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Critiques de Antonio Muñoz Molina (234)
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Séfarade

Si on me demandait comment "classer" ce livre, je n'aurais aucune réponse, j'ai beaucoup de mal à le résumer, et même à en parler!

Ce n'est pas un roman, mais il contient de la fiction.

Ce ne sont pas des nouvelles, je ne le pense pas, bien qu'il soit constitué de dix-sept chapitres retraçant chacun une histoire différente, mais les personnages de ces histoires peuvent, ou non, se retrouver dans une autre....

Ce n'est pas un récit bien qu'il retrace des destins historiques.

Ce serait peut être plus simple de faire un dessin ? Et, sur une feuille blanche, au centre, je mettrais un gros point, très noir. Ce point, c'est Joseph K. qui, à aucun moment, n'a été accusé de quoi que ce soit, si ce n'est d'être coupable. Passage du statut d'innocent à celui de coupable, sans bien sûr savoir de quoi on peut bien être coupable.

Relié au point noir Joseph K., je dessinerais un point gris, l'auteur, en lisant ceci :





"Je suis très doué pour éprouver cette espèce d'angoisse, pour manquer le sommeil en m'imaginant que toi et moi sommes dans ce train. Je suis terrifié par les papiers, les passeports et les certificats qu'on peut perdre, les portes que je n'arrive pas à ouvrir, les frontières, l'expression indéchiffrable ou menaçante d'un policier, de quelqu'un qui porte un uniforme et brandit face à moi une quelconque autorité. J'ai peur de la fragilité des choses, de l'ordre et de la tranquillité de notre vie toujours précaire et suspendue à un fil qui peut casser, de la réalité quotidienne si assurée et familière qui peut se briser dans la catastrophe d'un malheur."



Du point gris de l'auteur partiraient des lignes, plus ou moins sécantes, quelquefois parallèles, s'entrelaçant, se croisant , bref une espèce de toile d'araignée, mais toutes ces lignes bien sûr finiraient par rejoindre le point noir central. Ces lignes correspondraient à cette simple phrase :"Il n'y a pas de limite aux histoires inimaginables qu'on peut entendre à condition de faire un peu attention, aux romans qu'on découvre soudain dans la vie de n'importe qui."



Elles représenteraient soit des destins connus de tous comme ceux de Primo Levi, Milena Jesenska, Evguénia Guinzgourg, Margarete Buber-Neumann, personnages que l'on retrouve dans la plupart des chapitres, mais aussi les récits d'autres vies, fiction ou non. Le seul point commun chez ces personnages étant bien sûr le fait de se retrouver un jour coupables et de ne pas comprendre pourquoi.



C'est sûr que comme dessin, ce ne serait pas génial, mais il correspond à ma vision de ce livre !

Dans les critiques que j'ai lues à son sujet, on évoque en permanence le thème de l'exil.

Ce thème est certes très présent ; les coupables fuient par tous les moyens possibles (un des plus beaux chapitre est, pour moi, "Dis moi ton nom" qui évoque l'exil de musiciens d'Amérique latine d'abord vers l'Argentine puis vers l'Espagne).

Et le titre du livre "Séfarade" est un hommage rendu à la mémoire des juifs expulsés en 1492.

Mais la douleur de l'exil n'est pas le thème dominant. Le thème dominant , pour moi, est l'éternelle question : pourquoi ai-je été déclaré coupable, pourquoi tout à coup suis-je obligé de perdre mon identité pour adopter celle qu'on m'attribue ?



Dans le chapitre "Tu es" :

"Tu crois savoir qui tu es et en fait tu es soudain transformé en ce que les autres voient en toi, et , peu à peu, tu deviens plus étranger à toi même, et même ton ombre est ton espion qui te suit pas à pas, et de tes yeux tu vois le regard de ceux qui t'accusent, qui changent de trottoir pour ne pas te dire bonjour..."



Bon, je crois que finalement, il vaut mieux que je ne fasse pas de dessin...

Très beau livre!



En " citation", la postface, les livres utilisés par l'auteur. .











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Fenêtres de Manhattan

New York est une ville fascinante, une métropole qui attire chefs d’État, hommes d’affaires, artistes, touristes, tout un chacun. Antonio Munoz Molina n’a pas échappé à sa force d’attraction. Les quelques séjours qu’il y a faits l’ont transformé en un familier des lieux. Cette ville qu’il aime, il a voulu lui rendre un hommage. Pendant ses promenades dans les rues fourmillantes, les cafés encombrés, les musées, les théâtres, les librairies, les marchés, etc., il a pris des notes (mentales et manuscrites) et c’est devenu ce Fenêtres de Manhattan.



De son hôtel où il s’est installé sitôt arrivé à l’Institut Cervantès, il observe. De sa fenêtre, évidemment, mais il ne s’y est pas limité. Il descend dans la rue, fait de multiples excursions jusque dans Harlem et le Bronx. Il rencontre une foule bigarrée, allant de l’homme le plus anodin au spécimen de l’espèce humaine, en passant par des « Africains en boubou et bonnet brodé, Sikhs avec leurs haut turbans couleur safran, Juifs ultraorthodoxes en gabardine noire et bas de soie noire, pâles comme des spectres sous leurs chapeaux noirs à large bord, le visage maigre comme un fuseau et encadré par les tire-bouchons rituels, femmes indiennes en sari avec un cercle rouge sur leur front brun, groupes d’Espagnols en vacances. » (p. 27)



Mais New York, c’est aussi un patrimoine architectural, des édifices comme le Rockefeller Center et l’Empire State Building, Central Park et d’autres comme les bureaux de NBC – je ne les énumerai pas, soyez sans crainte. Antonio Munoz Molina adore s’y promener. Pareillement pour les musées, pour admirer les chefs d’œuvres de l’humanité (dont celles d’Alex Katz, de Leiro et d’Andy Warhol) et les salles de spectacles renommées qui ont entendu chanter Tony Bennett. New York est une œuvre d’art en soi. Mais, c’est également des rencontres, réelles et imaginaires. L’auteur retrace les pas de Caufield Holden, le protagoniste de L’attrape-cœur de JD Salinger, et quelques autres. Il pense à des auteurs qui ont immortalisé cette ville où qui y sont simplement passés. Dans tous les cas, ils y ont laissé des traces…



Si c’est un plaisir, être dans cette cité formidable, c’est parfois quelques souvenirs douloureux. Fenêtres de Manhattan est paru en 2004, soit quelques années après les attentats du 11 septembre. Il est clair que cet événement a teinté un peu les impressions de l’auteur. Mais il ne s’y attarde pas trop, heureusement. De toutes façons, « Manhattan se détruit et se construit en permanence ». (p. 227) C’est une ville se renouvelle, qui change de peau constamment. Par exemple, la librairie Rizzoli où il aimait entrer, elle a fermé, a été remplacée par autre chose, probablement un café ou quelque chose dans le genre.



Ce vibrant hommage d’Antonio Munoz Molina est un peu lourd (et ennuyeux) à l’occasion. Mais quiconque a fait quelques séjours à New York se remémorera avec plaisir les très nombreux lieux auxquels il fait référence. L’ennui que j’ai ressenti à l’occasion s’est vite transformé en nostalgie et en une forte envie d’y retourner !
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Pleine lune

Le challenge solidaire m'a fait découvrir des auteurs que je n'aurais jamais lus sinon, comme George Eliot ou Elizabeth Gaskell, auteures que j'ai adorées et lues ensuite... Et puis parfois, c'est un pensum, c'est compliqué, c'est long, c'est lent et je me force à lire....

