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Critiques de Antonio Muñoz Molina (234)
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En l'absence de Blanca

C'est un roman très court, et pourtant, tout est dit. 

Mario est un provincial. Non, il n'est pas monté à Madrid, il est monté de sa campagne à Jaen où il est dessinateur industriel - un fonctionnaire. Or, pour Blanca, sa femme, qu'il aime passionnément, rien n'est pire que l'esprit fonctionnaire, même si elle lui assure qu'il n'en est pas doté. Blanca, c'est tout le contraire de Mario : elle vient d'une famille aisée, elle a toujours vécu dans l'aisance, elle abandonne un travail du jour au lendemain parce qu'il ne lui convient plus, elle est profondément artiste dans l'âme, et souffre de tous les opéras qu'elle ne pourra pas entendre, de toutes les expositions qu'elle ne pourra pas voir. Avant de connaître Mario, elle partageait la vie d'un peintre en pleine ascension, peintre qu'elle a soutenu, et qui l'a laissée dans une profonde dépression. Alcool et drogue ne l'ont pas aidée non plus. Nous sommes dans l'Espagne des années 80, celle qui s'apprête à entrer dans l'Otan puis dans l'union européenne (alors, la CEE), celle qui rentre dans l'Otan, qui est en pleine modernité et ne connaît pas encore la crise. Mario, lui, pense comme ses parents, le monde est une "vallée de larmes", et ne comprend pas, finalement, l'appétit de vivre de sa femme, sa passion pour toute chose - même s'il l'aime, même s'il pense qu'elle le quittera un jour, ce qui finit par arriver. Mario se rejoue le film de leur vie, de leur rencontre à cet instant présent, il pense ne pas avoir assez profité de chaque instant, lui qui ne vivait pourtant que pour ses instants, partageant peu avec ses collègues, puisque l'essentiel pour lui, était d'être avec elle. Mario qui avait toujours peur - pour elle. 

Si je retiens une chose de ce livre, c'est qu'il est avant tout une grande histoire d'amour - et que tout espoir n'est pas forcément perdu. 
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Beltenebros

L'écriture est intéressante et l'analyse psychologique assez poussée mais l'argument, tout comme l'intrigue, se révèlent trop faibles selon moi pour un rendu agréable à lire. (simple opinion)
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Dans la grande nuit des temps

New york gare de Pennsylvanie, Octobre 1936 Ignatio Abel , architecte espagnol réputé , arrive aux States.

"Je l'ai vu de plus en plus clairement, surgi de nulle part, arrivant du néant, né d'un éclair de mon imagination , sa valise à la main, fatigué de monter à toute vitesse le grand escalier de l'entrée " ..."je l'ai remarqué au milieu des autres, avec lesquels il se confond presque, un costume sombre et une gabardine lui aussi, un chapeau, un habillement presque trop convenable pour cette ville et cette époque de l'année, des vêtements européens, comme la valise qu'il tient à la main, solide et chère , en cuir, mais désormais usée d'avoir tellement voyagé, avec des étiquettes d'hôtels et de compagnies de navigation, des traces de marques à la craie et des timbres de douane, une valise qui à présent pèse trop lourd pour sa main endolorie à force d'en serrer la poignée mais qui pourrait sembler insuffisante pour un si long voyage ."(page 14)

Assis dans le train qui le conduit à Rhineberg où l'attende un poste d'enseignant et une bibliothèque à construire , ses pensées vont et viennent , présent passé, Madrid , Adèle son épouse, ses 2 enfants, sa vie "bourgeoise", et Judith Biely , cette étudiante américaine qui lui a chaviré le coeur et les sens , leur amour passionné, leur séparation, sa quête à travers le chaos madrilène , quête qui l'a conduit dans ce train....

Munoz Molina nous offre ici un somptueux roman .A travers la vie d'Ignatio Abel c'est toute l'histoire mouvementée de cette période sombre de l'Espagne qui nous est contée .Avec le recul lié au temps , cet écrivain de génie né dans les années 1950 porte sur ces évènements un regard lucide mais plein d'amour et de tendresse pour ces hommes et ces femmes perdus dans leur idéaux et qui ont tout sacrifié à une cause

Polyphonie des voix, celle d'Ignatio Abel bien sûr mais aussi celle du narrateur plus distanciée .Roman superbe dans lequel une fois apprivoisée la longueur des phrases, j'ai plongé avec délices malgré l'effroi retardant le plus possible le moment de tourner la 999ème page.

MAGIQUE





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Tes pas dans l'escalier

Un couple quitte New York après les attentats du onze septembre et décide de s’installer à Lisbonne… pour attendre tranquillement la fin du monde.

