tous vos Mettetal et de vos Lemée n'y changeront rien. J'aime mieux vous dire que je m'en moque un peu. Ils défendent n'importe quoi. Et puis, hein, dans ces choses-là, pas d'argument d'autorité. Jamais. Il se redresse fièrement. On ne doit se fier qu'à soi. Il appuie son poing sur sa poitrine... À soi, vous m'entendez. À sa propre sensation. Et moi, moi, il se frappe la poitrine, moi, je vous le dis, riez tant que vous voulez, vos Fruits d'or, c'est un beau navet.
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Quand on s'interdit les facilités et les conventions en usage dans le roman, et qu'on poursuit dans une voie purement littéraire, à l'exemple du nouveau roman, quel est le thème qu'aucun écrivain d'avant-garde ne songerait jamais à aborder ?
« Enfance » de Nathalie Sarraute, c'est à lire en poche chez Folio.
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