Là c'est le cas. Pourtant mon mari a plutôt apprécié, lui....

.

L'histoire (glauque) : le viol et le meurtre d'une gamine de 8 ans.

Un inspecteur (jamais nommé), une ville (jamais nommée), l'Espagne des attentats basques. Et des phrases de 30,40 lignes voire plus.... Pas des subordonnées, juste des accumulations. Je ne sais pas si ce style qui a fait que j'étais éloignée de l'histoire, mais je n'ai ressenti aucune empathie ni pour l'histoire ni pour aucun personnage. Pourtant avec un meurtre d'une fillette.....

Donc un livre lent, très lent, avec une originalité : chaque chapitre voit un nouveau narrateur jamais annoncé qu'on va découvrir au fil des pages (enfin en 1 phrase longue comme un paragraphe, on a trouvé). Comme j'avais du mal à m'investir dans le livre, ce changement de personnages m'a plutôt perdue qu'autre chose.

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Sans le challenge solidaire, j'aurais abandonné ce livre. Je vous conseille donc de lire les autres critiques voire le livre pour vous faire une idée. Moi clairement je ne compte pas prolonger ma découverte de l'auteur.....
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Séfarade

Eh bien, voilà mon premier coup de coeur de l'année.

Séfarade est un recueil de nouvelles liées entre elles par un lien ténu, subtil. Il n'y est pas tellement question de l'expulsion des juifs d'Espagne en 1492. Beaucoup plus de leur persécution pendant la seconde guerre mondiale. Mais plus encore d'autres qui ont partagé ou qui ont été témoins d'expériences similaires.

J'ai d'abord été frappé par la proximité avec la galaxie des auteurs et des personnages qui me touchent: le Kafka des Lettres à Milena, Milena Jesenska elle-même, Margarete Buber-Neumann, Giorgio Bassani, Primo Levi, Willi Münzenberg, que l'on retrouve dans Ostende 1936 de Volker Weidermann, la guerre d'Espagne et les totalitarismes en tous genres. Ou plus simplement les trajectoires individuelles, les deuils et la culpabilité, l'exil, les désirs qu'on n'assouvira jamais, la dépossession qu'impose le monde moderne, les mauvaises nouvelles annoncées par le médecin, la déchéance des junkies, la quête de soi, impossible à mener à bien.

Tout cela est pris à hauteur d'humain, avec une attention subtile, une bienveillance parfois désolée, ou admirative, une conscience de la perte.

Évidemment c'est un peu mélancolique, voire tragique par moments, mais c'est conté avec une telle proximité que l'on ne peut que suivre et partager toutes ces destinées.
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Séfarade

"J'ai été comme ces mauvaises herbes arrachées,

Déposées en gerbes alignées sans discernement.

Depuis, j'ai été moi, oui moi, à ma perte,

Et moi, à ma perte, je ne suis ni moi ni un autre ni personne.»

(Fernando Pessoa)



«Sefarad», mot en hébreu médiéval désignant à la fois l'Espagne et le Portugal, ainsi que les juifs originaires de la péninsule ibérique, expulsés en 1492 par les rois catholiques Ferdinand et Isabel, se transforme, sous la plume de Antonio Muñoz Molina, en paradigme et métaphore par excellence au sentiment d'exil, qu'il soit extérieur ou intérieur, réel ou imaginaire, forcé ou volontaire ; synonyme non seulement de diaspora, de bannissement, mais aussi de migration, de déportation, ou encore de désir d'évasion, délivrance ou délestage du poids de son histoire personnelle, de son passé, de toutes les contraintes qu'on se serait petit à petit vu infliger à être untel, plutôt qu'un autre…

Projet littéraire sans pareil, surdimensionné et grandiose («encyclopédique» selon les mots de l'auteur lui-même), dans SÉFARADE, l'ambition de la plume de Molina pourrait nous renvoyer à la célèbre gravure de Dürer, «La Melencolia», à l'image de cet ange abandonné au milieu des outils et des artefacts dont la vanité humaine se pare afin de nourrir l'illusion d'appréhender le monde, un livre ouvert sur les genoux, une sphère représentant la quête d'absolu à ses pieds, le regard cependant tourné vers l'intérieur, songeur, comme dans l'attente de pouvoir transcender la distance infranchissable qui sépare les hommes les uns des autres, la fiction de la réalité, l'inaltérable de l'impermanent. Au bout du compte, à quoi cela servirait de vouloir se mettre à place d'un autre, se demande l'auteur? Quelle vanité à aspirer à cerner l'essence profonde d'un être, quand tout un chacun, à commencer par soi-même, n'est au fond «n'importe qui et personne »: «tu es celui qui tu inventes ou dont tu te souviens, celui qu'inventent ou dont se souviennent les autres». Et puis, quelle frivolité à vouloir créer des personnages de fiction, «alors qu'il y a tant de vies qui mériteraient d'être racontées, chacune d'elles comme un roman, un réseau de ramifications qui mènent à d'autres romans, à d'autres vies»?

C'est n'est que par un long exercice d'introspection et d'écriture (SEFARADE aura nécessité de longues années de préparation à son auteur, avant sa rédaction définitive), à l'abri du piège tendu par les tribulations de l'immédiat et par la vanité de la reconnaissance de ses pairs, suivant à lettre, tant que peut se faire, le précepte énoncé par Pascal («Tous les malheurs s'abattent sur l'homme parce qu'il ne sait pas rester seul dans sa chambre»), ce n'est qu'ainsi, par un regard porté à l'intérieur de soi et sur son propre «roman» que ces frontières pourraient être momentanément abolies, qu'on pourrait faire table rase des remparts isolant notre mémoire et l'imagination, nos souvenirs de nos affabulations, notre moi supposé réel de nos propres fictions. Les dix-sept récits qui composent SEFARADE, à la fois indépendants, ramifiés et subtilement enchevêtrés les uns dans les autres, en sont une preuve incontestable.

