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EAN : 9782253149354
385 pages
Le Livre de Poche (18/10/2000)
4/5   18 notes
Résumé :
Au début des années 50, la France littéraire s'ennuie. Tout ce qui n'est pas au garde-à-vous devant le Parti communiste, tout ce qui échappe à la gauche morale d'un Camus ou à l'engagement sartrien passe pou "réactionnaire".
Un jeune écrivain surdoué, Roger Nimier, à la tête d'une petite revue nommée ''Opéra'', va entreprendre de faire des étincelles. Autour de lui, Antoine Blondin, Jacques Laurent, Michel Déon, Félicien Marceau et bien d'autres, différents p... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Au Galop des Hussards/Christian Millau
Dans le tourbillon littéraire des années 50.
L'idée d'écrire ce livre fut donnée à Christian Millau par son ami Roger Nimier en 1954. Ce n'est que 40 ans plus tard que C. Millau a pu réaliser le projet du Hussard. Une kyrielle d'amis écrivains et journalistes sont évoqués dans ce passionnant ouvrage relatant le tourbillon littéraire des années d'après guerre. Céline (Voyage au bout de la nuit), Nimier (Le hussard bleu), Blondin (Un singe en hiver), Mauriac (Thérèse Desqueyroux), Aymé (Le passe muraille), Cendrars (Moravagine), Sartre (La Nausée), Aragon (Les voyageurs de l'impériale), Léautaud (Le petit ami) sont présentés avec passion, fougue et mordant par C. Millau qui d'ailleurs a plusieurs cordes à son arc puisqu'il est aussi le fameux chroniqueur gastronomique du Gault et Millau que tout le monde connaît. C'est aussi le portrait d'une époque clé dans l'histoire de la littérature. C.Millau fut journaliste au Monde dès l'âge de 20 ans en qualité de chroniqueur littéraire. C'est ainsi qu'il rencontra Roger Nimier à qui il a dédié ce livre dans son introduction, l'entame et la fin du récit lui étant aussi consacrées.
Roger Nimier qui est le fil conducteur de cette chronique subjuguait en quelque sorte Millau puisqu'il écrit : « Bien qu'il n'y eut chez lui rien d'indifférent ou d'arrogant, un fossé invisible mais palpable l'entourait, le protégeait ; on avait la révélation d'avoir devant soi non seulement un être supérieur mais encore absolument d'une autre planète…Roger ne sera jamais du côté des vainqueurs mais toujours des perdants. Il porte en lui le goût de l'échec et l'échec est sa noblesse. C'est un rebelle qui n'a que faire de la victoire. Elle l'ennuie. C'est un solitaire couvert d'amours et d'amitiés. »
Puis c'est la rencontre avec Léautaud, cassé dans son fauteuil avec ses mains décharnées et son bonnet de laine tricotée…, un homme doué d'une mémoire hors du commun qui pouvait citer des morceaux entiers de livres lus des années auparavant…, la rudesse de ses jugements envers les autres était légendaire, à la limite du rocambolesque, n'ayant d'égale que sa modestie et sa profonde honnêteté vis-à-vis de lui-même. « le plaisir littéraire consiste à être apprécié d'un petit nombre et être totalement ignoré des imbéciles ». (Paul Léautaud)

Blaise Cendras alias Frédéric Sauser, poète du grand large avec pour maîtresse la langue française, « chaloupant entre les tonneaux de vieux rhum, les plantes magiques d'ibadou, propices à la lévitation, les marlous de la rue Catinat et les jambes de Greta Garbo. » Adolescent il a fui sa famille pour devenir voyageur de commerce au long cours pour se muer en poète.
Jouhandeau (Chronique d'une passion), un écrivain déchiré entre la révélation de son homosexualité et sa honte à l'assumer. Il avait aussi ce côté pipelette qui faisait contrepoids à son exaltation religieuse. Sa vie tortueuse et souffrante a enrichi son oeuvre que l'on a parfois assimilée à une chronique domestique.