Un couple ? D’abord lui, qui profite de sa retraite anticipée pour meubler et décorer le nouvel appartement. Elle viendra ensuite, lorsque tout sera prêt. En attendant, brillante chercheuse en neurologie, elle parcourt le monde de congrès en symposiums médicaux. Il attend son arrivée en compagnie de leur chienne…

Il attend, nous attendons… Il sort le chien, aménage leur nouveau cadre de vie à l’image de celui qu’ils viennent de quitter. Le lecteur plonge dans ses pensées, ses souvenirs. Ses idées passent de New York à Lisbonne, on s’y promène avec le chien et on s’y perd un peu, lui aussi semble hésiter. Il s’égare et peu à peu le temps et l’espace lui deviennent flous. Elle va le rejoindre, aujourd’hui. Plutôt demain… Il la guette à la fenêtre et bientôt il entendra ses pas dans l’escalier…

Quand arrivera-t-elle ? Je ne divulgache pas plus.

Disons simplement qu’il est question de retraite, temporelle et géographique, du temps qui passe et des souvenirs qui s’effilochent jusqu’à ce que les symptômes de la terrible maladie que chacun redoute commencent à apparaître.

Ennuyeux ? Un peu. Déroutant ? Complètement. Bien écrit ? Absolument. Faubert rêvait d’écrire un roman sur rien, Molina l’a peut-être réussi ? A vous de juger…

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Séfarade

Sefarad veut dire Espagne en hébreu. "séfarade" qualifie la population juive originaire d'Espagne, avant l'Expulsion de 1492, orientale, turque, bulgare, italienne.... ayant gardé souvent la langue espagnole, et parfois la clé de la maison espagnole abandonnée il y a des siècles. L'étude de ces juifs séfarades n'est pas, l'objet principal de ce livre, même si l'auteur s'y réfère d'abondance.



Sefarad est aussi le titre de la dernière nouvelle, ou la dernière histoire de ce gros livre (512p) qui compile 17 récits, qui pourraient se lire indépendamment les uns des autres comme des nouvelles, mais où des personnages récurrents font le lien, un peu comme dans un roman choral. L'éditeur (ou l'auteur) ne nous guide pas en sous-titrant, "nouvelles", " roman", "récit", "témoignages" ou "essai" qui conviendraient tous à cet ouvrage. J'ai été déroutée pendant la première centaine de pages, cherchant à identifier un narrateur, ou des parentés entre les personnages qui disent "je" en différents lieux, différentes époques. Puis j'ai décidé de me laisser porter par chaque histoire.



Incipit



"Nous avons fait notre vie loin de notre petite ville, mais nous ne nous habituons pas à en être absents, et nous aimons cultiver la nostalgie...."



Sefarad est un livre de nostalgies, d'absences, d'exils, c'est un livre de voyages:



"parfois, au cours d'un voyage, on écoute ou l'on raconte des histoires de voyages. Il semble du fait qu'on est parti, le souvenir de voyages antérieurs devient plus vif, il semble aussi que l'on apprécie mieux, que l'on prend plus de plaisir aux histoires qu'on vous raconte, parenthèse de mots précieux à l'intérieur de l'autre parenthèse temporelle du voyage."



Dans chaque récit, il y a un train, un départ et souvent un exil.



De nombreux personnages sont connus, Kafka ou Primo Levi, Baruch Spinoza pour les plus célèbres, Walter Benjamin ou Margarete Buber-Neuman qui a rencontré Milena Jesenska, l'ancienne fiancée de Kafka, dans les camps nazis après avoir été déportée au Goulag. Je n'avais jamais entendu parler de Münzenberg et Jean Amery . M. Salama, commerçant de Budapest, exilé à Tanger, sauvé des nazis par l'identité espagnole accordée à certains Juifs Séfarades qui en ont fait la demande, mais qui n'a pu être étendue aux communautés de Rhodes ou de Salonique, exterminées, est-il un personnage de fiction?



Page 182, il me semble que l'auteur décrit sa méthode de travail :



"j'ai pressenti au long de deux ou trois années, la tentation, la possibilité d'un roman, j'ai imaginé des situations et des lieux comme des photographies séparées, ou comme ces photogrammes tirés des films qu'on exposait autrefois, assemblés sur de grandes affiches à la porte des cinémas[....]Chacun d'eux acquérait une précieuse qualité de mystère, se juxtaposant aux autres, sans ordre. Ils s'éclairaient l'un l'autre par des connexions multiples et instantanées que je pouvais défaire ou modifier à ma guise et dans lesquelles aucune image n'annulait les autres ou ne parvenait à s'imposer sur elles, ne perdait au profit de l'ensemble sa singularité irréductible"



p.185, il poursuit :



"Mais j'ai la paresse d'inventer, je n'ai pas envie de m'abaisser à une falsification de littérature inévitablement rapiécée. Les faits réels dessinent des trames inattendues auxquelles la fictions ne peut pas se risquer...."



Ce livre est comme un puzzle racontant l'Histoire du XXème siècle traversée par le fascisme et le stalinisme qui se sont combattus justement pendant la Guerre Civile. Ce point de vue espagnol donne une cohérence unique. La rencontre des communistes espagnols qui trouvèrent - croyaient-ils - refuge à Moscou, avec d'autres dirigeants comme Münzenberg ou Neumann dénonce les crimes du stalinisme et la perversité du Pacte Germano-soviétique. L'histoire du jeune espagnol combattant sous l'uniforme nazi de la légion Azul qui rencontre à Narva (Estonie) une colonne de déportés juifs est poignante. Autre versant de la Guerre d'Espagne.