Antonio Muñoz Molina nos ouvre sans réserves la porte de la «chambre à soi» de l'écrivain, nous invite à découvrir sa bibliothèque et ses archives personnelles, à feuilleter les livres qu'il avait patiemment annotés pendant des années et racontant la destinée tragique de quelques-uns des plus célèbres exilés du XXème siècle (dont Primo Levi, Milena Jesenska, Willi Münzenberg, Evguénia Guinzbourg, Cesare Pavese..). L'auteur nous invite tout aussi naturellement à pénétrer dans l'intimité de son processus de création, au coeur des tentatives de transposition en matière littéraire de son propre «chagrin quotidien des mathématiques d'être» (F. Pessoa), il nous autorise même, par moment, à approcher du berceau dans lequel sont délicatement déposés ses personnages de fiction à peine émergés de son esprit démultiplié. C'est ainsi, dans une sorte d'étrange synergie créée par un mécanisme littéraire aux volants atemporels et circulaires que l'auteur lui-même, ses personnages, réels ou fictifs, et nous autres, ses lecteurs, partagerons, le temps d'un récit complètement inclassable (ni roman, ni autobiographie, ni fiction, ni essai sur l'exil…et tout cela à la fois!), un sentiment profond de communion. Réunis un instant en une sorte de Pangée originelle, continent imaginaire dont tous les hommes émargeraient, unis et indifférenciés, d'où personne ne serait plus banni ou oublié. Transportés aussi, par la pensée, dans ces compartiments de train où d'innombrables exilés, certains anonymes et oubliés par L Histoire, d'autres entrés dans la postérité, s'étaient un jour trouvés embarqués, parcourant en leur compagnie les réseaux ferrés d'un continent européen exsangue. Suivant l'histoire de personnages réels ou de fiction, croisés par l'auteur, sur d'autres réseaux, réels ou imaginaires, dans d'autres lieux, à différents moments de leur vie, en d'autres compartiments, trains, avions, villes étrangères, hôtels, maisons d'enfance, certains d'entre eux ayant cherché volontairement à s'exiler ou songeant malgré tout à la possibilité d'un retour devenu impossible, toujours différé. Témoins de rencontres entre l'auteur et ses personnages fictifs auxquels il s'applique à vouloir donner corps, comme par exemple dans le chapitre intitulé « Berghof », lorsque les doigts de Antonio Muñoz Molina tapant sur le clavier de son ordinateur, dans la pièce plongée dans la pénombre où il travaille durant une résidence littéraire à Rome, s'emmêlent à ceux d'un personnage en train de naître, un médecin dans son cabinet de consultation, assis comme lui derrière son bureau ; les plans fictionnels et biographiques glissent imperceptiblement, se superposent, puis se détachent progressivement, amenant le lecteur à comprendre enfin que le personnage avec lequel l'auteur formait bloc au départ, est un médecin en train de se demander comment annoncer à un patient fictif ce qu'un autre médecin, réel celui-ci, avait été obligé de communiquer quelques années auparavant à l'auteur lui-même : le diagnostic brutal de la maladie qui les exilerait tous les deux subitement du monde rassurant des bien-portants.

Comment décrire la tonalité mélancolique de cette voix sublime à travers laquelle l'irréversibilité du temps et la mémoire de la souffrance liées à toutes les formes possibles d'exil sont ici magistralement conjuguées ? Sa beauté serpentine de chant judéo-espagnol. Sa sonorité familière et universelle, paradoxale aussi quand elle est à la fois hantée par l'appel intime du départ, et bercée par l'illusion bienfaisante d'un retour définitif dans un mythique chez-soi. Traduite en phrases touffues, au parfum parfois entêtant, sans être pourtant jamais alambiquées, façonnées en quelque sorte à l'aide d'un zoom spatial et temporel opérant des aller-retours perpétuels entre le temps à vivre et le temps déjà vécu, entre l'infiniment particulier et petit, et l'infiniment grand et universel, étirant par la même occasion la longueur de leurs tournures et les cercles du possible qu'elles s'appliquent à vouloir élargir.

Magnifique voix, faisant de SÉFARADE une oeuvre sensible, d'une intelligence émotionnelle remarquable, un livre émouvant et inoubliable.





PS : Estimado señor Molina,

Je vous avais écrit une première fois, ici, il y a un an environ. Un message suite à la lecture de - «Un promeneur solitaire dans la foule», votre dernier ouvrage en date à l'époque et, d'autre part, ma toute première approche de votre oeuvre – une critique sous forme de lettre où, sur un ton très agacé, je vous expliquais les raisons de mon abandon du livre au bout d'une centaine de pages. Je ne vous connaissais pas assez, señor Molina et, peut-être, avais-je aussi ouvert la mauvaise porte pour commencer à faire connaissance avec votre univers ? Dans tous les cas, notre premier rendez-vous fut complètement raté, mon jugement probablement trop sévère, trop hâtif.

Je regrette aujourd'hui la tonalité générale de cette critique acerbe, et je tiens à vous le dire sous la forme de ce post-scriptum. J'avais été rebuté à ce moment-là par ce que j'avais qualifié d'un «amas d'impressions que vous acceptez sans discrimination de transcrire, souvent sans queue ni tête, des bouts de descriptions de tout et de n'importe quoi, un immense collage d'informations de toutes sortes qui ne cesse de se disloquer sans direction précise». Vous aviez déclaré à l'époque, à propos de votre entreprise littéraire, être motivé par la tentation de «tout écrire». Et moi je vous avais ironiquement apostrophé: «Tout écrire», voyons, señor, quelle ambition, quel rêve insensé pour un écrivain! Qui veut tout, dit la sagesse populaire, risque de ne rien obtenir..!».

Estimado señor Muñoz Molina, il faudra peut-être que je relise un jour votre «Promeneur solitaire dans la foule», car, à mon grand étonnement, ce que je vous reprochais alors, votre envie de tout embrasser, l'incroyable ambition sous-jacente à votre plume, votre style résolument centrifuge, son point de fuite comme en perpétuelle évanescence, vous obligeant à rajouter sans cesse des considérations supplémentaires, des détails, des nuances, des adverbes , des adjectifs, voici donc qu'exactement les mêmes défauts reprochés si emphatiquement hier, finiraient par me subjuguer complètement à la lecture de SÉFARADE aujourd'hui !!

Que s'est-il passé entretemps ? Je ne sais pas vraiment, mais je dois vous avouer qu'en refermant votre livre cette fois-ci, je me suis entendu dire moi-même que l'une des raisons probables de mon agacement initial résiderait peut-être dans...nos ressemblances! Je crois que nous serions bien quelque part, frères dans l'âme, señor Muñoz Molina !! Nous devons carburer au fond tous les deux à la même énergie saturnienne, les quêtes d'absolu et les conquêtes perdues d'avance sont susceptibles de nous fasciner, la solitude et le renoncement nous exalter, tout autant que la saudade ou les Préludes de Chopin…

Pourquoi vous raconterais-je tout ceci? Parce qu'ici, je serais en quelque sorte pour vous, moi aussi, «n'importe qui et personne»? Réel et fictif Creisifiction… !!

Allez, une dernière citation, à ce propos et pour la route… :

«Celui qui voyage peut garder un silence qui sera mystérieux pour les inconnus qui le remarquent, ou céder sans danger à la tentation de parler et de devenir un menteur, d'enjoliver un épisode de sa vie en le racontant à quelqu'un qu'il ne verra plus jamais. Je crois qu'il n'est pas vrai, comme on le dit, qu'en voyageant on pourrait devenir un autre : ce qui se passe, c'est qu'on se trouve allégé de soi-même, de ses obligations et de son passé, tout comme on réduit tout ce qu'on possède aux quelques choses nécessaires à son bagage. »

Bien à vous!

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Dans la grande nuit des temps

Le roman débute en 1936 à New York. Mais c’est l’Espagne qui est au centre du récit. L’Espagne, que le personnage principal du roman, Ignacio Abel, architecte de son métier a fuit. Il a certes fuit la guerre, les atrocités qu’elle engendre, une machine folle qui s’est emballée et qui dévore tout le monde et n’importe qui. Et surtout les raisonnables, ou les tièdes selon l’angle de vue que l’on adopte, ceux qui comme Abel ont ardemment voulu la République, mais qui en même temps, sont installés de manière confortable, et qui souhaitent des réformes progressives, pensées et préparées, en évitant les excès.



