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Critiques de Antonio Muñoz Molina (234)
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Tes pas dans l'escalier

A Lisbonne, un homme attend sa compagne ; il attend aussi la fin du monde. La première est retenue à New-York par son travail de chercheur sur la mémoire, et rejoindra bientôt son homme au Portugal où ils ont choisi d'émigrer après le traumatisme du 11 septembre 2001, vécu de plein fouet par le couple. La seconde est en route également ; Bruno égrène la litanie des cataclysmes planétaires succédant aux catastrophes : pays en feu, inondations inédites, espèces en voie d'extinction, guerres et plus si affinités.





New-York-Lisbonne : villes bordées par le même océan, toutes deux traversées par un fleuve, survolées par des avions vrombissant. Bruno consacre tout son temps et son énergie à l'attente, à faire de l'appartement portugais une copie conforme du new-yorkais, vivant comme un naufragé sur une île déserte dans l'austérité, visant le dépouillement. Il s'abîme dans la routine : sortie de son bien-aimé chien, lecture de journaux, classement de ses livres par taille, par couleur, organisant sa bibliothèque comme celles conçues pour un voyage dans l'espace, comme un placard ou une cave garnis de vivres en vue d'une réclusion indéfinie. De nombreux thèmes paradoxaux s'entrelacent : l'homme à la mémoire défaillante dont la compagne effectue des recherches sur la mémoire ; l'homme dont le but est la réclusion apprécie les récits d'explorateurs, avec en fil rouge les désastres écologiques universels annonçant la fin du monde.





Avec Tes pas dans l'escalier, Antonio Munoz Molina est au sommet de son talent et réalise le tour de force de donner une consistance au vide, à l'absence, au rien du tout dans un roman dont il ne faut sauter aucune ligne afin de savourer chaque mot choisi avec génie et la musique de fond lancinante. Dans cette histoire grave et d'une tristesse sans remède, le lecteur perçoit dès le départ une menace blanche planant en alternance sur New-York ou Lisbonne, et au-delà sur l'entière planète. Au fil des jours, l'attente de Bruno vire à l'obsession dans des actes strictement répétés qui pétrifient le temps au point de le supprimer. Peu à peu devient impossible ce qui au départ est présenté comme normal. Bruno psalmodie, sa mémoire apparait vite aussi instable qu'une bulle de savon. Toutes ses pensées ou souvenirs se transforment en un mirage de chaleur, l'éloignement exerçant son impitoyable effet loupe, le passé apparaît toujours plus beau que le présent : « Il n'y a rien qui ne soit pas un effet d'optique. Ce que tu vois n'est jamais le monde tel qu'il est, ni de loin ni de près. Tu as sous les yeux un simulacre édifié par ton cerveau à partir d'un nombre restreint d'impressions visuelles. »





Le lecteur retient son souffle, sent que quelque chose déraille mais quoi ? Prêt à accueillir l'épilogue révélateur. Prêt ? Pas sûr. Quel roman ! Quel talent ! A lire absolument.
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Pleine lune

Oulala, mais quelle lecture difficile pour moi, j'ai luté en me disant sans cesse qu'un retournement de situations allait venir, il y en a eu pourtant.

Mais je crois qu'il s'agit tout simplement de la plume de l'auteur que je n'ai malheureusement pas du tout apprécié, car normalement, c'est tout à fait le genre que j'aime, peut-être un brin TROP travaillé.

Ce sont de longues phrases, parfois sans aucuns sens, mais pourtant avec tellement de sens à la fin du roman, il faudrait presque le lire deux fois !

Des chapitres où il faut attendre pour savoir avec quel personnage nous sommes, nous laissant un peu confus…

Quoi qu'il en soit, une lecture rocambolesque pour ma part, très dur de tourner les pages sans m'endormir !

Je me suis souvent surprise à divaguer dans mes pensées, sans vraiment lire ce que je lisais tant les phrases étaient trop lourdes.



Nous sommes ici en Espagne, avec Mr l'Inspecteur (où nous ne connaîtrons jamais son nom), un peu plus de la cinquantaine, mariée à une femme internée à cause d'une grande dépression, pris dans une enquête suite au meurtre atroce d'une fillette de neuf ans. Il en fera son obsession.

Nous passons de l'Inspecteur à d'autres narrateurs, dont le tueur.



Clairement, le livre tient en 200 pages, le reste n'est que futilités, d'innombrables détails ou descriptions très très longues, qui pour ma part m'ont totalement perdue, même si nous rentrons au plus profond des âmes de nos protagonistes.

Sûrement pour être au plus près des personnages… peut-être… mais cela n'a pas fonctionné avec moi.

