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Critiques de Dave Eggers (254)
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Le moine de Moka

Mokhtar est un garçon intelligent mais à vingt-quatre ans, après l'abandon de ses études de droit, il traîne dans San Francisco insouciant de son avenir, habitant encore l'appartement familial exigu. C'est un travail de portier dans un immeuble prestigieux qui paradoxalement va lui ouvrir des perspectives d'avenir. En effet, Mokhtar par le biais d'une statue d’un immeuble voisin entrevoit l'histoire étonnante du café yéménite. Dès lors il n'aura de cesse de faire revivre la fève délaissée dans le pays de ses ancêtres. Un projet ambitieux, incluant l'amélioration des conditions des travailleurs yéménites, remis en cause en 2015 par la guerre civile.



Avec l'histoire vraie et singulière de l’attachant Mokhtar Alkhanshali, Dave Eggers nous fait découvrir l'épopée mondiale du café — de ses origines à aujourd’hui — la difficulté de sa culture, les perfidies de sa commercialisation, la complexité de sa récolte et de son élaboration, ses multiples provenances, qualités et variétés, mais aussi le Yémen, un pays en proie à toutes sortes de conflits et rivalités, et c'est passionnant.



Challenge MULTI-DÉFIS 2020

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Le Cercle

« Passion, Participation, et Transparence »



Le voilà, le monde parfait pour l’entreprise « Le Cercle » et pour ses employés passionnés, participatifs et transparents !

Mae en fait partie depuis peu et c’est peu dire qu’elle est passionnée par son travail. Son entreprise gigantesque a réuni en un seul compte tous les comptes Internet des usagers. Chacun connait tout sur tous, et y va de son commentaire par-ci, de son like par-là, de son partage par-delà. D’autant plus que les comportements sont quantifiés, donc une compétition s’installe. Plus on est en ligne, plus on répond à tout ce qui se dit sur les réseaux sociaux, plus on est haut dans la hiérarchie sociale.

La vie privée n’existe plus. Que ce soit au niveau de ses hobbies, de sa manière de vivre, de ses pensées, de la politique, de l’économie, de l’environnement, de l’espace…tout, je dis bien tout est répertorié et public. « Il n’y aurait plus de décisions secrètes, plus d’accords en douce. Tout ne serait que clarté et lumière ».



Le pis de tout, c’est que les gens ont l’air d’adorer ça ! Sauf quelques irréductibles, et non des moindres… « Les réseaux sociaux font croire que les critiques, les commentaires, les commérages, les rumeurs et les conjectures sont la meilleure façon de communiquer. C’est grave. Ce sont comme des calories superflues à l’infini : ça n’améliore rien, ça ne nourrit rien, c’est fait pour tu aies tout le temps envie d’en bouffer »



Quelle utopie…ou plutôt quelle dystopie dans laquelle ce roman très prenant nous emmène ! Et pourtant, nous n’en sommes pas très loin, de cette espèce de totalitarisme !



Je suis très contente d’avoir lu cette histoire, même si elle pèche par excès de longueur et par ses personnages trop peu développés, car elle permet de réfléchir sur son propre comportement face aux réseaux sociaux, même notre préféré, je parle de Babelio bien sûr.

Alors, ne m’en voulez pas si je ne « like » pas votre critique, si je n’ajoute pas de commentaires…J’essaie que Babelio ne devienne pas une drogue, je suis déjà accro aux livres, c’est assez !

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Soyons des jaguars

Dave Eggers nous emmène à travers bois, jungle, montagnes pour un voyage onirique et poétique.

Au départ, il y a l’arrivée d’une grand-mère qui doit s’occuper de son petit-fils et, lorsqu’elle lui annonce « soyons des jaguars », l’aventure peut commencer. Il faut apprendre à se couler dans la peau du félin puis traverser la pelouse pour entrer dans le bois. Voilà le monde sauvage et grand-mère initie l’enfant à la vie libre et sauvage. C’est beau, émouvant et vivant. Mais tout a une fin et l’enfant devra retourner à l’école.

On plonge d’autant plus facilement dans cette histoire de monde sauvage que les dessins de Woodrow White sont d’une beauté époustouflante. Il y a même des pages qui, en se dépliant, offrent une fresque aux couleurs sombres, énigmatiques. Les textes sont courts, ils suivent le rythme et la progression des deux jaguars et on est entrainé dans leur quête qui prendra fin avec le retour à l’école…et à la réalité.

Un très bel album.

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Le Grand Quoi



Mon cher Achab, comment as-tu fait pour rester fier et debout, après tout ce que tu as enduré ? Le grand quoi raconte à travers le portrait de Valentino Achab Deng, le sort de nombreux enfants dit « les enfants perdus » qui se sont lancés dans une longue marche pour fuir la folie meurtrière des hommes. Eggers se fait le passeur de mots d’un garçon qui a vu et vécu l’horreur au quotidien. Nombre de ces amis sont tombés, tués par la bêtise humaine, par une nature inhospitalière, par la maladie. Toi Achab, « ta bonne étoile » t’as maintenue en vie. Ton récit est douloureux, ta foi dans la vie magnifique. Pourtant même après ton départ de Kakuma pour les Etats Unis, la violence de rattrapera mais une nouvelle fois, ta force intérieure te sauveras. Permets- moi de joindre à ton histoire tes amis Achor, Moses, Tabitha l’amour de ta vie, Noriyaki qui a cru en tes talents , la famille Gop qui t’a accueillit comme un fils.

Je terminerai par tes mots qui en disent plus long que n’importe quel discours.

« Je raconterai ces histoires à des gens qui écouteront et à ceux qui ne veulent pas les entendre, aux gens qui me le demanderont et à ceux qui me fuiront. Et tout le temps, je saurai que vous êtes là. Comment pourrais-je prétendre que vous n’existez pas ? Impossible. Ce serait comme si vous affirmiez que je n’existe pas ».

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Le moine de Moka

Mokhtar vit a San Francisco , dans le quartier de Tenderloin qui est au tourisme ce que cette critique est à la littérature. D'origine Yémenite, après quelques errements , il se tourne vers la café dont son pays d'origine fut le précurseur il y a quelques siècles.



