Balzac a choisi le genre épistolaire pour nous présenter le mariage sous plusieurs formes. Louise et Renée se sont connues au couvent, et une fois rendues à la liberté, elles continuent à correspondre alors que leurs vies ont pris des tournures différentes.
Tout semble les opposer, le physique, le statut social, à tel point qu’on à parfois l’impression d’avoir deux aspects d’une même personnalité, tant le lien qui les unit est particulier…
D’un côté Louise, blonde, fille de la noblesse (un Duc parmi les ancêtres, exilé, mis à mal sous Napoléon, avec un retour en grâce sous Louis XVIII), un héritage que la famille la contraint à abandonner au profit d’un frère. Elle épouse, sans dot donc, un noble espagnol devenu apatride, son frère ayant hérité du titre et de la fiancée, devenant ainsi Louise de Macumer.
L’autre, brune, épouse un homme plus âgé qu’elle, dont la vie a été difficile, sa famille l’a cru mort au combat et part vivre avec lui en Provence, devenant Renée de l’Estorade.
Balzac nous raconte ainsi deux mariages aussi différents que le sont ces deux héroïnes : Louise s’est mariée par amour, Renée a fait un mariage de raison, d’où une réflexion sur l’amour passion par rapport à l’amour raison qui se construit peu à peu.
On se rend compte que Louise est amoureuse de l’amour : son premier mari est fou d’elle, et amoureuse de son propre reflet, tel Narcisse, elle se laisse adorer, vénérée, s’étourdissant dans la vie parisienne et les fêtes, l’insouciance, jalouse de toute femme qui peut lui faire de l’ombre, prenant un peu des distances épistolaires avec son amie tant leurs milieux diffèrent.
« Ton mariage purement social, et mon mariage qui n’est qu’un amour heureux, sont deux mondes qui ne peuvent pas plus se comprendre que le fini ne peut comprendre l’infini. Tu restes sur la terre, je suis dans le ciel ! Tu es dans la sphère humaine, je suis dans la sphère divine ! »
Avec son deuxième mariage, avec un poète qu’elle emmène loin de tout, dans un paradis terrestre (pour vivre heureux, vivons cachés), ce sera l’inverse, c’est elle qui se consume d’amour.
Renée construit sa vie, s’épanouissant dans son rôle de mère, œuvrant pour que son époux arrive à la députation. Pour elle, il s’agit de devoir conjugal où le plaisir est absent, de dévouement envers la famille.
« Tu peux avoir les illusions de l’amour, toi, chère mignonne ; mais moi, je n’ai plus que les réalités du ménage. »
Balzac nous fournit ainsi une étude approfondie du mariage à travers deux conceptions différentes, voire opposées, sans prendre parti. Il nous donne probablement accès à sa part féminine en même temps qu’il évoque la condition des femmes à son époque. Renée représente-t-elle pour lui la mère idéale qu’il n’a pas eue ?
Bien-sûr, les lettres s’espacent au fil du temps et de la vie de chacun, mais l’auteur nous raconte aussi une belle histoire d’amitié entre Louise et Renée, même si leurs idées divergent de plus en plus, il y a une forme d’entraide : Louise se sert de ses relations pour aider la carrière politique du mari de Renée par exemple. Renée qui tente, elle, de faire prendre conscience à Louise de son égoïsme, son auto-centrisme, se fait rabrouer.
Certes, ce n’est pas le roman de Balzac que je préfère, mais son analyse du statut de la femme mariée au XIXe siècle m’a plu et il n’y a pas si longtemps que cela qu’une femme peut choisir librement son mari, sans subir des pressions de sa famille et dans certaines cultures les choses ont guère évolué.
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