Même si je dois bien l'avouer, l'auteur a fait un tel travail d'écriture… Incroyable mais trop pour la lectrice que je suis.



Et si on parlait de cette fin ?! Suis-je la seule à en être très frustrée ?!



CHALLENGE SOLIDAIRE 2023
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Dans la grande nuit des temps

Je m'attendais à une grande fresque historique et une traversée de la guerre d'Espagne, mais c'est d'abord un roman d'amour adultère, fiévreux et contrarié, le réveil d'un homme endormi dans la torpeur de l'habitude, du confort , noyé dans son travail d'architecte renommé. Grâce à une jeune femme américaine, Judith, vive et jeune qui le ramène à une sensualité oubliée, Ignacio, marié et père de deux enfants, revit, découvre sa ville, Madrid, à travers les yeux attentifs et émerveillés de la jeune femme enthousiaste. Emportés par leur amour neuf et vibrant, ils inventent un monde exalté dans une parenthèse insouciante de moments dérobés, inconscients de la blessure infligée à autrui.

Tout au long de ce roman impressionnant de détails se répétant en d'infinies variations, Ignacio, qui fuit le pays, attendu aux Etats-Unis pour un projet de bibliothèque, mais aussi à la recherche de son amante perdue, dissèque le naufrage de sa vie bourgeoise et rangée, de son couple, ses relations avec ses enfants, l'ébranlement de ses certitudes mises à mal dans une Espagne entraînée dans le chaos des soulèvements populaires ou militaires, dans la confusion politique, la violence dans tous les camps, les assassinats, les incendies, les tirs aveugles, les exécutions arbitraires, les exactions commises au nom des grandes causes, l'argent de la nourriture des soldats détourné au profit des parades et défilés, les bombes incendiaires de Hitler et les fusils mitailleurs de Mussolini testés auparavant en Abyssinie.

Tout combat serait-il vain, un monde meilleur impossible et les révolutions irrémédiablement vouées au bain de sang ? A quoi sert le progrès et la belle façade des grandes villes si les gens meurent de faim, si on ne leur fournit pas le nécessaire vital et l'éducation ?

Le texte coule en une longue déclamation, une magnifique prose parfaite, mais les répétitions et la longueur peuvent rebuter ; l'histoire individuelle prend une part très importante dans le récit, trop peut-être.
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Dans la grande nuit des temps

La littérature se nourrit plus que jamais de l'Histoire. Elle est, pour une part, une « lecture » de l'Histoire elle-même. Elle s'appuie, pour une autre part, sur le récit historique pour affirmer le souci irrépressible de l'humain.





Muñoz Molina reprend dans son roman les deux thèmes qui traversent toute son oeuvre : la mémoire des temps modernes et l'infinie complexité des êtres. Il signe avec « Dans la grande nuit des temps » l'un de ses plus beaux livres. Ils s'y mêlent, dans de magnifiques pages, les passions amoureuses d'un homme et l'horreur d'un Madrid miséreux, abandonné et en proie aux convulsions de la guerre civile.





Dans un train qui file à travers les États-Unis, Ignacio Abel, exilé, fils d'un maçon et d'une concierge, architecte espagnol réputé, progressiste et républicain, homme mûr et marié très bourgeoisement, père de deux enfants et époux infidèle, se souvient. Il se rappelle les quelques mois de sa passion dévorante pour une jeune américaine, Judith Biely, qui ont accompagnés l'entrée de l'Espagne dans la longue et sombre nuit de la dictature franquiste.





Avec un grand souci du détail, Antonio Muñoz Molina retrace les mois qui ont précédés l'entrée des hordes fascistes dans Madrid. le narrateur, dans les toutes premières pages du roman, décrit un Ignacio Abel fatigué montant l'escalier de la gare de Pennsylvanie à New York. le narrateur revêt ici les habits de l'auteur. Il examine la photo de l'architecte sur les marches de la gare. Il le regarde, s'interroge, le voit chercher le train qui va le conduire à l'université de Reinheberg au bord de l'Hudson. Cette introduction mêle avec un grand savoir-faire l'écrivain au travail et le récit en cours. Elle mêle également avec beaucoup de finesse et avec une lenteur délibérée le passé du personnage principal et le présent de son exil. Ignacio Abel entend des voix, cherche obsessionnellement un visage aimé. Pas moins de huit cent cinquante pages foisonnantes seront nécessaires pour relater, dans un époustouflant va et vient dans le temps, les histoires d'une capitale transformée en un immense charnier et - sur fond de violences, d'arrestations, d'exécutions ou d'attentats - les déambulations du héros. L'auteur traque chaque détail. Les nombreuses et scrupuleuses descriptions de bâtiments, de quartiers riches ou pauvres, de rues nauséeuses ou de banlieues sans pain brûlées par le soleil contribuent à la formidable densité du récit. Les personnages de fiction, nombreux et «consistants », unissent leurs destinées à celles des hommes politiques et des écrivains de l'époque. Ignacio Abel discute avec Negrin, l'une des figures historiques de l'Espagne, il rêve avec Bergamin ou Moreno Villa d'un pays qui vaincrait la misère et l'analphabétisme. Ni saints, ni salops, les êtres rencontrés sont pétris de contradictions. Loin des manichéismes simplistes qui opposent habituellement démocrate et réactionnaire, héros et lâche, mari et amant, bourgeois et prolétaire, ce roman noir et rouge - qui pourtant ne confond pas république et dictature - plonge profondément dans les vagues de la guerre civile en cours.