C'est mon deuxième roman de Dave Eggers, et il n'y a pas de doute , il sait bien raconter les histoires. Celle de Mokhtar , en cristallisant les problèmes d'intégration mais aussi celle du Yémen ou du café.

Un roman où chaque phrase apporte sa pierre à l'intrigue, un roman dense , rythmé , très instructif.

A travers l'histoire de Mokhtar , on plonge dans le rêve américain mais aussi dans tous ses travers. Les doutes , les obstacles ,la volonté de réussir , la chance ou la malchance qui font basculer un destin.

La saga du café est bien intégrée, sans que l'on tombe sur la lecture d'une page wikipédia , très instructive et révélatrice de l'évolution de la société de consommation.

Quand au Yémen, il me semblait que c'était bien le bordel là bas , j'étais loin du compte.



Un beau roman d'aventures humaines , plein d'érudition et d'exotisme . Foncez.



PS : Voici l'origine du café . Un berger éthiopien a un jour trouvé ses chèvres très énervées à l'heure du coucher. Elles avaient bouloté des petits fruits sur un arbre aux vertus inconnues. Le fruit du caféier venait de faire ses premières insomniaques !

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Le moine de Moka

Un grand coup de coeur pour ce récit-documentaire, mettant en avant

le parcours époustouflant de ce jeune Americano- Yéménite, Mokhtar,

qui aurait aimé aller à l'université, mais de fâcheuses circonstances l'obligent à travailler comme "portier" dans un immeuble de haut standing, de San Francisco, lorsqu'il découvre, par un heureux hasard et l'impulsion

de son amie, Miriam...l'histoire incroyable de la fabrication du café,(au travers la vision d'une monumentale sculpture, sur le trottoir d'en face )...et la place prépondérante de son pays d'origine, le Yémen, dans cette épopée et l'évolution du commerce du café !

Il se lancera dans des recherches, des formations auprès d'experts,

voyagera, au Yémen, retrouvera des membres de sa famille, ira en

Ethiopie...fera des emprunts, expérimentera...au péril de sa vie...car

il retourne au Yémen...alors que la guerre civile éclate dans le pays !



Un vrai parcours des plus surréalistes : un mélange d'un Indiana Jones et d' un ingénieur agronome...



Un récit qui aura causé un immense travail à son auteur: une centaine d'heures d'entretiens avec Mokhtar Alkhanshali, sur trois années, sans omettre ses propres vérifications, des interviews, des recherches dans les

Archives historiques....Les lignes suivantes de l'auteur nous expliquent

la genèse de ce récit- documentaire "Le jour où je l'ai entendu dire cette blague, Mokhtar portait un tee-shirt sur lequel on pouvait lire :FAITES DU CAFE, PAS LA GUERRE.

Ses actes et ses propos sont toujours imprégnés d'un sens de l'humour que j'espère avoir su retranscrire et qui nous renseigne sur sa vision du monde, même face aux pires périls. (...)

Mokhtar se montre à la fois humble devant la grande histoire dont il a intégré les annales, et irrévérent envers le rôle qu'il y a joué. Mais son itinéraire n'est pas nouveau. Il s'agit essentiellement du rêve américain, qui demeure très vivant mais aussi très menacé. Son histoire parle aussi du café et des tentatives de Mokhtar d'en améliorer la production au Yémen, où cette culture est née il y a cinq siècles. "(p. 17)



Une histoire incroyable.... que celle de ce fruit, le Café... mais pas seulement... C'est surtout le vrai parcours, époustouflant d'un homme autodidacte, un franco-yéménite...

une sorte de Candide , quelque peu "baratineur", qui nous entraîne dans ses aventures aux quatre coins du monde, d'un homme aussi modeste qu'entreprenant et engagé, même si il a perdu des années d'indécision

et d'inaction , en cherchant un véritable objectif...à concrétiser, dans ce monde...!



Un documentaire qui mélange l'économie, la terre des ancêtres, l'épopée

du Café, et l'histoire des hommes...un large panorama géopolitique et

économique du monde, l'interaction entre les pays, par ce fruit du"Café" devenu essentiel, "carburant économique" et "carburant des hommes"...



"Toute tasse de café requiert donc une vingtaine de mains, du producteur au consommateur. Et pourtant, elle ne coûte que deux ou trois dollars. Même une tasse à quatre dollars relève du miracle, compte tenu du nombre de personnes impliquées, compte tenu de l'attention et de l'expertise prodiguées aux grains dissous dans cette tasse à quatre dollars. Une attention et une expertise telles que en fait, même à quatre dollars, on peut soupçonner que, au cours du processus, des gens – peut-être même des centaines de gens – ont été escroqués, sous-payés, exploités."



Cet ouvrage dynamique me fait songer aux excellents textes d'Eric

Orsenna sur le papier, le coton, etc. Une histoire planétaire des hommes à travers la production de telle ou telle culture, faisant partie intégrante du quotidien des individus, de leurs échanges, de leur transmission ou non de leurs savoirs-faire...



Parallèlement, nous apprenons beaucoup de l'histoire du Yémen,

territoire aux multiples tragédies, conflits...guerres tribales. Ce Yemen,

pays d'origine de notre jeune entrepreneur, qu'il va mettre à l'honneur,

faire redécouvrir au monde, sous des images plus positives, comme

celle de la terre initiale du café, même si le Yémen et l'Ethiopie s'en

disputent depuis toujours la primeur !!



Un documentaire qui offre une mélange très réussi d'un destin

individuel et de l'histoire d'un pays méconnu, le Yémen...Bravo et

Merci à l'auteur...sans omettre"notre admiration" face au parcours

extraordinaire de son "Héros", Moktar...



Une lecture qui sort quelque peu de mes lectures habituelles...je suis

très enthousiaste de ce premier contact avec cet écrivain-journaliste, dont j'ai réservé à la médiathèque un texte antérieur, "Les Héros de la

frontière", afin de poursuivre ma connaissance de cet auteur, dont je viens d'apprécier amplement le style plein de vitalité ,de dialogues et le choix des thèmes !