Marcel Aymé, célèbre auteur de la Jument Verte, du Passe-Muraille, de la Vouivre, d'Uranus, fut un maître de l'interview lors de son passage à l'agence Radio : il avait découvert que le meilleur moyen de faire parler les gens était de se taire. Ainsi prit-il goût au silence. Sensible au charme des belles actrices, Dora Doll, Rosy Varte , Nicole Courcel ou Christiane Minazzoli entre autres, il leur confia des rôles dans ses pièces de théâtre. Dans son oeuvre à la prose savoureuse et fruitée à la cocasserie grinçante, il sut aussi faire parler les chats, les fées et les vouivres tout autant que les coiffeurs mégalomanes, les bourgeois pseudo intellectuels, les employés du fisc passant à travers les murs ; il réussit même, roi des farceurs, à faire passer une terrible maladie pour une plaisanterie !
À la vérité, au départ le mot « hussard » désigne Nimier et lui seul. Puis vinrent ses porte-enseignes Jacques Laurent (Histoire égoïste), Antoine Blondin. Un quatrième les rejoindra plus tard : Michel Déon (Un taxi mauve). le hussard, dit-on, aime les femmes, les autos et la vitesse, les salons, les alcools et la plaisanterie.
Christian Millau rencontre ensuite Eric von Stroheim, puis Jacques Chardonne (Vivre à Madère). Il avoue, mis à part le cas Chardonne, que dans le monde littéraire chacun est préoccupé par son nombril et ne parle aux autres que pour mieux s'entendre ! Jacques Chardonne qui déclare avec humour que le mariage est une affaire qu'il faut regarder sous l'angle d'une vie et non pas sous l'angle du voyage de noces !
C'est la rencontre avec Giono (Regain, Colline) qui vient ensuite, un homme qui a le bon sourire de celui qui pardonne tout et offre son coeur à tous ceux qui en feront bon usage, mais avec quand même la malice plantée dans la commissure des lèvres. le vrai bonheur pour Giono : « Manosque, le plus beau ciel de France, cinq petits cigares du Brésil, tous les jours un petit bout de Cervantès (Don Quichotte) ou de Machiavel, une lettre De Stendhal, un verre d'eau fraiche, quelques mesures de Scarlatti, un passage de Don Juan de Mozart et ma table de travail. Il ne m'en faut pas plus pour être, depuis quarante ans, heureux comme la pleine lune et tranquille comme une jarre d'huile. »
Et les rencontres se succèdent avec les années, Louise de Vilmorin la fantasque (Madame de), Félicien Marceau (L'oeuf) le stakhanoviste du calembour, l'homme du grand chambardement, Françoise Sagan et son succès inouï avec « Bonjour Tristesse », Antoine Blondin l'auteur d' « Un singe en hiver », « L'humeur vagabonde » et de « Monsieur Jadis », Céline l'infréquentable, le médecin des pauvres qui recueille d'innombrables chiens et chats ramassés dans les rues et qui déclare « Que le lecteur aime ou pas, je m'en fous, je m'en contrefous ! Je n'écris pas pour lui. Ce que je cherche, c'est de faire passer des émotions. » Céline « le breton qui rêvait du grand large et était ligoté à la terre, le marin des traversées fantômes, perdu de l'autre côté de la vie » écrira Kleber Haedens (L'été finit sous les tilleuls) en guise d'épitaphe à sa mort. Paul Morand (L'homme pressé), Orson Welles, Lucien Bodard (La vallée des roses), Chester Himes l'auteur de « La reine des pommes ».
La conclusion revient à Roger Nimier mort le 28 septembre 1962 sur l'autoroute de l'ouest à bord de son Aston Martin avec sa compagne du jour. Nimier « le hussard des fifties, le fasciste gaullo-maurassien , le cavalcadeur prince de l'impertinence, l'enfant triste des années glauques, l'éternel solitaire, l'ange de l'amitié », beau comme Gérard Philipe avec qui il avait quelque chose de commun : il avait 37 ans ! Il nous laisse « le hussard bleu » son roman le plus connu, le scénario d' « Ascenseur pour l'échafaud » de Louis Malle, et bien d'autres romans et films.