Les seconds rôles ont une part importante dans le récit, ils modulent les propos de l'auteur. La belle-famille d'Ignacio Abel n'est pas que bourgeoise, rétrograde et catholique. Certes le beau-frère, sans envergure, est pitoyable dans son uniforme de la phalange mais le beau-père, riche homme de droite, ne se réduit pas à cette caricature. le couple d'Ignacio et de Judith semble être le contrepoids nécessaire au kitch imbécile de la bourgeoisie madrilène et au catholicisme étouffant de la famille. Mais la longue lettre d'Adela, l'épouse, relue par intermittence, offre, en italique, un autre point de vue qui rend justice à la femme trompée. La place manque ici pour dire également toute la complexité de l'anti héros qui, confronté à la violence des groupes révolutionnaires et à la pusillanimité du gouvernement républicain, fuie sa famille et son pays. Il y a de très beaux moments où il est question du père, de l'amant, du militant, de l'artiste ... Ignacio Abel ne tente-t-il pas de sauver son vieux maître du Bauhaus ?





La force du roman de Muñoz Molina ne tient pas dans le classicisme du récit. L'écriture, très bien traduite, est d'une grande densité, d'une grande complexité. le livre est plein de modernité et d'originalité. Plein d'une originalité qui ne se laisse pas facilement voir, le contraire d'une littérature pour littérateurs. Si le roman joue sur les retours en arrière, c'est le plus souvent en oscillant, en changeant de point de vue et parfois même en s'arrêtant net. le narrateur, dans les toutes dernières pages, utilise le futur, et ainsi « Dans la grande nuit des temps » n'est pas, par la magie de l'écriture, une histoire d'amour et d'engagement qui simplement se terminerait ...
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Séfarade

Vous voulez bien que je vous parle encore de mon admiration pour l’écriture d’Antonio Munoz Molina ?

Parmi les écrivains contemporains que je connais, c’est un des seuls (devant Paul Auster et Ian McEwan), dont l’écriture me procure un tel plaisir, une impression de perfection, un envoutement. Mais je ne vais pas vous décrire son écriture. Je vous invite à lire la récente et magnifique critique de Beatus Ille de Dandine qui en a si bien parlé.



Séfarade, c’est dix-sept textes magnifiques sur l’exil, le déracinement, la persécution, l’absence d’un père, d’un parent déporté ou disparu. L’homme juif est au centre de la plupart de ces textes. Entre fiction et Histoire, un narrateur qui est peut-être Molina nous balade d’un personnage à l’autre, inconnu ou connu de nous, entre passé et présent. On se demande régulièrement qui est « je », « tu » ou « il ». Mais on sait qu’on va s’y retrouver à un moment donné. Et si ce n’est pas le cas, ce n’est pas le plus important. Il suffit de se laisser porter par ces histoires qui lui ont été racontées et qu’il nous relate à son tour. Ce que nous dit Molina c’est qu’on vit dans les souvenirs des autres, dans les histoires qu’ils se racontent à propos de nous. Des histoires qu’il faut raconter pour ne pas oublier.



J’ai beaucoup aimé ces textes, tous touchants. Deux d’entre eux sont particulièrement bouleversants : « Attendre » et « Tu es ».

« Attendre », c’est attendre qu’on vienne te chercher quand tu es juif. Car tu sais que ça va arriver, mais quand ? Alors tu guettes le moindre bruit dans la cage d’escalier, la nuit quand tu ne dors pas et que tu penses qu’ils vont venir te sortir de ton lit. Tu guettes le moindre crissement de freins d’une voiture qui s’arrêterait pour te cueillir sur le trottoir. Tu ne vis plus, tu ne penses plus qu’à ça.

« Tu es », tu es juif. Molina nous fait toucher du doigt ce qu’était être juif dans ces années d’avant-guerre et pendant. Il fait dire à un personnage : « Ce qui m’a fait juif, c’est l’antisémitisme. ».