Je ne peux m'empêcher d'achever ce "billet" par une "anecdote" de

l'histoire littéraire:

"Harar était aussi la ville d'adoption d'Arthur Rimbaud. le jeune poète français, qui devint une source d'inspiration majeure pour les surréalistes, s'exila dans une maison délabrée des hauteurs de la ville. Toxicomane et parfois trafiquant d'armes, il fut également, pendant une courte période, marchand de café. (p. 225)
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Les héros de la Frontière

Quand Josie prend l'avion pour l'Alaska, avec ses deux enfants, on peut dire qu'elle est désespérée et n'arrive plus à faire face aux difficultés de sa vie. Évidemment il y a eu un élément déclencheur, la cerise sur le gâteau des galères. Elle n'a plus de travail, plus de compagnon et a peur de perdre ses enfants : Paul, 8 ans, le raisonnable et Ana, 4 ans, hyperactive et ingérable. Elle a pris quelques affaires, de l'argent et laissé tout le reste, surtout le téléphone, de façon à ne pas être retrouvée. À Anchorage, elle loue un camping-car tellement déglingué qu'elle le surnomme le château. Avant de rompre tout lien avec ce monde de rageux, elle décide de rendre visite à sa soeur qui n'est pas vraiment sa soeur mais une compagne de malheur. Si les retrouvailles sont agréables, le mode de vie de sa famille adoptive ne lui convient pas, la heurte même, et elle préfère repartir sur les routes.



Quand Josie conduit le camping-car, les pensées intrusives arrivent sur son enfance particulière, son ex-compagnon fainéant et lâche, la patiente qui lui a fait perdre son boulot de dentiste, les parents d'élèves qui la harcelaient. Elle nous livre ses pensées sur ce monde de rageux, de gens heureux du vacarme ambiant, un monde où elle ne trouve pas sa place. De rencontres improbables en mésaventures dangereuses, Josie, Paul et Ana vont devoir se débrouiller, surmonter les difficultés de leur mode de vie et survivre parfois. Les incendies sévissent cette année-là.



Je pense que ce roman sera le coup de coeur de l'année et très certainement un livre pour une île déserte. J'ai adoré le portrait de cette femme dont la seule certitude est l'amour qu'elle porte à ses enfants, même si elle les met en danger dans cette fuite. Vivre sans téléphone, sans confort moderne, entraîner ses enfants dans cette vie nomade, se défaire de toutes les contraintes que la société nous impose, surmonter ses limites, cette lecture était une bouffée de liberté.




Lien : http://pyrouette.canalblog.c..
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La parade

Voilà un moment que j'avais envie de livre un roman de l'américain Dave Eggers.

Un peu au hasard, j'ai pris » la Parade » à la bibliothèque.



Nous sommes dans un pays inconnu (Balkans ? pays africain ? …à) – ce qui est sûr c'est que c'est un pays pauvre, où le Su de et le Nord communique mal : l'histoire démarre lorsqu'on apprend qu'on va construire une grande route goudronnée pour relier le Sud à la capitale, promesse de développement de cette région enclavée.



Deux personnages principaux vont être au centre de l'histoire : le premier est désigné par « Quatre » - dans l'entreprise où il travaille on ne s'embête pas avec les vrais noms – et le second est « Neuf ».

Le premier est le conducteur d'une machine extraordinaire, flambant neuf, une sorte d'enrobeuse de travaux publics destinée à goudronner la future route. le second est censé aider le premier à éviter tous les obstacles sur la route, au propre comme au figuré.



Mais rien ne va se passer comme prévu. Tout oppose les deux hommes : autant le premier est droit et rigoureux, autant le second flâne en route, drague les filles des villages avoisinants, partage le repas des villageois, quitte à négliger son travail d'adjoint.



Quatre hésite à le dénoncer à l'entreprise qui les emploie au loin (aux Etats-Unis ?) et quand enfin, alors que Neuf n'en fait qu'à sa tête et qu'il faudrait l'évacuer en urgence, il se décide à appeler via le téléphone satellitaire qui est censé rester dans la cabine de la machine : celui-ci a disparu comme tout le matériel de secours prévu en cas de danger.



Dave Eggers dresse un portrait cynique de ses hommes envoyés dans des pays pauvres censés aider les populations locales, mais la fin ne laissera guère d'espoir alors que la « parade » - inauguration finale de la route enfin goudronnée où les gens du Sud sont censés arriver à la capitale – va tourner au cauchemar.



Dans un moment où la géopolitique est très présente, l'auteur américain, avec beaucoup de recul grâce à une forme d'humour noir bien présent, questionne avec un certain talent nos actions dites humanitaires – au prix parfois d'effets collatéraux désastreux.

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Le moine de Moka

Fils de yéménites émigrés aux USA, à San Francisco, Mokhtar végète entre petits boulots et études. Un jour, il découvre le café, l'histoire fascinante du café, et ses origines au Yémen. Il quitte alors les Etats-Unis et sa famille pour aller à la rencontre des cultivateurs et ouvriers du café dans le pays natal de ses parents. Son objectif : redonner ses lettres de noblesse au café yéménite ! Mais la guerre civile, et l'intervention de l'Arabie Saoudite, viennent contrecarrer ses projets. Qu'importe, porté par une optimisme et une tchatche sans limites, Mokhtar fait face aux événements.



Il paraît que c'est le récit, vrai de vrai, de la vie de Mokhtar... En lisant ce livre, il m'est souvent arrivé de me poser cette question : un récit, un récit romancé ou un roman ? Faisons confiance à l'auteur : il s'agit bien d'un récit, celui d'une dizaine d'année de la vie de Mokhtar... Une vie des plus ordinaires au début, entre études et petits jobs ; puis une vie qui trouve son sens, ou plutôt ses racines, avec le café, et plus particulièrement les origines yéménites du café ; une vie qui rencontre enfin l'aventure avec la guerre civile au Yémen. La fin m'a rappelé Comme un vol d'aigles de Ken Folett, quand le milliardaire américain Ross Perrot organise l'exfiltration de ses salariés d'un Iran en pleine révolution islamiste.