Un ouvrage remarquable de 381 pages de Christian Millau publié en 1999. Christian Millau est décédé le 5 août 2017.


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Christian Millau n'est pas qu'un gastronome, il est aussi l'une des fines plumes de la critique littéraire. Alors que la France de l'après-guerre étouffe sous la chape de plomb idéologique de Sartre et de ses amis, le vent de la liberté souffle du côté des Hussards. Nimier, Blondin, Laurent, portés par l'héritage de Giono, Céline, Cendras ; l'insolence du style et l'impertinence du talent. C'est tout cela que Millau raconte. Avec Brio.
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Ce livre prétend décrire l'atmosphère littéraire française des années 50. J'ai pris du plaisir à la lecture des premières pages : Roger Nimier apparait comme le fer d'une nouvelle génération connue sous les nom des hussards qui inclut les noms de Blondin, Marceau. du beau monde en quelque sorte. On y lit aussi quelques vacheries à l'encontre de Sartre, Cocteau ou Mauriac. Mais très vite, on assiste à la réhabilitions de personnes qui ont fait plus que se compromettre durant l'occupation allemande : Chardonne ou Morand par exemple. Insidieusement, sous des aspects de petit marquis, pour ne pas dire "lécheur de botte", l'auteur, suffisant et vibrionnant, donne à voir on voit tout un défilé d'écrivains qui pratiquent l'entre soi et considèrent comme injuste la mise à mort de Brasillach. La lecture des trois quarts de ce livre est devenue indigeste, on ne voit que le coté "poivrot" de Blondin (qui reste un immense écrivain), on s'attarde sur Louise de Vilmorin que plus personne ne connait, on oublie de belle figures comme Marguerite Yourcenar, René Char. Les hussards auraient mérité mieux
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
-Blaise, je n'ai jamais pensé à vous le demander, mais pourquoi Blaise et pourquoi Cendrars quand, à l'origine, on s'appelle Frédéric Sauser?
En lui posant cette question, j'ignorais que c'était la dernière fois que je le voyais vivant. J'avais reçu une carte de lui et remarqué que son écriture était devenue comme vacillante. L'origine de son nom de plume m'avait traversé l'esprit, d'où mon interrogation. Il me répondit:
-Blaise...Braise...Cendrars...Cendres...Qui sait?
Le secret de la charge onirique qui avait armé toute la vie de Cendrars se trouvait, peut-être, bien dans cette braise et dans ces cendres. Cendrars, le phénix qui, sans cesse, renaît, Cendrars, l'homme dont le parcours n'est qu'une longue métamorphose.
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-Quelqu'un a dit: "Cendrars ment tellement qu'on ne peut même plus croire le contraire de ce qu'il dit." C'est vrai ça?
Il me regarde fixement, ferme légèrement son œil gauche dans un tic qui lui est habituel lorsqu'il vous écoute:
-Quand je faisais du grand reportage à Paris soir, Lazareff me dit un jour: "Blaise, avoue que tu n'es jamais monté dans le Transsibérien." Je lui ai répondu: "Si c'était le cas, ça changerait quoi, puisque je vous l'ai fait prendre à tous."
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Les journaux, les revues, les radios aspirent goulûment leurs états d'âme et leur contrition, fabriquant, du même coup, une heureuse catégorie moderne de bien-pensants, dont l'espèce se reproduira avec grand succès. Je veux parler de ces intellectuels, virtuoses dans l'art de l'aveuglement, qui bâtiront une réputation d'honnêteté intellectuelle sur le socle de leurs faramineuses erreurs.
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-Le plaisir littéraire, c'est donc quoi pour vous?
-la postérité, je m'en fous! Le plaisir, cela consiste à être apprécié d'un petit nombre et être totalement ignoré des imbéciles. (Paul Léautaud)
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Chardonne parle de Nimier:
- Il m'a ressuscité. je lui ai écrit...Mais il devrait se méfier des maudits. Céline, Rebatet,...Il écrit trop souvent sur les traîtres, ça lui jouera des tours.p.176
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