Mais Abel est aussi parti aux USA à cause d’un grand amour, Judith, une jeune Américaine, avec qui il a vécu une passion torride durant quelques mois, qui lui a donné la sensation d’être enfin en train de vivre véritablement. Mais Abel est marié, et sa liaison avec Judith devait être dissimulée, se passer pendant des instants volés, toujours trop brefs. Puis, évidemment, elle laissait des traces, au point que sa femme, Adela, a tenté de se suicider. Judith a décidé de rompre, de partir, et Abel ne peut s’empêcher de nourrir un espoir, ou plutôt une attente, de pouvoir la retrouver, malgré tout.



C’est une grande fresque romanesque, qui aborde énormément de thématiques, de questionnements. La passion, avec ses joies et souffrances, les choix que l’on fait dans une existence, et qui s’avèrent juste ou non lorsqu’il n’est plus temps de revenir en arrière. Les stratifications sociales, une organisation dans laquelle il y les forts et les faibles, les gagnants et perdants, ceux qui ont trop et ceux qui ont trop peu, ce qui à un moment où un autre provoque les haines et la violence. Ignacio Abel  est entre les deux, issu d’un milieu défavorisé, il s’est fait tout seul en partie, mais son métier et sa réussite, ainsi que son mariage, l’ont fait basculé dans une autre classe sociale. Il y a aussi la terrible mécanique de la violence engendrée par les rapides changements politiques, tout le potentiel de destruction que portent en eux les êtres humains lorsqu’ils détiennent la force, et que les règles habituelles sont abolies, que tout semble possible.



Le roman suit tour à tour plusieurs personnages du roman, nous laissant la possibilité d’appréhender différents points de vue, différentes visions. Cela donne un texte très long, qui prend le temps de poser, de décrire, de faire ressentir. Par moments le rythme s’emballe, mais il y a une forme de lenteur dans une bonne partie du livre, la volonté de cerner par des petites touches, d’exprimer différentes sensibilités. Il y a de allers retours dans le temps, Ignacio Abel  se souvient pendant son voyage aux USA, qui doit le mener dans une université américaine où il doit prendre un poste d’enseignant et construire une bibliothèque, les événements qui l’ont mené là il en est. Parfois en désordre, le lecteur doit progressivement reconstituer son itinéraire.



Il faut rentrer dans ce roman, accepter de suivre ses méandres, prendre le rythme. Mais si le lecteur y arrive, c’est un voyage marquant, d’une grande densité, à la fois sensible et touchant, mais aussi source de réflexions, donnant une vision complexe et non univoque des événements et des êtres.
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Dans la grande nuit des temps

A Madrid en 1936, Ignacio Abel, architecte socialiste, fils de maçon et fruit de l’ascension sociale républicaine, n’a connu de la vie conjugale que de ternes émois avec Adela, grande bourgeoise madrilène. Lorsqu’il rencontre Judith Biely, jeune américaine de passage à Madrid, sa perception du monde extérieur s’effiloche au point que la guerre inévitable lui semble une abstraction et que seule sa passion dévorante pour Judith donne sens à sa vie.

« Dans la grande nuit des temps », c’est une œuvre tentaculaire dans laquelle Antonio Muñoz Molina dissèque les errements de l’âme humaine et sur le plan passionnel comme sur le plan politique.

Avec un luxe inouï de détails, il analyse le comportement erratique d’un homme dans la tourmente de la guerre, aveuglé par une passion qui le paralyse dans ses actions et ses jugements ; s’il est socialiste, Ignacio a une famille qui penche plutôt de l’autre bord, et son beau-frère, lui, est phalangiste. L’auteur expose ainsi sans manichéisme la complexité de la situation espagnole en 1936, lorsque la République peine à réformer l’Espagne que les révolutionnaires impatients viennent se substituer aux socialistes, et que le fascisme gronde.

Dans ce contexte complexe et dangereux, Ignacio oublie tout ce qui n’est pas Judith et se noie sans état d’âme dans une passion coupable.

La structure du livre, complexe, multiplie les allers-retours dans le passé, l’écriture, absolument sublime, décrypte avec un talent incomparable la complexité de l’âme humaine, comme l’émerveillement amoureux, la pauvreté de Madrid ou la beauté des paysages américains.

Alors oui, c’est très gros, 750 pages denses, riches et puissantes que j’ai mis 3 semaines à lire ! Mais ce sont 750 pages certainement inoubliables !

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Un promeneur solitaire dans la foule

Ce promeneur est sans doute l'auteur lui-même, qui se balade, explore, les paysages urbains, à Madrid, Paris, New-York... Mais il semble régulièrement croiser le chemin, suivre, entrapercevoir, une silhouette qui se dérobe, qui disparaît lorsqu'il pense l'avoir retrouvée, d'un homme qui comme lui parcourt la ville, récupère des prospectus, catalogues, affiches etc ; essaie de classifier, de garder trace de la vie telle qu'elle est, telle qu'elle se transforme, telle qu'elle va disparaître sans doute en un cycle de plus en plus rapide de transformations. Une sorte de double, de négatif, de l'écrivain lui-même peut-être.



Mais il y a aussi tous les promeneurs illustres qui les ont précédés. De grands artistes, comme De Quincey, Wilde, Baudelaire, Joyce, Benjamin, Poe...Poe qui écrivit une nouvelle intitulée L'homme des foules, dans laquelle le narrateur, observant les passants se trouve attiré par un homme qu'il va suivre, et avec qui il n'arrivera pas à établir le contact, un peu comme Antonio Muñoz Molina n'arrive pas vraiment à communiquer avec l'homme qui apparaît régulièrement, et dans divers lieux, qu'il parcourt. Les artistes évoqués par l'auteur sont des génies acculés, méconnus par leurs contemporains, démolis par des drogues, par la misères, par le rejet de leurs œuvres ou de leurs personnes. Et qui eux aussi arpentent les rues, tentent de saisir avec leurs yeux aiguisés l'esprit de leur temps, les ambiances, les décors, les passants. Comme Benjamin qui aura rassemblé un gigantesque matériel en vue d'un ouvrage monumental, Le livre des passages, qui ne sera jamais véritablement écrit, qui va se résumer à de la documentation, des morceaux, des projets... Une sorte de splendide ruine de ce qui aurait pu être un magnifique monument. Mais le destin tragique de Benjamin, qui l'a transformé en exilé misérable, tentant de survivre tant bien que mal grâce à quelques travaux alimentaires, ne lui permettra pas de donner corps à son projet jusqu'à la fin prématurée de sa vie.



Ce sont ces passages, dans lesquels Antonio Muñoz Molina évoquent ses illustres prédécesseurs, qui m'ont le plus passionné. Il réussit à créer des personnages, à communiquer sa passion pour leurs œuvres, à nous donner la sensation de partager leurs destinées, même si pour ce faire il procède parfois à des schématisations des vies véritables de certains d'entre eux. Mais peu importe, il fait flamboyer le destin des divins miséreux créant des merveilles dont d'autres tireront des profits après leurs morts. Certains de ces passages m'ont rappelé les volumes du Manifeste incertain de Frédéric Pajak, en particulier ceux qui évoquent Walter Benjamin. D'autant plus qu'Antonio Muñoz Molinain insère dans son livre, des images, photos ou reproductions de tableaux, moins nombreux certes que les dessins dont Pajak illustre ses livres. Il y aussi de très beaux paragraphes consacrés à l'auteur lui-même, à la femme qu'il aime, à son déménagement etc. J'ai en revanche trouvé un peu trop long parfois et par moments répétitifs, les passages décrivant le monde contemporains, les publicités, décors, atteintes à la planète etc. Globalement, je pense que ce beau livre aurait encore gagné à être un petit peu plus ramassé.