Un récit très bien écrit, et traduit, qui se lit comme un roman d'aventure, mais qui éclaire sur l'histoire du café, et celle, plus sombre, du Yémen.

Digne d'un roman !
Lien : http://michelgiraud.fr/2020/..
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Les héros de la Frontière

" Elle en avait terminée, elle s'en était allée. Elle avait mené une vie confortable, or le confort est la mort de l'âme, qui est par nature interrogatrice, insistante, insatisfaite. Cette insatisfaction pousse l'âme à partir, à se fourvoyer, à se perdre, à lutter et à s'adapter. Et s'adapter c'est grandir, et grandir c'est vivre. Un être humain choisit de voir du nouveau,

des montagnes, des cascades, des orages mortels, des mers et des volcans, soit de voir les mêmes choses manufactures perpétuellement remodelées. le métal dans cette forme-ci, puis dans cette forme-là, le béton comme ci puis comme ça. Les gens aussi ! Les mêmes émotions recyclée, remodelées, et merde elle était libre."[p.33 ]



Après la découverte enthousiaste du cet écrivain, avec son dernier livre-documentaire, "Le moine de Moka"... j'ai emprunté cet ouvrage, qui est comme un road-movie.



Une quarantenaire, mère de deux jeunes enfants,dentiste de profession, mal mariée, en a assez de sa vie, plaque tout, loue un camping-car et part à l'aventure, en Alaska, pour aller voir dans un premier temps, une sorte d'amie-demie soeur, Sam, qu'elle n'a pas revue depuis cinq années... Cette jeune mère adorant ses deux enfants, Paul, un petit garçon très calme et mature, qui veille , exclusif, sur sa petite soeur, Ana, est un tourbillon incontrôlable, son exact contraire...Cette mère ne sait plus ce qu'elle désire

de la vie, se trouve dans une existence routinière, étriquée... la laissant insatisfaite et en quête d'autre chose...on suit leur road-movie, leurs rencontres, leurs joies, leurs frayeurs, ce voyage insolite...sans réel but... si ce n'est celui de la mère, qui voudrait retrouver un enthousiasme, un vrai sens à son existence...et ce n'est pas une mince affaire !!



L'auteur en profite allègrement pour égratigner ses compatriotes et congénères ! et cette société de consommation, du profit...du superficiel , prédominant !

Un bémol: j'ai éprouvé des "fluctuations" d'attention, au vu de certaines longueurs... ( à mon goût !)



Une expérience unique, insolite qui va transformer, changer cette mère quarantenaire, ainsi que ses très jeunes enfants, qui vont vivre les différences, l'intensité différente d'une vie "nomade"avec leur quotidien d'avant, sédentaire ! des "leçons des choses" de l'existence, sur le terrain !!



"Etait-on fou de rester n'importe où ? Les sédentaires étaient soit le sel de la terre, la raison pour laquelle il y a des familles, des communautés, et la continuité de la culture et du pays, soit ils étaient tout bonnement des imbéciles. Nous changeons ! Nous changeons ! Et la vertu n'est pas l'apanage de l'immuable. On peut changer d'avis ou de cadre et garder son intégrité. On peut partir sans devenir un déserteur, un fantôme." (p. 167)



Un sujet en or; de nombreux passages de qualité, mais de franches longueurs ont quelque peu atténué mon enthousiasme !!



Une ode à la Liberté, à la nature, ainsi qu' à la recherche sincère de soi, de ce qui nous paraît essentiel, primordial à défendre, en dehors des pressions et conventions sociales !

L'essentiel est que cette mère quarantenaire et surtout ses enfants sortent plus forts de cette expérience dense et brute...au fil de leurs aventures et mésaventures !!!



@Françoise Boucard-Décembre 2019

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Le Cercle

Voici un roman que j'ai trouvé très intéressant à plusieurs égards! Dire que j'ai aimé, pas tant que ça, mais il a le mérite de m'avoir fait réfléchir au monde qui m'entoure directement, aux outils que j'utilise quotidiennement ainsi qu'à ceux qui se développent à un rythme tel qu'on finit par y être indifférent. Et pourtant...

Pour commencer, je parlerai du personnage principal, une jeune femme, Mae, originaire d'une famille modeste américaine, qui a l'honneur d'entrer dans le prestigieux Cercle grâce à son amie Annie. Prise à contrepied, Mae est un personnage insupportable par son attitude, son absence de scrupules, incapable de se remettre en question, irrespectueuse, ne pouvant s'empêcher encore et encore de retourner vers celles et ceux qui l'utilisent, l'exploitent à cause de son inconstance. Et :non, on ne s'attache pas à elle. A aucun prix. D'ailleurs, si le propos du roman n'avait pas été malgré tout si prenant, j'aurais arrêté ma lecture car vraiment, Mae mais aussi la plupart des autres personnages sont tout simplement exécrables. On s'attend d'ailleurs, tout de suite, à ce qu'elle refuse ce qu'on lui impose en entrant au Cercle: partager le contenu de son portable sur le serveur de l'entreprise, photos, vidéos et compte-rendus médicaux inclus. Mais non: elle comprend tout-à-fait cette demande de transparence.

Alors le Cercle: kesako? Je dirais une secte de la taille d'une multinationale, une sorte d'entreprise Google où tous les salariés sont endoctrinés, à qui ont a répété et répété qu'ils étaient les avant-gardes d'un nouveau monde idéal, représenté par cette sorte de campus géant auto-suffisant, dans lequel on travaille, vit, fait du sport, s'amuse, jour et nuit sous le regard bienveillant des uns et des autres; Mae est une nouvelle recrue docile et zélée, tellement heureuse de faire partie du Cercle; elle est très vite repérée par les trois gros Boss, Bailey l'idéaliste, Stenton le pragmatique ambitieux, et caché par là, Ty, le génie autiste qui a fondé le Cercle. Mae monte rapidement les marches majestueuses de la renommée pour devenir "les yeux" permanents de ce qu'il se passe aux Cercle de millions de followers dans le monde.