Vie quotidienne dans une petite ville - jamais nommée - de modestes artisans, sous le franquisme (implicite, pas expliqué), petites gens dans des quartiers misérables de Madrid.



Par touches impressionnistes, l'histoire, grande et petite est imprégnée de ces nostalgies et des exils, jusqu'à New York, au musée Hispanique où attend la petite fille peinte par Velazquez qui clôt l'ouvrage.



Il faut se laisser emporter dans ce long voyage littéraire.




Lien : http://miriampanigel.blog.le..
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Carlota Fainberg

"C'est à cause d'une femme et d'un hôtel que je ne peux pas retourner à Buenos Aires" confie Marcelo, un "homme d'affaires madrilène" à Claudio.

Ce dernier, universitaire d'origine espagnole mais exerçant en Pennsylvanie, se rend dans cette même capitale argentine pour faire un exposé (lors d'un colloque) sur un poème de Jorge Luis Borges.

Les deux hommes sont de parfaits inconnus. Seuls les relient leur pays natal et le temps à tuer dans l'aéroport de Pittsburgh où les bloque une tempête de neige. Claudio raconte, ici, l'incroyable aventure, passionnée et passionnelle, de son compagnon de transit avec Carlota Fainberg (d'où le titre) femme blonde "à tomber raide" occupant la suite nuptiale d'un hôtel argentin au bord de la ruine alors qu'en 1989, suite à l'hyperinflation, le pays était "foutu" et que Marcelo "cadre international" venait espionner pour le compte de la chaine "Worldwide resorts".

Bien que l'intrigue soit longue à se mettre en place (page 62 sur 182 pages) et que Antonio Munoz ponctue chaque phrase de mots d'anglais professionnels et fatigants (sans doute pour mieux baigner le lecteur dans le monde caricaturé des affaires), ce roman, fort bien écrit, dévoile plusieurs pistes intéressantes:

-L'époque où se déroule l'action et son contexte (marasme) économique (1989 puis 1993).

-La sensualité des Argentines dont le physique est comparé à celui des Espagnoles (courtes sur pattes!!! mais prêtes aussi, dans certaines circonstances...).

-Le caractère machiste des Espagnols: avec donjuanisme, fantasmant sur des femmes fatales mais intimidés et craintifs de ne pas être à la hauteur.

-La peur des hommes en général vis à vis de femmes "trop femmes".

-L'image et le paraître: car Claudio, intellectuel, juge au départ vulgaire cet individu qui étale ses frasques puis s'intéresse à l'homme d'affaires autoritaire qu'il entrevoit entre deux phrases.

-La lâcheté des hommes infidèles en général car l'aventure tourne au vaudeville.

-L'image caricaturale de "conquistador" et de "gallito" (petit coq) de l'Espagnol perçue en Argentine car Claudio, lui aussi va croiser une femme fatale. Son impardonnable faute à citer du Borges, poète argentin alors qu'il n'est pas d'origine latino-américaine.

-Le côté fantastique de ce récit car cette Carlota Fainberg, que rencontrera Claudio dans ce même hôtel, est-elle fantôme, femme ou fantasme? A lire!

A signaler que l'auteur, Antonio Munoz Molina (comparé à Henry James, Thomas Mann ou Juan Carlos Onetti), a publié de nombreux romans primés: Un hiver à Lisbonne (prix de la Critique et prix National de littérature 1987), Le Royaume des voix (prix Planeta 1991 et prix national de la littérature 1992), Pleine Lune (prix Fémina étranger 1998).
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Dans la grande nuit des temps

Sur fond de guerre d'Espagne en 1936, Ignacio Abel, grand architecte espagnol, républicain, rencontre Judith Biely, une américaine dont il tombe éperdument amoureux. Ce fils de maçon, qui s'est élevé à force de travail, est marié à Adela, une fille de la grande bourgeoisie madrilène qui lui a donné deux enfants. Tout au long de des pages où l'amour cotoie la guerre, Ignacio Abel est déchiré par sa passion amoureuse pour Judith et la violence des évènements politiques.

C'est un récit véritablement magnifique, et la traduction semble être à la hauteur de la qualité de l'écrivain. Les phrases sont ciselées, les descriptions sont admirables et le style est parfois grandiose.

C'est un chez d'oeuvre que je range sans hésitation dans mes cinq meilleures lectures.
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En l'absence de Blanca

Roman écrit à la troisième personne et avec peu de dialogues.

Il pourrait sombrer dans la monotonie, dans l'ennui, mais la façon dont Antonio Munoz Molina raconte cette histoire de couple en fin de relation fait qu'on a envie de savoir comment ce couple en est arrivé là, et si la flamme sera ravivée ou non.



Mario est un fonctionnaire. Blanca, sa femme, est dans le domaine artistique.

Mario est passionné par sa femme, au point de sans cesse redouter son départ pour une vie moins routinière, plus surprenante.