Mais peu importe. J'ai aimé déambuler avec Antonio Muñoz Molina dans les villes qu'il traverse, l'entendre me parler de tous ces artistes, et évoquer ce qu'il aime et ce qui le dérange, de manière libre, sans hâte, à son rythme. Un voyage à recommencer dans d'autres livres de l'auteur.
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Comme l'ombre qui s'en va

James Earl Ray, délinquant de droit commun et ségrégationiste, a avoué l'assassinat de Martin Luther King lorsqu'il a été arrêté à Londres, alors qu'il s'apprêtait à prendre un avion pour Bruxelles, pour se rétracter ensuite, définitivement. Toujours très mauvais signe de fuir. Pourquoi quitter Memphis et le continent américain s'il n'était pas coupable ? Alors qu'au jour d'aujourd'hui, on ne sait toujours pas très bien ce qui s'est passé. James Earl Ray est-il innocent ? Peu probable, mais a-t-il agi seul ? Un des fils de King l'a aidé dans ses procédures en révision. Etait-ce un complot comme semble l'attester le procès d'autres personnes qui a suivi la mort de James Earl Ray ? Ou était-ce plus compliqué et l'Etat américain a-t-il lui-même commandité le meurtre de l'élément dérangeant qu'était Martin Luther King ? Aucune réponse.



Muñoz Molina, lui, a choisi l'option de James Earl Ray coupable solitaire. Et cela n'est finalement pas très important.



Car l'auteur nous emmène dans la fuite de cet homme qui passera quelques jours à Lisbonne et n'est-ce pas là pour l'auteur un merveilleux prétexte, pardon, une très belle occasion, de nous parler de l'élaboration de son ouvrage, Un hiver à Lisbonne, il y a trente ans déjà. Et de là, à nous parler de création littéraire et de sa vie à lui.



Seul bémol, dans la relation des faits et de la psychologie de Ray, Muñoz Molina tourne parfois en rond. On peut y voir d'innombrables variations sur un même thème ou des répétitions un peu fastidieuses. Cela a ralenti ma lecture mais ne m'a pas empêchée de prendre plaisir à lire ce nouvel opus.

Mon trio de tête reste toutefois inchangé et on y trouve Un hiver à Lisbonne (l'original) avec Dans la Grande nuit des temps et Pleine lune.

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Beatus ille

Ils se sont connus sur les bancs de l’école, Manuel fils d’un riche propriétaire, Jacinto fils d’un paysan pauvre. Ils sont restés amis, même quand Jacinto est parti à la capitale et est devenu poète, même quand c’est Manuel qui épouse Mariana, que Jacinto lui avait présentée en 1933.

C’est chez Manuel que Jacinto se cache lors des évènements tragiques de la guerre d’Espagne.

C’est encore chez Manuel qu’il trouve refuge en sortant de prison, 10 ans plus tard.

Et c’est là que se trouvent ses derniers écrits.

Écrits que vient explorer Minaya, neveu de Manuel, à la fin des années 60, sous prétexte d’une thèse.

Mais il va découvrir beaucoup, beaucoup plus que des poèmes.

J’ai eu du mal à entrer dans ce roman ; dès les premières pages on sent que ça va être oppressant. L’écriture est dense, très dense. Et en effet, tout est oppressant dans ce récit, à commencer par la maison, personnage à part entière avec ses pièces innombrables, certaines condamnées, son patio, son pigeonnier maudit.

Tout ici est hanté : par les souvenirs, par les mensonges, par les secrets.

Tout est énigmatique.

Tout est pesant.

Et pourtant, quelle beauté dans ce roman, dans sa densité et sa pesanteur même, dans le tragique de ces destinées humaines brisées par la guerre et la dictature.

Traduction impeccable de Jean-Marie Saint-Lu.

Challenge Solidaire 2023

LC thématique avril 2023 : "Un roman historique"
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En l'absence de Blanca

Mario, petit "fonctionnaire" au Conseil Général de Jaen près de Malaga, vit le parfait amour avec Blanca son épouse depuis sept ans. A peine finie sa journée de travail vite vite il rentre chez lui , ouvre la porte , sent les bonnes odeurs de cuisine et n'a qu'un désir rester toujours et encore avec la lumière de sa vie.... Pourtant il se demande encore comment il a pu conquérir cette jeune femme issue d'une famille aisée de Malaga, habituée à fréquenter les milieux "intellectuels" peinture , musique, théâtre, littérature, qu'ont-ils donc en commun ?...Puis soudan le regard de Mario sur Blanca change insidieusement, inexorablement .Est-ce toujours elle , est-elle toujours la même? Qui change? elle ou lui ? ....

Bien court roman par rapport aux autres textes d' Arturo Munoz Molina mais brièveté rime ici avec intensité . Qu'en est il de la pérennité de l'amour ?
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Pleine lune

Ce roman fut une lecture laborieuse et éprouvante mais il m'est difficile de départager la part de l'écriture et celle des conditions caniculaires. de toute façon c'est une lecture exigeante : beaucoup de longues phrases, heureusement assez simples, des chapitres dont il faut lire parfois plus d'une page avant de savoir ou d'être sûr de savoir de quel personnage il est question. L'écriture est belle, mais déroutante, en tout cas assez efficace pour instaurer atmosphère et rythme. le rythme, justement, est particulièrement lent, presque spiralaire et hypnotisant. Il s'agit bien d'un roman policier mais quasiment sans enquête, sans compter que lecteur fait connaissance de l'assassin, sinon dès le début, en tout cas bien avant la police. L'intérêt de ce roman n'est donc ni du côté de l'enquête ni du côté de l'action. Reste le climat créé par cette écriture, remarquable, sinon agréable. Nous sommes dans une ville du sud de l'Espagne, non nommée. Le passé est très présent, voire très pesant (aussi bien la période franquiste que l'ETA) et le personnage complexe de l'inspecteur, jamais nommé, est psychologiquement très intéressant. Un roman qui pourrait se prêter à une très belle adaptation cinématographique. Un roman ténébreux un peu frustrant que j'aurais probablement trouvé envoûtant en d'autres circonstances.
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L'hiver à Lisbonne

Je suis un fervent admirateur de Munoz Molina, nullement rebuté par la longueur habituelle de ses phrases. Je le trouve excellent pour décrire les sentiments et les émois amoureux, j’aime les romans noirs et j’ai souvent rêvé d’être un pianiste de jazz, coincé entre un verre de bon whisky et une chanteuse appétissante…un peu comme Jeff Bridges dans Suzie et les Baker Boys, voyez.

Tout ça pour venir vous confier que je n’ai pas vraiment aimé L’Hiver à Lisbonne, bizarre, non ?

Quelque chose n’a pas fonctionné et j’ai du mal à savoir quoi. Peut-être le procédé qui donne la parole à ce narrateur dont on ne sait rien, qui semble ne rien éprouver et qui ne semble là que pour faire écran, pour épaissir un mystère qui, finalement, ne l’est peut-être pas tant que ça. L’écriture est toujours de qualité avec, me semble-t-il, des phrases plus courtes que d’habitude.