Pendant ce temps, au Cercle, on développe des outils technologiques pour un monde plus démocratique, où les enfants ne pourraient plus être maltraités, où il n'y aurait plus aucun danger ni aucun secret, où tout serait visible, partagé, accessible.

Tout ce que décrit Dave Eggers dans ce roman s'inspire totalement de ce qui existe déjà dans notre monde, , il suffit de travailler dans une entreprise connectée, utilisant des systèmes de messagerie et des plateformes ou serveurs internes pour s'en convaincre, tout comme un simple retour en arrière de 25 ans (une poussière) nous permet de voir à quel point nos modes de communication ont changé.



Ca reste une dystopie où ces technologies de communication et de surveillance sont poussées à l'extrême, mais ça fait réfléchir. Vers quoi court-on? Jusqu'à quand sera-t-il encore temps de dire stop, on va trop loin? Et avec Internet, ses moteurs de recherche et ses réseaux sociaux, jusqu'à quel point est-on encore invisible, et libre?

Un roman dérangeant, oppressant et très subtil au niveau de l'écriture. Je ne conseille pas cette lecture à celles et ceux qui étouffent déjà dans ce monde ultra-connecté.
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Le Grand Quoi

Ce titre énigmatique fait référence en définitive au sens de la vie, que nous sommes tous condamnés à bricoler tout au long de notre existence. Le sous-titre, « Autobiographie de Valentino Achak Deng » est beaucoup plus explicite. C’est lui qui va entièrement prendre la parole dans ce récit romancé par Dave Eggers.



Né dans l’ethnie dinka dans le sud du soudan au début des années 1980 Achak assiste tout jeune au massacre de son village par des cavaliers, commandités par Khartoum. Ils prendront possession des terres de leurs victimes et réduiront en esclavage les femmes et les enfants qui n’auront pas été tués. Il en réchappe de peu, contraint de fuir à travers les déserts avec des dizaines d’autres garçons de son âge.



Ils cherchent refuge en Ethiopie où un camp de réfugiés s’est installé à Pinyudo, près de la frontière. Mais quatre ans plus tard ils doivent à nouveau fuir les forces éthiopiennes qui se sont retournées contre eux. Leur nouvel eldorado sera situé au Kenya. Un gigantesque camp de réfugiés naît à Kakuma. Achak (appelé aussi du prénom Valentino ou Dominic) y passera dix ans avant d’obtenir un ticket d’émigration vers les Etats-Unis, juste avant le 11 septembre 2001…



Nous savons dès le début du roman que les difficultés ne manquent pas dans ce nouveau pays. Achak a eu du mal à s’adapter à la mentalité et au mode de vie américain, même s’il est chrétien.



Ce gros roman généreux, prix Fémina étranger 2008, se lit avec avidité. Achak survit à toutes ces épreuves, grâce à une grande part de chance et à une grande volonté de vivre. Il mesurera très tôt à quel point la vie est fragile. Beaucoup de ses compagnons d’infortune mourront de faim et de soif, de maladies ou bien tués par leurs nombreux ennemis. Pourtant, sans l’exagérer, le ton un peu rigolard d’Achak enrichit le roman qui aurait pu se contenter d’enchaîner les scènes de bravoure macabres.



Je ne savais rien de cette guerre civile du Soudan dans ces années-là. La création d’un état indépendant du Soudan du Sud en 2011 n’a apparemment pas suffi à régler tous les problèmes. La région est à ce jour encore la proie de troubles fréquents. La malnutrition y fait de nombreuses victimes malgré les revenus liés au pétrole.

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Soyons des jaguars

La grand-mère d’une petite fille l’invite à jouer, à être des jaguars. Un peu d’entrainement puis elles sortent dans la nuit et se glissent dans les bois.

Grâce à l’astuce d’une double page à rabats, leur métamorphose est montrée : le jeu prend forme et devient réalité.

À l’instar de la philosophe et éthologue Vinciane Despret, et d’autres à sa suite, Dave Eggers et Woodrow White propose de voir le monde depuis le point de vue d’autres être vivants. Et franchement, c’est simple mais très convainquant. Un rare album animiste pour enfants !



Article à retrouver sur le blog :
Lien : https://bibliothequefahrenhe..
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La parade

J'ai emprunté ce roman par hasard à la médiathèque .



Il emmène le lecteur au coeur d'une contrée lointaine, imaginaire, non nommée : pays africain , sud - américain ? , exsangue , détruite , en cours de reconstruction après une décennie de guerre civile que les habitants avaient crue sans fin .

Pourtant il y avait de la joie et une effervescence d'initiatives au milieu du chaos , un afflux incroyable d'aides au développement , de fonds de reconstruction ,d'étrangers venus évaluer , conseiller , distribuer subventions , pots- de - vin et percevoir des honoraires.



Afin de commémorer l'armistice tant attendu , le gouvernement ordonne la construction d'une route reliant le Sud dévasté à la capitale du Nord victorieux : symbole de la paix des braves .



Deux entrepreneurs étrangers ont pour mission de goudronner en quelques jours cette voie longue de plusieurs kilomètres , après quoi sera organisée une «  grande parade » où les gens du Sud se rendront au Nord en empruntant cette nouvelle route , le Nord et le Sud fraîchement réconciliés …

Les employés étrangers qui asphaltent choisissent un numéro , l'un se nommera Quatre et l'autre Neuf ….



Sans rien dévoiler je dirai simplement que «  Neuf » transgresse tous les codes comme un chien fou, «  Quatre » ne dévie jamais de sa route : tout les oppose , c'est le ressort de l'intrigue .

L'auteur questionne avec talent la valeur des tentatives de reconstruction par ceux qui sont à l'origine du carnage.

Il porte un regard d'une belle acuité sur le monde , dresse des portraits plutôt cyniques .

Brève , dure , percutante , à l'humour parfait , cette fable géopolitique, étonnante , clairvoyante , sans fantaisie , ni suspense , à la morale implacable, au sein d'un monde complexe et douloureux nous pousse à nous interroger sur nos relations avec le tiers monde , notre part d'humanité , notre capacité à ignorer les malheurs du monde .