« Soudain, un jour, en novembre mille neuf cent trente-cinq, assis dans un café, à Vienne, il a ouvert le journal et il y a lu la promulgation des lois raciales de Nuremberg, et il a découvert qu’il n’était pas ce qu’il avait toujours cru et aimé être, ce que ses parents lui avaient appris à croire qu’il était, un Autrichien. Soudain il était ce qu’il n’avait jamais pensé être : un Juif, et de plus il n’était que cela, toute son identité se réduisait à cette condition. Il était entré dans le café en tenant pour acquis qu’il avait une patrie et une vie établie et, quand il en est sorti, il était devenu un apatride, tout au plus une victime possible, voilà tout. »



Quand je lis un roman de Molina, j’ai toujours ce regret de n’avoir choisi l’espagnol ni au collège, ni plus tard. J’aurais tellement aimé lire ses romans dans leur version originale. Heureusement, le traducteur Philippe Bataillon a encore frappé. Extraordinairement bien, comme d’habitude.

Que lire après Séfarade ? Après un roman de Molina, il faut choisir le prochain avec soin au risque qu’il paraisse fadasse et mal écrit. Peut-être un de ceux qu’il cite dans sa note de fin, ceux qui ont nourri l’écriture de Séfarade. J’en lirai quelques-uns, c’est sûr.
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Dans la grande nuit des temps

Ignacio Abel est un brillant architecte espagnol, enfin était, avant la guerre civile. le livre commence alors qu'il est presque au bout de son voyage (et de l'histoire) et débarque à New York pour un projet de bibliothèque et surtout pour essayer de retrouver son grand amour perdu, sa maîtresse américaine rencontrée à Madrid.

Antonio Munoz Molina commence son histoire par la fin et, par d'incessants et habiles allers-retours dans le temps, nous raconte ce qui s'est passé avant qu'Ignacio ne quitte son pays. Il nous raconte la rencontre juste avant la guerre civile d'Ignacio et de Judith Biely, cette jeune et belle américaine qui lui fera perdre la tête. Et il mêle la petite histoire, celle d'Ignacio, à la grande Histoire, celle de l'Espagne. Parfois c'est la petite qui prend le pas sur la grande, parfois c'est l'inverse. Souvent elles sont imbriquées.

Dans ses retours en arrière, l'auteur nous en dévoile un peu plus au fil du livre et nous raconte parfois les mêmes événements mais de différents points de vue. On pourrait avoir l'impression de tourner en rond, mais c'est toujours très bien amené et les différentes variations nous apportent des précisions supplémentaires. Il nous ramène à la jeunesse d'Ignacio, à sa réussite grâce à son travail, fils de maçon devenu architecte. A sa réussite grâce à son mariage avec une femme de la bourgeoisie catholique, lui qui est socialiste. Mais Ignacio n'est à sa place nulle part, ni dans son ancien monde, ni surtout dans son nouveau, la famille de sa femme.

L'auteur est un expert de la guerre civile espagnole qui est un des personnages du roman à part entière. Sa reconstitution est incroyable et il se contente de décrire sans prendre position. Et même si on ne connaît rien à la guerre civile, ce n'est ni lourd, ni incompréhensible.

Ce pourrait être une banale histoire d'adultère. Ce pourrait être l'histoire d'un homme lâche, égoïste qui abandonne sa femme, follement amoureuse de lui, et ses enfants dans un pays en guerre pour aller chercher la sécurité en Amérique et essayer d'y retrouver sa maîtresse. Mais c'est plus complexe que cela.

Les premières pages sont un peu ardues. On met du temps à comprendre qui est le narrateur. On met un peu de temps à s'habituer au style, des phrases très longues, énormément de descriptions très détaillées, très peu de dialogues. Une fois que c'est fait, c'est parti pour mille pages d'émerveillement. On parle parfois de livres qui se méritent, celui-ci en est un.

Je ne connaissais pas Antonio Munoz Molina et j'ai pris ce livre complètement au hasard à la bibliothèque, pour découvrir un nouvel auteur, un peu inquiète de son épaisseur. Parfois, c'est une déception. Là, ce fut plus qu'une bonne pioche. Une immense découverte. C'est un livre époustouflant, magistral, une écriture exceptionnelle, de la très grande littérature. Si on pouvait mettre 6 ou 7 étoiles, je les aurais mises. Comme j'aimerais connaître l'espagnol pour pouvoir le lire dans sa version originale. Heureusement, il est remarquablement traduit. On ne rend pas assez hommage aux traducteurs. Un très grand bravo à Philippe Bataillon qui a su rendre l'écriture magnifique de Munoz Molina.