Tout les oppose : il est casanier, réservé, ordonné, issu d'une famille modeste, prévoyant, démonstratif de son amour.

Elle a la bougeotte, est extravertie, bordélique, issue de la bourgeoisie, secrète.



Un jour, il ne la reconnaît plus. Il a l'impression qu'une autre femme que la sienne a pris sa place.

Elle lui échappe petit à petit, et il a beau faire toutes les concessions possibles pour la garder avec lui, il est démuni face à cette femme qui s'éloigne en silence.



Ce roman est à la fois simple et complexe. Simple dans son histoire, complexe dans ses allusions et dans cette relation.

Il nous retrace l'histoire de la rencontre entre Mario et Blanca, une rencontre atypique. Lui qui l'a sauvée de la déchéance est désormais celui qui sombre lentement.

Quand le doute et la suspicion s'installent, comment garder espoir ?

Un couple peut-il survivre à la routine ?

Peut-il durer lorsqu'autant de différences existent entre lui et elle ?



Ce sont autant de questions que l'on peut se poser à la lecture de ce livre, qui m'a, contre toute attente, plu.

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En l'absence de Blanca

Un petit livre simple que j'ai lu en VO mais qui m'a laissé dubitative.

Mario, petit fonctionnaire de province avec une vie bien rangée sans grand relief, monotone, confie au lecteur ses inquiétudes concernant un changement de comportement notable de son épouse nommée Blanca pour qui il éprouve une véritable fascination alors que cette dernière est diamétralement son opposé.

Il nous propose une pointilleuse analyse de ces changements passant par la description de leur vie respective avant leur rencontre et le quotidien de leur vie conjugale.

L'écriture est dérourante car le personnage de Mario nous livre une véritable ode à sa femme à base d'éléments négatifs qui auraient rebuté bien des personnes .

Un livre finalement surprenant, circulaire qui traite sur la complexité des relations amoureuses pas toujours basées sur des sentiments profonds mais sur une dépendance affective, matérielle, une relation au final sans espoir, sans avenir se dessine.

Une fin qui laisse une porte ouverte à toutes interprétations laissant un sentiment flou chez le lecteur.
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Séfarade

« Séfarade : ce mot s'applique aux Juifs bannis de l'Espagne médiévale par le décret du 31 mars 1492, promulgué par les Rois Catholiques » : c’est la définition du dictionnaire. Mais dans le livre d’Antonio Muñoz Molina, il prend un sens beaucoup plus large, de toutes les formes d’exil forcé et d’oppression totalitaire. Je me demandais bien comment j’allais pouvoir parler de ces 17 « nouvelles » quand la dernière page affichée sur ma liseuse (donc sans doute la quatrième de couverture des éditions du Seuil) m’est apparue comme une assez parfaite présentation et je me permets de la partager ici :



« Séfarade, c’est la patrie de tous les accusés, exilés, bannis, chassés de leur quotidien, de leur maison, de leur terre et qui, où qu’ils se trouvent, sont à jamais des étrangers. Séfarade, c’est la patrie de la mémoire, celle des disparus, morts ou vivants, personnages réels ou imaginaires réunis par la fraternité et la solidarité d’un écrivain. Séfarade, ce sont dix-sept chapitres racontant chacun une histoire différente, toutes traversées par des motifs, phrases, personnages qui assemblent un discours dont le thème central est la persécution.

À travers la voix émouvante et forte d’Antonio Muñoz Molina résonnent celles de Primo Levi, Franz Kafka et Milena Jesenska, Willi Münzenberg, Evguénia Guinzbourg, Margarete Buber-Neumann, mais aussi l’attente d’une femme qui ne revit jamais son père, les nostalgies de Mateo le cordonnier, la folie amoureuse d’une nonne ou encore le souvenir d’une rescapée des geôles argentines. Autant d’êtres détruits au plus intime d’eux-mêmes par l’Histoire. »



Séfarade, que l’auteur a lui-même qualifié de "sorte d'encyclopédie de l'exil" est donc un mélange de fictions, de souvenirs, de confidences, de rencontres et d’anecdotes de voyages. On y croise des personnages célèbres et d’illustres inconnus, on voyage en Espagne, en Russie, en Europe de l’Est, à New-York, destinations choisies ou exils forcés qui mèneront , pour certains, aux wagons plombés des camps de concentration.



Le livre ouvre et se ferme sur des souvenirs plus autobiographiques : le retour du jeune Antonio dans sa ville natale, Ubeda, puis le voyage à New-York avec sa femme et la découverte insolite d’un fabuleux

musée , la Hispanic Society of America, créée par un multimillionnaire fou amoureux de l’Espagne et où l’on peut admirer entre autres des tableaux de grands maîtres (Velásquez, Goya , le Greco) et une bibliothèque d’une grande richesse.



Je ne connaissais que de nom Antonio Muñoz Molina, et j’ai été impressionnée par la richesse de son écriture, ses longues phrases qui pourraient sembler rébarbatives et qui m’ont paru au contraire d’une rare élégance.