La fin coup de poing , glaçante , tempère, je dirai même ——- douche nos optimismes définitivement ——-nous fait réfléchir , surprise très douloureuse sur la route immaculée : dure parabole sur l'incommunicabilité entre les hommes !

Ah , le thème de «  La Route » me fait penser à d'autres romans de la même veine ……

Un auteur talentueux que je ne connaissais pas !

Mais ce n'est que mon avis , bien sûr !











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Le Cercle

Quand Mae, vingt-quatre ans et folle de joie, franchit le portail du campus du Cercle pour y travailler, j'ai eu d'emblée l'impression de passer le seuil de l'Enfer. D'ailleurs, Cercle, Enfer... Dante et ses géographies infernales semblent bien proches.



Le roman de Dave Eggers traite de l'industrie des réseaux sociaux et du développement des nouvelles technologies. Cette vaste entreprise, le Cercle, prône un management qui place l'humain au centre de la relation professionnelle. Tout le monde sourit et répète les mantras gravés un peu partout sur les pavés des chemins et les murs. Comment ne pas voir là des caractéristiques d'une secte? Et ce n'est que le premier jour de Mae.

Son travail consiste à répondre aux clients du Cercle, dans le service Expérience Clients (service clients doit être devenu trop terre à terre). Mais également à participer de façon active et enthousiaste sur Zing (l'équivalent de Tweeter) et sur les profils des autres membres de la secte... pardon du Cercle. Le tout étant chiffré, analysé, enregistré, partagé...



Le Cercle pousse un chouïa notre société actuelle déjà ultraconnectée vers le pas supplémentaire. L'omniprésence des réseaux sociaux et d'Internet évolue vers leur omnipotence. C'est terrifiant, angoissant et pose quantité de questions sur la transparence et ses limites, le droit ou non à la vie privée, à la confidentialité, le libre arbitre, etc. Avoir des millions d'amis sur son compte qui envoient des tonnes de smileys, des commentaires à chaque zing ou post du genre "Ouah", "Trop bien"... bienvenue dans l'ultracommunication limitée!



C'est clair que le roman m'a beaucoup interpelée. Refusant Facebook, Tweeter, Instagram et autres, le propos du livre m'apparaît d'autant plus inquiétant. Il y a néanmoins pas mal de longueurs dans le développement. Et le personnage de Mae m'a énervée assez souvent. Maintenant, dilemme : faut-il se demander SI l'intrigue se réalisera dans la vraie vie ou QUAND elle deviendra vraie?
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Les héros de la Frontière

J’ai abandonné au bout de 130 pages. En fait, cette histoire m’a gavée. Josie, mère de deux enfants part avec eux en camping-car en Alaska pour y retrouver une amie d’enfance, sa presque « soeur ». Elles ont été élevées un temps ensemble.



Lors de son voyage, Josie nous fait part de ses interrogations sur sa vie en général, ses échecs, la vente de son cabinet dentaire suite à un procès, son divorce, son mari qui est un lâche. Elle fuit sa vie, elle est à la recherche d’elle-même, d’un lieu accueillant. L’herbe est tellement plus verte ailleurs.



Le hic, c’est que cela devient lassant. Tout est décrit en long en large et en longueur, la moindre action, le moindre geste… C’est « c….t » au possible.



Bref, j’ai laissé tomber. Et d’ailleurs, je n’ai pas trouvé d’humour dans cette histoire.



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Le Cercle

Le Cercle est le portail qui a absorbé Facebook, Twitter et Google grâce à son innovation majeure : TruYou, le « vrai moi ». L'internaute n'a plus qu'un seul compte, un seul mot de passe, un seul système de paiement. Mais surtout il apparaît sous sa véritable identité. Tout est désormais public et enregistré : ses commentaires, ses achats, son activité sur les réseaux sociaux. Les fondateurs du Cercle souhaitent aller plus loin et parvenir à une transparence totale. L'idée est que seuls ceux qui ont des choses à se reprocher ont besoin de l'anonymat. Consulteriez-vous des sites pornographiques si votre historique de navigation était public? Accompliriez-vous une mauvaise action si votre comportement était observé par des dizaines de caméras et des centaines d'internautes? La société multiplie les innovations et cherche à atteindre la complétude du cercle : il faut tout voir et tout savoir. Nous rentrons dans les arcanes du Cercle en suivant l'intégration de la jeune Mae Holland au sein du "service client" de l'entreprise. Il lui faudra partager, commenter et évaluer en permanence. Elle se doit d'être active et réactive face à un flot intarissable de sollicitations. Ce personnage sera le prisme au travers duquel seront dénoncés l'écrasement de l'intime et de la vie privée. le virtuel prend le pas sur le réel, l'être humain est saturé de sollicitations en tout genre et de bienveillance stérile. le roman nous questionne sur les conséquences perverses que pourraient avoir l'invasion des nouvelles technologies sur nos vies privées et nos libertés individuelles. Ce n'est certes pas une oeuvre sans défaut, on peut notamment lui reprocher des personnages plats et une intrigue sans surprise - mais c'est assurément un roman et invite à la réflexion dans la lignée de la série "Black Mirror".
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Le Cercle

Mae n'en revient pas : elle travaille au Cercle, l'endroit le plus in et le plus influent de la planète ; une tech-company qui fait rêver tout un chacun et traite ses employés comme des rois. Elle ne cesse de remercier Annie, son ex colloc de fac qui l'y a fait rentrer. Si Mae montre dès les premiers jours de l'enthousiasme à travailler, elle met toutefois du temps à s'habituer aux us et coutumes de la boîte, centrée sur le partage. Il ne lui faudra pas longtemps pour s'intégrer parfaitement et faire tout ce qu'on lui demande, sans se rendre compte qu'une transformation s'opère en elle...



Si vous avez lu et aimé 1984 (Orwell), Le Meilleur des mondes (Huxley) ou encore Fahrenheit 451 (Bradbury), il faut compléter avec Le Cercle, tout aussi ambitieux, d'autant plus qu'il est complètement ancré dans le monde numérique moderne qui nous entoure et gère notre vie depuis qu'internet est devenu accessible au grand public et que les réseaux sociaux ont émergé.

