« Qui es-tu lecteur, toi qui, dans cent ans, liras mes vers ? »
Rabindranath Tagore.
Comment résumer une anthologie de quatre cents pages de poèmes du monde entier de
Homère à nos jours ?
La plupart des poètes du catalogue n'ont qu'un poème ou parfois qu'un extrait pour faire leurs preuves, pour séduire le lecteur mais les « headliners » comme Hugo ou Rimbaud eux disposent de plusieurs pages.
« Que ton vers soit la bonne aventure (…)
Et tout le reste est littérature »
Paul Verlaine.
L'intérêt de cette anthologie est la découverte, plutôt que l'approfondissement bien sûr, cela dit il suffit souvent d'une strophe, d'un vers, d'un style pour qu'un lien entre le poète et son lecteur se tisse.
« S'estimer souvent plus, souvent moins qu'on ne vaut
Ne se connaître à plein qu'aux heures de souffrance,
Puis un jour, arrivé sur le bord du tombeau
S'apercevoir qu'on a mal employé sa vie
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Spesso da più, talor da men tenersi
Né appien conoscer sé, che in braccio a'guai »
Vittorio Alfieri
Nous commençons avec des poètes aussi anciens qu'Horace, Pindare,
Virgile,
Hésiode ou
Sappho en passant par le Moyen-Âge qu'il soit chinois avec Li Tai'Po, perse avec Hafiz et
Omar Khayyâm, italien avec
Pétrarque et
Dante, ou français de Rutebeuf à
Louise Labé en passant par
François Villon et
Clément Marot, la Renaissance espagnole de Lope de Vega, pour poursuivre jusqu'à l'époque moderne du maitre nippon des haikus
Bashô ou des sonnets de l'anglais
Shakespeare.
Et, nous retrouvons les grands noms de la littérature mondiale ; l'Inde de Tagore, la France de Mallarmé, la Grèce de
George Séféris, le Portugal de
Pessoa, le Chili de
Neruda, l'Espagne de
Garcia Lorca, l'Italie de Salvador Quasimodo, l'Autriche de
Reiner Maria Rilke, la Belgique de Verhaeren, les Etats-Unis de
Walt Whitman, le Mexique d'
Octavio Paz, la Russie d'
Alexandre Pouchkine, l'Angleterre de
Lord Byron ou encore l'Allemagne de
Novalis.
Également, de grands noms de la prose ou du théâtre dont on découvre qu'ils sont de plus discrets poètes comme
Bertolt Brecht,
Jack Kerouac,
James Joyce,
Alfred Jarry,
Théophile Gautier,
Boris Pasternak,
Lewis Carroll ou
Jose Luis Borges.
Voire même des choix iconoclastes que l'on n'associe pas immédiatement à la littérature voyez, comme le prophète Mahomet ou le dictateur sanguinaire
Mao Tse Toung …
Enfin, d'illustres anonymes dont les auteurs de « Beowulf » en Angleterre, « la chanson de Roland » ou « les chansons de Nibelungen » en Allemagne.
Surtout beaucoup de découvertes, selon la culture du lecteur, par exemple le turc
Nazim Hikmet, l'espagnol
Rafael Alberti, la française
Anna de Noailles ou l'autrichien Hofmannsthal.
Ainsi la promesse d'une véritable géographie de la poésie « du monde entier » est-elle, à mon sens tenue, bien que cent ou deux cents pages de plus aient pu faire tendre l'ouvrage vers une meilleure satiété pour le lecteur, sans toutefois jamais y parvenir, compte tenu d'une part de l'ampleur de la tâche, et d'autre part, de la barrière de la traduction,
Pierre Maury n'étant pas lui-même traducteur il ne peut s'appuyer que sur les oeuvres déjà traduites en français.
Maury mise aussi sur sa subjectivité, le recueil reflétant ses choix esthétiques (les amateurs d'
Aragon, de Keats ou d'
Hölderlin apprécieront la pertinence du choix des extraits).
Un bémol, et de taille, quasi absence des poétesses, Chédid et
Desbordes-Valmore sont présentes mais pas
Emily Dickinson,
Tsvetaïeva,
Sylvia Plath, Emily Brönte ou encore
Akhmatova etc…choix incompréhensible et qui ne peut être totalement accidentel de mon point de vue, tant leurs oeuvres sont riches et célèbres.
Un détail : le charme singulier et mystérieux de cette anthologie réside dans le fait que chaque poésie non francophone débute par quelques vers dans la langue et l'alphabet d'origine du poète (je pense au grec ancien, à l'alphabet cyrillique ou encore à la calligraphie mais aussi à l'anglais, l'italien, l'espagnol ou le turc etc).
Qu'en pensez-vous ?