Un livre déroutant et envoûtant qu’il faut déguster lentement ( plus de 500 pages quand même !)

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Beltenebros

J'ai connu des thrillers plus faciles à lire... Non pas que l'intrigue soit complexe. Non, finalement, elle est plutôt simple. J'y reviendrai. Mais le style d'Antonio Munoz Molina est riche, très riche, et c'est parfois déstabilisant. Je dirai qu'il y a des moments propices pour un tel style. De longues phrases, à la ponctuation sans faille, où les adjectifs et les verbes ricochent et se complètent. On sent le désir de l'auteur de sélectionner le mot qu'il faut. Rien n'est laissé au hasard (et dans l'intrigue non plus). Cela dit, ce style cadre parfaitement (et c'est forcément intentionnel) avec l'ambiance qui se dégage du roman. Ce style participe à la mise en place de l'atmosphère oppressante qui s'abat comme une chappe de plomb sur le lecteur.



Si vous aimez les styles précis, pointus, réglés au cordeau.... ce roman est pour vous. Si vous aimez lire des romans offerts à l'achat de 2 boîtes de kleenex... passez votre chemin.



Atmosphère, atmosphère, donc. Le roman est principalement nocturne. Si je me repenche sur les événements du roman, je ne vois que du noir... et pour cause ! L'explication arrive à point nommé, mais chut...



Darman est un commerçant en manuscrit et documents anciens. Il vit en Angleterre, mais il est Espagnol. Il était, il est toujours, capitaine dans l'armé républicaine. Antifranquiste convaincu, il est auréolé d'une aura de héros. Tueur à gages pour le réseau, lors d'escales multiples entre Londres, Florence, Milan... il est mandaté pour tuer un homme qu'il n'a jamais vu. Il doit se rendre à Madrid pour rencontrer Andrade et le tuer en lui faisant croire qu'il a des faux papiers pour lui. Le réseau est convaincu qu'Andrade est le traître, il vient de s'échapper trop facilement lors d'un transfert de prisonniers.



Madrid évoque pour Darman un lointain passé, où il a tué Walter, un compagnon d'armes qui avait changé de camp, où il avait rencontré Rebeca Osorio qui écrivait des romans de gare dans lesquels elle distillait -à la demande de Walter- des indications pour le réseau. Rebeca était la maîtresse de Walter et de Valdivia, un autre compagnon abattu.



Une fois à Madrid, les fantômes du passé vont s'immiscer dans la mémoire de Darman. Il va retrouver des lieux, des sensations, des ambiances qui le ramèneront 20 ans en arrière. La mémoire est un thème récurrent chez Munoz Molina. Darman va alors évoluer entre culpabilité et désir charnel. D'autant plus facilement qu'il croisera une Rebeca Osorio âgée de 20 ans, qui ressemble à celle qu'il a connue du temps de Walter.



Le récit est raconté par Darman. Dès lors, habilement Munoz Molina va instiller chez le lecteur l'idée que Darman sombre dans une certaine folie, et que ce que le lecteur lit n'est pas la réalité, mais le fruit d'un filtre que Darman surimpose au récit.



On pense à Chandler, évidemment. Ces faux-semblants, ces pièges, ces confrontations entre ennemis qui se croisent et se jaugent... On pense aussi à Kafka ou Lem, à Brazil, et même à toute la veine de fantastique espagnol, de Borges à Bunuel. Mais au final, on a bien un polar noir entre les mains.



En ce qui me concerne, il y a toujours un moment charnière où la lecture devient plus fluide, rapide, tendue, nerveuse, quand j'ai passé le cap du style de l'auteur... Le roman s'emballe pour moi vers la page 170 (sur 233...) quand on distingue le dénouement final (plus ou moins) et qu'on sait que l'on a un polar entre les doigts.



A maintes reprises, j'ai relu des phrases, pour en ressentir les effets. Pour plonger, m'immerger dans la froide et gluante épaisseur des mots, pour en ressentir les vapeurs méphitiques et malsaines. Par exemple...



"L'excitation et la honte se consommaient devant moi, au rythme fébrile du bongo qui paraissait frapper la jeune fille comme un boxeur épuisé, la disloquer, la jeter à genoux par terre, lui imposer méthodiquement les mouvements syncopés d'une danse où elle se dénudait comme si elle s'arrachait des lambeaux d'elle-même, des gants interminables, l'un après l'autre, les bretelles de la robe, le satin noir qui descendit jusqu'à sa taille avant de tomber à ses pieds comme une matière liquide et luisante, comme une flaque de mercure d'où elle émergea, nue, le visage baissé et dissimulé sous ses cheveux, les mains croisées sur son ventre, haletante de rancoeur plus que de fatigue, s'évanouissant l'instant d'après dans les ténèbres et le silence comme un éclair fulgurant. (p.99)
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Dans la grande nuit des temps