Ce livre restera à jamais parmi mes 5 livres préférés.

Je me suis empressée de lire un autre roman de cet auteur, Beatus Ille, remarquable aussi.
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Pleine lune

Peut-on démasquer un meurtrier rien qu'en rencontrant son regard ? L'âme d'un homme est-elle visible dans ses yeux ? Le père Orduña le prétend, et son assurance a poussé l'inspecteur à travers rues, comme malgré lui, ressassant ces questions, cherchant encore, cherchant toujours...

Dans une petite ville d'Andalousie, une fillette a été retrouvée sur le talus d'un parc. Nue, violentée, étouffée, un petit cadavre d'une violence insoutenable sous la pleine lune. Alors, la pluie a commencé à tomber, l'hiver et la peur se sont installés à demeure et l'inspecteur s'est enfermé dans cette quête du coupable, qui est aussi peut-être une fuite. Le mal, il le connaît bien pourtant, il y a été confronté durant toutes ses années de service au Pays Basque, il l'a commis lui-même, en gagnant sa vie comme délateur politique au temps de Franco. Il s'y est englué longtemps, résigné à la haine de soi, au dégoût de sa propre vie, abruti d'alcool et de silences lâches jusqu'à s'arracher enfin d'un ultime sursaut au naufrage, quitter le Nord pour le Sud. Le Sud où l'attend peut-être, au delà de l'horreur, une forme inattendue de rédemption.



Muõz Molina compose ici un polar très noir où l'enquête, quasi inexistante, s'efface derrière une méditation obsédante sur le mal et la souffrance. Cela pourrait être parfaitement glaçant s'il n'y avait en contrepartie cet éclat de lumière, cette progressive montée en puissance d'une autre force, fragile mais tenace, une force vive face aux forces d'inertie et de destruction, une force dont l'un des noms est amour - cet amour dont l'inspecteur, mal marié, vieillissant déjà, découvre bien tardivement l'existence.

Sous cette dualité, à travers quelques personnages forts, ambigus (y compris celui de l'assassin, dans l'esprit duquel on se faufile avec un mélange de répulsion et de vague pitié), se déroulent bien d'autres fils intéressants sur les rapports humains. Le mariage dévoyé, la religion rancie, le poids de la culpabilité, celui aussi de la pauvreté et de la misère intellectuelle qui englue les habitants de ces petites villes andalouses de province, pourtant si pittoresques aux yeux du visiteur. Le tout dans un mélange puissant de réalisme cruel et de poésie en demi teinte qui rend la lecture assez vite fascinante.



Très certainement pas le plus réjouissant pour aborder la littérature andalouse à la veille d'un voyage dans le sud de l'Espagne, mais indubitablement un livre et un auteur à découvrir !
Lien : https://ys-melmoth.livejourn..
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Séfarade

C'est un gros pavé de presque 600 pages qui a nécessité un an et demi de rédaction à Muñoz Molina et presque la moitié de sa vie (il est né en 1956) de documentation permanente, parfois de manière inconsciente. Il a été recompensé par le Prix Jerusalem 2013 accordé à des écrivains qui luttent pour la liberté dans la société actuelle; deuxième espagnol à obtenir le prix après Jorge Semprún.

Ce livre est un tissu de 17 chapitres qui évoquent la poursuite de juifs à travers l'Histoire. Les histoires narrées peuvent être assez différentes mais les fils conducteurs sont la persécution et l'exil.

Au début, Muñoz Molina a récupéré deux récits : l'histoire d'une danoise d'origine franco-séfarade qui a voyagé en train à travers la France libérée de 1944 (ah, le pouvoir évocateur du voyage en train en littérature...) et l'histoire de Monsieur Salama, un séfarade qui a pu échapper aux camps de concentration.

La lecture n'est pas facile car les histoires sont poignantes et racontées par un narrateur assez troublé qui mêle sa vie privée de façon originale aux divers récits dans ce livre.
Lien : https://pasiondelalectura.wo..
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Le vent de la lune

Lundi 21 juillet 1969. Dans un petit village espagnol du nom de Magina, un adolescent se passionne pour le vol d'Aopllo XI vers la LUNE. Tout autour de lui le monde se transforme et avance rapidement vers des changements radicaux dans le mode de vie et des idées. Tout comme les astronautes dans l'espace, le jeune garçon vit des instants fragiles qui vont transformer sa vie. Avec son coeur d'enfant, il tente à la fois avec un peu de regret et beaucoup d'enthousiasme de se faufiler vers un monde d'adulte sans savoir ce qu'il cherche ni ce qu'il va découvrir. Le vent de la lune souffle sur sa vie...il fait la découverte de la solitude et de ses premiers moments d'intimité qui le porteront vers un avenir qu'il espère meilleur. Beaucoup d'humour, écriture poétique. À travers ce roman on ressent tout comme l'auteur "la fragilité des instants qui peuvent transformer une vie".