L’aspect musical n’est pas enthousiasmant, tout comme la description bien succincte de Lisbonne (que je ne connais pas) ou de San Sebastian (que j’ai connu). On en reste souvent à des ambiances nocturnes plutôt réussies, d’autres lecteurs ont dit en noir et blanc ce qui est bien observé.

L’histoire d’amour souffre à mon avis de n’être vue et contée que par ou pour le narrateur, vague compagnon de bar, froid et distant. Ce qui offre l’avantage d’augmenter la part de mystère de l’intrigue contribue également à édulcorer la passion amoureuse que Molina sait, en d’autres romans, si bien décrire. Quant à l’intrigue de ce roman noir, elle me semble aussi légère que les volutes de fumée de cigarettes qui obscurcissent les bars que fréquente le pianiste, et presque aussi maladroite que les méchants qui le traquent.

Un roman de jeunesse, une tentative à contre-emploi ? La preuve que réussir un roman noir n’est pas aussi facile qu’on le croit ? Je cherche des excuses, non pas à l’auteur, que j’apprécie énormément d’habitude, mais à moi et à ce que je viens de vous confier. Ma position est bien inconfortable et j’ai conscience de m’enfoncer un peu plus en tentant de me dédouaner avec les quelques bribes de latin qui me restent : « Qui bene amat bene castigat. »

Mon prochain Munoz Molina : Pleine Lune. On en reparlera, si vous voulez.

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Le vent de la lune

Il n'y a pas de vent sur la Lune, mais gardons cela pour plus tard.

Ce 20 juillet 1969, cinquante ans bientôt, Neil Armstrong, Buzz Aldrin et Michael Collins ne se doutaient pas qu'ils embarquaient dans leur aventure un garçon solitaire, pauvre et rêveur qui les suivait passionnément depuis la petite ville d'Andalousie assoupie où il était né treize ans plus tôt. Antonio Munoz Molina nous fait revivre l'événement à travers ses yeux d'enfant, dans la chaleur de l'été andalous.

Le récit alterne entre ce qui se passe dans la fusée, dans le module de commandement, dans le module lunaire, dans la tête des astronautes : « Tu attends avec impatience et avec crainte une explosion qui aura quelque chose d'un cataclysme quand le compte à rebours arrivera au zéro… »

…et ce qui se passe à Magina (Ubeda) dans la tête de l'auteur : « Enfermé dans ma chambre par un après-midi de juillet, j'écoute les voix qui m'appellent, les pas pesants qui montent à ma recherche par l'escalier de la maison… » Il est aussi solitaire et isolé que l'astronaute qui attend la mise à feu des moteurs.

On connait la qualité de l'écrivain (personnellement c'est mon troisième roman) qui fait encore merveille ici. Il nous fait partager l'angoisse des héros, bien présente aussi soigneusement dissimulée soit-elle. Il nous rappelle qu'Apollo XI était une mission à très haut risque, ce qu'en raison du succès nous avions oublié, et n'omet pas de prêter à Aldrin un regard de jalousie envers son collègue qui a été « le premier ». Pourquoi lui et pas moi ? On saisit le moment où tous deux prennent conscience qu'ils n'auront pas le temps de savourer leur « marche lunaire », d'admirer la vue unique sur la planète bleue car il leur faut travailler dur ; celui, très émouvant, où ils réalisent que plus jamais ils ne reviendront. Jamais plus est une idée terriblement douloureuse, chacun de nous en a fait l'expérience, quelque soit le moment de bonheur et de plénitude qu'il concerne et l'écrivain qui nous le rappelle fait mouche.

La solitude de celui qui est resté en orbite et qui se demande s'il va revoir ses deux compagnons est à mettre en parallèle avec la solitude de l'enfant pauvre dans le collège où il ne connait personne car tous les enfants de sa classe sociale ont déjà arrêté l'école. Et tandis que les cosmonautes s'arrachent à l'attraction terrestre grâce à la fusée Saturne, l'enfant tente de s'arracher, grâce à ses lectures, à l'influence de la religion ainsi qu'à l'avenir immuable qui l'attend dans les champs, lui le fils de paysan, petit-fils de paysans, descendant de paysans depuis la (grande) nuit des temps.

Les pages consacrées aux lectures constituent un bel hommage à la science fiction mais aussi aux récits d'exploration et de découvertes tout comme sont admirables celles qu'il consacre au froid mordant de l'hiver dans une maison sans chauffage, à l'eau courante qui ne court que dans le seau qu'on transporte à bout de bras du puits vers la maison ou à l'éprouvante et harassante cueillette des olives. C'est aussi le temps des séances de cinéma en plein air avec la découverte de l'attraction des actrices à laquelle un adolescent n'a aucune chance de s'arracher, celui de l'apparition des premiers téléviseurs et des premiers touristes… C'est enfin, à travers l'agonie de Baltasar le voisin jadis brutal et redouté, la maladie qui, débutant cette année-là, finira par abattre le caudillo et le franquisme.

Alors ce vent de la Lune ? Qui est-il, s'il n'est pas lunaire, s'il est incapable d'effacer les pas des deux astronautes imprimés à jamais dans la poussière de la Mer de la Tranquillité? Je crois que c'est le vent qui emporte nos illusions, nos souvenirs et nos êtres chers, celui qui fait se vider le sablier du temps qui passe. Soixante-neuf est bien loin même si à l'époque l'enfant se demandait « Comment serai-je, moi, si je suis vivant, en mille neuf cent quatre-vingt, en mille neuf cent quatre-vingt-cinq, à la fin du siècle, en deux mille, qui ne me semble pas être une date possible du réel mais un repère aussi fantastique dans le temps que la colonisation des planètes…qui abondent dans les histoires de science-fiction, ainsi qu'aux actualités ? Comment sera-ce d'avoir quarante-quatre ans, trois de plus que n'en a mon père aujourd'hui, mon père dont les cheveux sont déjà devenus blancs. Soudain ce futur resplendissant de prédictions scientifiques me devient sombre quand je pense qu'en l'an deux mille mon père sera un homme de soixante-douze ans, que ma mère en aura soixante-dix et que mes grands-parents seront probablement morts. »

Les deux dernières pages sont aussi éclairantes que sublimes : « Il y a quelques minutes j'avais treize ans et je rentrais de la bibliothèque municipale de Magina avec un livre d'astronomie sous le bras et maintenant, dans la glace de la salle de bains, je suis un homme aux cheveux gris, égaré soudain dans un futur plus lointain que celui de la majeure partie des histoires d'anticipation que je lisais à l'époque. (..) Maintenant, dans les rêves que je me rappelle chaque fois que j'ouvre les yeux, l'ombre fragile et distante de mon père se détourne de moi quand je veux m'approcher d'elle. C'est ainsi que me fuient et m'entourent les autres fantômes logés dans les chambres désertes, dans les armoires fermées, dans les maisons vides de la place, chacun avec son visage et son nom, avec une voix qui m'appelle.