Le Cercle, c'est une compilation contemporaine et revue au goût du jour du pire que l'humanité avec ses grandes idées puisse nous réserver.

Le Cercle, c'est une allégorie même pas cachée du pouvoir que les géants de l'informatique tels Facebook et Google détiennent aujourd'hui ; pouvoirs sur l'information (et a fortiori la désinformation), sur la vie privée (et a fortiori ce qui ne le sera plus jamais vraiment), sur la liberté d'expression (ou pas) et la personnalité propre en fonction du regard d'autrui (comme si on était les mêmes IRL et online...).

Dave Eggers nous présente une société fictive aux relents bien réels installée sur un campus californien aux airs paradisiaques calqué que le modèle des tech-companies de la Silicon Valley, comme Facebook à Palo Alto (qui zyeute grandement sur Menlo Park et une future expansion de la taille d'une ville), Apple et son tout nouveau Apple Park à Cupertino (déjà trois campus dans la région, pourquoi s'arrêter là ?), ou même le Googleplex à Mountain View de Google, qui ne cesse de croître et vient encore d'acheter des milliers de mètres carrés à San Jose. Des villes dans des villes (et je ne vous parle pas du gravissime problème de logement qui court actuellement dans la Bay Area à cause de ça, généré entre autres par une politique depuis vingt ans d'acceptation de construction d'entreprises mais pas de logements, bref une toute autre histoire... ou pas). Ces entreprises, on le sait (et l'on pourrait aussi citer Amazon), ont ce qu'on appelle le monopole dans leurs marchés respectifs. L'auteur ne fait qu'à peine exacerber cette capacité d'un groupe unique à concentrer tous les pouvoirs et toutes les informations, et a ainsi, seulement cinq ans avant le drame Cambridge Analytica, dénoncé le fait que ces géants ne faisaient que bouffer nos données personnelles, les compiler, les analyser, les décortiquer pour mieux les utiliser, les revendre à prix d'or, pour mieux cibler, viser, attaquer de manière insidieuse les pauvres victimes consentantes malgré elles que nous sommes. Parce que nous aimons ces gadgets ; nous sommes devenus, volontairement ou non, des dépendants insouciants et imprudents.

Eggers ne fait, dans cet ouvrage, que pousser à peine des limites déjà atteintes et souvent déjà repoussées. Sous couvert à chaque fois de bonnes intentions comme le but d'éradiquer les violences familiales, les enlèvements d'enfants ou le crime en général, les personnages responsables de la firme développent les dernières technologies capables d'enlever toute liberté individuelle, se préparant derrière une pluie de smileys à une tyrannie globale qui de loin n'en a pas l'air mais que personne ne pourra jamais combattre.

Sans jamais dire que derrière toutes ces innovations censées régler tous les malheurs du monde il y a des atteintes graves et supplémentaires à l'indépendance, le lecteur comprend toutefois très vite les enjeux et problématiques que suscitent de tels "progrès". On écarquille les yeux, on lâche des "oh, purée" d'hallucination tant on ne serait probablement pas d'accord qu'un pas en avant vers la sécurité nous ramène trois pas en arrière vers une autorité despote et l'hégémonie, que tout le monde puisse voir à n'importe quel moment où on est et ce qu'on fait, ce qu'on a mangé, ce qu'on pense, si on est endetté, si on a voté aux dernières élections et surtout pour qui, si notre cholestérol a augmenté voire même si on a des criminels dans la famille, idées toutes développées dans ce livre (d'ailleurs, aurions-nous tout autant halluciné en 1990 si on nous avait dit qu'un jour on partagerait nos photos et notre vie à des inconnus qui peuvent interagir avec nous en un clic ? Et aurions-nous été d'accord que ces plateformes soient utilisées pour nous bombarder de publicités, nous inciter à l'achat jusque dans notre maison, collecter nos données personnelles tout en sachant que n'importe qui, même à 10 000km et sans s'être jamais vus, pourrait critiquer ce qu'on fait et ce qu'on dit, jusqu'à même qui on est et tous les pauvres détails qui peuvent emballer une photo ou un commentaire, ou nous traiter de tous les noms sans justification ? Aurions-nous dit "oui" à une telle société ?).

Le Cercle, c'est purement et simplement une secte. Ses employés, incités à ne jamais quitter le campus qui dispose de tout (pratique, non ? Oui mais...), sont tous complètement façonnés et moulés dès leur arrivée, sont tous des disciples inconscients d'une organisation qui se cache derrière la technologie et le fric, derrière les cadeaux, la bouffe gratuite, l'abonnement à la gym inclus, les massages fournis, la boutique sur place et le gîte/couvert offerts. Les trois grands patrons se font nommer rien de moins que "les 3 Sages", qui d'ailleurs eux ne participent pas franchement à toute la "transparence" qu'ils réclament de leurs collègues et de la population mondiale. On y reconnaît en outre l'empreinte d'une société telle que celle de l'Eglise de Scientologie, dont le but scandé est la création "d'une civilisation sans folie, sans criminel et sans guerre, dans laquelle les gens capables peuvent prospérer et les gens honnêtes peuvent avoir des droits, et dans laquelle l'homme est libre d'atteindre des sommets plus élevés", mais dont les méthodes sont loin de rejoindre leur candide slogan, et pour qui la pression, l'intimidation, le chantage, l’interdiction de circuler hors du cocon et la pensée totalitaire sont de mise. Exactement comme au Cercle, qui pense aussi avoir une mission, celle de rendre le monde transparent, accessible à tous, car le savoir est la propriété de tous. Car rappelons-le, au Cercle : Partager, c'est aimer ; garder pour soi, c'est voler". Notons d'ailleurs, entre brèves parenthèses, qu'à leur système nommé TruYou (qu'on pourrait traduire par "le vrai soi") on pourrait simplement ajouter une lettre et obtenir ThruYou ("à travers soi", dans le sens "je vois tout de toi"), une simple distorsion orthographique et phonétique qui veut pourtant tout dire...