CHEF D'OEUVRE ABSOLU, D'UNE TOTALE MAÎTRISE, SUBLIMEMENT ÉCRIT

Ce livre magistral démarre en octobre 1936 quand Ignacio, architecte renommé socialement installé, fuit l'Espagne et la république qui se meurt sous les assauts des forces de la future dictature. Une désillusion qui est aussi celle d'un homme amoureux (dans le genre amour impossible). Ce livre nous propose "la petite histoire dans l'Histoire" de manière magistrale. C'est passionnant, addictif, incomparable. Et comme toujours chez Molina, outre un héros fragile et attachant, à la fois faible et courageux et des personnages secondaires pas secondaires justement, un contexte -les prémisses de la guerre d'Espagne immersif et remarquablement documenté-, il y a la plume de l'auteur. Des phrases longues et belles qui s'enroulent autour du lecteur pour le captiver et l'ensorceler. La poésie est toute proche. Respect au traducteur pour avoir su restituer cela. Que du bonheur !
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Le sceau du secret

Je suis plutôt agréablement surprise par cette première lecture d'Antonio Muñoz Molina d'autant plus que j'avais lu pas mal de critiques mitigées sur les livres de cet auteur espagnol.

"Le Sceau du secret" est un court roman qui porte bien son titre et dont le pitch présenté en quatrième de couverture résume bien le livre.



Un homme se souvient de sa jeunesse miséreuse, pleine d'espoir d'une vie meilleure. En 1974, il part étudier le journalisme à Madrid où il se trouve impliqué dans une conspiration visant à renverser la dictature du général Franco qui va échouer parce qu'il n'a pas su tenir sa langue.

Il faut dire que "Le Sceau du secret" est une locution adverbiale qui signifie À condition de ne le dire, de ne le révéler à personne.

On doute quand même de sa responsabilité dans cet échec alors qu'il avait la confiance d'un avocat pour lequel il faisait des travaux de dactylographie qui s'est révélé être le secrétaire général de la Fédération anarchiste ibérique. La FAI va pactiser avec la bourgeoisie et des membres de l'armée ou de la hiérarchie catholique au grand dam de son ami Ramonazo maoïste à qui il raconte le projet de complot.

Ils ne seront pas arrêtés mais les jeunes gens se rangeront vite de la politique pour vivre une vie tranquille en bon pères de famille.



On retrouve dans ce roman les grandes espérances de la jeunesse à l'esprit révolutionnaire et de la lutte antifranquiste, le narrateur étant admiratif de la Révolution des oeillets au Portugal alors qu'il se souvient encore du crissement des bottes des policiers à Madrid. Sa sensibilité du jeune provincial le rend touchant et c'est un plus.





Challenge Riquiqui 2023

Challenge Solidaire 2023

Challenge XXème siècle 2023

Challenge Gourmand 2023-2024

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Comme l'ombre qui s'en va

Voici ma première incursion dans l'univers d'Antonio Munoz Molina et je peux vous dire que cela a été un régal !



Je ne lis pas assez de littérature hispanique mais j'essaye de rattraper cette lacune, ce livre a deux temps est vraiment une très belle surprise, une très belle découverte, une lecture fascinante ! Nous sommes en 1968 et l'assassin de Martin Luther King prend la fuite. Nous sommes en 2013 et l'auteur Molina chemine sur les pas du meurtrier. Deux hommes qui vont se livrer, un roman autobiographique et biographique à la fois. Une mise en parallèle de deux existences qui n'avaient pourtant rien en commun...



Qui est cet homme qui a pu tuer l'un des hommes les plus importants du XXème siècle ? Qu'a t-il ressenti pendant et après cet acte odieux ? Qu'a t-il fait ? Qu'a t-il pensé ? Ce sont de nombreuses questions, des interrogations posées par l'écrivain qui va entrer dans la tête de ce personnage, lui donner une voix, une conscience. Bien sûr qu'il s'agit d'une œuvre de fiction mais on voit tout le travail d'Antonio Munoz Molina pour suivre les traces de James Earl Ray... L'idée même de se raconter en racontant la vie d'un autre est aussi très ingénieuse, car elle mêle les sentiments et donne encore plus de profondeur à l'ensemble.



Comme dans tout mystère historique, l'auteur décide de faire un choix. Le complot ou le meurtrier solitaire ? Il choisit le second pour mieux impacter sur le lecteur. Peu importe que ce soit la vérité, c'est sa vérité et la nôtre pendant le temps de cette lecture. On y croit, on se met dans la peau de chacun, l'Histoire se mélange à l'histoire et nous sommes embarqués. J'ai eu grand plaisir à lire ce récit car il est à la fois extrêmement intéressant dans son contenu et émouvant dans son introspection des pensées de Ray et Molina.



En définitive, je vous recommande chaudement cette très belle lecture !


Lien : http://leatouchbook.blogspot..
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Pleine lune

.

L’intrigue est assez classique : Dans une petite ville du Sud de l’Andalousie, une fillette de neuf ans, Fatima, a été enlevée puis retrouvée morte le lendemain. L’inspecteur (dont on ne connaîtra pas le nom) mène l’enquête.



L’auteur met tour à tour en avant chaque personnage dans une analyse fouillée de leurs sentiments présents et passés.