Bien que je sois si loin, ils ont su me trouver. »

C'est un magnifique et très émouvant roman, bel hommage aux rêveurs, aux aventuriers et aussi à son père « Il est mort presque aussi discrètement qu'il s'était tant de fois levé en pleine nuit, tâchant de ne réveiller personne. »

D'ici quelques semaines, vous n'échapperez pas aux commémorations de l'événement. Lisez sans plus tarder le Vent de la Lune, pour passer un excellent moment et briller un peu en société.

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L'hiver à Lisbonne

Je modifie cette critique le 30 janvier 2024. En effet, au vu des commentaires, et après avoir laissé passer quelques jours, je me rends compte que j'ai donné l'impression de ne pas avoir aimé L'hiver à Lisbonne, alors que c'est le contraire. J'ai agi maladroitement en donnant une version chronologique de ma lecture - le fait est que j'ai eu beaucoup de mal à rentrer dans le texte -, ce qui est un gage de qualité. J'ai voulu dire que c'était un livre intimiste, onirique, lent avec un brouillage spatio-temporel. L'hiver à Lisbonne se passe dans le monde du jazz, musique que je n'affectionne pas particulièrement.

_________________________________________________________________________



L'hiver à Lisbonne est une succession de chapitres courts, présentés dans un ordre linéaire, qui avancent par bonds et intercalent les confidences de Biralbo, les propos du narrateur, le récit de faits juxtaposés, le tout dans des temps présents, passés, futurs ou imaginaires.



Le fil directeur est la passion amoureuse de Biralbo et Lucrecia sur fond de musique de jazz.



Mais c'est loin d'être une romance, c'est surtout un cocktail dissonant, sulfureux et mélancolique comme le jazz, un mélange de violence meurtrière, de désir, d'alcool, de drogue… avec en toile de fond « la montagne sainte Victoire » de Cézanne… dans une mise en scène en demies teintes où les contours sont flous.



Antonio Muñoz Molina entretient une relation curieuse avec Lisbonne. Je dirais qu'il personnifie une ambiance, une sensation, un fantasme – je ne sais pas s'il y a un terme adéquat pour signifier cet état d'esprit.



L'hiver à Lisbonne se passe essentiellement à Madrid. Santiago Biralbo, - qui a changé son nom en Giacomo Dolphin -, pianiste noir de jazz émérite, raconte au narrateur son amour pérenne pour Lucrecia.



« Lisbonne » est une chanson que Biralbo a composé alors qu'il n'a jamais mis les pieds dans cette ville. Elle symbolise Lucrecia qui s'est enfouie là-bas.



« Il s'est souvenu d'une chose qu'un jour Lucrecia lui avait dite : arriver à Lisbonne serait comme arriver au bout du monde ». (p.165)



Biralbo ne songe pas à aller à Lisbonne, il l'évite même, comme si la pensée de son amour se suffisait à elle-même, sauf qu'il est contraint de s'y rendre dans l'urgence au chevet de Billy Swann.



Trois ans se sont écoulés depuis le départ de Lucrecia.



Est-ce vraiment l'hiver à Lisbonne ou l'hiver dans le coeur de Biralba ?



Va-t-il la revoir ?



Quels mystères se cachent derrière cette femme ?



Pourquoi Biralbo et Lucrecia ont des pistolets ?



L'hiver à Lisbonne commence ainsi :



« À peu près deux ans s'étaient écoulés depuis la dernière fois que j'avais vu Santiago Biralbo, mais quand je l'ai retrouvé, à minuit, au comptoir du Metropolitano, il y a eu dans notre salut la même absence de solennité que si nous avions bu ensemble le soir précédent, non pas à Madrid mais à Saint-Sébastien, au bar de Floro Bloom, là où il avait joué pendant une longue période ».



Les personnages sont juste esquissés, leurs relations entre eux et avec le narrateur ne sont pas explicites. le récitant ne nous dit pas pourquoi il est si proche de Biralbo, au point que ce dernier se confie à lui.



C'est un livre bien étrange, je dirais même mystique, qui m'a fait un drôle d'effet, un effet paradoxal. Je l'ai ouvert avec curiosité et gourmandise, ensorcelée encore une fois par la plume de Chrystèle (@Hordeducontrevent), et au bout de trente pages, j'ai abandonné, je me sentais comme une mouche qui cherchait à se libérer, en plein cagna, de la bande adhésive qui l'avait piégée.



Je me sentais engluée dans cette ambiance de cave de jazz, cette musique déchirante qui me remémorait l'esclavage. J'avais le tournis dans le Bourbon et les volutes de fumée qui contribuaient au brouillage spatio-temporel.



Et pour rajouter à ma peine, l'écriture était trop petite pour mes yeux défaillants.



Pour échapper à ce malaise, je me suis embarquée dans En or, magnifique beau livre photo de Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron, deux patineurs artistiques sur glace hors du commun. Je me suis laissée bercée par leur glisse, leur musique, dans les paillettes des championnats européens et olympiques.



Puis, persévérante, j'ai repris à zéro L'hiver à Lisbonne. Peu à peu, je me suis acclimatée, je me suis souvenue de ma jeunesse au quartier latin, de caves de jazz confidentielles, et j'ai été happée par certains passages fascinants – cette écriture éthylique ou onirique envoutante -, sauf que je ne pouvais pas lire longtemps car je n'arrivais pas à bien m'accrocher dans ce récit lent, fragmenté et elliptique. J'avais du mal à appréhender l'idiosyncrasie singulière d'Antonio Muñoz Molina.



J'ai mis un temps fou à lire ce petit bouquin car je devais m'arrêter souvent, et pourtant je ne cessais d'y penser et d'être impatiente de le reprendre.



L'hiver à Lisbonne est une oeuvre poétique qui me semble assez difficile d'accès, se prêtant à plusieurs interprétations, qui s'adresse à un certain type de lecteurs.



Au final, j'ai beaucoup aimé, c'est une oeuvre originale. Je reviendrai vers Antonio Munoz Molina, notamment pour « Tes pas dans l'escalier », qui résonne dans ma tête. Un homme attend une femme à Lisbonne…



Curieuse d'avoir des retours…
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Pleine lune

Verbeux.



C'est une petite ville du sud de l'Andalousie. Sans histoire. Mais une petite fille vient d'être retrouvée morte la culotte enfoncée dans la bouche.



Je partais avec un a priori positif mais je ressors mitigée de ce roman. Je m'attendais à lire un polar écrit avec un style très travaillé, je me suis retrouvée avec un polar avec un style trop travaillé.



L'auteur fait des phrases proustienne qui sont certes belles, mais qui noient le lecteur et lui font perdre le fil de l'histoire. C'est dommage car j'ai trouvé que les personnages étaient très bien travaillé et leur évolution était intéressante.



Le parti pris de l'auteur de ne pas se concentrer sur l'enquête mais sur les personnages est audacieux. Il aurait pu donner un beau résultat, mais le style alourdit l'ensemble.



En conclusion, un roman qui avait du potentiel mais le style alourdit l'ensemble.
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Dans la grande nuit des temps

New-York, 1936. Après des jours d'attente et d'incertitude, Ignacio Abel prend un train qui va le conduire à Rhineberg où un poste l'attend à l'université. Il a fui l'Espagne en guerre pour trouver refuge aux Etats-Unis où il espère bien retrouver la trace de Judith Biely, la femme qu'il aime et qui a été sa maîtresse à Madrid avant de disparaître.