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Pleine lune

Avis aux amateurs de romans très noirs. Celui-ci est assurément pour vous.

Apprêtez-vous pour une plongée au plus profond de l'âme humaine, vers ce qu'elle peut contenir de plus torturé.

Le lecteur comprend très vite que s'il s'agit bien d'un roman policier, l'essentiel ne réside pas dans une classique enquête. Le personnage principal, inspecteur perdu dans une Andalousie si différente du pays basque d'où il a été muté, est sur les traces d'un tueur qui a assassiné une petite fille et compte bien poursuivre ses crimes.

Muñoz Molina s'attache à la psychologie des personnages, qu'il transcrit avec une précision troublante, mais aussi aux "paysages" environnants, aux lieux.

Tout au long du livre, on s'aperçoit combien il est difficile à chacun de communiquer avec autrui, quelques soient les liens qui unissent les êtres.

L'obsession de l'inspecteur m'a fait penser à un autre roman qui s'inscrit dans le genre policier tout en le dépassant, "La promesse" de Dürrenmatt.
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L'hiver à Lisbonne

C'est la deuxième fois que je me plonge dans un roman d'Antonio Muñoz Molina et, comme dans Pleine Lune, l'auteur créée une ambiance ouatée et se refuse à nous livrer un récit linéaire. On entre donc difficilement dans ce roman, d'autant plus que l'auteur est friand des longues phrases et d'analepses. Un narrateur sans nom et dont on ne saura rien nous parle de son ami Santiago Biralbo, un pianiste de jazz, et de son histoire d'amour avec l'énigmatique Lucrecia. Magnifique écriture très poétique, Molina sait merveilleusement décrire l'attente et l'amour.

"Mais je ne peux pas imaginer quel était le visage qu'a vu Biralbo à cet instant, ni de quelle manière ils se sont retrouvés, ni comment s'est exprimée leur tendresse mutuelle, jamais je ne les ai vus ensemble et jamais je n'ai pu les imaginer ainsi ; ce qui les unissait, ce qui les unit peut-être encore aujourd'hui était un lien qui contenait en lui-même l'essence du secret. Jamais il n'y a eu de témoins, pas même quand l'obligation de se cacher ne les persécutait plus, et si quelqu'un que je ne connais pas s'est trouvé avec eux ou les a surpris un jour ou l'autre dans les cafés ou les hôtels discrets où ils se donnaient rendez-vous à Saint-Sébastien, je suis sûr qu'il n'aura rien pu découvrir de ce qui leur appartenait véritablement : une trame de mots et de gestes, de pudeur et d'avidité, parce que jamais ils n'avaient cru se mériter l'un l'autre et qu'ils n'avaient rien désiré ni possédé qui ne se trouvât qu'en eux-mêmes [...] En se regardant, ils s'appartenaient comme on sait qui on est quand on se regarde dans un miroir."
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En l'absence de Blanca

Blanca et Mario, un couple que tout devrait séparer, leurs goûts, leurs origines, leur milieu social, leur culture, mais, malgré tout, un couple qui dure depuis plusieurs années.

Mais comment ne pas souffrir d’un sentiment d’infériorité, comment vivre à deux quand on ne partage pas les mêmes rêves ?

Un texte court, des phrases longues, très longues, une goutte de fantastique.

Une histoire d’amour aveugle qui m’aura laissée de marbre.

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Fenêtres de Manhattan

Les lignes des regards se croisent dans le vide de manière complexe, sans jamais se rencontrer



Un écrivain à Manhattan. Une ville réelle et imaginée, telle celle de Woody Allen. Là, un noir et blanc mythique d’un certain cinéma, ici, des bruits, des musiques ou comme ces tâches de couleur marquant « l’échine noire et humide de l’asphalte »



Il n’y a pas de lecture objective d’une ville. Lecture d’insomniaque, lecture d’amoureux, lecture d’après le 11 septembre…



Un espagnol « accablé par l’écart désolant entre ce qu’il croit savoir d’une langue et ce que sa bouche maladroite parvient à articuler ». Un écrivain stupéfait de « l’impression d’espace », des personnes « comme s’ils ne se regardaient pas »…



Promenades et réflexions, les immigrant-e-s d’hier et d’aujourd’hui, « vaste délégation de l’humanité qui toujours veut entrer à New-York », retours de mémoire, la splendeur et la crasse, la vitesse et « il n’existe pas de littérature qui puisse raconter pleinement la richesse d’une seule minute »…