Tout d’abord, Antonio Munoz Molina nous livre les pensées de l’inspecteur . Celui ci vient d’être muté dans le sud de l’Espagne, il travaillait avant dans la lutte anti terroriste à Bilbao. Il rend visite à sa femme à la clinique psychiatrique, son épouse souffrant d’une grave dépression due justement à la peur du terrorisme omniprésent dans leur vie.



Plus tard, on apprend qu’enfant, il a habité dans cette petite ville (Le père Orduna raconte les années d’orphelinat de l’inspecteur).



L’institutrice, Susanna, nous parle des enfants de sa classe, de Fatima en particulier et de son désir d’apprendre dans une famille pauvre, elle évoque également son fils qui devient adolescent, son envie de vivre enfin pour elle, sa demande de mutation à Madrid….



Ferreras, le médecin légiste, est secrètement amoureux de la belle institutrice et nous apprend ce qu’a enduré Fatima avec des mots parfois très pudiques et parfois crus.



L’assassin nous est également présenté avec ses « motivations », dans toute son horreur.



Paula, la deuxième victime (survivante) nous fait part de sa peur suite à sa rencontre avec l’assassin de Fatima.



Peu de rebondissements dans cette enquête qui sert de toile de fonds à la peinture d’une société espagnole en proie au désarroi, au terrorisme, à la pauvreté ordinaire et au chômage.



Le seul point qui m’a gênée est que l’on ne connait pas le nom de l’inspecteur. C’est le cas aussi de l’assassin mais cela ne m’a pas gênée.



Une écriture très belle au plus proche des pensées des différents protagonistes. Des réflexions sur la vie, les tournants qu’elle peut prendre ou pas…..
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Pleine lune

Une petite fille est retrouvée morte et nue dans une petite ville andalouse. La ville vit maintenant au rythme de la peur et de l'effroi. Des personnages s'y débattent, l'inspecteur, muté depuis peu dans cette petite ville inconnue, l'institutrice de la fillette, l'assassin, mais aussi un prêtre et un médecin légiste, tous voulant rétablir la justice et trouver le coupable à cet affreux meurtre.

Entre amour et horreur, l'auteur parvient à accrocher son lecteur grâce à la profondeur de chacun des personnages.

Roman plutôt incompatible avec les amoureux des enquêtes à rebondissements et des thriller à suspens.
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Carlota Fainberg

Ce fut un peu les montagnes russes avec ce roman, heureusement d'ailleurs qu'il est court.



Je l'avais choisi, pour découvrir la plume d'Antonio Munoz Molina, parce que le sujet de départ, ce qui est vendu dans la quatrième de couverture, m'intriguait beaucoup. Deux hommes, deux compatriotes espagnols qui ne se connaissent pas, se retrouvent dans un aéroport américain, à attendre leur avion respectif. L'un d'eux commencera à raconter son histoire argentine au narrateur, ce dernier attendant en effet de s'envoler vers Buenos Aires.



Ne me demandez pas pourquoi mais, au démarrage de cette histoire, je croyais que j'allais lire une sorte de roman noir. Vous savez, deux hommes qui ne se connaissent pas, qui se racontent leurs galères, et qui décident de s'aider mutuellement, l'un en tuant la femme de l'autre, ce dernier se chargeant d'assassiner le patron du premier. Quelque chose dans le genre.

Il n'en est rien.



Je dois bien avouer que j'ai trouvé au début que c'était long, mais long. D'autant que les anglicismes qu'on retrouve au détour de chaque page commençaient furieusement à m'agacer (ce qui est fait exprès, au final). Puis, soudain, j'y ai trouvé un moment de grâce, je revoyais une scène du roman La chute d'Albert Camus, récit qui m'avait fortement marquée à l'adolescence. Et, de nouveau l'ennui... jusqu'aux cinquante dernières pages qui m'ont pour le coup emballée.



Je ne saurais pas vraiment vous dire, au final, de quoi parlait réellement ce bouquin, ni expliquer pourquoi certains passages m'ont plu. La plume m'a charmée à certains endroits, m'a ennuyée à d'autres. Par contre, ce roman, cette écriture ont à coup sûr une identité. Me plaît-elle? Cela est une bonne question, je n'en sais rien.



En bref, un roman qui m'a déroutée et sur lequel je ne saurais donner un avis tranché. Je n'ai peut-être aussi pas fait le meilleur des choix pour découvrir cet auteur.
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Comme l'ombre qui s'en va

A la fois roman et récit, ce livre de Antonio Muñoz Molina est inclassable, passionnant, pas très facile à lire, car l'écriture est très dense, foisonnante . Il alterne des chapitres autobiographiques et une enquête sur James Earl Ray, l'homme qui tira le 4 avril 1968, sur Martin Luther King à Memphis, car celui-ci lors de sa cavale a atterri à Lisbonne ou il espérait obtenir un visa pour aller se cacher en Angola. Muñoz Molina se rend à Lisbonne pour mettre ses pas dans ceux de Ray et profite de ce voyage pour retracer les précédents qu'il a fait dans cette ville notamment le premier lorsqu'il a écrit son premier best-seller, " L'hiver à Lisbonne ", mais également un autre lorsqu'il avait été invité pour rendre hommage à Adolfo Bioy Casares. Il profite de ses déambulations pour mettre en évidence le charme parfois désuet de cette capitale.