Mais Ignacio n'est plus le même homme. L'architecte reconnu qui portait beau a cédé la place à un exilé aux chaussures élimées. L'époux respectable a laissé la place à un homme adultérin éperdu d'amour. Le père de famille a abandonné ses enfants dans un pays en guerre. Le démocrate, socialiste modéré a laissé tomber la guerre, les idéaux, ses amis, sa patrie pour chercher la sécurité des Etats-Unis.





Ignacio Abel, personnage central du roman, est un homme qui n'est jamais tout à fait à sa place. Enfant déjà, il était trop frêle physiquement et trop brillant intellectuellement pour suivre les traces de son père maçon. Plus tard, il se marie au-dessus de sa condition et doit composer avec une belle-famille dont il n'aime ni les idées ni les valeurs. Brillant architecte, il mène une vie bourgeoise en contradiction totale avec ses idées politiques et son milieu d'origine. Mais au-delà de cela, ce qui le caractérise vraiment, c'est son égoïsme abyssal et son aveuglement à tout ce qui l'entoure. Peu lui importent le désespoir d'une épouse folle d'amour, l'inquiétude d'un beau-père confiant, les craintes d'un fils bouleversé, peu lui importe même le chaos dans lequel son pays plonge peu à peu, Ignacio est tout à sa passion pour une jeune et belle américaine et sa seule obsession est de la voir encore et encore dans la miteuse maison de rendez-vous qui abrite leurs amours clandestines. Cette passion peut-elle excuser ses lâchetés, ses trahisons?

Quoi qu'il en soit, il est soit pathétique, soit énervant mais jamais attachant et j'ai vraiment eu du mal à suivre ses pensées tout au long du livre. J'ai peiné à le terminer, tant les 400 premières pages m'ont ennuyée. L'écriture d'Antonio MUÑOZ MOLINA n'y est pas étrangère d'ailleurs. Son souci du détail, même le plus infime, ses phrases longues comme un jour sans pain, ses descriptions cliniques de la passion amoureuse, ne facilitent pas la lecture. L'abandon rôdait mais j'ai bien fait de m'accrocher, les 350 dernières pages valent le détour. Et si Ignacio Abel reste un personnage peu sympathique, j'ai ressenti beaucoup d'empathie pour sa femme Adela et pour ses jeunes espagnols qui partent au front, idéalistes inconscients du danger, mal équipés et mal préparés face à l'armée de Franco prête à les décimer.

Bref, un avis en demi-teinte pour un livre assez difficile d'accès.
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Pleine lune

Ce premier roman d'Antonio Muñoz Molina que je lis m'a donné du fil à retordre. A première vue, on pense avoir à faire à un polar. Il en a les ingrédients principaux : un meurtre, horrible, celui d'une fillette, et un inspecteur, chargé de l'enquête. Nous sommes dans une petite ville du Sud de l'Andalousie dont nous ne connaîtrons pas le nom, pas plus que celui de l'inspecteur. La fillette, elle, s'appelle Fatima. Dès le début du roman, quelque chose cloche : d'enquête, il n'y en a point. En tout cas rien qui pourrait nous rattacher aux classiques du genre. L'inspecteur, sur les conseils du père Orduña, un prêtre catholique, étiqueté comme "rouge", et qui fut autrefois son éducateur, décide qu'il trouvera le coupable en remarquant quelque chose de spécial dans son regard. Bien. Le lecteur que nous sommes n'a plus qu'a attendre que cet événement survienne. Et pour tromper cette attente, l'auteur va nous envoûter et parfois nous engloutir sous d'interminables cascades de phrases, où l'on découvrira la vie passée et présente de quelques protagonistes de l'histoire : l'inspecteur, le meurtrier, l'institutrice de la jeune Fatima, le médecin légiste, ami de l'institutrice.



Il serait tentant de résumer ces vies et, finalement, toute l'intrigue, en quelques mots, mais ne serait-ce pas trahir l'intention de l'auteur ? Le résumé, la ligne droite, l'esprit de synthèse, sont à l'opposé des choix stylistiques de l'auteur. Ses phrases sont faites de cercles et de lignes sinueuses qui vous emmènent on ne sait où. Elles s'enroulent, bifurquent, empruntent des chemins de traverse, s'arrêtent à un détail impromptu, avalant le paysage, zoomant sur un geste insignifiant, accumulant les points de vue, dévorant les gens sur le chemin du personnage, haletant comme un coureur de fond, va, vient, recule et ne s'arrête que pour mieux rebondir. Ça fait penser à de la musique baroque, une partita ou une cantate de Bach. Mais en beaucoup plus déroutant, plus fatigant aussi. On aimerait faire "Pause", faire le point, résumer la situation. Mais, avec Muñoz Molina, hors de question de résumer quoi que ce soit. Il s'agit plutôt de décortiquer sans fin, jusqu'à l'étourdissement. Une écriture que j'ai envie de qualifier d'obsessionnelle. Quelle est donc l'obsession qui fait courir Antonio Muñoz Molina, comme un cheval fou ?



Le roman a bien une fin que je ne donnerai pas ici. Mais l'enquête est-elle résolue pour autant ? A-t-on fait le tour de la question ? Rien n'est moins sûr. On sent bien que du côté de l'institution religieuse où a grandi l'inspecteur, tout n'est pas clair, il y reste des zones d'ombres qui appellent d'autres éclaircissements, d'autres romans peut-être. Si tant est que la lumière ait ici une chance contre les ténèbres ? Si nous ne sommes pas dans un polar, nous sommes bien dans un roman noir et le noir y est particulièrement sombre.



Perturbé par ce livre, tantôt conquis et tantôt frustré, comme je peux l'être devant un tableau de Salvador Dali ou de Gérard Garouste, je pose une note qui ne veut pas dire grand-chose. Comment résumer par une note un livre par nature rétif à toute manœuvre de réduction ?

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Un promeneur solitaire dans la foule

Il m'a fallu un mois pour venir à bout de ce livre, non pas parce qu'il est aussi mauvais que ça, au contraire, j'ai passé un moment que je dirai agréable avec, mais il m'a manqué de l'enthousiasme, de véritables mobile pour pouvoir m'acharner sur ma lecture. Comme le titre l'indique, l'ossature de l'intrigue le regard de notre narrateur, autrement dit, ce sont des observations d'un promeneur solitaire. En effet, Un promeneur solitaire dans la foule nous ressort la préoccupation première est de soigner son image autant pour la publicité que pour les hommes...
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Le sceau du secret

Un jeune étudiant débarque à Madrid de son Andalousie profonde en 1974 peu avant la mort de Franco. Le franquisme se perpétue inlassablement et beaucoup rêvent d'un fin expéditive à ce régime. L'étudiant rencontre un avocat haut en couleur, qui va lui confier de plus en plus de tâches.



J'ai retrouvé dans ce court roman un peu de la langueur qui sourd dans "L'hiver à Lisbonne". Pourtant aucune musique de jazz en arrière-fond, simplement cette attente qu'il se passe quelque chose, que d'autres fassent que votre vie enfin s'éveille.



Ce court roman est nettement moins abouti, même si clairement dans ce roman, comme dans d'autres, l'auteur ne cache pas son aversion contre le franquisme.



A ne pas lire en premier lieu chez cet auteur, car on risque de passer à côté des autres grands opus.
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