Le cinéma, Hitchcock et Fenêtre sur cour, la peinture, Edward Hopper, la musique, le jazz, Central Park et dans une calèche Orson Welles et Rita Hayworth aux cheveux courts, Harlem, Cinquième Avenue, l’agitation, Greenwich Village, le « double prisme des Tours Jumelles », les poètes, la « solitude la plus extrême au milieu de la foule », le New-York Times…



Des policiers et des pompiers parcourant « les rues à toute vitesse en déployant la puissance de leurs sirènes, de leurs klaxons et de leurs gyrophares », prendre la mesure de la journée intacte, l’exil et la capitale « de tant de déracinements, de tant de rêves d’un monde ou de vie meilleure, accomplis ou écroulés », la stratification et la ségrégation sociale, « l’exhibition de l’argent et du luxe maniaque de l’accumulation »…



Hier et aujourd’hui, « Aucun simulacre de permanence n’amortit bien longtemps la trépidante perception de l’écoulement incessant des choses », des lieux, un saxophone, un tableau, un film…



La ville, les mythes, l’imagination et les projections mentales. Manhattan peut-être, des fenêtres certainement. Et qui se penche aperçoit une partie de lui-même…



« Comment distinguer la vérité de la fable dans une ville où l’une paraissait aussi invraisemblable que l’autre »
Lien : https://entreleslignesentrel..
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L'hiver à Lisbonne

Roman d'amour, roman de l'absence, roman de la musique perdue. Un peu filandreux, mais pas mal. A savourer lentement.
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Le royaume des voix

Un roman que j'ai bien cru abandonner!

Le début du récit et des souvenirs des deux personnages principaux, Manuel et Nadia, est particulièrement dense : riche en personnages, en lieux et en anecdotes diverses, il nous plonge sans préparation dans une famille sur une période d'un siècle environ (la famille de Manuel tout d'abord en Espagne, en commençant par ses grand-parents, oncles, ... mais aussi la ville de Magina, un personnage du roman à part entière).

Toute la première partie (soit 236 pages dans mon édition) a été, je dois l'avouer, une souffrance!

Et étrangement, après, quand j'ai enfin été acceptée par la ville de Magina et intégrée parmi les habitants, ce fut très plaisant!

Je termine donc ma lecture sur une opinion très positive de ce voyage dans le temps, dans les pensées et les amours des personnages, le tout présenté dans une langue très poétique, baignée de nostalgie, pour un temps révolu, pour des valeurs à l'ancienne et surtout pour une ville.
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Tes pas dans l'escalier

Quel roman magnifique! On finit par ne plus considérer l'histoire comme essentielle et son dénouement comme l'objectif principal, tant chaque (court) chapitre constitue à lui seul une petite perle, une pépite, comme si vous écoutiez un ensemble de sonates de Scarlatti ! La beauté et la profondeur du texte, tout en simplicité pourtant, jamais pédant, toujours le mot juste, l'expérience intime qui touche à l'universel. Quelle tristesse de refermer ce livre. J'en redemande ....
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Pleine lune

Quel choc ! Lu une première fois il y a xx années, je n'avais gardé qu'un souvenir agréable mais flou de Pleine Lune. Après cette seconde lecture, réalisée avec toute la lenteur et le respect dus à sa force de frappe et au talent de l'auteur, je suis désormais certaine de ne jamais l'oublier. Pleine lune entre dans mon panthéon personnel des romans qui auront marqué ma vie de lectrice au fer rouge, ils sont rares. D'ores et déjà, j'ai envie de le lire à nouveau, de m'imprégner de chaque phrase, de laisser les mots et les pensées de l'auteur infuser en moi, réveiller des émotions et susciter des questions.





Il y a certes le fait divers d'une indicible horreur, mais pour Antonio Munoz Molina, il n'est qu'un prétexte à mettre en scène d'inoubliables personnages, tous rongés par le doute et la culpabilité, assoiffés de justice aussi : l'inspecteur sans-nom muté d'une région où les balles ne sont pas perdues pour tout le monde, où les voitures éventrent des rues, où la mort rôde en permanence sans dire quelle forme elle prendra. Lui a résisté, mais pas sa femme, usée par les menaces téléphoniques, par la peur, par l'attente de son homme, elle se repose. Non, elle est internée. le père Orduna, déclassé par sa hiérarchie parce qu'il a choisi de retrousser les manches de sa soutane pour bosser en vrai et que pour lui, le marxisme-léninisme n'est pas un gros mot, parce que sur la table de son presbytère austère, des bulletins paroissiaux côtoient des tracts syndicaux, quel magnifique et flamboyant personnage ! Susanna, l'institutrice de la petite Fatima, première victime du tueur de la pleine lune, indépendante, bafouée par son mari... Et puis, il y a aussi le tueur... Lunatique...