Quant à ce qu'ils exigent de leurs employés qui bossent chacun avec neuf écrans d’ordinateur, deux bracelets électroniques et un casque audio qui parle tout le temps, ça peut s'assimiler à de l'asservissement, de l'abus de pouvoir, de l'esclavagisme pur et simple que les pauvres brebis pas errantes du tout (et c'est ça le pire) se voient contraintes d'accepter, parce que ça a l'air normal, que c'est comme ça que ça marche ici, qu'on le demande avec le sourire et parce qu'on leur a bien fait comprendre qu'ils faisaient partie d'une communauté, d'un avenir en marche, qu'on leur a servi le blabla de la chance d'être un écrou dans le changement imminent de l'ordre mondial (prenez "ordre" dans les deux sens) et que sans eux le Cercle ne serait rien et que le Cercle, bien sûr, les aime.

Et puis toute la notion du regard de l'autre. Des autres, de la communauté. Du monde. Les exigences relationnelles, le pouvoir d'un pouce levé, d'un commentaire. L'influence, les followers, le reflet de soi dans les écrans des autres. Le harcèlement de l'image. La perte de son identité propre soumise au jugement de la masse...

Ce livre, qui n'est pourtant pas écrit dans une prose phénoménale, il faut l'avouer, fait néanmoins immensément réfléchir à notre condition actuelle, notre nouveau moi face au monde virtuel, à ce que le monde informatique peut aussi bien nous offrir que nous voler.

C'est de l'anticipation ? Non, c'est demain. C'est maintenant.

Brillant.
Lien : http://livriotheque.free.fr/..
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Le moine de Moka

Alors que Mokhtar, jeune homme américano-yéménite, a abandonné ses études de droit à San Francisco et subvient à ses besoins en étant portier, il va trouver sa voie en découvrant que le Yémen est à l'origine de la découverte et de la culture du café.

Etonné par cette découverte, il va décider de redonner ses lettres de noblesse à ce grain, alors que les connaissances et savoir-faire dans son pays d'origine ont quasiment disparu au profit d'autres contrées.

Tout ce projet est bien évidemment complexe, d'autant plus que Mokhtar le lance juste avant et au moment de la guerre civile dans le pays, en 2015. Car, je n'en avais pas conscience au moment de la lecture, mais cette histoire est une biographie et Mokhtar existe vraiment!

Peut-être que si j'avais compris cela plus tôt, cela m'aurait accroché davantage à cette histoire assez incroyable où l'on voit grandir et se sortir de mauvaises passes Mokhtar tout au long du roman.

De nombreux babelionautes ont vanté les talents de conteurs de Dave Eggers. De mon côté, je n'ai pas été tant enthousiasmée malheureusement par son écriture et j'ai mis 3 semaines à lire ce roman. Certains passages relèvent même plus de l'écrit journalistique que du roman.

C'est assez paradoxal, mais je n'avais pas envie de l'arrêter, ni la force de prolonger à plus de 15-20 pages par jour. Ainsi, j'ai trouvé ce roman informatif, bien documenté, mais assez lent aussi, alors même qu'il s'y passe plein de choses. Bref un sentiment à la fois étrange et mitigé pour moi. Le fait d'en découvrir davantage sur l'histoire et la culture du café, ainsi que sur le Yémen et ses habitants ont été mes moteurs pour clore cette lecture.
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Le Cercle

Je sors à l'instant de ce roman qui m'a profondément scotché et secoué. Je ne sais pas si ce live possède la valeur littéraire de 1984 ou du Meilleur des mondes, mais je sais en revanche qu'il m'a fait réfléchir comme jamais sur certains traits de votre époque.

Mae Holland, une jeune et jolie femme est embauchée au Cercle, une société de la Silicon Valley qui fait irrémédiablement penser à Facebook, Google ou Apple, ou même plutôt comme à une sorte de mélange des trois. Elle découvre une société highTech telle qu'on l'imagine, bureau très classe, Open Space, surcharge écrasante de travail, confusion vie privée et boulot etc...Puis peu à peu, en montant dans la société elle est associée à des projets de plus en plus excitants. Si elle ne comprend guère tous les problèmes qu'impliquent les technologies auxquelles elle contribue, ce n'est pas notre cas à nous lecteurs qui comprenons qu'elle est en train de plonger dans un cauchemar totalitaire. Et avec elle tout le reste de la population soucieuse de transparence. Sous couvert d'améliorer la société, le monde devient proprement terrifiant. Plus de jardins secrets ou d'intimité dans ce nouveau monde high tech et tout cela bien sûr pour notre bien. Dans un récent article du monde un journaliste s'interrogeait sur un enfant qui dès le CM1 voulait non pas un téléphone mais un smartphone, avec dès cet âge un volume horaire incroyable accordé aux réseaux sociaux. Pas de doute, si ce monde terrifiant imaginé par Dave Eggers doit arriver, alors il a peut-être commencé.

le problème est que le monde décrit dans ce livre brillant qui se dévore ressemble furieusement eu notre.

Je ne suis pas prêt d'oublier certaines scènes du livre que je m'en voudrais de spoïler. La force du livre est de se placer du côté de cette jeune femme qui ne perçoit que la séduction de ce monde factice qui devient son seul monde, à l'exclusion de tout autre.

C'est vraiment un livre qui m'a terrifié. Il pourra rappeler certaines choses à ceux qui ont pu regarder cette superbe série Black Mirror. le livre a toutefois précédé la série et possède sa propre force.

Comment ne pas s'interroger sur la force et la puissance d'attraction de ces réseaux sociaux fussent-ils littéraires qui conduisent un inconnu à écrire une critique pour des inconnus et d'autres inconnus à la lire ? L'auteur semble nous dire qu'il serait peut-être temps de s'effacer de tous les réseaux sociaux, mais en aurons-nous la force ?

On ne ressort pas tout à fait indemne de cette lecture qui nous interroge toutes et tous. En tout cas si nous ne le faisons pas, un jour il sera trop tard.

Le fait d'avoir choisi une héroïne totalement aveugle à ce à quoi elle contribue m'a paru après coup fort pertinent. Elle, c'est nous.
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