A travers ses souvenirs, il nous fait partager ses sources d'inspirations, la littérature, ses modèles, la musique, le jazz en particulier dont il est un passionné. Il montre comment il a décortiqué la construction littéraire de ses modèles pour construire son propre style, comment il observe les lieux pour les décrire dans ses textes, comment il construit ses personnages. Mais aussi ses interrogations lorsqu'il était un jeune écrivain, travaillant encore dans l'administration de la ville de Grenade. Il évoque sa vie familiale, la naissance de ses enfants. Il montre le bouleversement que crée pour un écrivain, la sortie d'un roman qui devient best-seller. Il aborde l'alcoolisme en littérature notamment le sien avec un témoignage saisissant et ses difficultés pour en sortir.

Le motif qui l'a conduit à nouveau à Lisbonne c'est donc d'enquêter sur la présence dans la capitale portugaise en mai 1968 de Ray. Après avoir consulté tout ce qui s'est écrit sur l'assassinat de Martin Luther King, les autobiographies de James Earl Ray, il retrace sa cavale notamment son séjour à Lisbonne. Il nous fait partager les lieux, hôtels, bars, que le meurtrier a fréquenté, les démarches qu'il a faites sous plusieurs noms. Il retrouve des témoins. Dans des chapitres passionnants, il revient sur les derniers jours avant le coup de feu qui coûta la vie au Dr King. Il montre le processus qui fait d'un petit délinquant, qui adhère aux idées de Mac Carthy, qui croît à la théorie du complot communiste, un meurtrier pour l'histoire. Il retraçe le climat qui régnait aux Etats-Unis dans les années 50/60, en évoquant ce qu'a été le combat du Mouvement pour les droits civils. Au delà de Lisbonne, il se rend à Memphis et visite le musée élaboré autour de la chambre 306 du Lorraine Motel ou Luther King a été tué, au cours de cette visite il rappelle ce que fût l'horreur de la ségrégation dans cette période, les actes et les marches des noirs pour faire respecter leurs droits. Il décrit les dernières heures du leader, il aborde son épuisement devant son impuissance à faire bouger les choses.

Intéressé par l'histoire contemporaine, fasciné par le processus de construction littéraire, j'ai été emballé par ce roman ambitieux.
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Dans la grande nuit des temps

Je me sens "indigne" d'émettre une critique de ce monument qu'est "Dans la grande nuit des temps", car Antonio Munoz Molina est très grand et je suis toute petite. Mais je souhaite néanmoins encourager un maximum de lecteurs à le découvrir, alors voici : Munoz Molina nous entraine dans la folie de la guerre d'Espagne, à la suite de son protagoniste, Ignacio Abel, architecte respecté qui, bien que marié et père de famille, tombe amoureux pour la première fois de sa vie et, émerveillé, ne songe plus qu'à vivre sa passion malgré le tumulte ambiant. C'est un roman fou sur l'amour et la guerre, traversé de personnages (réels ou fictifs) très finement analysés mais jamais jugés. Munoz Molina réussit même à rendre attachants les moins sympathiques d'entre eux en dévoilant leur humanité cachée. Les événements qui précèdent la guerre civile et ses débuts sont décrits sans romantisme et en toute objectivité, et mon point de vue (exalté) sur la Guerre d'Espagne et ses milices républicaines s'en est trouvé quelque peu modifié. L'écriture est exigeante, mais Munoz Molina parvient à happer le lecteur par la fluidité avec laquelle il mélange la petite histoire à la grande Histoire.

Son livre est un concentré de réflexions sur la guerre, les idéaux, la folie des hommes, mais aussi sur notre propension à croire à l'amour, et à l'espoir et aux dilemmes qu'il fait naître. C'est un pur chef d'oeuvre d'intelligence, d'érudition et de rigueur, qui m'a laissée complètement sonnée. Je le recommande chaleureusement à tous ceux qui aiment la vie, malgré toute son absurdité.
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Dans la grande nuit des temps

Quelle superbe écriture ! Evidemment, il faut aimer les longues phrases qui n'en finissent pas à coup de virgules successives, avec une quasi-absence de dialogues. Mais c'est un véritable plaisir de lecture et, comme c'est souvent le cas pour la littérature espagnole, dans une très belle traduction.



L'auteur plonge sa narration, qui se résume à une histoire d'adultère, dans l'Espagne républicaine de 1936 lorsque la Phalange commence à prendre de l'ampleur et oblige le héros à quitter Madrid à la veille de sa prise par les Franquistes. Ce héros est un architecte issu des basses classes et qui s'est fait à la force du poignet et de son talent et grâce à sa belle-famille conservatrice et catholique, là où lui est laïc et socialiste. De quoi étoffer cette histoire d'adultère me direz-vous. Et le résultat est très réussi, de la toute grande littérature.
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