Croissante, décroissante ou pleine, la lune contamine tous les personnages - hagards, somnambules, hantés, ou traumatisés – qui subissent son influence et sont emportés par le déluge torrentiel du style de l'auteur, dont les phrases d'un paragraphe ou de plusieurs pages asphyxient le lecteur, le piègent, lui coupent le souffle, le touchent aux tripes, au coeur et au cerveau dans cette virée hallucinée en Andalousie. Rien de plus à dire ! Un choc lunaire !
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Pleine lune

C'était mon premier contact avec l'immense auteur qu'est Antonio Munoz Molina avec Pleine lune. Comment ai-je pu passer si longtemps à côté ?

Tout est bon, captivant : les personnages, leur histoire, leurs contradictions et ce lumineux personnage de femme ! Le style étonnant et prenant de longues phrases limpides pour traduire l'intérieur des personnages et des passages plus convenus pour l'avancée de l'enquête.

Car il y a meurtre et inspecteur, mais pas de véritable enquête, juste l'obsession d'un homme à découvrir le meurtrier.

Passionnant et l'auteur n'écrit pas que des romans noirs, sansdoute une des raisons de la profondeur du roman. J'ai immédiatement commandé "un promeneur solitaire dans la foule"
Lien : https://www.lesmotsjustes.org
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Un promeneur solitaire dans la foule

Peut-être faut-il aimer les villes et les déambulations éthérées dans ces mêmes villes pour apprécier cet ouvrage. J'ai abandonné après avoir tenté de persévérer les cent premières pages. Sans en nier la qualité de l'écriture, l'exercice de style est un peu long et soporifique.

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Dans la grande nuit des temps

New York, gare de Pennsylvania, 1936.

Un homme s’assied dans un train. Dans la poche intérieure de sa veste: une photo montrant ses deux enfants, Lita et Miguel, souriants, un dimanche d’il y a quelques mois, et une autre photo montrant une jeune femme très souriante, plus jeune que lui, et sans doute américaine. Cet homme c'est Ignacio Abel, un architecte espagnol renommé, d'une quarantaine d'années, qui vient de fuir Madrid et les débuts de la guerre civile qui y fait rage.



A-t-il rêvé ou a-t-il entendu son prénom prononcé dans la salle des pas perdus de cette gare immense ou espère-t-il encore – mais peut-on encore espérer dans son cas – que la femme aimée, tellement cherchée, va surgir comme par enchantement et susurrer son prénom à son oreille comme elle le faisait il y a quelques semaines à des milliers de kilomètres de New York ?



Ignacio s'assied. Avec le ronronnement du train qui s'ébranle, s'ébranle aussi la machine à générer des souvenirs : ceux-ci affluent par vagues et le récit s'ouvre en un immense flash-back qui le ramène vers les douze derniers mois passés en Espagne à Madrid – décisifs dans sa vie d'adulte.



De sa lointaine enfance de fils d'un maçon travailleur et d'une concierge, on saura peu, si ce n'est qu'il est devenu architecte à la force du poignet, en étudiant le soir avec une très grande ténacité. On comprendra aussi rapidement que son mariage avec Adela, une jeune fille de bonne famille, un peu fanée, dévote et très attachée à ses parents, qui lui donnera deux enfants, sera le signe de l'ascension et de la consécration sociale pour ce fils de maçon.

D'Adéla, il conserve dans sa poche intérieure une lettre qui lui est miraculeusement parvenue : une lettre qu'on lira par fragments égrenés au fil d'un récit qui va nous tenir en haleine tout au long de ces mille pages, une lettre de reproche pleine d'aigreur pour celui avec qui elle a cru bâtir une famille – et qui l'a laissée abandonnée sans le moindre scrupule au moment le plus critique de l'histoire espagnole.



Mais on comprendra aussi que la jeune femme dont il conserve la photo tout près de lui au plus près de son coeur est synonyme d'une rencontre qui a bouleversé sa vie : intrépide, parcourant l'Europe grâce aux économies de sa mère immigrée à New York, Judith Biely est tombée amoureuse de l'Espagne et sa rencontre avec cet homme marié, qu'elle a découvert par hasard à la Résidence universitaire de Madrid, le soir du 07 Octobre 1935 lors d'une conférence, sera pour tous les deux la source de multiples plaisirs et de souffrances qui vont les transporter au delà d'eux-mêmes.



Tout est dit de l'histoire, et en même temps rien n'est dit, tant l'ampleur du récit court d'un bout à l'autre de ce grand roman.

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